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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 17 NOVEMBRE 2005 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Demande d'explications de M. François Roelants du Vivier à la vice-première ministre et ministre de la Justice sur «la sanction du négationnisme en droit belge» (nº 3-1095)

M. François Roelants du Vivier (MR). - Sachant que votre temps est précieux, madame la vice-première ministre, je vais tenter d'être bref.

Je me permets de revenir sur le projet de loi concernant le négationnisme, examiné en juin dernier par la commission de la Justice du Sénat.

En effet, lors de ces débats assez animés, vous vous êtes engagée à confier à la commission de Droit international humanitaire le soin de préparer un texte permettant de reconnaître et de sanctionner le négationnisme et, notamment, la négation du génocide arménien, tant les questions juridiques soulevées étaient nombreuses et nécessitaient une étude en profondeur par des experts.

Comment sanctionner de tels propos ? Comment faire régner la paix sociale et garantir le respect des principes démocratiques essentiels et des libertés fondamentales prévus par la constitution et les conventions internationales ? La lutte contre le négationnisme va-t-elle à l'encontre de la liberté d'expression ?

En raison de difficultés juridiques, le Sénat n'a, jusqu'à présent, pu jouer son rôle de chambre de réflexion, ce que j'ai déploré car, et j'insiste sur ce point, notre pays doit, dans ce domaine, se prévaloir d'une position éthique qui peut être considérée comme un modèle pour d'autres pays : à part la France, l'Allemagne, l'Autriche, l'Espagne ou la Suisse, notamment, peu de pays ont inscrit dans leur législation la sanction pénale du négationnisme.

Mon groupe politique est convaincu de la nécessité d'une telle sanction pénale. Les propos récents tenus par des responsables politiques ainsi qu'une récente décision de justice m'ont renforcé dans mes convictions profondes. Il faut donc désormais ouvrir le champ de la loi à tous les génocides reconnus et oeuvrer à la reconnaissance des autres génocides perpétrés, et cela sans tarder.

C'est pourquoi je souhaiterais connaître l'état des travaux de cette commission de Droit international humanitaire. Vous aviez d'ailleurs dit en commission de la Justice : « Je m'engage vis-à-vis du Sénat, qui souhaite réaliser un travail de qualité sans qu'il soit remis aux calendes grecques, à l'informer régulièrement de l'ordre du jour de la commission, de l'avancement des travaux et du terme prévu pour l'ensemble des experts ».

Qu'en est-il donc de la sanction du négationnisme commis à l'encontre des génocides et, particulièrement, à l'égard du génocide arménien ? Étant donné votre promesse d'informer régulièrement le Sénat de l'évolution des travaux de cette commission, j'aimerais savoir où ils en sont.

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre de la Justice. - Conformément à l'engagement évoqué par M. Roelants du Vivier, j'ai, à la suite de la séance en question, immédiatement saisi la commission interministérielle de Droit humanitaire de la problématique de la sanction du négationnisme en droit belge.

Cette commission a directement chargé son groupe de travail législation de lui présenter dans les meilleurs délais un rapport final contenant un texte d'avant-projet de loi et un projet d'exposé des motifs.

Le groupe de travail a également été chargé de présenter des rapports intermédiaires à chaque réunion de la commission plénière.

Ce groupe de travail, composé de fonctionnaires experts en la matière, de magistrats et de professeurs d'université n'a pas chômé depuis le 1er août dernier, date de sa première réunion.

Tout d'abord, un examen de droit comparé au sein des 46 États du Conseil de l'Europe est en cours, une vingtaine d'États ayant déjà répondu.

Ensuite, toutes les questions techniques qu'il convient de résoudre pour finaliser l'avant-projet de loi ont été clairement identifiées en vue des auditions à venir.

Enfin, les auditions des experts des différents panels qu'il convient de consulter - juristes internationalistes, constitutionnalistes, pénalistes, historiens, sociologues, etc. - pour mener à bien ces travaux débuteront en janvier à un rythme soutenu, de même que les auditions des associations relevant de la société civile et qui s'étaient exprimées en marge des travaux parlementaires de la précédente session.

Les convocations pour les premières auditions doivent être envoyées début décembre ; les auditions auront lieu début 2006.

Un nouveau rapport intermédiaire sera présenté par le groupe de travail à la commission plénière, dans le courant du mois de décembre. Je me propose de vous informer de son contenu lorsque je recevrai le rapport.

M. François Roelants du Vivier (MR). - Je remercie Mme la ministre de me tenir informé de l'évolution des travaux de cette commission ; je me réjouis qu'elle ait commencé sa tâche sans désemparer.

Afin d'éviter que cette question très sensible n'interfère avec des échéances électorales, il serait bon de progresser rapidement. C'est dans l'intérêt de tous, surtout pour ne pas céder le pas à l'extrême droite.