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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 10 NOVEMBRE 2005 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Questions orales

Question orale de M. François Roelants du Vivier au ministre des Affaires sociales et de la Santé publique sur «le remboursement de l'Herceptin» (nº 3-837)

M. François Roelants du Vivier (MR). - Ma question concerne le remboursement de l'Herceptin, un médicament ayant une grande efficacité dans la pathologie du cancer du sein.

Le cancer du sein reste un problème de santé publique préoccupant quand on sait qu'en Europe, toutes les deux minutes, une femme reçoit l'annonce du diagnostic d'un cancer du sein et qu'en Belgique, on dénombre plus de 7.000 nouveaux cas par an et plus de 2.500 décès chaque année.

En matière de cancer du sein, la recherche clinique a toujours joué un rôle essentiel. C'est en effet la recherche clinique qui a permis d'abandonner, pour un nombre important de femmes, des traitements chirurgicaux extrêmement mutilants et qui permettra, peut-être, d'envisager des traitements de radiothérapie beaucoup plus courts.

Récemment, une vaste étude randomisée intitulée HERA, pour Herceptin adjuvant, a été menée chez des patientes atteintes d'un cancer du sein de stade précoce mais invasif et après que celles-ci avaient été traitées par chirurgie, chimiothérapie et radiothérapie. Ces récents essais cliniques ont abouti à des résultats surprenants grâce à l'administration d'un traitement de nature biologique, l'Herceptin. Selon le professeur Piccart qui a dirigé l'étude menée en Europe, on a constaté qu'après un an, le risque de récidive était réduit de 46% et qu'un an après l'arrêt, l'avantage était tout aussi évident avec 86% de femmes sans récidive contre 77% chez celles qui avaient bénéficié du traitement optimal, mais sans Herceptin.

Compte tenu des résultats de ces avancées scientifiques inespérées, la France et les Pays-Bas ont d'ores et déjà accordé un remboursement de ce produit révolutionnaire - pour reprendre les termes du professeur Piccart -, produit dont le coût annuel est évidemment élevé puisqu'il est d'environ 36.000 euros par patiente. Selon les spécialistes, environ 1.000 femmes seraient concernées en Belgique par ce traitement. Seulement voilà, actuellement, le médicament ne fait pas l'objet d'un remboursement de la sécurité sociale et il n'a du reste toujours pas été enregistré. Toute la procédure doit encore être suivie : la Food and Drug Administration aux États-Unis et l'Agence médicale européenne en Europe. Au mieux, les femmes concernées ne pourraient bénéficier de ce traitement prometteur qu'à partir de la mi 2007.

Je sais qu'il y a des possibilités. Vous avez notamment rencontré le professeur Piccart, me semble-t-il. Il y a ce qu'on appelle la procédure du chapitre IV que vous avez déjà utilisée pour ce qui concerne le vaccin contre la grippe et qui permet au médecin conseil de donner son accord pour le remboursement d'un médicament de ce type. Encore faut-il que le médecin conseil ait cette possibilité, ce qu'il n'a pas à l'heure actuelle pour ce type de patientes.

De quelle manière envisagez-vous une possibilité de remboursement de l'Herceptin ? Comptez-vous prendre des mesures structurelles qui permettraient, à l'instar de ce qui se fait en France, de disposer d'une réserve budgétaire pour les médicaments innovants, afin que les personnes concernées puissent rapidement bénéficier de ces avancées scientifiques majeures et imprévisibles par nature ? J'ai cru entendre qu'il existait une réserve d'environ 141 millions dans le budget 2006. Tout ou partie de cette réserve pourrait peut-être servir au remboursement de l'Herceptin.

M. Rudy Demotte, ministre des Affaires sociales et de la Santé publique. - Le problème du remboursement de l'Herceptin dans l'indication « traitement adjuvant du cancer du sein » m'est bien connu.

Mme le professeur Piccart, pour laquelle j'ai la plus haute estime, est venue en personne, accompagnée de collègues, pour attirer mon attention sur les bénéfices de cette molécule dans l'indication mentionnée.

Les résultats de l'étude clinique HERA sont extrêmement importants pour les patientes atteintes de certains cancers du sein, en particulier ceux déterminés par l'identification de récepteurs sur lesquels je ne m'étendrai pas dans ce cadre. Comme je l'ai dit au professeur Piccart, cette nouvelle indication n'a pas encore fait l'objet d'un dépôt, par la firme Roche, d'une demande d'extension des indications actuellement admises pour ce médicament.

En effet, il arrive qu'un médicament soit reconnu pour certaines indications mais, qu'au fil du temps, d'autres indications se révèlent intéressantes. L'étude HERA semble révéler des indications dignes d'intérêt par rapport à l'action inhibitrice sur les récepteurs auxquels j'ai fait allusion.

L'EMEA signale qu'elle a déjà eu à traiter semblables situations et qu'elle est capable de procéder à l'évaluation d'études cliniques avancées et jugées significatives, dans des délais fort courts, à savoir deux à trois mois. L'Herceptin est déjà remboursé au vu des indications pour lesquelles il a été enregistré. Mes services, en collaboration avec l'INAMI, l'administration du SPF Santé publique et la firme Roche, étudient en urgence les différentes solutions possibles pour permettre l'accès des patientes à ce traitement, sans attendre que l'indication soit enregistrée et que les démarches pour l'admission au remboursement du médicament aient abouti.

J'ajoute que ce dossier, qui me tient à coeur, va poser divers problèmes.

Le premier concerne l'accélération extrême des procédures. Le deuxième est d'ordre budgétaire.

En effet, s'il est vrai, et les médecins peuvent en parler mieux que moi, que ce type de molécule permet de prévenir, dans un nombre significatif de cas, certains types de cancers du sein, il n'en est pas moins vrai que son coût unitaire actuel est extrêmement élevé, à savoir, si je ne m'abuse, d'environ dix mille euros par an.

M. François Roelants du Vivier (MR). - Trente-six mille euros par an.

M. Rudy Demotte, ministre des Affaires sociales et de la Santé publique. - Nous sommes confrontés à une pathologie qui touche quelque mille patientes. Je vais tâcher de trouver des solutions, non seulement sur le plan technique mais aussi sur le plan budgétaire, ce qui est difficile pour moi, étant donné que je suis en pleine recherche de moyens en matière de soins de santé.

Je vous remercie d'avoir posé cette question qui permet de redonner un peu d'espoir à des patientes qui sont dans l'attente.

M. François Roelants du Vivier (MR). - Je remercie le ministre de sa réponse et de son engagement dans ce dossier.

Je lui rappelle - mais il le sait certainement - que le Royaume-Uni a remédié au problème voici trois semaines. L'Allemagne et la France ont également trouvé une solution. J'espère que le ministre fera de même.