3-1439/1 | 3-1439/1 |
18 NOVEMBRE 2005
Au cours des dix dernières années, l'inégalité salariale entre hommes et femmes ne s'est pas amenuisée. Diverses études montrent qu'en dépit de l'évolution salariale et des augmentations du salaire moyen des dernières années, l'écart salarial moyen est resté inchangé en Belgique depuis dix ans.
C'est la raison pour laquelle la journée du 31 mars a été symboliquement proclamée « Equal Pay Day » (1) . La date symbolise la partie de l'année durant laquelle les femmes doivent travailler plus pour gagner le salaire complet d'un homme. C'est la journée au cours de laquelle on dénonce l'écart salarial entre hommes et femmes.
1. Situation de fait
Dans la plupart des études (2) , on parle d'un écart salarial moyen ou d'un retard salarial de 12 % au détriment des femmes, calculé sur la base du salaire horaire brut.
Bien que la position de la Belgique dans le peloton européen en termes de retard salarial au détriment des femmes ne soit pas si mauvaise, cette « bonne » position n'en reste pas moins très relative. En effet, l'écart salarial entre les hommes et les femmes ne s'est plus réduit depuis le milieu des années 90.
Non seulement les femmes gagnent moins que les hommes, mais une enquête anonyme de Vacature (3) révèle que les femmes peuvent en outre moins souvent prétendre à des avantages extralégaux comme un GSM, un ordinateur ou une voiture de société. De surcroît, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à travailler à temps partiel ou à prendre une interruption de carrière, si bien qu'elles peuvent faire valoir une ancienneté moindre, ce qui se traduira par une pension (complémentaire) moins élevée. L'écart salarial entre hommes et femmes représente donc, au bout du compte, un important manque à gagner pour la femme.
Si on compare les écarts salariaux respectifs des diverses régions du pays, les différences sont surtout perceptibles dans le secteur public. Les différences régionales sont déterminées notamment par l'importance numérique des travailleurs du secteur public et par la plus grande proportion de femmes au sein de celui-ci (cela vaut surtout pour Bruxelles). En ce qui concerne le secteur privé, on note peu de différences régionales (4) .
En outre, en ce qui concerne l'écart salarial, de grandes différences subsistent suivant le secteur où l'on travaille (différence de 7 % à 22 % en termes de salaire horaire brut), selon que l'on est employé ou ouvrier (écart salarial supérieur chez les employés), suivant la taille de l'entreprise (écart supérieur dans les grandes entreprises), et selon que l'on travaille à temps plein ou à temps partiel (écart salarial supérieur chez les travailleurs à temps plein; chez les travailleurs à temps partiel, le sexe ne joue guère de rôle (5) .
On constate que plus le secteur est « riche » (comme le secteur banque-assurances et le secteur énergétique), plus il y a d'inégalité et d'arbitraire dans la répartition de la masse salariale. Toutefois, l'exception à cette règle est le secteur de l'habillement, où l'écart salarial demeure relativement important.
Il ressort d'une étude récente du « Steunpunt Werkgelegenheid, Arbeid & Vorming » (WAV) (6) qu'indépendamment des différences sectorielles, les salaires ont évolué de manière uniforme entre 1995 et 2001: femmes et hommes, travailleurs à temps plein et à temps partiel, etc. Pour toutes ces catégories, les augmentations salariales se situaient dans le même ordre de grandeur. En conséquence, l'écart salarial ne s'est guère réduit. L'écart entre le salaire annuel brut moyen d'un homme et le salaire annuel brut moyen d'une femme est toujours de 24 % (7) .
Schématiquement, on peut dire que, bien qu'ils représentent 56 % du marché du travail rémunéré en Belgique, les hommes détiennent non pas 56 % mais 65 % de la masse salariale totale (8) .
L'Europe estime qu'il faut accroître la participation des femmes au marché du travail. Ainsi a-t-on prévu lors du sommet de Lisbonne en 2000 que d'ici 2010, 60 % des femmes doivent être présentes sur le marché du travail. À l'heure actuelle, ce pourcentage dépasse à peine les 43 %. En comparaison avec les hommes, les femmes sont donc toujours sous-représentées sur le marché du travail et, si elles travaillent, elles sont moins bien payées que leurs collègues masculins.
Une enquête menée récemment par le centre de recherche INRA auprès de deux mille Belges (9) montre clairement que tant les hommes que les femmes considèrent l'inégalité salariale comme le principal obstacle à l'égalité entre hommes et femmes. Trente-huit pour cent des femmes interrogées et trente-sept pour cent des hommes sont d'avis que, pour réaliser l'égalité de genre, il faut instaurer en priorité une égalité de rémunération.
2. Les causes de l'écart salarial entre hommes et femmes en Belgique
Les hommes gagnent, en moyenne, 2,41€ de plus par heure que les femmes. Cet écart salarial est imputable pour moitié environ aux diverses positions que les femmes occupent sur le marché du travail. Pour l'autre moitié, cet écart ne s'explique (toujours) pas.
2.1. La partie expliquée de l'écart salarial
Une partie de l'écart salarial entre les femmes et les hommes peut s'expliquer. Les femmes sont moins payées que les hommes, parce qu'on trouve proportionnellement plus d'hommes actifs dans les secteurs et les professions les mieux rémunérés. On est confronté à cet égard à ce qu'on appelle une ségrégation horizontale. En outre, les femmes se heurtent souvent à un « plafond de verre », en ce sens qu'elles ne parviennent pas à accéder aux fonctions supérieures et qu'elles restent confinées dans des fonctions exécutives subalternes, victimes de ce qu'on appelle la ségrégation verticale. Il est frappant de constater que, malgré la résorption du retard scolaire des filles, le nombre de femmes managers a fortement diminué entre 1998 et 2003 et est tombé à moins de 30 %. Aucune des 50 plus grandes entreprises européennes cotées en bourse n'est dirigée par une femme. Il ressort pourtant d'une étude de l'école britannique Cranfield School of Management que les femmes sont très performantes dans les fonctions supérieures, ce qui est tout bénéfice pour les résultats de l'entreprise. Il semblerait que les femmes qui exercent une fonction dirigeante ont une approche des problèmes différente de celle des hommes, qu'elles tiendraient compte davantage des évolutions sociales, qu'elles ressentiraient mieux les tendances et qu'elles seraient mieux à même de motiver le personnel (10) .
Outre le fait que les femmes sont confrontées à une ségrégation verticale et à une ségrégation horizontale, il y a le fait qu'elles recourent plus souvent au système de l'interruption de carrière, par exemple pour prendre un congé parental à la suite d'une maternité, et qu'elles accumulent dès lors moins d'ancienneté que les hommes.
Les femmes travaillent aussi davantage à temps partiel, et le travail à temps partiel des femmes et des hommes est moins bien rémunéré et offre moins de perspectives d'avancement et de formation.
Pourtant, les femmes obtiennent aujourd'hui de meilleurs résultats que les hommes dans les niveaux supérieurs de l'enseignement. Comme on peut le voir dans le graphique ci-dessous, les femmes sont en train de rattraper les hommes en ce qui concerne le niveau de formation. Les filles de la jeune génération obtiennent même des résultats nettement meilleurs que les garçons. Il faudra donc abandonner bientôt le raisonnement selon lequel les femmes gagnent moins que les hommes, parce qu'elles sont moins qualifiées ... à moins que les discriminations sur le marché du travail ne perdurent.
On constate en effet que les femmes qui accèdent au marché du travail ont toujours moins de possibilités de bénéficier de formations théoriques et pratiques complémentaires et de possibilités d'avancement que leurs collègues masculins. Par ailleurs, on continue à sous-estimer les secteurs dits « féminins » et les professions dites « féminines » (11) .
Pour résumer, nous schématiserons comme suit les critères en fonction desquels on explique l'inégalité salariale (les principaux sont la ségrégation horizontale et la ségrégation verticale):
2.2. La partie (encore) non expliquée de l'écart salarial
Plus de la moitié de l'écart salarial entre les femmes et les hommes est encore inexpliquée. Il est probable que certaines discriminations influencent la manière dont on évalue les fonctions et la manière systématiquement désavantageuse pour les femmes dont leur évaluation est traduite au niveau des salaires.
Il s'avère que les systèmes de classification de fonctions, qui déterminent en partie l'écart salarial, sont loin d'avoir été mis à jour sur le plan sectoriel et au niveau des entreprises. L'évaluation et la classification des fonctions se font pour une grande part sur la base de critères subjectifs. C'est donc à juste titre que les partenaires sociaux se sont intéressés, ces dernières années, au développement et à l'application de systèmes analytiques de classification de fonctions neutres en termes de genre.
Pour éviter autant que possible les discriminations, il importe de disposer d'un système analytique bien documenté, basé sur une série de critères d'évaluation prédéfinis ou sur des caractéristiques de fonction qui sont valables pour toutes les fonctions (comme les connaissances requises, le sens des responsabilités, les aptitudes nécessaires et les conditions de travail) et sur une répartition salariale proportionnelle entre les secteurs typiquement masculins et les secteurs typiquement féminins. Il importe de faire mieux admettre ces systèmes si l'on veut pouvoir atteindre l'objectif de l'égalité des chances (objectivation), mais aussi si l'on veut lutter contre l'individualisation de plus en plus poussée de la rémunération au niveau de l'entreprise (collectivisation (12) ). En fin de compte, la réduction et la suppression de l'écart salarial entre les femmes et les hommes au moyen de méthodes analytiques d'évaluation des fonctions seront bénéfiques pour tout le monde.
3. Bilan juridique
3.1. La Belgique
La Belgique dispose d'un bon cadre législatif, qui impose le respect du principe « à travail égal et d'égale valeur, salaire égal » et qui doit inciter les secteurs et les entreprises à agir en conséquence.
Les éléments qui fondent le principe de l'égalité des rémunérations dans notre pays sont inscrits dans notre Constitution: la jouissance des droits et des libertés est accordée aux Belges sans discrimination. Ce principe de non-discrimination est consacré par la loi du 7 mai 1999 sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne la rémunération, l'évaluation des fonctions et les classifications de fonctions.
Par ailleurs, l'arrêté royal du 14 juillet 1987 prévoit que les entreprises doivent faire rapport annuellement au sujet de la politique qu'elles mènent en matière d'égalité hommes-femmes. Il prévoit également la possibilité de développer des programmes d'égalité des chances au niveau sectoriel et au niveau des entreprises. Il existe en outre des normes européennes et internationales qui garantissent l'égalité de traitement dans le cadre de la formation des salaires.
3.2. Europe
L'Union européenne a énoncé le principe de l'« égalité de rémunération pour un même travail » dès 1957 à l'article 119 du Traite de Rome. Ce principe a été précisé continuellement depuis dans le cadre législatif européen.
Cette année, il y a tout juste 30 ans que le Conseil de la Communauté européenne promulguait une directive relative à l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins (13) , qui imposait à tous les États membres l'obligation de prendre les mesures nécessaires en vue de supprimer les discriminations entre les hommes et les femmes qui entraînaient une inégalité des rémunérations. La directive évoquait la ségrégation (14) sur le marché du travail et précisait que cette ségrégation ne pouvait servir d'argument pour éluder un débat sur l'inégalité des rémunérations. La recherche de systèmes de classification sexuellement neutres fut également stimulée de la sorte.
Ensuite, en 1976, il y a eu la directive générale (15) du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes sur le marché du travail.
Mais l'Europe ne s'en est pas tenue là. En 1994, la Commission européenne a publié un mémorandum sur l'égalité des rémunérations pour un travail de valeur égale (16) . Cette initiative visait à mettre l'accent sur la responsabilité des partenaires sociaux concernant l'inégalité des rémunérations ainsi que sur la responsabilité des pouvoirs publics dans tous les États membres. En 1996, la Commission européenne a publié un « Code de conduite pour l'application du principe d'égalité de rémunération pour un travail de valeur égale ».
En 2002, la directive générale de 1976 a été revue en fonction du principe de « l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ». La directive modifiée interdit explicitement toute discrimination directe ou indirecte en matière d'emploi et de travail, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. En outre, elle fournit des instruments juridiques permettant d'assurer le respect effectif du principe d'égalité. La directive oblige également les États membres à fournir à tous les travailleurs qui estiment ne pas être payés correctement la possibilité de faire valoir leurs droits. Cette directive doit avoir été transposée par les États membres pour novembre 2005.
Le principe du gender-mainstreaming joue depuis assez longtemps déjà un rôle important en Belgique et dans les institutions européennes, mais il faudra encore beaucoup de temps pour que le principe d'égalité y ait acquis totalement droit de cité et soit totalement appliqué. Il faudra plus que des textes de loi pour pouvoir assurer l'égalité salariale. Il faut mettre au point une stratégie globale pour pouvoir développer et faire appliquer le principe de l'égalité des rémunérations. C'est dans cette optique que la stratégie de Lisbonne en matière d'emploi (17) définit les lignes de force d'une politique d'élimination des inégalités structurelles entre les hommes et les femmes sur le marché du travail. Il faudra toutefois encore consentir d'énormes efforts pour pouvoir atteindre les objectifs de Lisbonne.
3.3. Les partenaires sociaux
Au cours des trois dernières décennies, les partenaires sociaux belges ont accompli des efforts considérables sur le plan interprofessionnel et donné des impulsions en vue de réduire le fossé salarial (18) . Ils ont convenu, dans le cadre de la convention collective de travail nº 25 du 15 octobre 1975, que les systèmes d'évaluation des fonctions ne peuvent entraîner aucune discrimination (CCT sur l'égalité des rémunérations). Des engagements ont été pris également dans le cadre de divers accords interprofessionnels (AIP), en vue de l'élaboration de systèmes sexuellement neutres de classification de fonctions.
— Dans l'AIP 1999-2000, on a demandé aux secteurs, dans la perspective de la réalisation de l'égalité des chances, de revoir leurs systèmes de classification des fonctions. En exécution de l'AIP, le Conseil national du Travail (CNT) a interrogé les secteurs, et le ministre qui a l'Emploi dans ses attributions s'est employé, à la demande du CNT, à remanier le paquet de formations et à informer les commissions paritaires (CP) au sujet des possibilités de subvention par le Fonds social européen (FSE).
— Dans le cadre de l'AIP 2001-2002, on a une nouvelle fois demandé aux secteurs d'accomplir les efforts nécessaires et au ministre qui a l'Emploi dans ses attributions de préciser les mesures fiscales incitatives prévues dans le plan d'action national pour l'emploi. Par ailleurs, il était prévu aussi que les partenaires sociaux lancent un projet-pilote avec des moyens ESF. La CCT 25 a été revue en exécution de l'AIP en ce sens qu'on a donné un nouvel élan à la commission spécialisée du CNT (19-12-2001). La commission a reçu également pour mission d'informer et de sensibiliser les partenaires sociaux et de fournir un appui technique aux commissions paritaires. La commission n'a toutefois pas été dotée d'un caractère permanent et aucune commission paritaire n'a jamais sollicité son avis. Le projet-pilote n'a jamais été lancé non plus — mais on a lancé le projet EVA (voir plus loin). Le ministre n'a jamais répondu à la question relative aux mesures fiscales.
— Ce thème n'a pas été repris spécifiquement dans l'AIP 2003-2004.
— Le projet EVA (évaluation analytique) a été mis sur pied par le Service public fédéral Emploi, Travail et Concertation sociale, en collaboration avec les partenaires sociaux, et il poursuivait trois objectifs: revoir le paquet de formations et organiser des formations; examiner l'impact de la dimension du genre sur les salaires dans le cadre du développement et de l'instauration de méthodes analytiques et mettre au point une méthode analytique universelle et sexuellement neutre en vue d'analyser les fonctions. Seul le premier objectif a été réalisé. Entre-temps, le projet a été transféré vers l'Institut fédéral pour l'égalité des femmes et des hommes. Le deuxième objectif pourra encore être réalisé, mais sans doute pas le troisième.
4. Plans pour l'égalité des chances
Sur le plan juridique et en théorie, l'égalité de traitement est donc devenue réalité, tant au niveau belge qu'au niveau européen. Toutefois, malgré la présence de ces instruments législatifs et en dépit des efforts des partenaires sociaux dans ce domaine, l'écart salarial persiste avec ténacité.
Compte tenu de l'expérience accumulée dans d'autres pays qui luttent contre les discriminations en matière d'emploi, on peut dire qu'une politique plus assertive semble être une condition indispensable pour pouvoir s'attaquer efficacement au problème de l'inégalité de traitement dont les femmes sont victimes.
Une mesure assertive a déjà été prise. L'arrêté royal du 14 juillet 1987 portant des mesures en vue de la promotion de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes dans le secteur privé oblige ainsi les entreprises à publier des rapports annuels qui rendent compte du respect de l'égalité entre les hommes et les femmes. À ce jour, toutefois, on ne trouve toujours aucune trace d'un tel rapport.
Pourtant, les idées sous-jacentes à l'arrêté royal précité sont considérées comme très intéressantes. L'auteur de la présente proposition de loi entend dès lors partir des mêmes prémisses. En effet, les mesures anti-discrimination existantes ne sont pas suffisamment efficaces. Il n'est pas toujours possible de prouver une inégalité de traitement au détriment des femmes. Les pratiques discriminatoires sont en général difficilement identifiables et elles sont bien souvent inconscientes ou involontaires. Il s'agit souvent de systèmes et de pratiques institutionnalisés de sélection, de formation ou de promotion qui désavantagent indûment les femmes à grande échelle.
C'est pourquoi la présente proposition vise concrètement à inciter les entreprises à évaluer leur politique du personnel sous l'angle de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes et à la corriger, si nécessaire, au moyen d'un plan d'égalité des chances prévoyant un schéma d'évolution et un échéancier concrets, afin que les femmes puissent se voir offrir des chances égales dans le milieu professionnel. Cette approche permet donc de lutter contre les discriminations à l'égard des femmes, par l'adoption de mesures systématiquement positives.
À cet effet, il est créé, au sein de l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes, un « Fonds pour la promotion de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes ». Ce fonds a pour but de mener une politique incitative à l'égard des entreprises, afin qu'on puisse en arriver à une représentation proportionnelle des femmes à tous les niveaux de fonctions et qu'elles parviennent à un niveau de rémunération équivalent. D'une part, ce fonds octroie une intervention financière aux employeurs qui mènent une politique active en matière d'égalité des chances entre les hommes et les femmes, au moyen de plans d'égalité des chances. D'autre part, il fait office de point d'information, l'objectif étant que les entreprises désireuses de mener une politique d'égalité des chances et d'élaborer des plans d'égalité des chances puissent être encadrées par le fonds.
La France dispose déjà d'une réglementation similaire depuis plusieurs années. L'idée de prévoir des plans d'égalité des chances s'inscrit dans le cadre de l'accord de gouvernement fédéral de juillet 2003, selon lequel le gouvernement veut « encourager les entreprises lors de l'élaboration desdits plans de diversité ».
CHAPITRE II
Fonds pour la promotion de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes
Art. 2
Cet article prévoit la création d'un Fonds pour la promotion de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes au sein de l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes, dans le but de mener une politique incitative à l'égard des entreprises en vue de la promotion de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes.
D'une part, ce fonds fera office de point d'information en vue de soutenir une politique d'égalité des chances dans les entreprises et de suivre celles-ci de près lors de l'élaboration des plans d'égalité des chances. La loi proposée vise en effet à ce que les entreprises modifient leur politique du personnel de manière à accorder plus d'attention aux femmes. C'est précisément parce que les entreprises adoptent souvent sans le vouloir une attitude discriminatoire et parce qu'elles ignorent quelles mesures ont déjà été prises en vue d'améliorer les chances des femmes qu'il y a lieu de créer un point d'information où les employeurs et les représentants des travailleurs puissent consulter des spécialistes.
D'autre part, ce fonds octroiera une intervention financière aux entreprises qui mènent une politique d'égalité des chances entre les femmes et les hommes au moyen de plans d'égalité des chances. Cette intervention financière doit être, pour les entreprises, un incitant supplémentaire qui puisse les encourager à prendre à cœur la problématique de l'égalité des chances hommes-femmes en leur sein et à mener une politique active en la matière.
CHAPITRE III
Plan d'égalité des chances
Art. 3
Cet article indique ce que l'employeur doit entendre par « politique d'égalité des chances entre les femmes et les hommes » pour pouvoir prétendre à une aide financière du Fonds pour la promotion de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes. À cet effet, l'employeur est tenu de réorienter sa politique du personnel de manière à offrir des chances égales aux femmes et aux hommes sur le lieu de travail.
Art. 4
Cet article prévoit que l'employeur qui bénéficie du soutien du Fonds pour la promotion de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes doit élaborer, de concert avec les représentants des travailleurs, un plan d'égalité des chances détaillé décrivant la situation de départ, spécifiant ses objectifs et sa durée, désignant la personne responsable de sa réalisation, détaillant les actions positives à mener et précisant les modalités de son évaluation et de ses éventuelles adaptations.
CHAPITRE IV
Évaluation de la loi
Art. 5
La présente loi tend à inciter les entreprises à modifier leur politique du personnel à l'égard des femmes. Il y a lieu, dès lors, de procéder à une évaluation de celle-ci de manière qu'il soit possible d'y apporter les adaptations requises dans le futur.
Fatma PEHLIVAN. |
CHAPITRE I
Dispositions générales
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
CHAPITRE II
Fonds pour la promotion de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes
Art. 2
§ 1er. Il est institué un Fonds de promotion de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes auprès de l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes créé par la loi du 16 décembre 2002 portant création de l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes.
Ce fonds est géré par un comité de gestion qui est composé de représentants des partenaires sociaux et d'experts dans le domaine de l'égalité des chances entre hommes et femmes. Ces derniers siègent avec voix consultative. Les ministres qui ont respectivement l'Emploi et l'Égalité des chances entre hommes et femmes dans leurs attributions peuvent désigner chacun un commissaire de gouvernement au sein du comité de gestion.
Le Roi définit les règles relatives à la désignation des membres du comité de gestion visé à l'alinéa précédent.
§ 2. Le fonds est chargé de mener, sans dépasser la limite des moyens disponibles, une politique incitative à l'égard des entreprises en vue d'arriver à une représentation proportionnelle des femmes à tous les niveaux de fonctions et à un niveau de rémunération équivalent pour les femmes. À cet effet, il peut:
1º agir comme point d'information pour les représentants des employeurs et des travailleurs qui entendent mener une politique d'égalité des chances entre hommes et femmes au sein de l'entreprise;
2º accorder une intervention financière aux employeurs qui mènent une politique active d'égalité des chances pour les hommes et pour les femmes au moyen de plans d'égalité des chances comme prévu au chapitre III de la présente loi. Le Roi définit, après avis du comité de gestion visé au § 1er, les règles relatives à la demande et à l'octroi de l'intervention et fixe le montant de celle-ci.
Les moyens financiers du Fonds se composent de recettes attribuées provenant du financement alternatif de la sécurité sociale.
§ 3. Le Roi désigne les fonctionnaires qui devront veiller au respect des dispositions du présent chapitre. Ces fonctionnaires exercent leur surveillance conformément aux dispositions de la loi du 16 novembre 1972 concernant l'inspection du travail.
CHAPITRE III
Plan d'égalité des chances
Art. 3
Les employeurs ont droit à une intervention financière du Fonds pour la promotion de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, aux conditions définies dans la présente loi, lorsqu'ils mènent une politique d'égalité des chances pour les femmes et les hommes en concertation avec des représentants des travailleurs.
Le principe d'une politique d'égalité des chances entre hommes et femmes est applicable pour ce qui est de l'accès à l'emploi ou à la promotion professionnelle ou à l'information concernant le choix d'une profession, à la formation professionnelle, à la formation professionnelle continuée, au perfectionnement et au recyclage, ainsi qu'aux conditions de travail.
À cet effet, les employeurs doivent identifier et éliminer les éléments de la politique en matière de personnel qui font obstacle à la carrière des femmes. Ils doivent prendre des mesures positives et raisonnables dans le but de parvenir à une représentation proportionnelle des femmes à tous les niveaux de fonctions, et à un niveau de rémunération équivalent pour les femmes.
Les actions positives visent à éliminer les inégalités de fait qui influencent négativement les chances des femmes. Ces actions sont menées au moyen de plans d'égalité des chances qui comportent, soit des mesures visant à remédier aux effets négatifs qui découlent, pour les femmes, de situations et de comportements sociaux discriminatoires, soit des mesures visant à promouvoir leur présence et leur participation à la vie professionnelle dans tous les secteurs et professions et à tous les niveaux hiérarchiques.
Art. 4
L'employeur qui fait appel à une intervention financière du Fonds pour la promotion de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes doit, conjointement avec les représentants des travailleurs, préparer un plan d'égalité des chances qui indique quel objectif, parmi ceux définis à l'article 3, ils doivent atteindre durant l'année ou les années sur lesquelles porte le plan d'égalité des chances. Ce plan d'égalité des chances doit être évalué chaque année au sein du conseil d'entreprise ou, en l'absence d'un conseil, être transmis à la délégation syndicale, en même temps que les informations fournies chaque année au sujet des perspectives générales de l'entreprise et de l'emploi à l'intérieur de celle-ci.
Le plan d'égalité des chances comprend au moins:
1º une description des objectifs à atteindre, compte tenu de ce qui est spécifié à l'article 2;
2º une description des situations auxquelles il convient de remédier;
3º une description des actions positives qui sont envisagées;
4º la date d'entrée en vigueur du plan;
5º la durée du plan et les délais fixés pour sa réalisation;
6º le nom de la personne responsable de la mise en œuvre des actions positives énumérées dans le plan;
7º les modalités selon lesquelles il sera procédé aux évaluations périodiques et à l'évaluation finale des actions positives ainsi qu'au contrôle de l'application de ces actions et aux éventuelles corrections à apporter à celles-ci.
Le Roi définit, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, les modalités relatives au plan d'égalité des chances.
CHAPITRE IV
Évaluation de la loi
Art. 5
Cinq ans après son entrée en vigueur, la présente loi fera l'objet d'un rapport d'évaluation qui devra être transmis au président de la Chambre des représentants et au Conseil des ministres.
Ce rapport d'évaluation examine dans quelle mesure les femmes bénéficient d'opportunités égales en matière d'emploi dans les entreprises et jusqu'à quel point le fossé salarial entre hommes et femmes a été réduit. Par ailleurs, il examine dans quelle mesure les femmes sont dûment représentées à tous les niveaux de fonctions.
Sur la base de ce rapport d'évaluation, la loi pourra être adaptée.
25 août 2005.
Fatma PEHLIVAN. |
(1) Organisation de ZIJ-KANT et ABVV-vrouwen. Il s'agit de faire en sorte que la journée annuelle « Equal Pay Day » tombe de plus en plus plus tôt dans l'année et devienne à terme superflue, lorsque l'égalité salariale entre hommes et femmes sera devenue réalité.
(2) Sources: document de travail des services de la Commission européenne (2003) 937; enquêtes INS sur les salaires, étude 2000 SPF Emploi, Travail et Concertation sociale.
(3) Tirée de HR Update 20 octobre 2004 (année 3, numéro 156), à consulter aussi sur www.vacature.com.
(4) 2002, enquête sur la structure des salaires, réalisée par l'Institut national de statistique (INS), salaire mensuel brut, en euros.
(5) 2000, données sur les salaires et l'emploi ou LATG (une banque de données de l'ONSS), salaire mensuel brut à temps plein, en euros.
(6) Vermandere C. « Het verdiende loon ». Sixième chapitre du Jaarboek over de Arbeidsmarkt in Vlaanderen, Steunpunt WAV, édition 2004.
(7) Jaarboek 2004 WAV, p. 114.
(8) Les données relatives à la répartition de la masse salariale totale: 2000, LATG. Les données relatives à la participation au marché du travail rémunéré: 2000, EFT (l'EFT est l'enquête sur les forces de travail, une enquête auprès des ménages organisée par l'INS et harmonisée par Eurostat).
(9) Carpentier, Nathalie. « Vrouwen verdienen beter. » Dans: De Morgen du 25 janvier 2005.
(10) Vinnicombe, Susan et Singh, Val « Sex Role Stereotypes and Requisites for Successful Top Managers. » In: Women in Management Review, vol 17 (3/4) 2002.
(11) Source pour les données de 1993-1994 à 1998-1999 inclus: Vlaamse Interuniversitaire Raad (VLIR), rue d'Egmont 5, 1000 Bruxelles. Source pour les données des années académiques 1999-2000 et suivantes: Département Enseignement.
(12) La collectivisation signifie que l'on évalue la fonction (ou le siège), et non le fonctionnement de la personne (qui occupe le siège).
(13) Directive du Conseil, du 10 février 1975, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins (75/117/CEE).
(14) Par « ségrégation », on entend le fait que les femmes travaillent, en général, dans des fonctions et des secteurs autres que ceux des hommes.
(15) Directive du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en œuvre de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (76/20/CEE).
(16) COM (94) 6 déf. Bruxelles, 23 juin 1994.
(17) À Lisbonne, le Conseil européen a défini en mars 2000 une stratégie en vue de faire de l'Union européenne l'une des économies les plus dynamiques et les plus compétitives au monde dans un délai de dix ans. Outre des mesures en vue de renforcer l'économie et d'en faire une source d'emplois, la stratégie de Lisbonne en matière d'emploi prévoit des mesures sociales, visant notamment à réaliser l'égalité entre les hommes et les femmes.
(18) Publication de brochures, organisation de journées d'étude, mise en place de formations, lancement de la campagne « Equal Pay Day » en collaboration avec la Confédération européenne des syndicats, plans d'action nationaux pour l'emploi, etc.