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M. le président. - M. Christian Dupont, ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances, répondra.
M. François Roelants du Vivier (MR). - Ce problème intéresse d'autres collègues puisque M. Mahoux, qui est aujourd'hui absent, s'était inscrit pour poser une question similaire. En Europe et dans le monde, le parc automobile ne cesse de croître, de même que l'attrait des automobilistes pour les véhicules équipés de moteurs diesels.
On estime d'ailleurs que la Belgique occupe la toute « première place au palmarès européen en matière d'équipement diesel du parc automobile » puisque celui-ci a doublé en douze ans. Au 1er juillet 2005, sur dix véhicules neufs achetés, sept étaient équipés d'un moteur diesel.
Grâce aux normes européennes, de nombreux efforts ont été accomplis pour permettre de réduire les émissions polluantes des moteurs diesels. D'après l'Agence européenne pour l'environnement, « cette réduction peut être attribuée aux normes d'émission pour les véhicules établies par l'UE, lesquelles ont été renforcées avec succès dès le début des années 1990, dans le cadre d'un processus toujours en cours ; les émissions de polluants réglementés ont diminué de 24 à 35% ». Néanmoins, « même à injection directe, même ultra comprimé, le moteur diesel émet toujours beaucoup plus d'oxyde d'azote et de particules que le moteur à essence ».
Il faut savoir que les moteurs diesels sécrètent ce que l'on appelle les « PM10 » et surtout des « PM2.5 », « soit des infimes particules de matières en suspension dans l'air, tantôt naturelles, tantôt artificielles ». Celles-ci seraient à l'origine d'une pollution insidieuse néfaste pour la santé et dont les Belges seraient, hélas, les premières victimes en Europe.
En effet, la Commission a présenté récemment un rapport relatif aux pertes d'espérance de vie moyenne dues à la pollution des microparticules, projetant ainsi les conséquences des émissions polluantes sur la santé des Européens à l'horizon 2020.
D'après ce document, c'est en Belgique que l'espérance de vie moyenne est la plus raccourcie, de 12 à 36 mois. Le Benelux figure d'ailleurs parmi les zones européennes les plus touchées par les particules émises par les moteurs diesels.
Selon les données de la Commission européenne, 400.000 Européens meurent chaque année à cause de la pollution atmosphérique générale. Quant aux particules, elles pénètrent profondément dans l'appareil respiratoire et plus elles sont petites, plus leur impact est aggravant. En outre, selon des spécialistes, ces microparticules seraient cancérigènes, auraient un effet négatif sur l'ensemble du système immunitaire et favoriseraient certaines pathologies comme l'asthme. À cet égard, le Conseil fédéral du développement durable, dans son avis cadre pour une mobilité compatible avec le développement durable, énonçait qu'il existe « des indications qui montrent des liens entre les émissions de polluants atmosphériques et l'aggravation de plusieurs affections respiratoires, les problèmes cardio-vasculaires et certaines formes de cancer ». Il estime également qu'il y aurait en Belgique environ 2700 décès par an dus à la pollution du trafic routier.
Les constructeurs automobiles sont soumis à de nombreuses réglementations européennes, et la dernière en date est la norme « Euro 4 » entrée en vigueur le 1er janvier 2005, qui ne mentionne aucunement la problématique des petites particules. Toutefois, il ne fait aucun doute, si l'on interroge les milieux concernés, qu'à l'avenir, les nouvelles réglementations européennes imposeront une diminution drastique de ces particules, si bien que certains constructeurs automobiles anticipent et proposent d'ores et déjà des moteurs diesels dotés de filtres à particules. Malheureusement, leurs prix restent actuellement élevés, ce qui dissuade la plupart des automobilistes.
En vue de garantir à tous un environnement sain, pouvez-vous me faire savoir ce que vous comptez entreprendre, que ce soit au niveau de la Belgique ou de l'UE, pour lutter contre la pollution occasionnée par les moteurs diesels dont la Belgique - ainsi que de nombreux articles de presse s'en sont fait l'écho récemment - souffre particulièrement ? Envisagez-vous donc une action au niveau de l'Union européenne afin de pousser la Commission à faire une proposition législative en la matière ?
M. Christian Dupont, ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances. - La législation actuelle imposant la norme Euro se situe dans le contexte de la directive 70/220/CEE. La norme Euro 4 est en vigueur depuis le début de cette année.
En perspective d'une révision de la directive, la Commission étudie l'applicabilité de différentes mesures dans le but d'imposer le plus rapidement possible une norme Euro 5. La Belgique soutient cette initiative, en ce compris de nouvelles normes strictes dans le domaine des émissions de microparticules. Je suis favorable à l'entrée en vigueur de cette norme Euro 5 dès 2008. En outre, la Belgique a récemment plaidé au Conseil Environnement en faveur d'une révision des directives dans le sens de la fixation de méthodes d'essai plus sévères pour les émissions et pour le contrôle technique des véhicules, le but étant d'arriver à un enregistrement des émissions réelles plus conforme à la réalité.
La Commission a, de plus, lancé en juillet une proposition de directive sur la taxation des voitures particulières. Sont visées ici la taxe de mise en circulation et la taxe de circulation annuelle. La Commission propose d'adapter ces deux taxes de telle manière qu'à la fin de 2008, au moins 25% de la recette totale des taxes d'immatriculation et de circulation seront déterminés par un paramètre lié aux émissions de CO2. En 2010, ce pourcentage doit même atteindre 50%. En Belgique, les taxes de ce type sont, dans une large mesure, régionalisées. Nous examinons donc, en collaboration avec les Régions, la position qu'adoptera la Belgique sur cette directive. L'une des pistes de réflexion possibles que je tiens à approfondir dans tous les cas est celle d'un Ecoscore tel qu'il a été étudié par l'administration flamande et qui ne lie pas uniquement la taxe aux émissions de CO2 mais aussi aux émissions d'autres polluants comme les microparticules.
Pour ce qui est de ma propre compétence, il ne m'est vraiment pas possible d'intervenir au départ des normes de produits. La mise sur le marché de véhicules est réglée sur le plan européen et un État membre individuel ne peut imposer unilatéralement des normes plus strictes.
La direction générale Environnement met à disposition du public le guide CO2, disponible en version imprimée et en ligne sous forme d'une base de données sur son site (http://www.health.fgov.be/pls/portal/co2). Pour 2006, cette base de données reprendra les valeurs des émissions de particules et mentionnera la présence et le type de filtre équipant le cas échéant les véhicules.
Enfin, un système d'incitants fiscaux pourrait être prévu en faveur de l'installation de systèmes de filtres à particules. Il semblerait qu'ils aient été introduits aux Pays-Bas ; ils sont annoncés en Allemagne où ils n'ont pas encore été adoptés par le parlement. En Belgique, nous n'avons pas été en mesure de prendre une telle initiative dans le contexte du budget qui vient d'être approuvé. Vous pourriez éventuellement soumettre votre question aux Régions et leur demander d'adapter la taxe de circulation qui est organisée sur le plan régional sans attendre une initiative européenne.
M. François Roelants du Vivier (MR). - La pollution par le CO2 est bien connue ; celle par les microparticules l'est depuis peu de temps mais elle est extrêmement dangereuse. Il convient donc d'adopter une législation communautaire. Le fait que la Commission ait pris ses responsabilités est donc une bonne chose puisqu'il s'agit de normes de produits et qu'il n'est pas possible qu'une réglementation soit prise uniquement dans un État membre. Cela dit, je retiens la suggestion du ministre d'interroger les Régions qui sont compétentes pour certaines taxes. Je ne manquerai pas de le faire avec la Région bruxelloise.
M. Christian Dupont, ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances. - Je ne manquerai pas de transmettre votre réaction à mon collègue. Cette problématique est importante et vous avez raison de l'aborder régulièrement.