3-1345/1 | 3-1345/1 |
15 SEPTEMBRE 2005
Il est de principe de reconnaître au législateur la liberté d'opter pour des sanctions pénales ou pour des sanctions administratives dans le cadre de la répression de certains manquements à des obligations légales.
Il est par ailleurs acquis que lorsqu'un même manquement fait l'objet, tantôt de sanctions pénales, tantôt de sanctions administratives, la différence de traitement qui pourrait en résulter n'est admissible que si elle est raisonnable et justifiée.
Dans le contexte juridique actuel, certains manquements à la législation sociale peuvent faire l'objet de semblable répression différenciée.
Il importe toutefois de souligner que cette différenciation se double d'une inacceptable inégalité de traitement.
En effet, toute personne citée à comparaître devant le tribunal correctionnel, en vue de se voir imposer une sanction pénale pour manquement à la législation sociale, peut bénéficier des dispositifs de modalisation de la peine et, notamment, du sursis; alors que la personne qui, sanctionnée par le biais d'une amende administrative, souhaite exercer un recours contre cette décision devant le tribunal du travail, ne peut en aucun cas bénéficier de semblables mécanismes.
Le problème posé par ce « traitement différencié » a été soumis à la Cour d'arbitrage.
Pratiquement, le tribunal du travail de Verviers a posé à la Cour une question préjudicielle concernant la loi du 30 juin 1971 relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales.
La question était formulée de la manière suivante:
« La loi du 30 juin 1971 créé-t-elle une discrimination par son silence qui empêche le tribunal du travail d'accorder le sursis à l'auteur d'une infraction administrative, privant par là cet auteur d'une chance d'équité découlant de la prise en compte de sa personnalité, et d'une récompense pour son amendement, alors que le juge répressif peut user de cette faculté de sursis lorsqu'il statue sur les poursuites pénales des mêmes faits infractionnels ».
La Cour a répondu de manière affirmative et fait valoir, en des termes particulièrement limpides, l'inconstitutionnalité du système en place:
« Il y a lieu de rappeler que le tribunal du travail, en ce qu'il ne dispose pas de la faculté d'accorder le sursis, ne détient pas un pouvoir d'appréciation comparable à celui de l'administration puisque, aux termes de l'article 7, § 3, de la loi du 30 juin 1971, le fonctionnaire désigné par le Roi « décide, après avoir mis l'employeur en mesure de présenter ses moyens de défense, s'il y a lieu de lui infliger une amende administrative du fait de l'infraction ». Or, un système qui organise un recours a posteriori contre une amende infligée par l'administration n'est admissible que si rien de ce qui relève de l'appréciation de l'administration n'échappe au contrôle du tribunal.
Dès lors que le législateur admet que le sursis à l'exécution des peines peut être appliqué aux personnes pénalement poursuivies pour infraction à la loi du 30 juin 1971, il n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution qu'une mesure identique ne puisse être appliquée aux personnes qui exercent, devant le tribunal du travail, un recours contre la décision du fonctionnaire désigné par le Roi pour infliger une amende administrative.
Il appartient au législateur de déterminer à quelles conditions ou sur la base de quels critères un sursis peut être accordé et de fixer les procédures de son retrait. ».
La présente proposition tend à répondre à cet appel et à effacer les lacunes d'un dispositif légal complexe par ailleurs.
Les principes de base régissant la matière sont intégrés dans trois dispositions légales différentes:
1. Ainsi, la loi du 30 juin 1971 crée un article 583 du Code judiciaire, au regard duquel:
« Le tribunal du travail connaît de l'application des sanctions administratives, prévues par les lois et règlements visés aux articles 578 à 582 et par la loi relative aux amendes applicables en cas d'infractions à certaines lois sociales ».
2. Cette disposition particulière (relative aux amendes applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales) prévoit quant à elle, en son article 1erter que:
« Le fonctionnaire peut, s'il existe des circonstances atténuantes, infliger une amende administrative inférieure aux montants minima visés aux articles 1er et 1erbis [...].
En cas de recours contre la décision du fonctionnaire compétent, les juridictions du travail peuvent, s'il existe des circonstances atténuantes, diminuer le montant d'une amende administrative infligée sous les minima visés aux articles 1er et 1erbis ».
3. La loi du 29 juin 1964 prévoit enfin, en son article 8, l'applicabilité du sursis aux peines d'amendes et dispose que:
« Lorsque le condamné n'a pas encouru antérieurement de condamnation à un peine criminelle ou à un emprisonnement principal de plus de 12 mois, les juridiction de jugement peuvent ordonner qu'il sera sursis à l'exécution, soit du jugement ou de l'arrêt, soit de tout ou partie des peines principales ou subsidiaires. ».
Marie-Hélène CROMBÉ-BERTON. |
Article 1er
La présente proposition règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
L'article 1ter, alinéa 1er, de la loi du 30 juin 1971 relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales, inséré par la loi du 13 février 1998, le § 2, 2º, est remplacé par ce qui suit:
« En cas de recours contre la décision du fonctionnaire compétent, les juridictions du travail peuvent:
1º s'il existe des circonstances atténuantes, diminuer le montant d'une amende administrative infligée sous les minima visés aux articles 1er et 1erbis, sans que l'amende puisse être inférieure à 40 % du minimum des montants visés aux articles précités ou, lorsqu'il s'agit des infractions prévues à l'article 1erbis, 1º, a, sans que l'amende puisse être inférieure à 80 % du montant minimum visé à cet article;
2º si le condamné n'a pas encouru antérieurement de condamnation à une peine criminelle ou à un emprisonnement principal de plus de douze mois, ou à une amende administrative d'un montant supérieur à 12 500 euros, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de cette décision. ».
Art. 3
À l'article 14 de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation, sont apportées les modifications suivantes:
A. le § 1er est complété in fine par les mots « ou à une amende administrative de plus de 5 000 euros. »;
B. le § 1erbis, alinéa 1er, est complété in fine par les mots « ou à une amende administrative de 1 250 euros au moins et de 5 000 euros au plus. ».
19 mai 2005.
Marie-Hélène CROMBÉ-BERTON. |