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14 JUILLET 2005
I. INTRODUCTION
Le projet de loi portant des dispositions diverses (doc. Sénat, nº 3-1302/1), qui relève de la procédure bicamérale optionnelle, a été déposé initialement à la Chambre des représentants par le gouvernement (doc. Chambre, nº 51-1845/1).
Il a été adopté par la Chambre des représentants le 13 juillet 2005, par 79 voix contre 42 et 4 abstentions, et transmis au Sénat le 14 juillet 2005. Le Sénat a évoqué le projet le même jour.
Les articles 41 à 79 et l'article 111 ont été envoyés à la commission des Finances et des Affaires économiques.
Le deuxième projet de loi portant des dispositions diverses (doc. Sénat, nº 3-1303/1), qui relève de la procédure bicamérale optionnelle, est issu quant à lui d'une proposition de loi déposée à la Chambre des représentants par MM. Bart Tommelein, Thierry Giet, François-Xavier de Donnéa, Dirk Van der Maelen et Charles Michel (doc. Chambre, nº 51-1922/1).
Il a été adopté par la Chambre des représentants le 13 juillet 2005, par 80 voix contre 42 et 4 abstentions, et transmis au Sénat le 14 juillet 2005. Le Sénat l'a évoqué le même jour.
Le projet de loi organisant les voies de recours contre les décisions prises par la Commission de Régulation de l'Électricité et du Gaz (doc. Sénat, nº 3-1301/1), qui relève de la procédure bicamérale obligatoire, a été déposé initialement à la Chambre des représentants par le gouvernement (doc. Chambre, nº 51-1895/1).
Il a été adopté par la Chambre des représentants le 7 juillet 2005, par 88 voix contre 1 et 38 abstentions, et transmis au Sénat le 11 juillet 2005.
La commission a examiné ces trois projets de loi au cours de sa réunion du 14 juillet 2005, en présence du ministre de l'Économie, de l'Énergie, du Commerce extérieur et de la Politique scientifique.
II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DE L'ÉNERGIE, DU COMMERCE EXTÉRIEUR ET DE LA POLITIQUE SCIENTIFIQUE
1. Concernant le projet de loi portant des dispositions diverses (doc. Sénat, nº 3-1302/1)
Les articles 41 à 43 confirment l'arrêté royal de reprise des obligations légales de pension de BIAC ainsi que l'arrêté royal de restructuration des obligations légales de pension de Belgocontrol.
Les articles 44 et 46 visent à répartir la cotisation d'égalisation de la SNCB entre le Fonds de pensions et la Caisse des soins de santé.
L'article 59 concerne la vente de tickets par voie électronique, via internet. La vente des tickets pour les festivals a fait la une de l'actualité parce qu'elle a donné lieu à une kyrielle de problèmes. Cet article vise à mettre en place une collaboration maximale entre les autorités administratives et les autorités judiciaires. Ces dernières pourront donc intervenir plus rapidement en cas d'abus et requérir des informations dans le but d'identifier les réseaux qui se cachent derrière ce genre de ventes.
L'article 60 et suivants concernent l'énergie et appliquent le principe défini au Conseil des ministres de Gembloux, notamment l'organisation des marchés offshore d'énergie éolienne. On y a prévu également la mise en place d'un cadre légal concernant le principe de la dégressivité. Des possibilités de recours contre les décisions de la CREG ont également été crées.
L'article 61 vise à faciliter l'accès au marché de nouveaux producteurs d'énergie. Les producteurs qui fournissent moins de 10 % de l'énergie consommée en Belgique peuvent bénéficier d'une marge de tolérance élargie.
En ce qui concerne l'énergie offshore, la loi a prévu la possibilité d'imputer une partie du coût de la fourniture et du placement du câble à ELIA et d'élargir la marge de tolérance car l'énergie électrique éolienne ne peut pas être produite avec la même régularité que l'énergie électrique classique.
On a également prévu des mesures compensatoires au cas où le concessionnaire, pour des raisons indépendantes de sa volonté, faillirait à sa mission en ce qui concerne la concession domaniale ou l'autorisation accordée par le pouvoir fédéral.
L'article 63 concerne le principe de la dégressivité par tranche qui a été instauré pour maîtriser les coûts des entreprises.
Les articles 67 à 72 concernent la CREG.
La procédure de recours contre les décisions de la CREG est accélérée. Pour les dispositions administratives, le Conseil d'État reste compétent, mais pour les clauses contractuelles, il convient de s'adresser à la cour d'appel, par voie de référé. En ce qui concerne les mesures entraînant des distorsions de la concurrence, le recours doit être intenté devant le Conseil de la concurrence.
Le Conseil d'État a estimé qu'il fallait une scission en deux projets distincts, le premier concernant l'attribution de nouvelles compétences à la cour d'appel de Bruxelles et au Conseil de la concurrence, et le second, les règles de procédure devant la cour d'appel et le Conseil de la concurrence. Les articles relatifs à l'attribution de compétences pures et simples à la cour d'appel et au Conseil de la concurrence ont été soustraits au projet de loi portant des dispositions diverses et intégrés dans le projet de loi organisant les voies de recours contre les décisions prises par la Commission de régulation de l'électricité et du gaz (doc. Sénat, nº 3-1301/1).
Les articles 73 à 79 concernent le dossier ASTRID ainsi que les suites juridiques de l'arrêt de la Cour d'arbitrage du 14 juillet 2004.
ASTRID bénéficie d'un statut ad hoc du fait qu'il est destiné à des utilisateurs tant de droit public que de droit privé.
On a également annoncé que des mesures seraient prises pour pouvoir identifier le numéro de téléphone des personnes coupables d'appels relevant du harcèlement téléphonique qui surchargent les lignes des services d'urgence.
L'article 111 relève de la compétence du ministre des Finances.
Les accords conclus entre l'administration compétente pour l'établissement des impôts sur les revenus et le contribuable concernant les dépenses propres à l'employeur ou la qualification des revenus et les décisions de cette administration prises en matière de revenus, ne comportent un engagement qu'en ce qui concerne l'administration des impôts sur les revenus et excluent donc l'Office national de sécurité sociale.
2. Concernant le projet de loi portant des dispositions diverses (doc. Sénat, nº 3-1303/1)
Les articles 1er à 4 portent sur la fiscalité, plus spécifiquement sur la taxation des produits houillers et des produits dérivés. L'exclusion, pour des raisons environnementales, du charbon, du coke et du lignite de l'application de l'exonération des accises avait des conséquences néfastes. Le présent projet de loi met fin à cette anomalie, dans le but d'instaurer une politique cohérente en matière d'environnement.
III. DISCUSSION GÉNÉRALE
1. Projet de loi portant des dispositions diverses (nº 3-1302/1)
M. Brotcorne regrette que le Sénat soit obligé de travailler dans des dossiers importants comme le gaz et l'électricité dans l'urgence tandis que les décisions du Conseil des ministres de Gembloux sont intervenues il y a plus d'un an et demi. On ne dispose non plus d'aucun avis de la CREG. De plus, on aurait pu organiser des auditions à cet égard.
Le gouvernement entend fixer un cadre légal pour le développement du parc éolien de type offshore. Le financement du câble qui va relier ces installations à la terre ferme sera assumé pour un tiers par ELIA. ELIA sera également tenu d'acheter des certificats verts aux propriétaires à des prix plus importants que ceux actuellement pratiqués.
Le gouvernement entend également mettre en œuvre un tarif dégressif sur la cotisation fédérale pour les entreprises, grandes consommatrices d'énergie afin de garantir leur compétitivité. Cette dégressivité est liée au respect de l'accord de branche visant à promouvoir les mesures d'efficacité énergétique.
Le soutien aux installations offshore nous met en conformité avec nos obligations internationales.
On ne peut que se réjouir de l'aide significative apportée au secteur des éoliennes offshore. C'est une manière de répondre à nos obligations internationales, notamment celles qui découlent du Protocole de Kyoto, et de faire une place à cette source d'énergie renouvelable que sont les éoliennes.
Cependant, selon M. Brotcorne, le projet apporte peu de précisions sur les modalités d'investissement et le coût total qui sera in fine supporté par les consommateurs.
Le gouvernement annonce un surcoût à charge des consommateurs qui s'élèverait à environ 1 euro par mégawatt/heure. Ce coût a-t-il pour vocation de couvrir la participation au rachat du câble, dont un tiers est à charge d'ELIA ? Couvre-t-il aussi le rachat de certificats verts, le coût que ceci va impliquer pour le gestionnaire du réseau et l'élargissement de la marge de tolérance ?
La presse du jour mentionne que le ministre prévoit un accord de coopération avec les régions sur les certificats verts. Il est étonnant que cet accord n'ait pas été négocié en même temps que la finalisation du projet de loi, de sorte qu'il aurait pu être examiné simultanément par le parlement et aurait pu répondre à certaines questions qui se posent encore.
Les certificats verts que le gouvernement entend accorder au promoteur C-Power relèvent de la compétence des régions. Il y en a aujourd'hui 700 000 dans les régions et le projet des éoliennes offshore va en amener 600 000 nouveaux sur le marché, avec obligation faite à ELIA de les racheter. Ce nombre va entraîner une chute du prix des certificats verts sur les marchés régionaux, ce qui aura indirectement des répercussions négatives sur la confiance des investisseurs dans le marché de l'éolienne. En outre, le projet de loi impose le rachat des certificats verts au prix de 107 euros. C'est un prix élevé par rappport à ceux du marché: en Région wallonne, par exemple, le certificat vert coûte 92 euros. Si l'on combine ce prix élevé avec le nombre de certificats qui vont arriver sur le marché, il est permis de se demander comment cette situation va se répercuter sur les tarifs des gestionnaires de réseau et in fine sur le tarif appliqué au consommateur.
M. Brotcorne estime que les dispositions en projet ne visent en fait qu'un projet particulier, à savoir celui du consortium C-Power qui va réaliser des investissements en mer du Nord. Le projet semble taillé sur mesure pour cet investisseur et risque de créer des discriminations à l'égard de tous les investisseurs susceptibles de se présenter demain sur le marché.
Le projet prévoit en effet quatre types d'aides spécifiques:
1. le cofinancement du câble de raccordement à concurrence d'un tiers à charge d'ELIA, avec un plafond de 25 millions d'euros;
2. la mise en place d'une tolérance de 30 % pour des écarts de production contre 10 % pour les autres productions;
3. l'augmentation du prix de rachat des certificats verts imposé à Elia;
4. la mise en place d'une garantie de rentabilité en cas d'interruption du projet, équivalente à celle des investissements de long terme présentant des risques similaires.
Il y a également une véritable discrimination par rapport à des projets onshore, ceux-ci ne bénéficiant d'aucune aide au raccordement, ni de la garantie totale par le biais des certificats verts, ni surtout de l'élargissement de la marge de tolérance à 30 %. Certes, les éoliennes on-shore dépendent des Régions, mais c'est précisément pour cela qu'il aurait été préférable d'instaurer un cadre global négocié avec les Régions, de manière à ce que les modalités soient les mêmes pour tous les types d'investisseurs.
Sur le financement du câble sous-marin, l'avis de la CREG aurait été nécessaire car la prise d'investissement dans le chef d'ELIA aura des répercussions sur son mode de financement et donc sur ce qui sera réclamé au consommateur.
Qui sera propriétaire du câble ? ELIA sera-t-il propriétaire du câble à concurrence du tiers, ce qui correspond à son investissement ou cet investissement ne lui donne-t-il au contraire aucun droit de propriété ?
Dans le premier cas, ELIA pourrait amortir cet investissement et en étaler les coûts au bénéfice du consommateur.
La dégressivité pour les entreprises fédérales grandes consommatrices d'énergie est un point positif, mais elle n'est accordée qu'à celles qui ont participé à des accords de branche. Or, de tels accords n'existent pas en Région bruxelloise. Dans son avis sur l'avant-projet, le Conseil d'État a relevé là une possible source de discrimination.
Par ailleurs, le Conseil d'État a également relevé que la cotisation fédérale instaurée est en réalité un impôt. Conformément à la Constitution, ses modalités devraient dès lors être précisées par une loi et non par un arrêté royal. De plus, cette cotisation est soumise à la TVA. Or, appliquer la TVA à un impôt revient à prévoir une double imposition sur une même matière.
La cotisation devra être prélevée par les fournisseurs d'électricité. Ils sont certes plus proches du consommateur, mais on reporte sur eux des charges administratives liées à la perception de cette cotisation avec le risque qu'ils les répercutent eux-mêmes dans le coût de l'électricité.
M. Steverlynck émet des observations au sujet des aides prévues pour l'installation d'éoliennes offshore (article 62). Le coût des mesures de soutien en faveur de cette source d'énergie alternative oscillerait entre 125 et 130 euros par MW/heure, alors que des centrales (nucléaires) ordinaires pourraient produire 4 à 5 MW/heure pour le même prix. De nombreuses observations ont été formulées en commission compétente de la Chambre à propos de la discrimination qui est faite entre les parcs d'éoliennes offshore et les parcs d'éoliennes onshore. À propos de cette dernière catégorie d'éoliennes, le ministre a déclaré qu'il s'agissait d'une compétence régionale. Dans la justification de l'amendement nº 18, déposé après approbation du rapport, l'auteur conteste cette argumentation. Aux termes de l'amendement, « nous sommes dans le registre des tarifications et celles-ci intègrent le coût du balancing. En la matière, le fédéral est compétent pour toutes les productions d'électricité » (doc. Chambre nº 51-1845/31). Dans cette perspective, la discrimination entre les éoliennes offshore et les éoliennes onshore peut être éliminée. L'intervenant aimerait connaître le point de vue du ministre à ce sujet.
S'agissant du tarif dégressif qui dépend de la signature d'un accord, le ministre a déclaré qu'un tel accord serait signé « très prochainement » pour la Région de Bruxelles-Capitale. M. Steverlynck se demande s'il faut entendre par-là que cette signature est « imminente ». Quel est le calendrier prévu ?
M. Steverlynck fait par ailleurs référence au rôle de l'Autorité nationale de surveillance (ANS) dans le secteur de la navigation aérienne (article 48). L'intervenant se demande quel sera le rapport entre cette instance et Belgocontrol. De plus, les frais de fonctionnement de l'ANS sont intégralement répercutés sur le secteur de la navigation aérienne. Le Conseil d'État a pourtant fait remarquer que toutes les activités de l'ANS ne bénéficient pas exclusivement au secteur de la navigation aérienne, certaines d'entre-elles relevant de l'intérêt général. Il ne saurait dès lors être question d'une redevance. C'est pourquoi le Conseil d'État a estimé qu'il s'agissait ici d'une mesure fiscale qui ne peut pas être instaurée de cette manière. Le ministre n'a pas donné de réponse satisfaisante à cette observation en commission de la Chambre.
M. Steverlynck souligne par ailleurs que le service d'évaluation de la législation a formulé une série de remarques concernant le manque de concordance entre le texte français et le texte néerlandais. Le ministre est-il disposé à corriger ces textes ?
Réponses du ministre de l'Économie, de l'Énergie, du Commerce extérieur et de la Politique scientifique
Pour trois éléments du projet, les décisions de principe ont été prises depuis un certain temps et ont été largement commentées au Parlement et dans la presse.
Il y a eu un avis de la CREG sur la procédure, mais pas sur les choix relatifs au offshore et à la dégressivité car ces derniers relèvent de décisions politiques. La CREG joue un rôle de régulateur du secteur, elle exerce un contrôle ex ante mais il est clair qu'elle ne doit pas recevoir d'autres compétences qui la mettraient dans une position de juge et partie.
L'achat des certificats verts n'est pas réglé dans ce projet. Il fera l'objet d'un accord de coopération qui sera discuté au mois de novembre. Si le marché des certificats verts fonctionne comme prévu, la valeur totale d'un certificat vert au niveau des Régions est égale à la valeur de la pénalité évitée à laquelle s'ajoute l'impôt qui aurait dû être payé par l'entreprise pour permettre le paiement net de la pénalité, soit environ 110 euros, ce qui est supérieur à la valeur mentionnée de 107 euros.
Quant aux 0,99 euros par mégawatt/heure, ils correspondent à un parc complet de 60 éoliennes. Nous ne sommes pas à ce niveau.
Il est vrai qu'un projet a été introduit par C-power mais ce n'est pas le seul et le projet de loi ne vise en aucun cas à favoriser une entreprise.
Pour répondre aux reproches de discriminations, le ministre précise que la technique offshore connaît des fluctuations de vent beaucoup plus importantes que pour les éoliennes on-shore, ce qui justifie la différence en matière de tolérance d'écarts de production et de garantie de rentabilité.
Si une durée de 20 ans a été prévue, c'est parce que l'entretien des installations de offshore coûte beaucoup plus que celui des installations onshore.
La dégressivité n'entraîne pas d'augmentation de charges administratives. Le seul résultat est d'instaurer un plafond dégressif de manière à garantir la position concurrentielle des entreprises.
En ce qui concerne la propriété du câble sous-marin qu'ELIA doit cofinancer à hauteur d'un tiers du coût (art. 62), M. Brotcorne souhaite savoir si cette instance sera copropriétaire ?
Le ministre répond qu'ELIA ne sera pas copropriétaire.
En ce qui concerne les questions de M. Steverlynck, le ministre souligne que l'énergie éolienne captée en mer coûte cher, mais que si la Belgique souhaite se conformer au protocole de Kyoto, elle doit diversifier ses sources d'énergie et être prête, le cas échéant, à en payer le prix. En outre, l'énergie éolienne est une matière à haut degré de technologie, qui requiert de nombreux moyens de recherche et de développement. En optant pour cette forme d'énergie, notre pays met donc en œuvre l'agenda de Lisbonne.
La différence entre les parcs d'éoliennes offshore et les parcs d'éoliennes onshore ne se résume pas à une question de répartition de compétences entre l'État fédéral et les régions. Il y a également des différences concrètes, dont l'amendement déposé à la Chambre ne tenait pas suffisamment compte. En mer, la marge de tolérance en matière de vent est beaucoup plus limitée que sur terre quand soit il y a trop de vent, soit il y en a trop peu et, dans l'un et l'autre cas, il est impossible de faire fonctionner une éolienne. Ces situations extrêmes sont beaucoup moins fréquentes sur terre.
Les observations du service d'Évaluation de la législation concernent des corrections qui seront apportées dans le texte.
2. À propos des articles 67 à 72 du projet de loi portant des dispositions diverses et du projet de loi organisant les voies de recours contre les décisions prises par la Commission de Régulation de l'Électricité et du Gaz (nº 3-1301/1)
Selon M. Brotcorne, on sent poindre la méfiance du gouvernement vis-à-vis de la CREG a travers les multiples possibilités de recours. Le projet instaure trois procédures distinctes là où un seul recours s'imposait devant le juge naturel du contentieux administratif, à savoir le Conseil d'État.
Ce n'est pas parce que le Conseil d'État est engorgé et que le délai d'examen des recours y est anormalement long qu'il faut le dessaisir d'une matière qui relève de sa compétence naturelle pour la confier à des organismes qui ne sont pas nécessairement mieux armés pour la traiter. La multiplication des organes compétents, en outre, ne favorise pas l'unité de la jurisprudence.
Il n'est pas sûr que la cour d'appel de Bruxelles sera en mesure d'examiner plus rapidement les recours, d'autant que les décisions du Conseil de la concurrence pourront également faire l'objet de recours devant cette cour.
L'attribution d'une compétence de recours au Conseil de la concurrence est un choix contestable car celui-ci n'intervient en principe pas de manière préventive: il vérifie le respect des règles de la concurrence, après qu'un acteur s'est rendu coupable d'un comportement contraire à ces règles. Le choix de la CREG aurait été plus pertinent puisque son rôle consiste à favoriser le bon fonctionnement du marché, notamment par le respect des règles contractuelles.
Enfin, le Conseil des ministres peut suspendre certaines décisions de la CREG. Il s'agit d'une véritable mise sous tutelle de la CREG, qui, en outre, est contraire aux exigences de la Directive européenne. Le ministre a évoqué la législation sur les télécom, mais les matières ne sont pas comparables.
Plus étonnant encore, la CREG n'a plus la possibilité de prendre une autre décision, ou de motiver différemment sa décision quand celle-ci a été suspendue. La CREG doit se conformer à la décision du Conseil des ministres. C'est inacceptable.
Dans cette matière, il aurait été beaucoup plus logique et adéquat de laisser la compétence au Conseil d'État, en le dotant des moyens nécessaires et en fixant des règles strictes de procédure et de délais.
Selon le ministre, le projet ne traduit pas de méfiance envers la CREG ou envers la justice. La CREG joue un rôle de régulateur ex ante et il n'est pas question de lui donner davantage de compétences. Certaines décisions doivent être prises à d'autres niveaux.
Quant à la justice, il faut bien constater qu'au moins 77 procédures sont pendantes devant le Conseil d'État sans encore avoir abouti.
Les recours sont de trois types. S'ils concernent des questions administratives, alors ils relèvent de la compétence du Conseil d'État. S'ils portent sur des aspects de concurrence, le Conseil de la concurrence a prouvé son efficacité d'action dans des délais courts et il apparaît comme l'organe le plus adéquat pour apporter une réponse. Enfin, la cour d'appel est compétente pour les dispositions contractuelles. En prévoyant devant celle-ci une procédure comme en référé, on dispose d'un outil plus performant que les procédures classiques.
Dans ces conditions, le projet de loi apporte une réelle amélioration de la procédure.
M. Brotcorne souhaite encore savoir pour quelle raison, dans le cadre des recours, un pouvoir de suspension est octroyé au Conseil des ministres (art. 69 et 71).
Le ministre répond que le pouvoir de suspension accordé au Conseil des ministres se justifie par l'intérêt général, par exemple l'approvisionnement du pays. Ce pouvoir ne peut dès lors être exercé que dans des situations très limitées et exceptionnelles.
Selon M. Steverlynck, le rôle essentiel de la cour d'appel de Bruxelles est évident. D'une part, on garantit ainsi l'uniformité de la jurisprudence. D'autre part, la question est de savoir à quel rythme cette cour pourra se prononcer. On ne cesse de multiplier ses missions. On peut se demander si l'arriéré judiciaire ne va pas venir tout perturber.
Ici aussi, l'intervenant voudrait savoir si le ministre compte donner suite aux remarques faites par le service d'Évaluation de la législation sur le texte.
Le ministre estime qu'en ce qui concerne le rôle de la cour d'appel de Bruxelles, il ne faut pas perdre de vue que ce ne sont pas les cours d'appel qui veillent à l'uniformité de la jurisprudence, mais la Cour de cassation. Concernant la procédure, on a opté pour celle du référé, dont les délais de traitement sont beaucoup plus courts et qui permettra d'avoir un jugement plus rapidement. Une comparaison avec la procédure classique, qui peut durer des années, est hors de propos.
Les corrections rédactionnelles proposées par le service Évaluation de la législation seront aussi apportées en l'occurrence.
3. Concernant le projet de loi portant des dispositions diverses (nº 3-1303/1)
M. Steverlynck considère que le projet à l'examen contient plusieurs dispositions à caractère fiscal. Le plus étonnant, c'est que la majorité présente ces mesures comme si elles étaient motivées par le souci de mener une politique cohérente en manière d'environnement. Aucune préoccupation environnementale n'anime toutefois le gouvernement. Un des auteurs a en effet déclaré sans ambages que « les recettes prévues ne sont plus garanties et que les dispositions à l'examen permettront de remédier à ce problème. » Pire encore: le gouvernement remet en question les taux d'accises tous les six mois et parfois même à un rythme plus rapide. On prévoit d'abord que des entreprises telles qu'Electrabel peuvent conclure un accord leur permettant de payer moins d'accises à la condition d'utiliser à l'avenir moins de centrales au coke et au charbon. Or, ces entreprises doivent bien constater à présent que cette réduction n'est finalement pas acquise et que le prix qu'elles auront à payer passe de 30 à 60 millions d'euros. Eu égard à la position d'Electrabel sur le marché, on peut s'attendre à ce que cette augmentation des coûts soit répercutée sur la facture des entreprises et même sur celle des ménages. Outre le fait que modifier les taux tous les six mois n'est pas une mesure de bonne administration, les entreprises et les ménages se verront une nouvelle fois ponctionnés.
Le ministre reconnaît qu'il n'est pas bon de modifier une loi tous les six mois. Mais dans le cas d'espèce, la loi avait un effet pervers qui était passé inaperçu lors de son élaboration. Les régions pouvaient en effet accorder une exonération d'accises aux opérateurs qui ont recours à cette méthode de production d'énergie particulièrement polluante. Tel n'étant pas l'objectif, il a fallu procéder à cette modification de loi.
IV. DISCUSSION DES AMENDEMENTS
1. Projet de loi portant des dispositions diverses (nº 3-1302/1)
Art. 62
M. Brotcorne dépose l'amendement nº 7 (doc. Sénat, nº 3-1302/2) insérant une nouvelle phrase dans l'article 7, § 2, alinéa 6, de la loi du 29 avril 1999 relative à l'organisation du marché de l'électricité. L'intervenant renvoie à la justification écrite de son amendement.
Le ministre déclare que la CREG est déjà obligée de se prononcer sur le contrat entre le gestionnaire du réseau et le titulaire de la concession domaniale en raison de son impact sur les tarifs. Il demande dès lors le rejet de l'amendement.
M. Brotcorne dépose l'amendement nº 8 (doc. Sénat, nº 3-1302/2) remplaçant la dernière phrase de l'article 7, § 2, alinéa 6, de la loi du 29 avril 1999.
L'intervenant renvoie à la justification écrite de son amendement.
Le ministre se réfère à sa réponse antérieure. L'adoption de l'amendement entraînerait des obligations ultérieures en matière d'entretien et de réparations avec toutes les conséquences financières y afférentes.
M. Brotcorne dépose l'amendement nº 9 (doc. Sénat, nº 3-1302/2) modifiant l'article 7, § 3, alinéa 6, de la loi du 29 avril 1999. L'objectif est de supprimer la discrimination selon l'emplacement de l'éolienne sur mer ou sur terre. L'auteur déclare ne pas être convaincu par l'explication technique du ministre sur les variations du vent sur mer.
Le ministre réplique que toutes les études scientifiques corroborent son point de vue.
M. Brotcorne dépose l'amendement nº 10 (doc. Sénat, nº 3-1302/2) insérant un alinéa 5 à l'article 7, § 4, de la loi du 29 avril 1999. Cet amendement consacre la compétence du Roi relative à la répartition entre les régions des certificats verts liés aux projets d'installations de production d'électricité à partir des vents dans les espaces marins.
Le ministre répond que la répartition se fera en fonction des participations des fournisseurs ou producteurs.
Art. 63
M. Brotcorne dépose l'amendement nº 11 (doc. Sénat, nº 3-1302/2) supprimant, à l'article 21bis, § 1er, les mots « cette cotisation fédérale est soumise à TVA ». L'auteur renvoie à l'avis du Conseil d'État.
Le ministre s'oppose à cet amendement à cause de la 6e directive TVA de mai 1977 qui prévoit que la TVA est toujours d'application à ce type de charge.
M. Brotcorne dépose l'amendement nº 12 (doc. Sénat, nº 3-1302/2) modifiant l'article 21bis, § 1er, en ce sens que c'est le gestionnaire du réseau, et non les fournisseurs, qui sera chargé de la perception de la cotisation fédérale.
Le ministre déclare que l'on ne change rien aux charges administratives. À l'heure actuelle, ce sont déjà les fournisseurs qui assurent la perception de la cotisation fédérale. De plus, le gestionnaire du réseau n'est pas en mesure de calculer cette cotisation parce qu'il ne connaît pas la consommation des clients individuels.
Actuellement, le gestionnaire du réseau reçoit la perception pour l'ensemble du pays. Il s'agit d'un transfert aveugle de la part du fournisseur chargé de la facturation immédiate au gestionnaire de réseau de distribution qui compte sur cette cotisation fédérale une partie des pertes de réseau qui varient d'une zone à l'autre et le transfère à son tour au gestionnaire de réseau. C'est pour le gestionnaire de réseau national un processus opaque. La dégressivité doit être calculée sur le prix de base. Seuls les fournisseurs en ont les moyens.
Art. 69 et 71
M. Brotcorne dépose les amendements nos 13 et 14 (doc. Sénat, nº 3-1302/2) visant à supprimer les articles 69 et 71 relatifs au pouvoir de suspension du Conseil des ministres. L'intervenant renvoie à la justification écrite de ses amendements.
Le ministre se réfère également à sa réponse antérieure.
2. Projet de loi portant des dispositions diverses (nº 3-1303/1)
Art. 2, 3 et 4
M. Steverlynck dépose les amendements nos 1 à 3 (doc. Sénat, nº 3-1303/2) visant à supprimer les articles 2 à 4. Il se réfère à sa justification écrite et aux remarques qu'il a faites à ce sujet lors de la discussion générale.
Le ministre renvoie à la réponse qu'il a donnée au cours de la discussion générale.
V. VOTES
1. Projet de loi portant des disposition diverses; nº 3-1302/1
L'amendement nº 7 est rejeté par 9 voix contre 3.
L'amendement nº 8 est rejeté par 9 voix contre 2 et 1 abstention.
L'amendement nº 9 est rejeté par 9 voix contre 3.
L'amendement nº 10 est rejeté par 9 voix contre 1 et 2 abstentions.
L'amendement nº 11 est rejeté par 9 voix contre 2 et 1 abstention.
L'amendement nº 12 est rejeté par 9 voix contre 2 et 1 abstention.
L'amendement nº 13 est rejeté par 9 voix contre 3.
L'amendement nº 14 est rejeté par 9 voix contre 3.
La commission décide d'apporter quelques corrections rédactionnelles aux articles 67, 68 et 70.
L'ensemble des articles envoyés à la commission des Finances et des Affaires économiques est adopté par 9 voix et 3 abstentions.
2. Projet de loi organisant les voies de recours contre les décisions prises par la Commission de Régulation de l'Électricité et du Gaz (nº 3-1301/1)
La commission décide d'apporter quelques corrections rédactionnelles à ce projet.
Les articles 1er à 11, ainsi que l'ensemble du projet de loi, sont adoptés par 9 voix et 3 abstentions.
3. Projet de loi portant des dispositions diverses (nº 3-1303/1)
Les amendements nos 1 à 3 sont rejetés par 9 voix contre 3.
L'ensemble des articles envoyés à la commission des Finances et des Affaires économiques est adopté par 9 voix contre 3.
Confiance a été faite aux rapporteurs pour un rapport oral en séance plénière.
Les rapporteurs, | Le président, |
Joëlle KAPOMPOLÉ. Jan STEVERLYNCK. | Jean-Marie DEDECKER. |
Texte adopté par la commission
1. Projet de loi portant des disposition diverses; nº 3-1302/1
La commission a apporté les corrections de texte suivantes:
Dans le texte français des articles 67 et 70, le mot « dommage » figurant respectivement à l'article 29quater, § 1er, proposé, et à l'article 15/21, § 1er, proposé, est remplacé par les mots « préjudice grave ».
Dans le texte néerlandais des articles 67 et 70, le mot « betekening » figurant respectivement à l'article 29quater, § 2, proposé, et à l'article 15/21, § 2, proposé, est remplacé par le mot « kennisgeving ». Par ailleurs, dans l'article 29quater, § 2, précité, les mots « niet is betekend » sont remplacés par les mots « niet ter kennis is gebracht » et dans l'article 15/21, § 2, précité, les mots « niet werd betekend » sont remplacés par les mots « niet werd ter kennis gebracht ».
2. Projet de loi organisant les voies de recours contre les décisions prises par la Commission de Régulation de l'Électricité et du Gaz; nº 3-1301/1
Texte corrigé par la commission (voir doc. Sénat, nº 3-1301/3).
3. Projet de loi portant des dispositions diverses; nº 3-1303/1
Le texte adopté par la commission est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants (voir le doc. Chambre nº 51-1922/5).