3-121

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Belgische Senaat

Handelingen

DONDERDAG 30 JUNI 2005 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Mondelinge vraag van mevrouw Christine Defraigne aan de vice-eerste minister en minister van Justitie over «de naleving van het beginsel van de filosofische en godsdienstige neutraliteit van de justitie» (nr. 3-762)

Mme Christine Defraigne (MR). - La neutralité philosophique et religieuse de la justice est un principe essentiel, garant de la crédibilité de l'institution judiciaire. Le respect de ce principe de neutralité est le gage d'une justice égale pour tous.

C'est au nom de cette neutralité que la référence à une divinité quelconque a disparu de nos formules judiciaires sacramentelles. C'est au nom de ce même principe de neutralité que, voici quelques mois, vous avez « souhaité » que soit soustrait à la vue des justiciables le tableau - représentant une scène de crucifixion - qui ornait la salle de la Cour d'assises de Mons.

Ce principe de neutralité philosophique et religieuse de la justice, dont nous partageons tous le même souci, fait-il l'objet de circulaires émanant de votre département et qui en déterminent les modalités d'application ? Dans l'affirmative, quelles sont ces modalités ? Dans la négative, avez-vous ou non l'intention de publier de telles circulaires ?

La neutralité du mobilier, des locaux et des salles d'audience est un élément du problème ; celle du personnel de justice lui-même en est un autre.

Ainsi, lors du procès d'assises qui vient de se terminer à Liège, une interprète officielle - c'est-à-dire une auxiliaire de justice assermentée - s'est présentée en salle d'audience affublée d'un signe ostentatoire d'appartenance religieuse. Le costume des auxiliaires de justice n'est pas autrement décrit par la loi. Il s'agissait, aujourd'hui, d'une interprète, mais il s'agira peut-être, demain, de greffiers non-audienciers, d'huissiers d'audience...

Pouvez-vous me confirmer que le principe de neutralité philosophique et religieuse s'applique également aux auxiliaires de justice et à leur apparence vestimentaire ?

J'aimerais savoir également, pour ce qui concerne ce type de personnel, s'il existe une circulaire déterminant les modalités du principe de neutralité. Dans la négative, envisagez-vous ou non de prendre une initiative en ce sens ?

Enfin, pensez-vous qu'un président de chambre pourrait ou devrait, en vertu de son pouvoir discrétionnaire de police d'audience, interdire au personnel auxiliaire de justice d'afficher tout signe visible d'appartenance philosophique ou religieuse qui romprait avec le principe de neutralité ?

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre de la Justice. - Je considère évidemment comme essentiel le respect du principe de neutralité des autorités judiciaires et donc des éléments matériels concourant à l'exercice de leurs tâches, et particulièrement des bâtiments.

J'ai pris l'initiative d'adresser aux autorités judiciaires la circulaire nº 25, qui règle ce problème. Je m'y suis attachée à tenir compte à la fois de ce principe de neutralité et des circonstances locales, à savoir, d'une part, le caractère protégé ou non du bâtiment et du mobilier qui le garnit et, d'autre part, la valeur esthétique éventuelle de ces symboles, même s'ils ont apparemment un contenu religieux, souvent hérité de l'histoire. À cet égard, ils sont aussi porteurs de sens.

Cette circulaire donne des indications précises quant au principe - la neutralité - et aux modalités à mettre en oeuvre pour tenir compte des autres aspects : protection du patrimoine et valeur esthétique.

Nous avons pu, en fonction de cette circulaire, agir par exemple vis-à-vis de la Cour d'appel de Mons. Nous avons trouvé, me semble-t-il, la solution la plus adéquate. La présence de ce tableau avait provoqué un grand nombre de réactions négatives. S'agissant d'une oeuvre de qualité, il demeure dans la salle. Néanmoins, pendant les séances de cour d'assises, une tenture le recouvre. Cette solution originale permet de respecter et le principe de neutralité et la qualité du patrimoine de l'État.

En ce qui concerne les experts judiciaires, deux critères sont à la base de leur désignation : la compétence et la probité. Au-delà de ces deux critères, par le simple fait d'accepter une mission publique et de prêter le serment, ils se soumettent aux principes généraux applicables aux collaborateurs de l'autorité et à l'obligation spéciale de conscience, d'exactitude et de probité. La neutralité philosophique de l'institution ne s'oppose pas à ce qu'une personne affiche des convictions propres, dans la mesure où cette attitude ne présente aucun caractère provocateur et n'est pas de nature à mettre en doute les qualités requises. On ne peut légitimement déduire du seul fait de porter une pièce d'habillement particulière que la personne en question ne respectera pas ses obligations d'expert.

Pour le solde, il s'agit effectivement d'une question d'appréciation. Celle-ci appartient à la police de l'audience que la loi confie exclusivement au président du tribunal concerné.

Sauf si un problème majeur m'était dénoncé, je ne veux pas, à l'heure actuelle, adresser des directives aux magistrats, ce qui pourrait être interprété comme une immixtion dans l'exercice de la fonction judiciaire.

Quant à l'affaire de Liège, j'ai interpellé les autorités judiciaires. Le premier président de la Cour d'appel m'informe que s'est bien tenu, dans le courant du mois de juin, un procès de cour d'assises. L'accusé, de nationalité turque, était assisté d'un interprète. Selon les éléments communiqués, le président de chambre n'a rien remarqué de particulier dans l'apparence de l'interprète dont les cheveux, couverts par un foulard noué dans le cou, apparaissaient dans la nuque. Le président n'y a pas vu de signe ostentatoire d'appartenance religieuse.

En ce qui concerne l'article 759 du code judiciaire qui impose à celui qui assiste aux audiences de se tenir découvert, il fait l'objet d'une interprétation par le président de chambre qui doit tenir compte des différentes situations qui se présentent à lui. En tout état de cause, il me revient que les présidents de chambre veillent scrupuleusement au respect du principe de neutralité et réaffirment que la violation de celui-ci doit s'apprécier in concreto.

Je le répète, si je devais avoir connaissance de problèmes majeurs dans l'application de ce principe, je n'hésiterais pas à prendre des initiatives. En effet, la neutralité des autorités judiciaires et des collaborateurs de justice est un principe intangible de notre démocratie.

Mme Christine Defraigne (MR). - Mme la ministre a réaffirmé certains principes qui doivent s'étendre aux auxiliaires de justice. J'en prends acte.

Quant à la question que j'ai évoquée, je n'ai pas la même analyse des photos publiées dans la presse sur le port du signe ostentatoire d'appartenance religieuse. En tout cas, je n'ai pas vu dépasser les cheveux...