3-1117/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2004-2005

29 MARS 2005


Proposition de loi modifiant l'article 6 de la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population et aux cartes d'identité, en vue d'inclure sur la carte d'identité électronique les enregistrements en matière de dons d'organes

(Déposée par Mme Erika Thijs)


DÉVELOPPEMENTS


En 2004, nous avons été confrontés pour la première fois, en Belgique, à un recul du nombre d'organes disponibles en vue d'une transplantation. La présente proposition de loi ne vise pas à apporter des modifications à l'actuelle législation en matière de don d'organes, laquelle est tout compte fait une des plus progressistes d'Europe, mais a pour but d'encourager le don d'organes humains.

Le 1er février 2005, 1340 patients originaires de Belgique se trouvaient sur la liste d'Eurotransplant. La plupart d'entre eux sont en attente de la transplantation d'un rein (944) ou d'un foie (243). La liste nous apprend également que 27 personnes sont en attente d'un pancréas, 34 d'un coeur, 46 d'un poumon, 26 d'un pancréas et d'un rein, et 1 d'un coeur et d'un poumon. Eurotransplant est une organisation internationale qui regroupe et coordonne la distribution des organes de donneurs pour six pays : la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, l'Allemagne, l'Autriche et la Slovénie. Pour ces pays, Eurotransplant assure certaines activités : inscription sur les listes d'attente, caractérisation des tissus, organisation d'interventions 24 heures sur 24, collecte de données concernant les listes d'attente et les transplantations, organisation du transport d'organes.

L'année dernière, 679 Belges ont bénéficié de la transplantation d'un nouveau rein, pancréas, poumon ou coeur provenant de donneurs. Malgré ces chiffres encourageants, il y a entre l'offre et la demande un déséquilibre qui se traduit par une pénurie d'organes, et ce, pour diverses raisons.

Il faut tout d'abord que les organes du donneur potentiel soient intacts au moment de son décès, ce qui exclut déjà la majeure partie des donneurs potentiels. Seules des formes de décès très spécifiques permettent une transplantation d'organes.

De plus, l'amélioration des soins donnés dans les services de médecine d'urgence et de soins intensifs permet de sauver davantage de vies humaines; de même, la diminution du nombre d'accidents mortels de la circulation a pour conséquence qu'il y a moins de donneurs potentiels.

Par ailleurs, l'amélioration des soins médicaux et les progrès techniques ont ouvert aux personnes dont la santé est plus précaire, comme les diabétiques, la possibilité de bénéficier d'une transplantation. La demande accrue d'organes de donneurs n'est pas non plus étrangère à l'augmentation de l'espérance de vie et, en ce qui concerne spécifiquement la demande de foies de donneurs, à la recrudescence du nombre d'infections par le virus de l'hépatite C.

En Belgique, les proches d'un défunt qui ne s'est pas fait enregistrer comme donneur, peuvent toujours faire obstacle à la transplantation, ce qui réduit encore le groupe déjà fortement limité des donneurs effectifs.

Enfin, par manque d'informations, les gens ne sont pas bien au courant des procédures en vigueur et de l'immense valeur ajoutée que représente la transplantation d'organes sur le plan humain.

La loi sur le prélèvement et la transplantation d'organes est entrée en vigueur le 13 juin 1986. L'article 10 de cette loi prévoit que « des organes et des tissus destinés à la transplantation (...) peuvent être prélevés sur le corps de toute personne inscrite au registre de la population ou depuis plus de six mois au registre des étrangers, excepté s'il est établi qu'une opposition a été exprimée contre un prélèvement ».

Le législateur belge a donc opté pour le système d'opposition, dans lequel tout un chacun est donneur potentiel, à moins de s'y être opposé. Cette opposition doit faire l'objet d'un enregistrement explicite par la commune.

Une petite minorité de la population procède à un enregistrement ou fait opposition de son vivant. Il y a actuellement 30 748 candidats donneurs enregistrés, contre 191 307 personnes qui ont formulé une opposition expresse. La déclaration d'opposition ou de consentement au don d'organes doit être faite personnellement auprès du fonctionnaire communal du service population. Il est clair que très peu de personnes sont informées de cette procédure.

La plupart des gens s'abstiennent dès lors de toute démarche et, en pratique, la famille est toujours consultée en cas de décès. Les proches parents (père, mère, enfants et conjoint) peuvent en effet mettre leur veto à l'utilisation des organes de leur parent décédé si celui-ci n'a pas lui-même pris position en la matière. Il semblerait que dans 15 à 20 % des cas, la famille du défunt fasse obstacle au prélèvement d'organes, même si l'intéressé lui-même ne s'y était pas opposé de son vivant.

Il n'est pas facile, pour un proche parent, d'apprécier l'importance et la nécessité d'un don d'organes, si vite après le décès. Si une personne faisait enregistrer, de son vivant, le choix qu'elle a fait en matière de don d'organes, ses proches parents ne devraient plus prendre de décision en la matière.

Étant donné qu'il y a une grande demande de donneurs appropriés, que bon nombre de personnes ne sont pas au courant de l'enregistrement et que les proches parents éprouvent des difficultés à prendre une décision, la législation actuelle ne suffit pas à encourager le don d'organes. Dans ces circonstances, l'introduction de la carte d'identité électronique peut être un moyen d'enregistrer les donneurs potentiels. À la lettre de convocation pour un renouvellement ou une prorogation de carte d'identité devrait être joint un dépliant explicatif sur les possibilités en matière de dons d'organes.

Lors de la délivrance de sa nouvelle carte d'identité électronique, il devrait être demandé à chaque Belge s'il se fait enregistrer ou non en tant que donneur. L'enregistrement n'est pas obligatoire, mais le fait de poser la question met les gens face à leurs possibles responsabilités. À chaque convocation pour une nouvelle carte d'identité, on repose aux personnes qui ne sont toujours pas enregistrées la question de savoir si elles sont disposées ou non à faire don de leurs organes.

De cette manière, on parvient à sensibiliser les gens en permanence, alors qu'actuellement, ils ne le sont qu'à l'occasion de campagnes d'information uniques et spécifiques. Il faut toutefois que les maisons communales disposent d'informations suffisantes sur le don d'organes. Le donneur doit être bien informé des suites de son choix. Tout le monde peut à tout moment modifier son enregistrement en s'adressant à l'administration communale.

En cas de décès, le médecin responsable peut, grâce à la carte d'identité électronique, savoir immédiatement si le défunt est un donneur potentiel. La décision en la matière ne dépend dès lors plus des proches parents.

Techniquement parlant, les informations sont stockées sur la puce de la carte d'identité électronique et ces données ne sont lisibles qu'électroniquement. Chaque service d'urgence en Belgique devrait dès lors disposer d'un lecteur de cartes pour pouvoir restituer immédiatement lesdites informations. Il est cependant important qu'Eurotransplant, qui veille à la coordination des dons d'organes dans les pays affiliés, dispose également des données spécifiques relatives au don d'organes.

Une autre piste importante pour encourager les gens à faire don de leurs organes serait de mener une campagne de sensibilisation bien réfléchie et ciblée. Les jeunes sont le groupe cible le plus indiqué pour une campagne, étant donné qu'il a été démontré à l'étranger qu'ils constituent le groupe le plus réceptif aux informations sur le don d'organes.

Un troisième point essentiel est la formation et la sensibilisation d'équipes médicales dans les hôpitaux. Il appartient à l'équipe traitante de signaler les donneurs potentiels. L'idéal serait de vérifier à chaque décès si les organes ou tissus du défunt conviennent à un don d'organes. Le personnel hospitalier doit également recevoir une formation qui lui permettra d'aborder le sujet du don d'organes avec les proches parents d'un défunt, de sorte qu'ils puissent faire un choix réfléchi.

Erika THIJS.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 6, § 2, alinéa 3, de la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population et aux cartes d'identité et modifiant la loi du 8 août 1983 organisant un registre national des personnes physiques est complété comme suit :

« 7º le cas échéant, le consentement ou le refus du titulaire de faire don de ses organes ».

3 mars 2005.

Erika THIJS.