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3 MARS 2005
Le vendredi 4 février 2005, le groupe de travail « Espace » du Sénat a visité l'Institut d'aéronomie spatiale de Belgique (IASB) à Uccle. À cette occasion ont eu lieu des échanges de vues avec :
— M. Paul Simon, directeur de l'IASB;
— M. Dominique Fonteyn, Senior Scientist à l'IASB.
Cette visite s'inscrit dans le cadre de l'attention particulière que le groupe de travail « Espace » entend consacrer à la politique spatiale belge. L'accent sera mis sur la position qu'occupent l'industrie et le monde scientifique belges dans le secteur spatial européen, sur l'intérêt que les jeunes portent à la navigation spatiale et aux études scientifiques et sur l'information diffusée par les médias en matière de la navigation spatiale.
Outre les membres du groupe de travail, des membres du Comité d'avis pour les questions scientifiques et technologiques de la Chambre des représentants étaient également présents, de même que des représentants du ministre qui a la recherche scientifique, la politique scientifique fédérale et la haute représentation pour la politique spatiale belge dans ses attributions.
— Introduction
L'aéronomie est l'étude de la physique et de la chimie des atmosphères planétaires et cométaires et de l'espace interplanétaire. Elle inclut, par conséquent, l'étude de l'action du Soleil sur l'atmosphère terrestre, notamment dans le cadre des changements climatiques à l'échelle du globe.
L'IASB est le successeur d'un service d'aéronomie dépendant de l'Institut royal météorologique (IRM) et mis en place en 1939. En novembre 1964, ce service a été détaché de l'IRM et a été constitué en établissement scientifique de l'État belge sous la dénomination d'IASB. En tant qu'établissement scientifique fédéral doté de quatre départements et de neuf sections, l'IASB fait partie depuis 2000 du « Pôle Espace », situé sur le plateau d'Uccle, qui accueille aussi d'autres institutions, l'IRM et l'Observatoire royal de Belgique.
L'IASB a pour objectifs d'acquérir une certaine expertise scientifique et technologique et de diffuser l'information nécessaire dans le domaine de l'aéronomie spatiale. Cela implique des tâches de recherche et de service public, ainsi qu'un partenariat durable avec le monde industriel. Les données sont obtenues à l'aide de systèmes spatiaux (satellites et sondes interplanétaires), de fusées, de ballons stratosphériques, etc. Il est évident qu'une coopération européenne et internationale est d'une importance capitale.
— Applications de la recherche
Les résultats des recherches menées par l'IASB font l'objet de diverses applications de nature scientifique, stratégique, éducative, opérationnelle ou technologique. Le tout doit être envisagé dans un contexte international, le principe étant de participer autant que possible à des programmes de recherche de l'ASE, de la Commission européenne, de la NASA et de l'Agence spatiale canadienne.
— Domaines de recherche
Un premier domaine de recherche concerne la relation entre le Soleil et la Terre. Le Soleil a-t-il une influence sur la concentration des gaz à effet de serre dans l'atmosphère, sur la couche d'ozone, sur la qualité de l'air, etc. ? La recherche porte concrètement sur :
— le rayonnement solaire : on effectue régulièrement, à bord de la Station spatiale internationale, des mesures dont les résultats sont traités à l'IASB;
— le vent solaire : les missions ULYSSES (lancée en 1990, ASE/NASA) et CLUSTER 2 (lancée en 2001, ASE/NASA) ont déjà effectué des mesures détaillées du vent solaire, qui permettent à l'IASB d'étudier l'influence de celui-ci sur la Terre.
— la météorologie spatiale : l'IASB étudie l'influence du temps dans l'espace et ses effets sur le fonctionnement des satellites, sur la sécurité des astronautes (dose limite de radiation) ou sur les perturbations de l'ionosphère. Signalons à cet égard le système SPENVIS, qui a été développé par l'IASB pour l'ASE et qui donne accès, via le web, aux modèles de l'environnement spatial et leurs effets sur les satellites et leurs instruments. Le système compte environs 2000 utilisateurs internationaux.
Un deuxième champ d'investigation concerne l'observation de la Terre. Non seulement l'IASB réalise des études en vue de la construction d'instruments, mais il coordonne les observations de composants stratosphériques et troposphériques sur quatre stations terrestres en Europe (Uccle, Harestua en Norvège, OHP en France et Jungfraujoch en Suisse). Il collabore également à la construction et au maniement d'instruments qui permettent d'effectuer des recherches atmosphériques à bord de satellites tels qu'Envisat, ERS-2, etc.
À partir d'une multitude de données de mesure, l'IASB participe à la mise au point de modèles qui permettent de prévoir l'évolution de la pollution atmosphérique, les modifications de la composition de l'atmosphère, etc. On peut ainsi offrir un support au suivi des traités internationaux comme le Protocole de Montréal concernant la couche d'ozone.
Un troisième domaine de recherche concerne l'exploration du système solaire. En effet, l'étude de l'atmosphère qui entoure d'autres corps célestes est riche en enseignements sur l'atmosphère terrestre. L'IASB a collaboré au développement d'instruments spécifiques à bord de « Mars Express » et de « Venus Express »; il est également présent à bord de « Rosetta », qui est en route vers la comète Churyumov-Gerasimenko.
— Le B.USOC — Belgian User Support and Operation Centre
Créé en février 1997, le B.USOC est une unité intégrée à l'IASB; il est dirigé conjointement par la Politique scientifique fédérale et l'IASB.
Le B.USOC a pour objectif d'aider les scientifiques belges à préparer et à développer des expériences nécessitant un environnement spatial (Station spatiale internationale, navette spatiale, etc.). Cette assistance couvre trois domaines :
— support technique dans le cadre des négociations entre les partenaires industriels et les organisations nationales et internationales;
— support opérationnel en ce qui concerne le contrôle à distance des expériences spatiales, la préparation de missions, l'évaluation de l'infrastructure, ainsi que l'archivage et la diffusion des données pertinentes;
— information et promotion concernant la recherche spatiale, y compris auprès du grand public.
— Introduction
La communauté scientifique fournit des efforts soutenus pour réduire le laps de temps qui s'écoule entre les observations faites depuis l'espace et l'analyse scientifique de la composition chimique de l'atmosphère. D'autant plus que cet aspect s'est révélé être d'une importance non négligeable depuis la découverte du trou dans la couche d'ozone.
En se basant sur la méthodologie utilisée dans les instituts de météorologie, l'IASB s'est lancé, voici quelques années, dans le développement d'un système permettant d'étudier la composition chimique de l'atmosphère.
Pour pouvoir répondre à une demande sans cesse croissante des citoyens, l'on utilise depuis longtemps de plus en plus les observations faites depuis l'espace pour améliorer la qualité des prévisions météorologiques. Une observation par satellite ne donne en effet qu'une image fragmentaire de l'espace et des composants à analyser et doit par conséquent être complétée par un système permettant de rendre une image globale et homogène de ces observations. Cette image, qui caractérise la situation réelle de l'atmosphère, est nécessaire en vue d'obtenir des prévisions météorologiques numériques fiables. On parle d'assimilation des données.
— BASCOE — Belgian Assimilation System of Chemical Observations from Envisat
Le satellite Envisat, développé par l'ESA et lancé le 1er mars 2002, a permis à la communauté scientifique d'utiliser des observations sur la composition chimique de l'atmosphère en temps presque réel. À partir de ces données, l'IASB a ensuite mis au point un système d'assimilation des données appelé BASCOE.
Ce système unique fonctionne sur une base opérationnelle et permet de contrôler en temps presque réel la composition chimique globale de l'atmosphère. Une information globale sur l'état de l'atmosphère est par conséquent disponible à tout moment.
Une autre spécificité de BASCOE est qu'il permet, grâce à une technique d'assimilation de pointe, de suivre des substances chimiques non perceptibles. Grâce à cette technique, le cumul des informations provenant des observations faites à partir de la Terre et qui reflètent la réalité et des informations provenant d'un modèle numérique permet d'obtenir une image cohérente et complète de la composition chimique de l'atmosphère.
— Conclusion
Le système BASCOE permet un contrôle quotidien de l'évolution de l'atmosphère et permet même de réaliser des prévisions chimiques, comme ce fut notamment le cas pour ce qui est de la découverte du trou dans la couche d'ozone au-dessus de l'Antarctique et de la mesure de sa taille.
Ce projet belge, qui est un projet unique au monde, est financé intégralement par les autorités fédérales, par l'entremise de la Politique scientifique fédérale. L'expertise acquise est reconnue et admirée par l'ensemble de la communauté internationale.
BASCOE ouvre en effet la porte à des services en matière d'information et de prévisions précises en rapport avec la qualité de l'air et les situations de pollution extrême.
— Commercialisation de BASCOE
M. Philippe Mettens, président du comité de direction de la Politique scientifique fédérale, est convaincu de l'importance de BASCOE. Il aurait néanmoins voulu savoir si l'on envisage de rendre le système payant, afin que les utilisateurs participent à son financement. De la sorte, les fonds que l'on économiserait pourraient être affectés à d'autres projets dont le financement doit également être assuré par les autorités fédérales. On pourrait peut-être trouver des clients payants dans le secteur chimique.
M. Paul Simon, directeur de l'IASB, répond que c'est impossible dans la situation actuelle. Les services publics sont toujours les principaux utilisateurs des informations que fournit BASCOE. Or, ils ne paient pas pour ces informations. Le marché européen reste assez limité, surtout par rapport à celui des États-Unis où le ministère de la Défense est le plus gros acheteur des informations de ce type qui sont récoltées par la NASA. Mais même là, on ne peut absolument pas encore parler d'une commercialisation desdites informations.
Les entreprises chimiques pourraient effectivement devenir, à long terme, des clients en Europe, mais le secteur des assurances dispose lui aussi du potentiel nécessaire.
M. Dominique Fonteyn, Senior Scientist à l'IASB, confirme qu'aujourd'hui, les principaux utilisateurs sont les dirigeants politiques, qui estiment avoir droit au service en question et qui ne paient pas pour le recevoir. Il se pourrait toutefois, à long terme, qu'un secteur industriel veuille acheter des informations du type de celles dont il est question, mais un problème éthique surgirait au cas où un acheteur d'informations viendrait à les utiliser dans son propre intérêt plutôt que dans l'intérêt de la collectivité.
Mme Dominique Tilmans, députée, fait remarquer que ce pourrait être un moyen de responsabiliser l'industrie.
— Originalité et avenir de BASCOE
Mme Dominique Tilmans, députée, demande dans quelle mesure ce système est unique au monde et où l'on en sera d'ici 10 ou 20 ans.
M. Dominique Fonteyn, Senior Scientist à l'IASB, souligne que BASCOE est en effet un système unique au monde. Ces derniers temps, l'IASB reçoit dès lors des demandes d'informations venant de tous les coins du monde. Elles émanent surtout du monde scientifique qui est un monde non commercial par définition. Il est toutefois évident qu'à terme, l'IASB recevra des demandes à connotation plus commerciale, pour lesquelles il pourrait se faire rétribuer.
BASCOE n'en est encore qu'à ses premiers balbutiements. L'instrument de base existe mais il faudra continuer à ouvrer à l'amélioration de l'observation terrestre, de la sensibilité, etc. Le modèle pourra toujours être amélioré. Au cas où l'observation réelle montrerait qu'il y a eu une erreur de prévision, il faudrait en rechercher la cause et, une fois qu'elle aurait été trouvée, il faudrait améliorer et affiner la technique de prévision.
M. François Roelants du Vivier, président du groupe de travail « Espace », est convaincu que l'investissement en question sera un très bon investissement. À terme, on pourra remplacer en partie le système d'observation physique de la Terre par le nouveau système et on pourra consacrer les fonds économisés ainsi à d'autres projets.
M. Dominique Fonteyn, Senior Scientist à l'IASB, partage ce point de vue. Dès que le système sera suffisamment stable et fiable, il présentera une très grande souplesse d'utilisation. Il n'est même pas impossible qu'il permette de réaliser des prévisions et des calculs concernant l'atmosphère de Mars et de Vénus. BASCOE constitue la base d'un modèle global qui pourra servir à de multiples applications moyennant les adaptations nécessaires.
— Importance internationale de l'IASB
M. François Roelants du Vivier, président du groupe de travail « Espace », estime que l'IASB accomplit un travail remarquable et que chaque euro qui y est investi est un bon placement. Il est dès lors particulièrement regrettable que l'IASB soit si mal connu en Belgique et que l'on sache si peu des réalisations qu'il a inscrites à son compte. Comme une des missions du groupe de travail est de mieux faire connaître le secteur spatial belge auprès du grand public, il serait intéressant de savoir ce qui distingue l'IASB d'autres institutions internationales.
M. Paul Simon, directeur de l'IASB, déclare qu'à l'issue de la Seconde Guerre mondiale, l'IASB fut l'une des organisations qui se trouva à l'origine de ce que l'on allait appeler plus tard l'aéronomie spatiale. L'expertise belge a été très vite reconnue à l'échelle internationale. Au fil des ans, l'IASB a encore amélioré l'excellente réputation dont il jouissait au prix d'un effort de tous les jours. Avec BASCOE, système unique au monde, l'IASB dispose d'un nouvel instrument qui lui permettra d'encore renforcer sa position sur l'échiquier international.
Dans l'Europe d'aujourd'hui, il n'est presque plus possible de développer et d'exploiter un instrument scientifique précis. Tout se décide au sein de grandes agences nationales et internationales et de groupes industriels. L'IASB offre toutefois la possibilité de concevoir des instruments, qui pourront être construits et exploités ailleurs. Mais là aussi l'internationalisation a frappé, puisque l'IASB collabore aujourd'hui avec d'autres centres en vue de poursuivre l'amélioration de la qualité du service et de réaliser les économies budgétaires qui s'imposent.
Le président-rapporteur,
François ROELANTS DU VIVIER.