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Sénat de Belgique

SESSION DE 2004-2005

26 JANVIER 2005


Proposition de loi modifiant l'article 3 de la loi du 10 décembre 2001 concernant le passage définitif à l'euro


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES ET DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES PAR M. COLLAS ET MME KAPOMPOLÉ


I. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE M. BEKE

Entre la Noël et le Nouvel an de l'an dernier, un certain nombre d'associations et de particuliers du Limbourg ont fait du porte-à-porte pour récolter des anciens francs belges et les échanger contre des euros au bénéfice de l'action Tsunami 12-12. Cette démarche a rapporté pas mal d'argent, car de nombreux ménages possèdent encore des pièces de monnaies en francs belges.

Les associations concernées ont pris contact avec des parlementaires limbourgeois en leur demandant de modifier la loi disposant que les anciens francs belges ne pouvaient plus être échangés après le 31 décembre 2004 et de reporter cette échéance pour leur permettre de poursuivre leur action.

C'est la raison pour laquelle M. Beke a déposé, conjointement avec Mme de Roeck et M. Germeaux, la présente proposition de loi, qui tend à proroger le délai visé jusqu'au 31 mars 2005.

Personnellement, l'intervenant pense qu'il y a de grandes chances que l'action en question soit un succès, puisqu'on a appris, fin novembre 2004, qu'il restait encore en circulation des pièces de monnaie en francs belges pour une valeur d'environ 190 millions d'euros.

Outre qu'elle répond à la demande de nombreuses associations, la proposition donne également une nouvelle impulsion à l'idée de solidarité avec les victimes du raz-de-marée.

II. DISCUSSION

Selon Mme De Roeck, la proposition ne présente que des avantages. Et elle n'occasionne non plus aucun préjudice financier à l'État, étant donné qu'il y a eu moins de francs belges échangés que prévu.

Par ailleurs, si l'on a peut-être bien récolté suffisamment d'argent pour parer aux besoins immédiats, la reconstruction nécessitera encore beaucoup de moyens financiers.

Dans cette optique, la proposition de loi peut s'avérer utile.

Mme De Roeck demande que l'on facilite au maximum l'application de la loi proposée pour le public. Les troncs doivent être placés de manière bien visible dans les bureaux de poste et il faut faire en sorte que les gens ne doivent pas faire la file longtemps.

Les associations qui récoltent des fonds risquent dorénavant d'être confrontées à beaucoup de gens qui ont déjà fait un don. La nouvelle action n'exige pas d'effort financier supplémentaire; elle permet même au public de « faire un peu le ménage » dans leurs tiroirs.

Mme De Roeck en appelle également aux médias pour qu'ils se fassent l'écho de cette initiative.

Le groupe SP.a soutient la présente proposition de loi à cent pour cent.

M. Germeaux s'associe aux intervenants précédents.

M. Brotcorne déclare que son groupe aussi peut se rallier à la proposition.

Sur le plan du principe, M. Collas éprouve beaucoup de sympathie pour cette initiative. Sur le plan technico-financier se pose toutefois la question de savoir si ce n'est pas l'État qui fait tout l'effort, étant donné que les gens vont remettre des pièces de monnaie qui n'ont plus de valeur.

Le représentant du ministre des Finances déclare que, du point de vue juridique, la prolongation de la période d'échange ne pose pas problème. Normalement, on demande un avis à la Banque centrale européenne. Cela pourrait aller très vite et ne devrait pas entraîner des problèmes.

Si on accepte cette modification à l'article 3 de la loi du 10 décembre 2001, il faudrait savoir que ce n'est pas sans conséquences pour la Banque nationale, d'une part, et pour La Poste, d'autre part. Il faudrait prévoir un délai suffisant pourqu'elles puissent prévoir du personnel, etc., pour que l'action se déroule dans les meilleures circonstances.

Pour répondre à M. Collas, il faut savoir que de toute façon c'est l'État qui paie. C'est l'État qui est obligé de payer la contre-valeur de ces pièces aux personnes qui les rendent au-delà du délai initialement prévu. Il faut y ajouter certains frais administratifs considérables pour les récolter. Pour le particulier, il n'y a rien qui change. La proposition tend à faire en sorte que l'État devra en fin de compte payer une somme pour un objectif tout à fait louable.

Cette idée paraît très attractive. Elle avait déjà été émise en décembre 2004 par certaines ONG. Il leur a été dit que, vu le délai qui était imparti, il était impossible de la réaliser. Ici, on le ferait rétroactivement.

Mme Kapompolé trouve qu'en effet l'idée a tout son sens. Pour lui, l'ambiguïté juridique est levée. Elle demande si l'on a déjà une idée des frais administratifs en cause.

La commissaire propose aussi d'élargir cette solidarité. Il est vrai que le raz-de-marée a touché plus particulièrement les pays du Sud-Est asiatique. Toutefois, au-delà des catastrophes naturelles, il y a chaque jour des gens qui souffrent de par le monde par rapport à la faim, toute une série de pandémies, la misère, la violence, etc.

Par conséquent, Mme Kapompolé estime qu'il serait peut-être intéressant justement via un compte qui concerne des plates-formes d'ONG comme le Centre national de Coopération au Développement et le « Koepel van de Vlaamse Noord-Zuidbeweging », d'arriver à un élargissement de cet élan de solidarité. À cet effet, elle dépose un amendement nº 2 (voir Doc. Sénat, nº 3-991/3).

M. Beke déclare qu'à l'heure actuelle, on ne sait pas combien d'argent a été échangé à la Banque nationale à la fin de 2004. Il n'est toutefois pas réaliste de penser que toutes les pièces « oubliées » jusqu'à présent seront finalement rentrées. Il est prêt à examiner de quelle manière on peut résoudre les problèmes administratifs.

Mme De Roeck est consciente que le personnel de la Poste travaille déjà beaucoup. C'est pourquoi il faut réduire son intervention autant que possible. Étant donné l'objectif de l'action, elle suppose que les personnes concernées ne protesteront pas.

M. Brotcorne comprend le souci de Mme Kapompolé d'élargir éventuellement le débat. Il pense toutefois qu'il vaut mieux rester dans le contexte de la proposition. Le souci ici est de profiter d'un élan de solidarité qui existe à partir d'un compte au nom d'un consortium d'ONG.

Malgré le fait que l'idée d'élargir cette solidarité est intéressante, elle lui paraît peu praticable en l'espèce. Sur la base de quel critère choisira-t-on l'une plutôt que l'autre ONG ?

Une autre optique serait de dire, puisque ce montant sera supporté par l'État, il vient en augmentation du budget disponible en coopération au développement. M. Brotcorne pense toutefois que c'est alors entrer dans une technicité qui ne permettra pas de répondre rapidement au souhait des auteurs de la proposition. En effet, l'extension du délai devrait être relativement court. Il faut à un moment donné clôturer la rentrée des pièces de francs belges. Deuxièmement, il y a déjà un consortium qui existe. Par conséquent, pour lui, la proposition telle qu'elle est rédigée, peut, compte tenu des circonstances, être acceptée en l'état.

M. Willems estime que l'argument du coût administratif n'est pas tellement important en pratique, puisque ce coût devait également être supporté avant le 31 décembre 2004. Il n'a pas été imputé non plus au citoyen.

Le représentant du ministre déclare qu'il serait préférable d'éviter ces coûts administratifs. Il serait plus efficient d'obliger tout de suite les pouvoirs publics à effectuer un versement plus élevé en ajoutant à la contre-valeur des pièces de monnaie rentrées la contre-valeur de ces coûts. Les coûts qu'allait entraîner l'échange des pièces belges pendant les trois ans de l'opération avaient été budgétisés à l'avance. Ce n'est pas le cas ici.

M. Beke fait remarquer que l'on ne pouvait pas prévoir non plus le raz-de-marée du 26 décembre 2004. Il n'est pas partisan non plus de faire verser l'argent prévu par les pouvoirs publics pour alimenter le Fonds du vieillissement, à l'action Tsunami. Non seulement cela coûterait beaucoup plus cher aux pouvoirs publics, mais ça ne correspondrait pas non plus à l'objectif initial de permettre d'abord aux organisations agissant dans le cadre de l'action de récolter de l'argent et ensuite de mobiliser et de sensibiliser à nouveau le public.

L'intervenant n'est pas partisan d'élargir sa proposition de loi à d'autres ONG, car cela entraînerait, pour le coup, des frais administratifs inutiles. Le système proposé est très clair et très simple. L'argent ne doit même pas être compté dans les bureaux de poste, il devra seulement être acheminé à la Banque nationale, qui procédera au calcul du montant total et versera l'intégralité de la contre-valeur sur un compte unique. De cette manière, on réduit au maximum les coûts administratifs. L'existence de plusieurs comptes ferait que les donateurs voudraient choisir eux-mêmes à quel compte irait leur don, avec tous les problèmes pratiques qui s'ensuivraient.

Le représentant du ministre souligne une fois de plus qu'à proprement parler les gens ne feront pas de don, mais détermineront seulement combien l'État devra payer.

M. Beke abonde dans le même sens. Par ailleurs, l'article 3 de la loi du 10 décembre 2001 dispose simplement qu'à compter du 1er janvier 2005, les pièces de monnaie libellées en francs belges encore en possession des particuliers, auront été transmises fictivement à l'État. En fin de compte, cet argent provient donc bel et bien du public. Si ce dernier estime que « son » argent peut servir à financer l'action Tsunami, on peut difficilement s'y opposer.

Mme Kapompolé explique que son amendement nº 2 aussi a le mérite de la simplicité. Il s'agit simplement de rajouter un autre numéro de compte. Les sommes récoltées seraient versées sur deux comptes au lieu d'un. Il ne s'agit pas d'avoir un saupoudrage d'argent entre différents comptes. En clair, il s'agit simplement de pouvoir avoir en plus de la plateforme Tsunami 12-12, la plateforme de l'opération 11.11.11. Cela permettrait de rentrer dans un objectif plus large et de tenir compte du fait que les inégalités ne sont pas à mettre en gradation. Elles sont injustes et inhumaines où qu'elles se trouvent où qu'elles se passent.

Selon M. Van Nieuwkerke, si la proposition de loi inclut également l'action 11.11.11, son application s'en trouvera fortement alourdie. Tandis qu'on peut aujourd'hui se laisser porter par l'élan de solidarité qui s'est fait jour en faveur des victimes du Tsunami en Asie du sud-est.

Il comprend fort bien les frustrations des autres opérations d'aide du fait que l'attention et la solidarité vont entièrement à l'Asie du sud-est. Le défi pour l'avenir sera, par exemple, de lancer une action de solidarité similaire pour l'opération 11.11.11 en novembre prochain.

Encore prévoir maintenant des clés de répartition et tenir compte de la préférence des donateurs lui paraît difficile en pratique. D'un point de vue éthique et pratique, il lui paraît préférable d'opérer autour d'une seule action.

M. Collas répète sa sympathie pour toute action de solidarité. D'un autre côté, le représentant du ministre confirme son impression que ce ne sont pas les gens qui donnent l'argent, mais bien l'État. Celui-ci a aussi tiré l'attention de cette commission sur les coûts administratifs. Il ne peut pas les évaluer pour l'instant mais on ne peut pas évaluer non plus les revenus potentiels, qui proviendraient de la mesure que l'on est en train de discuter.

Le représentant du ministre souligne que son seul point était de dire que de toute façon, c'est l'État qui paie et qu'il y a des façons moins coûteuses pour que l'État paie que celle proposée ici. Il n'a pas de problèmes avec le soutien à l'action 12-12, mais indique qu'ici, on va créer une structure pour payer une somme qu'on pourrait faire d'une façon moins coûteuse autrement.

M. Steverlynck estime que la proposition de loi permet d'organiser une belle collaboration entre l'État et les citoyens. Il est vrai que c'est l'État qui donne une valeur aux pièces de monnaie rentrées, mais il s'agit aussi d'une forme de sensibilisation.

L'intervenant souligne que le ministre de la Coopération au développement est favorable à la proposition. Il est lui aussi d'avis que tout effort qui peut être consenti en faveur des victimes du raz-de-marée est louable.

La proposition de loi lui semble aussi être une récompense pour tous ces gens qui avaient déjà récolté de l'argent au Limbourg en décembre 2004 et qui ont dû constater jusqu'ici que leur action n'avait abouti à rien. La proposition de loi peut changer cela.

D'après le représentant du ministre, l'adoption éventuelle de l'amendement nº 2 ne changera pas grand-chose, puisqu'il ne rendra pas le travail de la Banque nationale plus difficile.

M. Willems souligne que le Roi devrait encore fixer la clé de répartition.

M. Dedecker craint qu'il n'y ait discrimination si deux plates-formes reçoivent de l'argent et une autre, « Médecins sans frontières » par exemple, pas. Ce serait le début d'une nouvelle discussion. M. Willems est du même avis.

Mme De Roeck déclare qu'elle comprend parfaitement la préoccupation de Mme Kapompolé, mais elle pense qu'il faut tenir compte du fait que les gens restent encore particulièrement sensibilisés. Aucun effort supplémentaire n'est plus nécessaire à cet égard. Par manque de temps, il faut que la proposition soit aussi simple que possible. C'est pourquoi l'intervenante demande que l'on ne touche pas à la proposition de loi. Elle invite toutefois les autres groupes politiques à appuyer unanimement aussi une initiative plus large de coopération au développement.

Tout le monde s'accorde à dire que les associations représentent une plus-value pour la société. Aujourd'hui, le Parlement a enfin l'occasion de leur apporter un appui. Peut-être une action plus rationnelle serait-elle possible, mais alors nous perdrions le bénéfice du dynamisme de ces associations et de la solidarité déjà mobilisée. Or, c'est là le fondement de la présente proposition de loi.

Mme Kapompolé entend bien les remarques des uns et des autres. Sa position était justement de vouloir sortir de la logique du caractère exceptionnel pour mettre en avant qu'il y a des besoins quotidiens.

Elle répète que son amendement ne met pas en péril la simplicité de la proposition. De plus, il répond à une volonté d'éviter le saupoudrage du fait qu'il ne parle pas d'ONG spécifiques. La solidarité ne devrait pas avoir des frontières comme le malheur n'en a pas non plus.

M. Brotcorne souscrit entièrement à ce qu'a dit Mme De Roeck. Il y a une situation exceptionnelle. La proposition y répond par une mesure limitée dans le temps. Il vaut mieux ne pas compliquer la proposition qui répond aux soucis des uns et des autres.

Si demain on veut un autre, un meilleur financement de l'ensemble de la politique de la coopération au développement, c'est un débat auquel il veut s'inscrire à l'occasion d'une autre proposition.

M. Collas se rallie largement à ces propos.

III. VOTES

L'article 1er est adopté par 9 voix et 1 abstention.

L'amendement nº 1 à l'article 2 est adopté par 10 voix et 1 abstention.

L'amendement nº 2 à l'article 2 est rejeté par 8 voix contre 2 et 1 abstention.

L'article 2 amendé est adopté par 8 voix et 3 abstentions.

L'article 3 est adopté par 10 voix et 1 abstention.

L'ensemble de la proposition de loi amendée a été adopté par 10 voix et 1 abstention.

Confiance a été faite aux rapporteurs pour un rapport oral.

Les rapporteurs, Le président,
Joëlle KAPOMPOLÉ.
Berni COLLAS.
Jean-Marie DEDECKER.

Texte adopté par la commission
(voir doc. Sénat, nº 3-991/5 — 2004/2005)