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Belgische Senaat

Handelingen

DONDERDAG 20 JANUARI 2005 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Mondelinge vraag van mevrouw Christine Defraigne aan de minister van Sociale Zaken en Volksgezondheid over «de in-vitrobevruchtingen» (nr. 3-533)

Mme Christine Defraigne (MR). - Je vous ai déjà interrogé à plusieurs reprises sur cette question, monsieur le ministre. Vous savez que nous effectuons un travail de longue haleine sur ce sujet de bioéthique au sein de notre Haute Assemblée, chambre de réflexion par excellence pour ce type de matière.

Nous nous penchons depuis plusieurs mois sur une proposition de loi, que j'ai modestement déposée, et je puis vous dire que la réflexion progresse.

La presse se faisant l'écho de chiffres sur l'évolution du nombre de fécondations in vitro, je me permets de m'adresser à vous pour savoir ce qu'il en est exactement.

Vous vous souviendrez que vous nous annonciez une augmentation du nombre de fécondations et les récents articles de presse font état d'une progression de l'ordre de 50% en un an.

Cette augmentation est confirmée par le professeur Yvon Englert, responsable de la Clinique de fertilité de l'Hôpital Erasme. Dans un article de La Dernière Heure, il indique que l'on serait passé de 770 interventions en 2003 à environ 900 en 2004, soit une augmentation d'un peu moins de 20%, ce qui est inférieur au taux précité. On invoque notamment le fait que le remboursement de la mutuelle est actuellement plus favorable.

Je souhaiterais que vous m'informiez des chiffres actuels et de l'évolution attendue.

Il convient, je crois, de s'interroger sur les conditions à remplir pour pouvoir recourir à ces techniques. Le cas d'une Roumaine de 67 ans qui a donné naissance ce week-end à une petite fille en recourant à une technique de procréation médicalement assistée est un parfait exemple des multiples questions d'ordre éthique que peuvent soulever ces méthodes.

Actuellement, en droit belge, rien ne réglemente l'utilisation de ces techniques. Seul un arrêté royal du 15 février 1999 fixe de manière précise les normes auxquelles les programmes de soins « médecine de la reproduction » doivent répondre pour être agréés. Mais rien n'est prévu sur les conditions auxquelles il faut répondre pour en bénéficier, ni sur la procédure. Chaque établissement est libre de fonctionner comme il l'entend.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, me communiquer les chiffres actuels et m'indiquer si vous êtes favorable au fait de légiférer ? Estimez-vous cela nécessaire, voire indispensable ?

M. Rudy Demotte, ministre des Affaires sociales et de la Santé publique. - Je vous remercie, madame, de l'intérêt que vous portez à cette matière extrêmement importante, tant sur le plan humain que sur le plan de ses conséquences éthiques.

Il ne m'est malheureusement pas encore possible d'infirmer ou de confirmer les chiffres parus dans la presse parce qu'ils proviennent d'une extrapolation effectuée au départ de la banque de données d'une mutuelle. Or, vous savez que les patientèles peuvent fortement varier d'une mutuelle à l'autre. Je me garderai donc de conclure aujourd'hui à l'existence d'une progression dans la mesure indiquée dans la presse. Je pressens, certes, une progression, mais je ne puis vous garantir qu'elle est de cet ordre.

C'est le Collège de la médecine reproductive qui sera chargé de réaliser les constatations chiffrées en la matière. Celles-ci s'effectuent toujours avec un certain retard parce que l'enregistrement des données sur la natalité ne s'effectue qu'au terme de la grossesse et de l'accouchement.

Il est néanmoins certain qu'à la suite de l'augmentation du remboursement de la mutuelle, qui a permis un meilleur accès social à cette technique, les centres ont connu une augmentation d'activité qui reflète les difficultés que rencontraient auparavant les personnes qui souhaitaient accéder à ces grossesses mais n'avaient pas l'occasion de recourir aux techniques appropriées.

L'égalité d'accès est une valeur sociale indéniable. Quand on parle des forfaits et des suppléments hospitaliers, on dit qu'il est des différences sociales dont il faut tenir compte. Je crois qu'il en est de même en ce qui concerne le droit à la procréation assistée.

Pour utiliser une litote, je dirai donc que je ne vais pas m'opposer à cette évolution. Cette évolution est bonne et nous devrions retrouver à terme un équilibre même si les chiffres devenaient beaucoup plus importants.

Je voudrais cependant apporter deux bémols. Aujourd'hui, des engagements sont pris pour réduire le nombre de grossesses multiples lors de procréations assistées, dont l'impact budgétaire, mais surtout humain et social, est important. Cette maîtrise a déjà fait l'objet d'une conférence de consensus où les professionnels de la procréation assistée ont mis en évidence un certain nombre d'éléments comme la fréquence élevée d'accouchements prématurés des jumeaux et le coût de la néonatalogie. Ces experts ont aussi déjà réfléchi à ce qu'il faut faire pour éviter que cela ne perdure dans l'avenir.

Je serai attentif à ce que les objectifs de cette conférence de consensus soient atteints, mais il ne faudrait pas que cela ne se traduise par une augmentation trop rapide de l'utilisation de la technique suggérée dans l'article de presse. La fécondation in vitro doit rester limitée aux indications médicalement justifiées, j'insiste sur ce point. C'est l'élément médical qui doit être décisif. Le registre national nous permettra de suivre les indicateurs, comme l'âge des femmes ou le nombre de premières tentatives.

Cela m'amène à répondre à votre deuxième question. J'incite à une très grande prudence quant à légiférer sur des indications de traitements médicaux, en particulier lorsqu'il s'agit de l'accès à la parentalité. Il est en effet très délicat pour le législateur de définir ce que sont les bonnes familles. Il est d'ailleurs remarquable de constater que, malgré le développement important de la fécondation in vitro chez nous, nous n'avons pas encore eu de cas comme celui de la dame roumaine de 67 ans qui a voulu donner naissance à un enfant. Cela pose des problèmes éthiques.

Disposons-nous de balises suffisantes en Belgique ? Tout d'abord, il faut savoir que, quoi qu'en disent certains, nous disposons d'outils pour contenir les pratiques dans ces limites. Ce sont les codes de déontologie médicales qui sont extrêmement stricts. Je regrette d'ailleurs que le professeur Brotchi ne soit pas là pour le rappeler. Personne ne peut se permettre de faire n'importe quoi, ni sur le plan des techniques ni sur celui des comportements éthiques. Pour toutes ces raisons, dans l'état actuel, je ne suis pas favorable pour l'instant à une législation plus coercitive même si cette problématique reste dynamique.

Je le dis et le répète : je suivrai très attentivement ce dossier.

Mme Christine Defraigne (MR). - J'émettrai deux remarques. Il est dommage de ne pas disposer des chiffres réels. Je ne doute pas que nous les obtiendrons dès qu'ils seront disponibles.

Je crois que grâce aux progrès médicaux, on parviendra à réduire le nombre de grossesses multiples et à établir un meilleur diagnostic quant à la possibilité pour un foetus d'arriver à terme.

Le travail législatif en cette matière est évidemment délicat. C'est la raison pour laquelle le Sénat réalise depuis des mois des auditions. Nous ne voulons pas faire n'importe quoi.

Légiférer, ce n'est pas nécessairement être plus coercitif mais poser des limites légales. Entre un code de déontologie et une loi, il y a une marge.

Je vous remercie, monsieur le ministre, d'être attentif à ce dossier, mais je pense que nous devons prendre un certain nombre d'options.

M. Rudy Demotte, ministre des Affaires sociales et de la Santé publique. - Je réagis rarement à une réplique mais je voudrais simplement dire que nous sommes dans une situation très complexe. Nous ne parlons pas ici de la déontologie versus la loi comme nous le ferions dans certaines réglementations économiques ou dans des normes de produits, mais bien de la liberté thérapeutique. Cette matière est d'une extrême délicatesse, vous l'avez rappelé à juste titre. C'est la raison pour laquelle, comme pour tout texte de loi ayant trait à cette matière, j'invite l'assemblée à la plus grande prudence et à beaucoup de vigilance ; je l'invite à continuer à interpeller et à questionner et, si nécessaire, à prendre des dispositions. Cependant, il me paraît prématuré de le faire aujourd'hui.

Mme Christine Defraigne (MR). - Je crois que de telles dispositions ne touchent pas uniquement à la liberté thérapeutique ; d'autres valeurs sont en cause. C'est peut-être là que la confusion s'opère. On sait que les lois de bioéthique ne valent pas pour des siècles. Elles sont élaborées à un moment donné, avec la prudence qui s'impose.

Je crois qu'il convient de rappeler, madame la présidente, tout le travail que nous menons en la matière.