3-529/3

3-529/3

Sénat de Belgique

SESSION DE 2004-2005

16 DÉCEMBRE 2004


La politique spatiale belge


RAPPORT

FAIT AU NOM DU GROUPE DE TRAVAIL « ESPACE » (FINANCES ET AFFAIRES ÉCONOMIQUES) PAR M. ROELANTS du VIVIER


I. INTRODUCTION

Le jeudi 16 décembre 2004, le groupe de travail « Espace » du Sénat a organisé une audition de M. Marc Verwilghen, ministre fédéral de l'Économie, de l'Énergie, du Commerce extérieur et de la Politique scientifique, au sujet des priorités de la politique spatiale belge.

Cette audition est à situer dans le cadre de l'intérêt particulier que le groupe de travail « Espace » entend consacrer à la politique spatiale belge. L'accent sera mis, à cet égard, sur la place qu'occupent l'industrie et la science belges dans le secteur spatial européen, sur l'intérêt de la jeunesse pour l'espace et les études scientifiques ainsi que sur l'information publiée par les médias en matière spatiale.

Dans ce contexte, le groupe de travail « Espace » du Sénat a entendu, le jeudi 19 février 2004, Mme Fientje Moerman, ministre fédérale de l'Économie, de l'Énergie, du Commerce extérieur et de la Politique scientifique (doc. 3-529/1).

Des rencontres avec l'industrie spatiale belge ont été organisées le mercredi 16 octobre 2002 (doc. 2-1332/1), le mardi 25 février 2003 (doc. 2-1521/1 et 2) et le jeudi 8 juillet 2004 (doc. 3-529/2).

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE M. MARC VERWILGHEN, MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DE L'ÉNERGIE, DU COMMERCE EXTÉRIEUR ET DE LA POLITIQUE SCIENTIFIQUE

a) Introduction

Selon M. Verwilghen, ministre de la Politique scientifique, et en cette qualité compétent pour la recherche spatiale, le fait que le Sénat considère l'espace comme une priorité politique suffisamment importante pour être examinée par un groupe de travail constitue un signal fort et encourageant.

Cela le conforte dans sa conviction que cette matière offre des solutions et des perspectives stratégiques pour les défis auxquels la société est confrontée. L'espace permet le développement d'outils de pointe et joue un rôle sans cesse croissant dans tous les domaines de la vie quotidienne.

Certaines applications de la recherche spatiale sont aujourd'hui incontournables. Pensons par exemple aux télécommunications par satellite ou à l'observation de la terre. Ces applications sont une évidence pour tout le monde, mais il faut constamment les mettre en exergue, surtout au sein du Conseil de l'Agence spatiale européenne (ASE) ou d'autres organisations internationales dont la Belgique est membre.

b) Rôle de l'Europe dans le domaine spatial

Outre l'ASE et les États membres qui en font partie, il existe un autre acteur de premier plan, à savoir l'Union européenne, qui s'approprie à plus d'un égard une compétence propre dans le domaine spatial. Cette compétence repose sur trois piliers dont certains détermineront l'avenir de l'Union européenne.

Le premier pilier, le plus politique, est le Livre blanc de la Commission, qui définit la politique spatiale européenne et constitue le fondement actuel du programme spatial européen.

Le deuxième pilier, de nature plus juridique, est le projet de Constitution européenne qui prévoit une compétence atypique de l'Union en matière d'exploration et d'utilisation de l'espace. Il s'agit d'une compétence « parallèle » à celle des États membres. Une fois adoptées, ces dispositions constitueront le véritable socle juridique du programme spatial européen.

Enfin, le troisième pilier, de nature plus technique, concerne l'accord de coopération conclu entre la Communauté européenne et l'ASE, qui crée le cadre institutionnel dans lequel le programme spatial européen sera conçu, adopté et réalisé.

À ce titre, le premier « Conseil de l'Espace » s'est tenu à Bruxelles, le 25 novembre dernier. Il a rassemblé les ministres du Conseil « Compétitivité » de l'Union européenne et ceux du Conseil de l'Agence spatiale européenne. L'Europe au sens large s'est donc retrouvée réunie autour d'une même table pour dessiner le futur de sa coopération dans le domaine spatial. Des consensus se sont fait jour sur la nécessité de traiter des questions les plus importantes, comme la politique industrielle ou les sources de financement. Le travail ne fait que commencer. Rendez-vous est pris en mai 2005 pour finaliser la définition du Programme spatial européen, véritable bras exécutant de la Politique spatiale européenne. Ce sera aussi et surtout le moment de le doter d'un financement, mieux encore, d'un système de financement adéquat.

La Belgique plaide à cet égard pour une approche basée sur la flexibilité : flexibilité au plan politique, pour assurer une prise de décision rapide et adaptée à ce type d'activités et de projets, flexibilité quant au programme, qui vise à offrir, à côté des grands projets, un cadre approprié pour des initiatives plus modestes et orientées vers l'utilisateur final ou proches du marché et enfin, flexibilité au plan financier, afin de ne pas priver le programme de sources de financement potentielles dans la mesure où elles se révèlent adaptées au projet.

c) Perspectives financières

Une approche réaliste des perspectives financières des différents États membres ne permet pas d'espérer à terme une augmentation substantielle des budgets institutionnels consacrés au spatial. Les grands contributeurs européens ne laissent planer aucun doute à ce sujet.

Cette question du financement des activités spatiales se pose avec acuité, tant pour le présent, lorsqu'il s'agit des programmes de l'Agence spatiale européenne, que pour l'avenir, dans le cadre du Programme spatial européen.

La participation actuelle de la Belgique aux activités de l'ESA n'est pas en cause : même si les objectifs du gouvernement imposent un cadre budgétaire strict, ils ne remettent pas fondamentalement en question le niveau de la contribution belge et la stratégie qui le sous-tend. Au niveau intergouvernemental, les choses sont moins évidentes.

La recherche d'une flexibilité toujours accrue pour répondre aux difficultés budgétaires des grands États membres a ses limites et la Belgique, en tant que 4e contributeur aux programmes optionnels de l'ESA, veille tout particulièrement à ce que les engagements des États membres et leur affectation soient respectés.

En ce qui concerne le futur Programme spatial européen, il est difficile à ce stade de déterminer qui seront les contributeurs et quels principes s'appliqueront aux différents types de contributions. Le rôle du Programme-cadre européen de recherche et développement n'est pas encore clairement déterminé. La Commission a axé ses perspectives financières à moyen et long termes sur les contributions des utilisateurs institutionnels que sont les États membres et, surtout, ses propres Directions Générales opérationnelles, comme la DG Transports, la DG Environnement, etc.

Il est toutefois évident que le niveau des contributions de ces utilisateurs dépendra directement de leurs ressources et de la part qu'ils entendront allouer aux outils spatiaux. En outre, la crainte est réelle de voir le budget national que les grands États contributeurs affectent à l'Espace diminuer au prorata de leur part dans le budget correspondant de l'Union. C'est également un point sur lequel la Belgique a fait état de ses fortes préoccupations.

d) Applications spatiales

Compter sur les utilisateurs implique aussi de faire correspondre l'offre spatiale à la réalité des besoins actuels. Les applications dites « gouvernementales » rassemblent aujourd'hui des domaines qui ne peuvent plus être exclus du marché spatial. La sécurité, par exemple, est un concept global, qu'on le veuille ou non. Elle représente une priorité de tout premier ordre pour les États membres. On ne parle plus uniquement de défense nationale mais de lutte anti-terroriste, de prévention des catastrophes ou d'organisation des secours, de protection de l'environnement ou d'optimisation des conditions de sécurité dans les transports tant individuels que collectifs. La traditionnelle distinction entre militaire et civil a vécu. Elle ne correspond plus à la réalité du secteur spatial où les applications revêtent une nature duale. Méconnaître cette réalité revient à ignorer les besoins de l'industrie et des utilisateurs et à priver tant le domaine des activités spatiales que celui de la sécurité, qui de financement, qui d'outils précieux.

e) Retour géographique

Le retour géographique enfin, ou comment assurer que les retombées des investissements publics seront en adéquation avec les objectifs des États membres en matière de politique industrielle et de recherche scientifique. Le retour géographique n'est pas une fin en soi : il est l'un des instruments d'une politique de développement industriel et technologique dynamique et concertée au niveau européen.

En Belgique, ce retour doit faire l'objet d'une planification pluriannuelle garantissant globalement une répartition équitable à l'intérieur du pays qui tienne compte du potentiel scientifique et technique présent dans chacune de ses trois régions.

Si les règles en matière de concurrence et d'aide publique de l'Union européenne permettent dans une certaine mesure le financement par les États de projets de R&D, il n'en demeure pas moins que l'ESA est la seule à mener jusqu'à présent une politique européenne adaptée aux besoins et aux spécificités de l'industrie spatiale.

C'est dans ce cadre en effet que les pays peuvent espérer jouer un rôle dans des problématiques aussi variées que la restructuration des grands groupes industriels, la sauvegarde de l'accès européen à l'Espace, le maintien et le développement des PME ou encore l'harmonisation des domaines d'excellence ou la création de sources d'approvisionnement en composants stratégiques.

C'est également dans ce cadre que des pays comme la Belgique ont pu développer des structures programmatiques adaptées, telles que GSTP (= programme cadre de développement technologique) ou Prodex (= programme cadre de développement scientifique), qui permettent le financement de projets nationaux et offrent une capacité réelle de soutien aux industries belges en tenant compte de leurs particularités.

f) Rôle de l'ASE

De telles réalisations plaident assurément en faveur du maintien d'une organisation spatiale européenne puissante, complémentaire de l'Union européenne. En outre, le rôle de cette organisation doit être clairement défini par rapport à l'Union, à l'industrie européenne et, surtout, à certaines organisations nationales qui pourraient se positionner en concurrentes. Une telle concurrence ne peut en aucun cas s'exercer au détriment de ce que l'ASE a bâti durant trente ans, ni entraîner une utilisation abusive des développements, des technologies ou des infrastructures financées par les États membres. Le ministre de la Politique scientifique estime que la mise en ouvre de la politique définie par l'Union européenne revient à l'Agence spatiale européenne, qui a prouvé, au cours des trente dernières années, qu'elle disposait de l'expérience et du savoir-faire scientifiques nécessaires à cet effet.

La vigilance est donc de mise. La participation active aux travaux de cette agence confère à la Belgique un poids non négligeable au sein de la communauté spatiale européenne, mais nécessite également le maintien d'un système dans le cadre duquel chaque État membre peut décider librement s'il collabore ou non et peut avoir son mot à dire sur les orientations stratégiques, qu'il s'agisse de vastes programmes d'infrastructures, de missions ou de programmes d'encadrement adaptés aux utilisateurs.

g) Politique aérospatiale en Belgique

C'est pourquoi il est indispensable que la Belgique parle d'une seule voix sur la scène européenne et sur le plan international. La recherche spatiale dans le cadre de la coopération internationale relève de la compétence exclusive de l'État fédéral. Il ne serait pas logique de laisser nos forces se disperser au niveau national au moment même où il faut tendre, au contraire, à coordonner les efforts sur les plans européen et international pour atteindre la masse critique d'engagements que nécessitent les projets spatiaux.

Mais « compétence exclusive » ne signifie pas que les communautés et les régions n'aient aucun rôle à jouer. Celles-ci seront, au contraire, les premières utilisatrices des technologies et des services dérivés qui sont et qui seront développés dans le cadre de cette coopération. Tout comme la politique spatiale européenne, la politique spatiale belge n'a de sens que si l'on tient compte des besoins exprimés par ces utilisateurs. Cette politique met précisément en avant, d'une part, la valeur ajoutée que peut offrir une structure fédérale et, d'autre part, les avantages qui en découlent pour les communautés et pour les régions.

La politique spatiale belge doit donc être à l'écoute des besoins des utilisateurs, c'est-à-dire des entités fédérées dans leurs domaines de compétences politiques respectifs. Pour ce faire, il faut mettre en place des mécanismes d'échange permanent d'informations, en accordant une attention particulière au profit que peuvent en retirer les entreprises et les citoyens.

Il faudra également renforcer la compétitivité de nos centres de recherche et de nos industries, non seulement sur le plan européen mais aussi sur le plan mondial. Il est dès lors indispensable de recourir, pour ce faire, à une politique d'innovation et aux divers instruments fédéraux et régionaux qui permettront de mener celle-ci à bien. À ce niveau également, le dialogue entre les autorités fédérales et les régions pourrait être renforcé.

h) Enseignement et secteur spatial

L'enseignement est un autre domaine dans lequel on attend une coopération entre les divers niveaux de pouvoir. À cet égard, la priorité des priorités consiste à renforcer les formations et les carrières scientifiques et technologiques. L'espace est un domaine qui attire indéniablement les jeunes. Il faut soutenir davantage les actions qui — comme le prix » Odissea « , décerné par le Sénat — tendent à stimuler l'intérêt des étudiants et des jeunes en leur offrant des formations de haut niveau, reconnues sur le plan international. Des projets tels que celui de la KULeuven, basé sur l'idée d'une formation spatiale interdisciplinaire, ou des formations existantes comme celle de l'Université de Liège en matière d'observation de la terre, sont des atouts qui doivent garantir le développement d'une expertise scientifique solide ou le renouvellement de la génération actuelle de chercheurs et d'ingénieurs. Il importe également d'exploiter au mieux la proximité des institutions européennes et la demande qui en résultera en termes de carrières scientifiques.

i) Conclusion

Le ministre a eu la grande satisfaction de constater à quel point les députés européens et, en particulier, les parlementaires belges membres du présent groupe de travail, jouent un rôle actif dans le domaine aérospatial et dans la définition de la politique spatiale européenne. Ce soutien est particulièrement opportun, à un moment où de nombreuses décisions stratégiques doivent être prises et où les problèmes liés aux budgets publics, aux restructurations d'entreprises et à la concurrence impitoyable au niveau international rendent la coopération plus que jamais indispensable, mais aussi difficile.

Investir dans l'espace, c'est, pour une grande part, investir dans l'avenir. Cela vaut également, d'ailleurs, pour la politique scientifique en général. Et quiconque participe à cet effort est le gardien de cet investissement. Il appartient à toutes les personnes concernées de préserver cet investissement de toute vision à trop court terme et de tout repli sur soi, sans perspective ni portée. Tous les acteurs de ce secteur doivent être la force porteuse qui permettra, demain, de faire de cet investissement une réussite.

III. DISCUSSION

a) Groupe de travail « Espace »

M. François Roelants du Vivier, président, souligne le caractère unique de la composition du groupe de travail « Espace ». Ce forum réunit, autour du thème central de l'espace, des membres de la Chambre, du Sénat et du Parlement européen, des représentants des institutions européennes, de l'ASE et de l'administration fédérale, ainsi que des industriels et des scientifiques. Ce forum est un allié naturel du gouvernement fédéral car il estime, tout comme le ministre, que le secteur spatial est d'un intérêt crucial pour la Belgique.

Le ministre se réjouit de l'existence d'un tel forum multidisciplinaire, qui a entre autres pour avantage de montrer, par le biais des contacts avec les milieux industriels et scientifiques, ce que la politique spatiale belge apporte concrètement à notre pays.

b) Budget fédéral et contribution à l'ASE.

M. Luc Willems, sénateur, constate que des arrangements précis ont été pris avec l'ASE en ce qui concerne le financement des différents programmes qui ont fait l'objet d'un accord. Toutefois, lors de la confection du budget, le gouvernement a décidé de réduire de 45 millions d'euros le budget 2005 pour l'espace, ce qui signifie concrètement que la contribution à l'ASE ne sera pas versée. On a prévu comme solution que l'ASE emprunte cet argent et en impute les intérêts à la Belgique.

Aussi valables que puissent être les motifs de cette réduction du budget, il faut veiller à ce que celle-ci demeure une opération ponctuelle unique. L'espace est un domaine trop important pour un pays comme la Belgique, et cette mesure est un signal négatif pour la communauté internationale, alors que la Belgique jouit d'une solide réputation en matière spatiale. Le ministre peut-il dès lors confirmer qu'il s'agissait bien d'une mesure unique et que les intérêts à payer à l'ASE ne seront pas déduits du budget de l'espace dans les années à venir.

Mme Dominique Tilmans, députée, partage les remarques de M. Willems. La Belgique a besoin d'une politique spatiale ambitieuse. Ce secteur revêt une grande importance pour le développement ultérieur de notre société de la connaissance ainsi que pour la création d'emplois nouveaux. La mesure que le gouvernement a prise dans le cadre du budget de 2005 constitue un mauvais signal et va à l'encontre de cette ambition.

M. François Roelants du Vivier, président, se rallie aux propos des orateurs précédents et met en garde contre le risque de tomber dans des situations comme en connaît l'Italie, qui est obligée d'emprunter pour rembourser des emprunts antérieurs. Il espère que le gouvernement fédéral optera pour une politique spatiale audacieuse et en tirera les conséquences budgétaires qui s'imposent.

Le ministre comprend parfaitement les critiques exprimées mais demande que l'on fasse preuve de compréhension. Lors des discussions budgétaires, ce point a été âprement débattu, mais dans la recherche de l'équilibre budgétaire, il a fallu que chacun mette de l'eau dans son vin.

Toutefois, il faut souligner qu'il s'agit d'une mesure ponctuelle. Cela ne devra pas se reproduire, compte tenu de la position importante et respectée par tous qu'occupe la Belgique au sein de l'ASE. Une raison supplémentaire est la mise en oeuvre de l'agenda de Lisbonne. En effet, pour atteindre la norme de 3 % pour les investissements en recherche et développement, il faudra surtout investir dans les secteurs de haute technologie, et l'espace est l'un de ces secteurs, plus même que celui de l'aéronautique. La Belgique ne peut absolument pas se permettre de rater le coche.

Dans le cadre de ses contacts directs avec le directeur général de l'ASE, M. Dordain, le ministre a expliqué la situation de la Belgique et a pu trouver un compromis permettant à l'ASE d'emprunter l'argent temporairement, avec l'aide du service public fédéral de Politique scientifique. En outre, la Belgique s'est engagée à accélérer le rythme de ses paiements à l'ASE pour les projets en cours.

On ne saurait donc assez insister sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une économie, mais d'un échelonnement des paiements : entre 2006 et 2009, 4 tranches de 11,25 millions d'euros chacune seront versées dans le cadre d'un opération de rattrapage.

Tout cela ne fait certes que dorer un peu la pilule. Mais la mesure est et restera unique.

c) Retombées des programmes spatiaux pour la Belgique

Mme Dominique Tilmans, députée, insiste auprès du ministre pour que, lors du financement d'un projet concret, on ne regarde pas seulement la contribution directe à celui-ci mais aussi et surtout les retombées que sa mise en oeuvre peut avoir pour les milieux industriels et scientifiques belges. À cet égard, il y a des leçons à tirer de la participation belge au projet Hélios II.

Le ministre confirme que tous les acteurs de terrain doivent être étroitement associés à l'exécution d'un programme lorsque le gouvernement décide d'y participer. Ce n'est que si tous, à savoir les responsables politiques, les scientifiques et les industriels, participent activement à cette exécution qu'une valeur ajoutée sera apportée. Il est clair que l'on peut encore améliorer les choses, mais la volonté de poursuivre dans ce sens existe.

d) Coopération entre l'autorité fédérale et les autorités régionales

Mme Joëlle Kapompolé, sénatrice, demande si le ministre peut indiquer concrètement comment il entend promouvoir et renforcer la coopération et le dialogue entre l'autorité fédérale et les communautés et les régions.

Le ministre précise que c'est l'autorité fédérale qui est exclusivement compétente pour la politique spatiale et qu'à ce titre, elle représente la Belgique aux niveaux européen et international. Elle pourrait très bien assumer cette tâche toute seule, mais le ministre a décidé d'instaurer un dialogue entre les régions et le niveau fédéral. Le fait est qu'il y a des ministres régionaux du développement industriel et de la recherche scientifique et que ces industries et ces centres de recherche se caractérisent souvent par un fort ancrage régional. Dès lors, il est clair qu'il y a lieu de rechercher la meilleure politique spatiale possible pour la Belgique dans le cadre d'un dialogue régulier avec tous les responsables politiques concernés, ce qui n'a pas été suffisamment le cas par le passé.

À cet égard, Mme Dominique Tilmans, députée, souhaite souligner qu'en Belgique, il n'y a pas de problèmes communautaires quand il s'agit de la politique spatiale. La Flandre, la Wallonie et Bruxelles sont parfaitement complémentaires en ce qui concerne le type d'activités, et personne en Belgique ne remet en cause la politique fédérale en la matière.

M. Jean-Claude Lacroix, de Belgospace, se réjouit d'entendre que l'espace demeure important pour le gouvernement belge et que, dans ce domaine, la coopération entre les régions sera intensifiée. Néanmoins, il souhaiterait que le ministre précise qui, dans le futur, pourra solliciter l'industrie s'il y a lieu de développer des applications concrètes dans le cadre de l'observation de la Terre, des télécommunications, de la défense, etc. Ce point n'est toujours pas clarifié.

Le ministre est également d'avis qu'en Belgique, la politique spatiale n'est pas communautaire mais complémentaire. Les différences entre les diverses entités du pays ne peuvent donc jouer aucun rôle dans ce domaine.

Il est exact que la communication envers le grand public peut encore être améliorée et qu'il faut tirer un meilleur parti d'atouts tels que les sites de Redu. Mais cette communication devra surtout être orientée vers les jeunes (10-14 ans) et les jeunes universitaires (18-25 ans), puisque c'est là que se situe l'avenir de l'activité spatiale belge.

e) De nouveau un Belge dans l'espace ?

M. François Roelants du Vivier, président, a pu constater, comme beaucoup d'autres, que l'envoi d'un Belge dans l'espace était un formidable catalyseur d'intérêt pour l'espace, surtout parmi les jeunes. Les vols de Dirk Frimout et de Frank De Winne l'ont montré à suffisance. Est-il prévu d'envoyer à moyen terme un autre Belge dans l'espace ? Les relations avec l'ASE sont très bonnes, des liens de collaboration très fructueux ont vu le jour, entre autres avec la Russie, et plusieurs personnes en Belgique seraient opérationnelles dans un délai relativement court pour effectuer un vol spatial.

Le ministre confirme que la participation d'un Belge à une mission spatiale exerce une grande fascination sur le grand public et sur la jeunesse. Cet apport représente une valeur inestimable, mais l'astronaute ne doit pas être le seul à assurer la publicité de cet événement. Les autres intervenants dans ce type de mission (scientifiques, industries, etc.) doivent mieux mettre en évidence le rôle qu'ils y ont joué.

Compte tenu des implications financières énormes que représente l'envoi d'un Belge dans l'espace, une participation belge à une nouvelle mission est peu probable à court terme. L'on fait cependant tout pour permettre à des Belges de participer à des projets avec des partenaires tels que l'Agence spatiale européenne, les États-Unis ou la Russie. Sans doute aura-t-on tôt ou tard, l'opportunité d'envoyer, par ce biais, un Belge dans l'espace.

f) Formations jeunes et espace

Le ministre estime qu'il faut penser à mettre en place un système de formation ou de stages postscolaires destinés à préparer les jeunes diplômés à un emploi dans le secteur de l'espace. Les diplômés sont demandeurs et vu l'importance de ce secteur pour la Belgique, il convient de répondre à cette demande.

Cela vaut d'ailleurs aussi pour la création, dans le cadre de l'agenda de Lisbonne, d'un réseau d'échanges entre la Belgique et l'Europe, d'une part, et une série de pays émergents tels que la Chine, le Canada, l'Inde ou le Brésil. L'on pourrait de cette manière développer un réseau très précieux pour nos jeunes scientifiques et entrepreneurs.

M. François Roelants du Vivier, président, souhaite à cet égard attirer l'attention sur le prix Odissea, une initiative de M. Ludwig Vandenhove, sénateur et vice-président du groupe de travail « Espace », qui sera décerné par le Sénat en 2005 à un étudiant ayant fait un travail de fin d'études sur l'espace, en vue de lui permettre de suivre un stage au sein d'une entreprise ou d'une organisation étrangère. Toutes les informations à ce sujet peuvent être trouvées sur le site web du Sénat.

Mme Dominique Tilmans, députée, souligne que la Belgique possède, dans le secteur de l'espace, de nombreux atouts susceptibles d'interpeller les jeunes, tels que l'Euro Space Center et la station ASE de Redu. Force est cependant de constater que ces centres sont souvent mal connus de la population en général et des jeunes en particulier. N'est-il dès lors pas grand temps d'adopter une stratégie plus ambitieuse de communication avec le monde extérieur et de tirer pleinement parti des atouts que la Belgique a en mains ?

M. Dirk Frimout, astronaute scientifique, se rallie à ces propos. Il existe, aux niveaux belge et européen, un grand nombre de programmes axés sur les jeunes, mais ceux-ci n'arrivent pas aux écoles. Il faut consacrer beaucoup plus d'énergie à la sensibilisation des jeunes et c'est d'ailleurs ce que la « Euro Space Foundation » essaie de faire. Ce qui rend les choses plus difficiles à cet égard, c'est qu'en Belgique, l'enseignement est une matière régionale, tandis que l'espace est une compétence fédérale.

M. André Aubert, de la KU Leuven, signale à ce propos la création récente d'un centre interdisciplinaire d'études spatiales (ICSS) au sein de la KUL (1). Le but est de créer un centre interfacultaire chargé de rassembler des connaissances dans le domaine de l'espace. L'on retrouve au sein de l'ICSS des professeurs de la faculté de droit, de la faculté des sciences, de la faculté des sciences appliquées et de la faculté de médecine. Pareil regroupement pourrait conduire, à moyen terme, à l'organisation d'une maîtrise en études spatiales.

Le ministre se réjouit que des initiatives telles que l'ICSS soient prises en Belgique. Ce centre présente d'ailleurs d'importantes similitudes avec ce que fait l'Université technique de Delft, où une cohorte d'ingénieurs belges se spécialisent dans les matières touchant à l'espace. Il convient dès lors d'encourager ce genre d'initiative.

Le ministre en parlera d'ailleurs lors des entretiens qu'il compte avoir avec les ministres de l'enseignement, en vue de les convaincre de la nécessité de promouvoir la coopération universitaire. Il leur soumettra également l'idée d'organiser des échanges entre jeunes diplômés.

g) Fuite des « cerveaux scientifiques » de Belgique

M. Luc Willems, sénateur, attire l'attention sur l'importance de retenir les chercheurs belges et européens chez nous. Il ressort clairement des nombreux contacts que le groupe de travail a eus avec des scientifiques belges que ces chercheurs qui accomplissent un travail formidable et qui sont parmi les meilleurs au monde dans leur spécialité sont rarement bien rémunérés et bénéficient rarement de facilités de travail adéquates. Ce sont de grands idéalistes. Il n'est dès lors pas étonnant que beaucoup de scientifiques émigrent. Le ministre doit par conséquent mettre tout en oeuvre pour ramener en Europe tous les scientifiques belges qui travaillent à l'étranger au terme de la période d'activité pour laquelle ils se sont engagés, sinon, nous continuerons de perdre un grand savoir-faire.

M. Dirk Frimout, astronaute scientifique, souligne que l'aspect financier ne joue pas toujours un rôle déterminant dans les efforts à déployer pour garder les jeunes scientifiques en Europe. Il faut attacher bien plus d'importance aux possibilités qui sont offertes à la recherche et à la valeur commerciale qu'un scientifique peut accumuler à l'étranger. La bonne réputation des instituts de recherche belges est proverbiale. Il est dès lors essentiel que ces centres puissent continuer à se développer et à s'étendre, afin non seulement que les scientifiques belges restent en Belgique, mais aussi que des scientifiques étrangers viennent dans notre pays. Il est bien connu que le talent appelle le talent.

M. Jean-Pierre Swings de l'Université de Liège confirme l'importance d'un bon encadrement scientifique en Belgique. L'année passée, l'université a pu offrir trois postes de stagiaire au site de l'ESA-ESTEC à Noordwijk, aux Pays-Bas. Les trois bénéficiaires, qui sont revenus pleins d'enthousiasme, ont pu continuer à travailler comme chercheur à Liège, grâce à une bourse Prodex des pouvoirs publics fédéraux. Cela soulève d'ailleurs un autre problème dans la mesure où il faut chercher cinq postes de stagiaire pour cette année pour que l'on puisse en attribuer un à tous les candidats.

M. André Aubert de la KU Leuven demande au ministre de concevoir le financement de la recherche spatiale en Belgique de manière telle que l'on ne doive plus se contenter d'une demande de financement par projet ou par an. Un financement pluriannuel permettra aux scientifiques de développer une vision à long terme.

Le ministre est fort conscient des problèmes que pose la fuite des scientifiques à l'étranger. Récemment encore, au cours d'une mission commerciale belge en Chine, la réalité du problème a été confirmée par la déclaration du ministre chinois compétent selon laquelle la Chine était prête à accueillir les scientifiques belges et à leur donner tous les moyens de recherche possibles dans le secteur spatial, qui est l'un des secteurs auxquels le gouvernement chinois accorde une priorité absolue. Il est évident qu'il faut promouvoir les échanges internationaux et la création de synergies, mais il ne faut pas le faire au prix de l'exode des cerveaux qui menace aujourd'hui l'Europe.

Voilà pourquoi le ministre relance son appel en faveur de l'organisation d'échanges Erasmus non seulement pendant les études, mais aussi après celles-ci, et ce, entre jeunes stagiaires. L'ESA et la Commission européenne exercent d'ailleurs une responsabilité partagée à cet égard.

Le ministre est conscient des problèmes que soulève un financement à court terme de projets scientifiques en Belgique. Il serait assurément utile de mettre sur pied une politique pluriannuelle en la matière. C'est d'ailleurs une tendance qu'il faudrait développer pour ce qui est de la recherche scientifique en général et pas seulement en ce qui concerne la recherche spatiale.

h) Principe du « juste retour »

M. Luc Willems, sénateur, renvoie à la dernière conférence interparlementaire européenne sur l'espace, qui s'est tenue à Madrid en novembre 2004 (2). Au cours de cette conférence, la délégation belge a dû négocier âprement pour arriver à faire reconnaître le principe du « juste retour » comme fondement de la politique spatiale industrielle européenne. Grâce à ce principe qui a toujours été appliqué au sein de l'ESA, les petites PME — il y en a une légion en Belgique — ont pu participer à tous les grands programmes spatiaux. Sans ce principe, il y a longtemps que l'on aurait évolué vers une situation où le marché spatial européen serait partagé entre deux ou trois grandes multinationales. De par le Livre blanc de la Commission européenne et le fait que l'Europe veut jouer un rôle toujours plus actif dans le domaine spatial, ce principe risque d'être battu en brèche en violation des principes de libre circulation et de libre concurrence au sein de l'Union européenne. M. Willems espère dès lors que le ministre mettra tout en oeuvre pour que le principe du « juste retour », qui est vital pour l'industrie spatiale belge, puisse être sauvegardé en Europe.

M. Roland Gueubel de Bruspace met lui aussi en garde contre les conséquences d'un éventuel abandon du principe du « juste retour » dans le contexte européen. Force est d'admettre que ce principe a permis à un petit pays comme la Belgique de développer une activité spatiale fort importante, mais on peut se demander ce qui resterait de ce principe au cas où la Commission européenne viendrait à jouer un plus grand rôle dans le cadre de la politique spatiale ? Face à cette éventualité, il faut tout faire pour pouvoir préserver le principe du « juste retour », éventuellement sous une forme adaptée, et pour qu'il reste un des principes fondamentaux au sein de l'ESA.

Le ministre est persuadé que le principe du « juste retour » doit subsister en Europe. Force est de constater, abstraction faite de la philosophie qui sous-tend la mesure en question, que le résultat de son application est extrêmement positif. On peut citer à titre d'exemple à cet égard le programme Ariane 4, dans le cadre duquel la Belgique a récupéré cinq fois son investissement par le biais de participations de l'industrie belge. Il faut d'ailleurs bien admettre que ce principe est appliqué aussi aux États-Unis et en Russie, sous une forme plus rigide : seule l'industrie nationale peut y participer à certains programmes. En Europe, on permet souvent aussi à des pays tiers de participer.

Le président-rapporteur,

François ROELANTS DU VIVIER.


ANNEXE I


« Le texte de la page 16 et 17 est uniquement disponible sur support papier »


ANNEXE II


« Le texte de la page 18 à la page 25 est uniquement disponible sur support papier »


(1) Pour plus d'informations, voir l'annexe 1.

(2) La résolution finale de cette conférence figure en annexe 2.