3-896/1

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SÉNAT DE BELGIQUE

SESSION DE 2004-2005

9 NOVEMBRE 2004


Proposition de loi modifiant l'article 44/1, alinéa 4, de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police

(Déposée par M. Hugo Coveliers)


DÉVELOPPEMENTS


1. Introduction

Chaque année, on vole en Belgique environ 28 000 véhicules, dont un peu plus de la moitié sont retrouvés. Depuis 2002, on observe une tendance à la baisse du nombre de vols de véhicules en général et une forte diminution du nombre de car-jackings, de home-jackings et de vols dans les garages en particulier. Mais dans l'absolu, le nombre de cas est encore trop élevé, malgré la diminution enregistrée au cours des deux dernières années.

Tous les partenaires concernés collaborent activement au sein de la Plate-forme nationale de concertation relative à la criminalité liée aux voitures, et ce, tant sur le plan stratégique qu'en matière d'échange d'informations générales et statistiques. Toutefois, il manque toujours un élément essentiel, susceptible d'accroître encore la probabilité d'arrêter les auteurs : la diffusion, dans de strictes conditions, d'un nombre limité d'informations policières auprès d'un groupe sélectionné de partenaires publics et privés de la police.

Une initiative européenne souligne la nécessité d'une collaboration des partenaires publics et privés et d'un échange d'informations entre ceux-ci. Un consensus intervenu au niveau européen prévoit qu'avant d'immatriculer un véhicule, chaque pays vérifie si celui-ci n'a pas été volé; une initiative a été prise en vue de rendre ce contrôle préalable obligatoire. Il est basé sur une vérification du NIV (numéro de châssis), qui est évidemment unique et propre à chaque véhicule.

La présente proposition et ses développements examinent les questions suivantes : qui a besoin d'informations policières, en quoi est-il nécessaire et utile de transmettre ces informations, comment cette transmission de données peut-elle s'effectuer au mieux et, dernier point mais non des moindres, pourquoi n'est-elle pas possible actuellement ?

2. Qui doit savoir si un véhicule a été volé ?

Réponse la plus logique à cette question : quiconque est concerné et quiconque y a intérêt. Les acteurs concernés sont, bien entendu, les autorités, la police, l'acheteur potentiel (qui ne souhaite naturellement pas acquérir un véhicule volé) et le vendeur (qui ne tient pas à être soupçonné ultérieurement de recel). Par ailleurs, quel assureur souhaiterait couvrir un véhicule volé ? Il n'est pas logique que les pouvoirs publics immatriculent des véhicules volés, ni qu'ils leur délivrent un certificat de contrôle technique; en outre, la douane doit être informée des vols de véhicules, afin de pouvoir empêcher leur exportation.

Pour savoir si un véhicule a été volé, la police consulte une banque de données policières. Ces informations sont collectées à partir des procès-verbaux, puis saisies dans le Système européen d'Information Schengen (en abrégé SIS) et dans une banque de données nationale belge. La diffusion des données policières est soumise à des règles strictes. Le manque d'ouverture du système engendre des situations qui amènent à se demander si les règles en question servent bien l'objectif final à atteindre. Un système d'échange d'informations bien organisé permet, d'une part, de contribuer activement à une recherche plus efficace des véhicules volés et, d'autre part, d'accroître la probabilité d'arrêter les auteurs.

Un examen des règles légales prévues actuellement nous apprend que certains acteurs importants sont exclus de la diffusion de données policières; vérification faite auprès de plusieurs partenaires, il s'avère pourtant qu'une telle communication de données devrait être possible; d'aucuns formulent par ailleurs des suggestions de règlement pratique.

3. Exposé du problème

La communication, par la police, de données policières à certaines organisations publiques et privées est régie par l'article 44/1 de la loi sur la fonction de police.

L'article 44/1, alinéa 3, prévoit que des informations peuvent être fournies à quatre groupes d'« acteurs » publics, à savoir :

— les autorités administratives et judiciaires;

— les services de police belges et étrangers;

— les services de renseignements et de sécurité;

— les organisations internationales de coopération policière.

L'article 44/1, alinéa 4, prévoit la possibilité de déterminer, par arrêté royal, à quelles autres autorités publiques ces mêmes données et informations peuvent également être communiquées; à ce jour, aucun arrêté royal n'a encore été pris en ce sens.

Or, pour lutter efficacement contre la criminalité liée aux véhicules, il est nécessaire de pouvoir communiquer certaines données policières à des tiers, comme la douane, la Direction de l'Immatriculation des Véhicules (DIV), les compagnies d'assurances (Assuralia et Datassur), les constructeurs/importateurs d'automobiles (Febiac) et le Groupement des organismes agréés de contrôle automobile (GOCA).

Eu égard à l'article 44/1, alinéa 4, de la loi sur la fonction de police, la transmission de données policières à ces acteurs importants est impossible actuellement :

— d'une part, parce qu'aucun arrêté royal d'exécution n'a été pris concernant ces acteurs publics;

— d'autre part, en raison du fait que le législateur n'a tout simplement prévu aucune possibilité de communiquer des informations aux partenaires privés de la police.

4. Nécessité et utilité

4.1. Quelles données ?

La donnée fondamentale que l'on utilise dans la lutte contre la criminalité liée aux véhicules est le numéro de châssis (abréviation : NIV = numéro d'identification du véhicule); parallèlement à cela, chaque élément du véhicule comportant un numéro spécifique qui peut être rattaché à ce numéro de châssis est d'une importance capitale pour l'identification d'un véhicule volé. À partir de ces éléments, on peut alors savoir si le véhicule a été volé ou non. Outre le numéro de châssis, qui se compose de 17 caractères et possède une structure fixe, les constructeurs apposent de nombreux autocollants et autres numéros durant le processus de production. La personne qui souhaite maquiller (falsifier) un véhicule volé tentera d'effacer les numéros ou de les adapter à la nouvelle identité du véhicule. Le service de police qui veut s'assurer de l'authenticité d'un véhicule en connaissance de cause doit posséder les connaissances requises. Cela signifie que les policiers doivent connaître les différentes identifications par marque et par type de véhicule, ainsi que leur emplacement respectif. Les constructeurs divulguent ces informations essentiellement à l'intention des services de police, même si la loi ne les y oblige pas.

4.2. Quelles données à quel partenaire‚Çè?

Les données qui sont transmises doivent apporter une plus-value dans la lutte contre la criminalité liée aux véhicules. Il n'est donc pas nécessaire que tout le monde reçoive ou communique n'importe quelle information; il suffit de transmettre l'information ad hoc au partenaire adéquat, sur la base du principe « need to know » et moyennant l'engagement d'en faire bon usage. Si plusieurs partenaires publics peuvent dès à présent se faire communiquer des informations policières, il n'en reste pas moins que pour certains autres associés importants de la police dans la lutte contre la criminalité liée aux véhicules, il n'existe encore aucune réglementation légale en matière de coopération.

4.2.1. Les acteurs publics

4.2.1.1. La Division de l'Immatriculation des véhicules (DIV)

Tous les véhicules qui circulent avec une plaque minéralogique belge sont immatriculés auprès de la DIV.

On distingue, dans les grandes lignes, deux types d'inscription des véhicules :

1° les véhicules neufs qui sont fabriqués/importés/achetés sous le régime de l'acquisition intracommunautaire par le titulaire d'une licence du groupe A+ délivrée par la douane. Ces véhicules font l'objet d'une inscription préalable au moyen d'un signal électronique 705. Cette catégorie ne pose évidemment aucun problème.

2° les véhicules d'occasion qui étaient déjà immatriculés auparavant en Belgique, ainsi que les véhicules neufs et/ou d'occasion importés de l'étranger.

La DIV procède à un contrôle dans le SIS (Système d'Information Schengen) pour vérifier s'il s'agit d'un véhicule volé ou non. En revanche, il n'est pas possible d'effectuer un contrôle dans la banque de données générale nationale de la police. Il peut ainsi arriver que la DIV délivre à un citoyen un numéro de plaque déjà utilisé, accompagné du certificat d'immatriculation correspondant, alors que ce numéro de plaque est encore signalé comme volé dans la banque de données nationale, mais plus dans le SIS. Dans le SIS, les numéros d'immatriculation de voitures volées sont supprimés après trois ans, alors que dans la banque de données nationale belge, le délai de suppression est plus long, ce qui peut avoir pour conséquence qu'en cas de contrôle du numéro de plaque en Belgique, la police pensera être en présence d'un véhicule volé, avec les conséquences particulièrement fâcheuses qu'on imagine pour le conducteur innocent et de bonne foi.

Pour les véhicules en provenance de l'étranger, la DIV procède aussi à un contrôle dans le fichier Eucaris avant d'immatriculer le véhicule.

Eucaris est le système d'information à l'usage des services d'immatriculation des États membres de l'UE affiliés à ce système. Il permet au service d'immatriculation de vérifier la validité d'un document d'immatriculation étranger, avant de délivrer un nouveau certificat d'immatriculation. Ce contrôle permet d'éviter que des documents authentiques soient délivrés à l'auteur d'une demande frauduleuse.

L'authenticité des documents étrangers doit aussi être vérifiée lorsque le véhicule est importé de l'étranger (en provenance d'un État extérieur à l'UE, mais aussi dans le cadre d'échanges intracommunautaires). La douane joue en l'espèce un rôle d'intermédiaire essentiel en termes de contrôle des (documents d')importations.

La DIV examine si un véhicule a ou non été volé en effectuant une recherche dans le SIS, ce qui est en fait contraire aux articles 101, alinéa 1er, et 102, alinéa 4, de la réglementation Schengen !

Les contrôles se basent sur un arrêté royal du 25 avril 1997, qui habilite certains agents de la DIV à constater les infractions à la réglementation en matière d'immatriculation des véhicules à moteur. Cette base légale est chancelante et il vaudrait mieux la remplacer par une législation plus solide.

D'autres États européens ne connaissent pas pareil contrôle au moyen du SIS. Il s'ensuit que ces pays immatriculent, ni plus ni moins, des véhicules signalés comme ayant été volés. Ces derniers temps, une initiative importante a été prise à cet égard au niveau européen : la rédaction du projet de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant la convention de Schengen en ce qui concerne l'accès au Système d'information de Schengen (SIS) des services des États membres chargés de l'immatriculation de véhicules.

Ce document répond à la nécessité communément admise de s'assurer que les véhicules qui sont présentés à l'immatriculation n'ont pas été volés, détournés ou signalés disparus et que les documents et/ou plaques d'immatriculation (marques d'immatriculation) se rapportant aux véhicules en question n'ont été ni volés, ni détournés, ni annulés.

L'entrée en vigueur de ce règlement résoudra du même coup la question de la transmission des indispensables données policières à la Direction pour l'immatriculation des véhicules. Il est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre de l'Union européenne.

En résumé, l'on peut dire que les services d'immatriculation devront contrôler, préalablement à toute immatriculation, si un numéro de châssis (NIV) figure dans la banque de données policières européenne SIS. En outre, d'autres banques de données non policières (Eucaris) peuvent aussi être consultées. À défaut d'un tel contrôle, on risque de donner à un véhicule volé, qu'il ait été maquillé ou non, une identité légale nouvelle, c'est-à-dire, en quelque sorte, de le blanchir.

Le fait que les services de police constatent régulièrement l'existence d'un numéro de châssis (NIV) identique dans plusieurs pays et sur plusieurs véhicules démontre l'absolue nécessité de procéder à un tel contrôle pour prévenir des immatriculations réglementaires simultanées de véhicules maquillés dans un ou plusieurs États membres de l'UE.

Le fait que la plupart des États membres de l'UE n'effectuent pas ce genre de contrôle pose problème; le projet susvisé n'est pas encore devenu réalité. Dans le cas de la Belgique, prendre un arrêté royal portant exécution de l'article 44/1, alinéa 4, de la loi sur la fonction de police doterait les contrôles qui sont déjà effectués aujourd'hui d'une base légale solide; lorsque l'initiative de l'Union européenne en la matière aura été mise à exécution, cet arrêté perdra sa raison d'être.

4.2.1.2. La douane

La douane joue un rôle essentiel dans le cadre des importations de véhicules de l'étranger, que le pays d'origine soit ou non membre de l'UE. À l'importation, la douane délivre la vignette 705 sans avoir la possibilité de contrôler s'il s'agit ou non d'un véhicule volé.

À l'exportation de véhicules, plusieurs formalités doivent être remplies. Celles-ci se déroulent en deux phases :

— l'enregistrement de la déclaration d'exportation au bureau de douane compétent pour la région dans laquelle l'exportateur est établi;

— le constat par la douane de l'exportation effective des biens (véhicules) à la frontière de l'UE, par exemple au port d'Anvers.

Il n'est possible de vérifier si le véhicule a ou non été volé que dans la mesure où ces services ont accès aux systèmes policiers contenant les informations pertinentes (SIS), ce qui n'est pas le cas pour l'instant. Par conséquent, la législation en vigueur ne permet pas à la douane d'intervenir efficacement dans la lutte contre le trafic de véhicules volés à destination de l'étranger.

Un service public belge, en l'occurrence la douane, qui procède à des contrôles aux frontières de l'UE et qui s'occupe en outre des formalités en matière d'acquisition intracommunautaire de moyens de transports, n'est pas habilité, pour l'heure, à vérifier si un bien importé ou exporté par son intermédiaire a ou non été volé ! Il suffirait pourtant d'autoriser les services de douane chargés de contrôler les importations ou les exportations de véhicules à consulter le SIS pour remédier à cette lacune.

La douane pourrait axer son contrôle sur les documents et les biens ainsi que les numéros de châssis qui y sont mentionnés (NIV). Il faut que le NIV complet (les 17 caractères) figure sur tous les documents qui concernent un véhicule pour permettre une confrontation automatisée des fichiers de la DIV et de ceux de la police.

Il est vrai qu'il n'existe pas encore de législation satisfaisante ou stable en matière de transmission de données aux principaux partenaires publics, mais des initiatives ont déjà été prises au niveau européen en ce qui concerne les services chargés de l'immatriculation des véhicules (pour la Belgique : la DIV).

La solution consiste à permettre aux agents des douanes membres des services où sont remplies les formalités d'importation ou d'exportation de véhicules d'avoir accès aux données policières concernant les véhicules volés. Par ailleurs, on pourrait aussi prévoir que dans le cadre de leurs devoirs d'enquête, les agents des douanes des services de recherche puissent aussi avoir accès aux données policières susvisées relatives aux véhicules volés.

4.2.2. Les partenaires privés

Les partenaires privés restent malheureusement exclus. Pour remédier à cette situation, il s'impose de modifier la loi sur la fonction de police et de prendre en outre les arrêtés royaux nécessaires.

La police ne peut communiquer aucune information de nature policière à ces partenaires privés et le cadre légal actuel fait obstacle à une bonne approche du problème de la criminalité liée aux véhicules. De plus, les partenaires privés ressentent la non-réciprocité des échanges d'informations comme un manque de confiance de la part des autorités.

Bien que tout le monde s'accorde à reconnaître la nécessité de mettre des informations policières à la disposition de ces partenaires des services de police, les avis sont assez partagés sur la procédure à suivre à cet effet.

Nous examinons ci-après, de manière détaillée, le cas de trois partenaires privés de la police qui peuvent apporter une contribution essentielle à la lutte contre la criminalité liée aux véhicules.

4.2.2.1. Assuralia (Union professionnelle des entreprises d'assurances) et Datassur

Bien que les compagnies d'assurances disposent d'une grande quantité d'informations par le biais des contrats et des déclarations de sinistres, elles ont besoin de confronter certaines informations aux données officielles disponibles. Qui est le propriétaire légitime d'un véhicule ? Un véhicule donné est-il signalé volé ou non ? Un véhicule volé a-t-il été retrouvé, et peut-il être restitué à son propriétaire légitime (de préférence dans les 30 jours) ?

Il n'est en effet pas inconcevable qu'une personne qui a fait immatriculer « de manière régulière » un véhicule volé (en raison de l'absence de contrôle à ce niveau) fasse assurer à nouveau ce véhicule contre le vol et qu'elle fasse ensuite une fausse déclaration de vol !

Vendre un véhicule volé maquillé et encaisser au passage la prime d'assurance est une activité lucrative pour les criminels, mais c'est nettement moins agréable pour le propriétaire d'un véhicule similaire, mais « original ». La déclaration de vol entraîne un signalement dans le SIS sur la base d'un duplicata d'un numéro de châssis existant, avec pour conséquence supplémentaire que le propriétaire du véhicule « original » se retrouve avec les mêmes problèmes de numéro d'identification du véhicule en cas de contrôle de police. La vente du véhicule pose un problème à l'acheteur puisqu'il ne parvient même plus à le faire immatriculer pour cause de « signalement policier dans le SIS ».

La DIV a en effet pour mission, à juste titre d'ailleurs, de refuser d'immatriculer tout véhicule signalé volé.

Datassur dispose de bases de données performantes relatives aux véhicules volés, qui sont alimentées par les informations recueillies au sein du secteur des assurances (« Discover »). Les recherches donneraient naturellement de meilleurs résultats si les véhicules signalés dans les bases de données de la police y étaient repris sur la base du numéro d'identification du véhicule. Supposons qu'un criminel veuille faire assurer un véhicule volé et qu'il sollicite un contrat d'assurance. Ne serait-il pas bon que la compagnie d'assurances puisse vérifier, par l'intermédiaire d'Assuralia, si le véhicule en question ne serait pas un véhicule volé ? Qui plus est, la compagnie pourrait, le cas échéant, alerter les services de police. Ces derniers pourraient alors intervenir, éventuellement en ayant recours aux techniques particulières prévues par la législation relative aux méthodes particulières de recherche (mieux connue sous le nom de législation « MPR »).

La communication de données de police à Assuralia et Datassur n'est pas possible dans le cadre légal actuel, de sorte que l'on n'est pas en mesure de lutter de manière optimale contre la criminalité liée aux véhicules.

Si le criminel ne parvient pas à importer le véhicule volé, s'il ne peut pas l'immatriculer ni l'assurer parce que les intéressés ont tous accès aux informations (policières) officielles relatives à ce véhicule, cela ne lui facilitera pas la tâche.

4.2.2.2. Les constructeurs/importateurs de voitures

 La fédération belge de l'Industrie de l'Automobile et du Cycle (FEBIAC)

Les constructeurs et les importateurs de voitures ainsi que leur réseau de distribution peuvent également apporter une contribution importante à la lutte contre la criminalité liée aux véhicules.

Les constructeurs automobiles représentent une source d'informations considérable. Il est donc régulièrement fait appel au représentant « national » de la marque (= l'importateur) pour obtenir des informations sur les véhicules qu'il distribue.

Une initiative prise au niveau européen par les services de police allemands, avec le soutien d'Europol et des constructeurs automobiles, a débouché sur la création d'une banque de données contenant toutes les données qui permettent d'identifier un véhicule. Ces données sont disponibles sur un CD-rom baptisé EUVID (European Vehicle Identification Database), qui est réservé à l'usage exclusif des services de police.

Même si le profane trouvera cela plutôt étrange de prime abord, le numéro de châssis n'est plus, depuis longtemps, le seul moyen d'identifier un véhicule maquillé. Toutes sortes d'autres numéros et d'autocollants apposés durant le processus de production, ainsi que les clés prévues, fournissent des informations utiles permettant à une équipe spécialisée des services de police de retrouver l'identité originelle du véhicule, même si le numéro d'identification du véhicule a été falsifié « d'une manière experte ». Les services de police demandent régulièrement aux représentants des marques ce qu'il est convenu d'appeler des datacards, lesquelles mentionnent toutes les options montées d'origine. Ces données permettent de vérifier si et dans quelle mesure un véhicule a été maquillé. Certaines marques disposent d'un système de signalement interne performant; chaque fois qu'un véhicule volé en interne est présenté à l'entretien, il est signalé. Il va de soi que si l'on pouvait recouper ces informations avec certaines données policières concernant les véhicules volés, cela permettrait d'arriver à une collaboration plus performante. Une fois de plus, le cadre légal actuel ne le permet pas.

La nécessité se fait de plus en plus pressante de restreindre le caractère facultatif de la coopération entre les pouvoirs publics, en particulier la police, et les constructeurs pour ce qui est de l'aspect opérationnel des échanges d'informations.

D'un point de vue stratégique, un feed-back sur les données générales et la communication des modus operandi utilisés lors des vols sont essentiels pour pouvoir en arriver, à terme, à une meilleure approche proactive et préventive en collaboration avec les constructeurs.

Du fait de l'amélioration de la protection des véhicules contre le vol (interrupteur de démarrage — système « après vol » — transpondeur — utilisation d'un code de sécurité — identification par empreintes digitales — etc.), la possession d'une clé originale est devenue un élément essentiel pour les véhicules neufs. Si l'on veut s'emparer d'un véhicule équipé de tels systèmes de sécurité, la présence du possesseur du véhicule est de plus en plus souvent nécessaire. C'est ainsi que les phénomènes du car-jacking, du home-jacking et du vol dans les garages ont fait leur apparition et que la violence s'est accrue considérablement à la fin des années '90 et au début des années 2000.

Qu'il soit donc clair qu'une collaboration plus intensive entre les pouvoirs publics et le secteur privé, en l'occurrence la police et les constructeurs, s'impose dès le stade de conception de la sécurisation des véhicules. Il est impératif que le législateur s'interroge pour savoir jusqu'où on peut aller en matière de sécurité et quelles alternatives pourraient être envisagées pour s'attaquer au phénomène de la criminalité liée aux véhicules.

4.2.2.3. Groupement des organismes agréés de contrôle automobile (GOCA) et permis de conduire

La station de contrôle technique étant l'unique endroit où les véhicules sont présentés physiquement, en quel autre lieu pourrait-on mieux détecter les falsifications apportées au véhicule proprement dit ? Les véhicules en provenance de l'étranger qui sont immatriculés pour la première fois en Belgique doivent subir un contrôle technique. Tous les véhicules immatriculés en Belgique doivent être soumis après quatre ans à un premier contrôle dans une station d'inspection agréée; par la suite, ce contrôle devient annuel.

On ferait un pas dans la bonne direction en chargeant les stations d'inspection automobile non seulement de procéder au contrôle technique, mais aussi de vérifier si le véhicule a été maquillé et de l'intercepter au cas où il aurait été signalé volé.

Le GOCA pourrait également contrôler la plaque d'immatriculation et le numéro de châssis correspondant, et s'assurer de l'authenticité de la plaque. De même, l'authenticité du certificat d'immatriculation et sa concordance avec le numéro de châssis et avec la plaque d'immatriculation pourraient faire l'objet d'un contrôle physique systématique dans une station d'inspection automobile. Si le GOCA pouvait accéder aux données policières concernant les véhicules volés, il pourrait bloquer les véhicules suspects et solliciter l'intervention de la police.

On réaliserait déjà une avancée considérable en communiquant aux partenaires privés, à partir des informations policières contenues dans le SIS, les numéros de châssis des véhicules volés et détournés. Ces partenaires pourraient intégrer ces données dans leurs propres systèmes, et ce, sous leur propre responsabilité et dans le respect d'une série de règles d'utilisation sans équivoque, cela va de soi.

4.3. Comment pouvons-nous coopérer et transmettre des informations ?

Pour chacun des partenaires précités, nous passons en revue les éléments suivants :

— la liste détaillée des besoins en informations;

— la plus-value dans le cadre de la lutte contre la criminalité liée aux véhicules;

— les risques possibles et la maîtrise des effets connexes;

— l'analyse des risques en l'absence de fondement juridique;

— les modalités et l'engagement.

4.3.1. La DIV

Liste détaillée des besoins en informations

Numéros de châssis, plaques d'immatriculation et certificats d'immatriculation des véhicules volés et détournés qui sont signalés par la police (dans la banque de données nationale et dans le SIS).

Plus-value dans le cadre de la lutte contre la criminalité liée aux véhicules

Pour la DIV en tant que gestionnaire des immatriculations de véhicules et en tant que base de données centrale pour toutes les informations concernant les véhicules immatriculés en Belgique, la transmission de ces données est capitale dans la lutte contre la criminalité liée aux véhicules.

Risques possibles et la maîtrise des effets connexes

Comme il existe déjà un fondement juridique (certes fragile), le problème ne se poserait que dans le cas où celui-ci viendrait à disparaître.

Modalités et engagement

— Accès direct au SIS.

Pas d'immatriculation des véhicules signalés volés et pas de délivrance d'un quelconque document pour ces véhicules.

4.3.2. La douane

Liste détaillée des besoins en informations

Numéros de châssis, plaques d'immatriculation et certificats d'immatriculation des véhicules volés et détournés qui sont signalés par la police (dans la banque de données nationale et dans le SIS).

Plus-value dans le cadre de la lutte contre la criminalité liée aux véhicules

Service public qui traite les manifestes de transport et les documents douaniers (et qui peut donc également dresser des profils à partir de ces documents).

Risques possibles et la maîtrise des effets connexes

Afin de prévenir tout abus, l'accès aux informations ne serait accordé qu'aux services des douanes compétents en matière de véhicules.

Analyse des risques en l'absence de fondement juridique

— Non-localisation de véhicules volés si des formalités douanières sont accomplies alors que le véhicule n'est pas immatriculé en Belgique.

— Découverte à un stade ultérieur seulement (au moment de l'immatriculation par la DIV) d'un véhicule volé, dans le cas où il est immatriculé en Belgique. Il y a alors de fortes chances que le véhicule ait déjà été revendu à plusieurs reprises (de bonne foi ou non) entre le moment de l'exécution des formalités douanières et celui de l'immatriculation par la DIV, et que les criminels aient disparu sans laisser de traces.

— Risque de voir la police transmettre quand même ces informations à la douane.

Modalités et engagement

— Accès direct au SIS pour certains services.

— Respect des procédures prévues.

4.3.3. Assuralia — Datassur

Liste détaillée des besoins en informations

— Numéros de châssis, plaques d'immatriculation, certificats d'assurance des véhicules volés et détournés qui sont signalés par la police (dans la banque de données nationale et dans le SIS), numéros de PV et coordonnées du service de police qui a enregistré la plainte.

— Données de localisation, une fois le véhicule retrouvé (date et lieu de la localisation, coordonnées du service de police chargé de le restituer).

Plus-value dans le cadre de la lutte contre la criminalité liée aux véhicules

— Économies sur les coûts, du fait de l'accroissement du pourcentage des véhicules volés retrouvés : selon les estimations, une diminution de 10 % du nombre de véhicules non retrouvés aurait pu se traduire, en 2002, par une économie de 15 555 000 euros sur les dépenses.

— Approche efficace de la fraude à l'assurance.

— Restitution plus rapide du véhicule volé à son propriétaire légitime.

— Rapatriement et restitution plus rapides dans le cas où le véhicule se trouve à l'étranger.

— Effet dissuasif de l'intensification de la collaboration et de la transmission d'informations.

Risques possibles et maîtrise des effets connexes

Afin de prévenir toute utilisation abusive des données, la communication des informations s'effectue uniquement par l'intermédiaire des associations professionnelles Assuralia et/ou Datassur.

Analyse des risques en cas de non-création d'une base légale

Risque de voir les policiers transmettre quand même ces informations aux compagnies d'assurance et s'exposer ainsi à des poursuites.

Modalités et engagement

— Les gestionnaires de fichiers des compagnies d'assurance qui sont désignés nominativement n'ont accès qu'aux données pertinentes pour eux.

Les demandes d'informations s'effectueront par l'intermédiaire de lignes sécurisées et un log-in devra être prévu.

— Les services de police seront informés de tout résultat positif.

4.3.4. Constructeurs/importateurs de voitures.

Liste détaillée des besoins en informations

Numéros de châssis, coordonnées du véhicule (marque/modèle/date de la première immatriculation), certificats de conformité des véhicules volés et détournés qui sont signalés par la police (dans la banque de données nationale et dans le SIS), numéros de PV et coordonnées du service de police qui a enregistré la plainte.

Plus-value dans le cadre de la lutte contre la criminalité liée aux véhicules

— Accroissement des possibilités de localisation des véhicules volés.

— Rectification des éventuelles erreurs de saisie des numéros de châssis (NIV) dans les bases de données de la police et élimination des risques d'actions en dommages et intérêts.

Risques possibles et maîtrise des effets connexes

— Afin de prévenir toute utilisation abusive des données, la communication des informations s'effectue uniquement par l'intermédiaire de l'association professionnelle FEBIAC et de ses membres.

— Les données sont mises à la disposition des constructeurs/importateurs de voitures par l'intermédiaire de la FEBIAC, pour les marques qui les concernent.

Analyse des risques en l'absence de fondement légal

Risque de voir les policiers transmettre quand même ces informations aux constructeurs/importateurs de voitures et s'exposer ainsi à des poursuites.

Modalités et engagement

— Ces données sont intégrées dans les banques de données des constructeurs/importateurs de voitures, sous leur propre responsabilité et selon des modalités d'accès strictes. Afin de prévenir tout risque d'interférence et de pressions sur le concessionnaire, celui-ci ne peut accéder aux données que par l'intermédiaire de son (ses) constructeur(s)/importateur(s).

— En cas de demande, pour un véhicule volé ou détourné, de certains éléments essentiels pertinents en matière de criminalité liée aux véhicules — les « kits » de documents (certificat de conformité), les serrures et clés, le module de pilotage (ordinateur de bord) —, une fonction de signal d'alarme est déclenchée. Les éléments demandés ne sont pas délivrés a priori et les services de police sont prévenus.

— La police est prévenue à chaque fois qu'un véhicule signalé volé est localisé dans le réseau de distribution.

4.3.5. GOCA

Liste détaillée des besoins en informations

Numéros de châssis, plaques d'immatriculation et certificats d'immatriculation des véhicules volés et détournés qui sont signalés par la police (dans la banque de données nationale et dans le SIS).

Plus-value dans le cadre de la lutte contre la criminalité liée aux véhicules

Lors des contrôles techniques, on découvre de plus en plus de véhicules volés

Risques possibles et maîtrise des effets connexes

Pour prévenir un usage abusif des données, celles-ci ne sont transmises qu'à l'association professionnelle GOCA et à ses affiliés.

Analyse des risques en l'absence de fondement légal

Risque que des policiers transmettent malgré tout les informations en question au GOCA et s'exposent en conséquence à des poursuites.

Modalités et engagement

— Chaque fois qu'un véhicule signalé volé sera présenté, le certificat d'immatriculation sera retiré et aucune attestation du contrôle technique ne sera délivrée.

— Dans la mesure du possible, le véhicule sera bloqué jusqu'à l'arrivée de la police, qui devra évidemment être prévenue d'urgence. Le contrôle du NIV doit donc avoir lieu au début du contrôle technique, de manière à laisser à la police un espace de temps maximum pour intervenir.

5. Conclusion

Une lutte efficace contre la criminalité liée aux véhicules suppose que certaines données policières doivent être transmises à des tiers. C'est le cas de la Douane, de la Direction pour l'immatriculation des véhicules (DIV), des assureurs (Assuralia /Datassur), des constructeurs/importateurs de véhicules automobiles (FEBIAC) et du Groupement des organismes agréés de contrôle automobile (GOCA).

L'optimalisation des échanges d'informations doit améliorer sensiblement la lutte contre la criminalité liée aux véhicules, le dépistage des véhicules volés et la probabilité d'arrêter les auteurs. La récupération de biens volés est un des objectifs. Pour y parvenir, il convient de doter d'une base légale solide la transmission, par les services de police, de données policières aux partenaires précités.

Hugo COVELIERS.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

À l'article 44/1, alinéa 4, de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police, modifié par la loi du 26 avril 2002, les mots « et organismes privés » sont insérés entre les mots « autorités publiques » et les mots « ces mêmes données et informations ».

12 octobre 2004.

Hugo COVELIERS.