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M. Pierre Galand (PS). - Le rapport 2004 de la conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED) est assez alarmant. Il indique clairement en effet que les objectifs de la Déclaration du Millénaire qui ont été adoptés par l'Assemblée générale des Nations unies en 2000 et qui visent à réduire de moitié l'extrême pauvreté, ne pourront être atteints à l'échéance de 2015.
Je voudrais rappeler que le seuil d'extrême pauvreté a été fixé à 1 dollar par jour et par personne. C'est aujourd'hui le sort de 50% de la population des 50 pays dits les moins avancés (PMA).
Cette impossibilité de réduire l'extrême pauvreté n'est-elle pas le résultat des retards pris par les pays riches dans leurs engagements réels en faveur de la lutte contre la pauvreté ? Ne sommes-nous pas encore très loin du compte en matière d'engagement budgétaire pour atteindre le 1% du PNB des pays riches en faveur de la coopération au développement ?
De même, ne pensez-vous pas qu'il faut être plus strict sur les éléments entrant dans les critères qui fixent les interventions financières considérées comme Aide publique au Développement (APD) ? Ainsi, en quoi l'annulation - parfaitement légitime - d'une dette qui a une valeur faciale totalement surévaluée, comme c'est le cas de la dette congolaise, contribue-t-elle au développement de ce pays ? Par contre, ne gonfle-t-elle pas artificiellement le pourcentage annoncé de l'aide publique au développement ?
Lutter contre l'extrême pauvreté, cela doit signifier lutter contre les causes de la pauvreté. La croissance observée en Chine et en Inde est-elle réellement un indicateur fiable de l'état de santé et de l'éducation dont bénéficient les populations de ces pays ? En réalité, une croissance réservée à 20% de la population de ces pays a des effets pervers pour le développement et le bien-être des 80% de la population qui est exclue de l'augmentation de la richesse, notamment en Chine. C'est la conséquence d'un abandon de l'école accessible et ouverte à tous au profit de la formation d'une élite. On cite souvent la Chine. Je voudrais quand même rappeler que, comme l'a encore souligné une émission sur la Chine diffusée dernièrement sur Arte, le facteur de croissance le plus important aujourd'hui est l'illettrisme.
Quelles initiatives la Belgique compte-t-elle prendre pour éviter l'échec des engagements pris lors de l'Assemblée générale des Nations unies en 2000 et ensuite au sommet de Monterrey en mars 2003 ? Comptez-vous participer à la 11e conférence de la CNUCED qui se tiendra à Sao Paulo du 13 au 18 juin 2004 et comment comptez-vous réagir lors de cette conférence ? Enfin, au sein du Comité ad hoc des Nations unies, quelles propositions la Belgique a-t-elle défendues pour faire en sorte que la croissance économique mondiale réponde plus et mieux aux exigences du développement durable et soit conforme aux standards universels des droits de l'homme ?
M. Marc Verwilghen, ministre de la Coopération au développement. - Plusieurs études émanant notamment du PNUD, de la Banque mondiale et de la CNUCED, démontrent que les objectifs de la Déclaration du millénaire ne seront pas réalisés dans tous les pays en voie de développement d'ici 2015. Un bon nombre de pays connaissent un progrès remarquable mais d'autres pays, en particulier ceux appartenant au groupe des pays les moins avancés, n'atteindront pas ces objectifs à l'échéance de 2015.
Plusieurs raisons expliquent les difficultés des pays les moins avancés. Au niveau interne, la pandémie du SIDA détruit une partie des progrès sociaux et économiques, notamment en Afrique australe, tandis que d'autres pays sont épuisés par des guerres civiles sans fin. Les raisons externes sont le fardeau insoutenable de la dette, la crise sur les marchés des matières premières et le protectionnisme sur les marchés des pays du Nord. C'est pourquoi la communauté internationale a parlé, tant dans la Déclaration du millénaire qu'à Monterrey, d'efforts conjoints, en partenariat.
Pour pouvoir réaliser les objectifs de la Déclaration du millénaire, il faut d'abord des efforts supplémentaires dans les pays en voie de développement et ce, en termes de pacification, de bonne gestion des ressources, d'augmentation des budgets dans les secteurs sociaux et, parallèlement, plus de contributions des pays développés, tant pour leurs budgets d'aide au développement que pour l'ouverture de leurs marchés aux produits du Sud, sans oublier des mesures d'allégement de dettes.
Seuls des efforts conjoints et soutenus permettront à la communauté internationale d'atteindre les objectifs du millénaire. La conférence de Monterrey a entériné cet accord de partenariat. Je me réjouis que les choses commencent à bouger au niveau de l'Europe. J'espère que cela permettra d'effacer l'échec de la Conférence de Cancun et de reprendre au sein de l'OMC les discussions relatives aux exportations des produits des pays du Sud.
Dans ce contexte, la Belgique s'est engagée à atteindre pour la Coopération au développement un budget égal à 0,7% du PNB en 2010. Nous sommes un des rares bailleurs de fonds à avoir traduit cet engagement politique dans une loi. Il est évident qu'à l'occasion de nos discussions avec nos partenaires, nous insistons également sur une augmentation de leurs efforts, notamment en termes de bonne gestion des ressources, de lutte contre la corruption et de mise en place d'une politique d'incitation aux investissements du secteur privé.
Une grande partie des objectifs de la Déclaration du millénaire étant liée à la situation des femmes et des enfants, j'ai développé une note politique spécifique concernant la protection des enfants et la dimension du genre dans le développement. Cela devrait nous aider à mieux concentrer nos efforts.
Finalement, j'ai demandé à mon administration de préparer avant la fin de cette année politique un rapport sur la contribution de la Belgique dans la réalisation des objectifs de la Déclaration du millénaire. Ce rapport sera d'ailleurs remis à la Conférence des Nations unies sur le suivi de la Déclaration du millénaire en 2005.
En ce qui concerne les critères fixant l'éligibilité d'interventions comme aide publique au développement, la Belgique suit scrupuleusement les décisions du Comité d'aide au développement en cette matière. Il est vrai que le comité statistique du CAD a accepté les annulations de dette comme aide publique au développement. En 2003, le Ducroire a annulé une somme importante d'arriérés de la dette congolaise, dans le cadre d'un accord entre le Congo et le groupe des créditeurs du secteur public, réunis dans le Club de Paris.
Je tiens en effet à souligner que cette opération d'allégement de dette vis-à-vis du Congo n'est pas un acte isolé de la Belgique, mais résulte d'un effort international concerté. Ainsi, le Congo a non seulement bénéficié d'un allégement de dette de la part de ses créditeurs bilatéraux mais également de celle d'organisations multilatérales. Un tel effort international se justifiait par le fait que le pays avait pu accéder au programme HIPC.
L'impact sur le pourcentage de notre BNP est important. Je relativise dès lors le chiffre adopté, mais je souligne que la décision prise ne dépend pas uniquement de la Belgique. C'est le résultat d'une concertation à un niveau supérieur.
Parmi les pays en voie de développement qui pourront réaliser les objectifs de la Déclaration du millénaire figurent certainement la Chine et l'Inde. En chiffres absolus, ces deux pays comptent le plus grand nombre de pauvres mais, depuis une quinzaine d'années, ils connaissent une diminution remarquable du degré de pauvreté. Il est probablement vrai que les inégalités en matière de revenus se sont accrues en Chine et en Inde. Néanmoins, ces deux pays ont également connu un succès en termes de diminution de la pauvreté. Je suis conscient de l'existence de discussions sur l'exactitude des chiffres, mais il n'en reste pas moins que la tendance est positive.
En ce qui concerne la CNUCED XI, Mme Ries, secrétaire d'État aux Affaires européennes, participera à la réunion de Sao Paulo. M. Adam, représentant permanent auprès des Nations unies à Genève, a assuré la vice-présidence du comité préparatoire de cette réunion.
Au sein de ce comité préparatoire, la Belgique a surtout souligné les points suivants : la nécessité pour la CNUCED de mieux se concentrer sur les avantages comparatifs et sur les aspects sociaux de la globalisation. Nous sommes ainsi entièrement en phase avec la politique que nous avons annoncée au début de cette législature.
M. Pierre Galand (PS). - Je remercie le ministre de ses explications. Je désire formuler deux remarques. D'abord, dans le cadre de la Déclaration du millénaire, il s'agit de combattre l'extrême pauvreté. On dit que la pauvreté a diminué en Chine et en Inde ; toutefois, les objectifs de réduction de l'extrême pauvreté fixés dans le cadre de la Déclaration du millénaire n'ont pas été atteints et cela pose un problème majeur.
Ensuite, je suis heureux d'apprendre que le ministre préparera une note concernant les objectifs de la Déclaration du millénaire. J'espère qu'il acceptera l'invitation de la commission Mondialisation qui travaillera sur ce thème à partir de septembre prochain et qui a pour tâche d'examiner comment atteindre ces objectifs et de déterminer les recommandations que la Belgique peut formuler pour les atteindre.
Enfin, il faut être très prudent quand on procède à des annulations de dettes. Je suis tout à fait favorable à celles-ci, mais il s'agit de mesures one shot. Quand on dit que la Belgique a consenti tel allégement, ce n'est pas réellement un effort en termes budgétaires ; c'est l'effacement d'une dette qui était déjà quasiment actée comme étant irrécupérable. Je pense que cette mesure one shot peut à un moment donné redorer notre blason, mais qu'il conviendrait également de se préoccuper de mesures structurelles à plus long terme.
Je désire encore poser une petite question : la Belgique consacre-t-elle toujours 15% de son budget de la Coopération au développement en faveur des PMA - pays les moins avancés -, comme elle s'y était engagée ? (Signe d'assentiment du ministre)