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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 13 MAI 2004 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de M. Jean-François Istasse au ministre des Finances sur «les conséquences néfastes de l'accord belgo-allemand interdisant la double imposition» (nº 3-308)

M. le président. - M. Hervé Jamar, secrétaire d'État à la Modernisation des finances et à la Lutte contre la fraude fiscale, adjoint au ministre des Finances, répondra au nom de M. Didier Reynders, ministre des Finances.

M. Jean-François Istasse (PS). - Un accord belgo-allemand, entré en vigueur le 1er janvier 2004, est censé interdire la double imposition pour les travailleurs transfrontaliers. Il touche effectivement quelques milliers de personnes. Les frontaliers seront donc imposables par l'État dans lequel ils exercent leur activité professionnelle et non plus, comme c'était le cas précédemment, dans l'État où ils résident. Ce texte était attendu depuis longtemps et nous nous en réjouissons.

Cet accord, qui devait normaliser et sécuriser la situation, a malheureusement des effets pervers. En effet, beaucoup de travailleurs, pères ou mères de famille, sont repris en Allemagne en tant que célibataires sans enfant à charge. Cette situation entraîne la retenue d'un précompte professionnel nettement plus important, et donc un revenu net diminué. Cette fiscalité « étranglante » et erronée ne peut se prolonger. Si le travailleur ne se manifeste pas, il lui est imposé le régime fiscal le plus défavorable.

En outre, le manque d'harmonisation atteint son paroxysme lorsque vous avez un enfant à charge souffrant d'un handicap. Si cet handicap, quel qu'il soit, est reconnu en Belgique, il doit aussi l'être en Allemagne - ce qui n'est pas automatique - et inversement.

Certains proposent une solution sous la forme d'un fonds belgo-allemand qui amortirait les chocs sociaux et fiscaux que subissent certains. Ce fonds permettrait d'intervenir dans des situations ponctuelles urgentes et socialement dramatiques provoquées par cet accord bilatéral.

Avez-vous une solution pratique à ces problèmes vécus par de très nombreux ménages des deux côtés de la frontière belgo-allemande ?

M. Hervé Jamar, secrétaire d'État à la Modernisation des finances et à la Lutte contre la fraude fiscale, adjoint au ministre des Finances. - Je remercie M. Istasse pour sa question très intéressante. Vous me permettrez de vous rappeler que ce sont les frontaliers habitant en Belgique qui demandent depuis une vingtaine d'années la suppression du régime frontalier en tant que tel. La grande majorité des frontaliers habitant en Belgique et travaillant en Allemagne est très satisfaite du nouveau régime fiscal car ils paient, dans la plupart des cas, moins d'impôt en Allemagne qu'en Belgique.

La convention additionnelle prévoit d'ailleurs une réduction de l'impôt allemand de huit pour-cent. Ce nouveau régime s'aligne sur celui qui était déjà appliqué en matière de sécurité sociale. Cette harmonisation des régimes accroît la sécurité juridique des contribuables intéressés.

En ce qui concerne les frontaliers dont la revenu net va diminuer à cause du changement de régime, je pense, comme le ministre des Finances, pouvoir vous rassurer : il ne s'agit pas, après enquête, d'innombrables ménages mais de quelques cas isolés. Le problème n'a cependant pas échappé à la commission « frontaliers » ; le rapport soumis au parlement en octobre 2003 contient une recommandation spécifique concernant les effets pervers - dont vient de parler M. Istasse - sur le revenu d'un petit nombre de frontaliers.

Par ailleurs, je rappelle qu'en Allemagne, les frontaliers belges peuvent être imposés comme des résidents sous certaines conditions et, entre autres, si, au cours de l'année civile, les nonante pour-cent de la somme de leurs revenus est imposable en Allemagne. Pour bénéficier de ce régime, plus favorable, une attestation annuelle doit néanmoins être remplie et remise à l'employeur allemand.

Afin de conseiller au mieux ces personnes qui sont relativement isolées et qui ne se font pas toujours connaître, nous avons créé au sein de notre administration un call center gratuit chargé de fournir une information complète sur les changements intervenus.

À cet égard, un communiqué très précis a été publié le 13 janvier 2004. Il est disponible sur le site du SPF Finances et je vous en remettrai une copie.

Quant à la définition de l'expression « enfant handicapé », elle relève de la compétence de notre collègue des Affaires sociales et de la Santé publique mais également des définitions comparées en Allemagne et en Belgique.

En tout état de cause, pour cette notion également, le fameux appel gratuit et la consultation anticipée, ou en cours si le problème se révèle, constituent véritablement la solution pour venir en aide à ces personnes qui se trouvent dans une situation très spécifique.

Le texte, voté à la fin de l'année dernière et mis en application au début de cette année a, dans la plupart des cas, je crois, donné satisfaction aux Belges concernés. Je vais donc vous remettre ce document.

M. Jean-François Istasse (PS). - Je remercie le ministre de sa réponse. Je ne doute pas de sa bonne volonté, mais je voudrais néanmoins attirer son attention sur le fait que, selon les échos que j'ai eus, il ne s'agit pas de quelques cas isolés. Pourrait-il préciser le nombre de cas dont il a connaissance ? Il serait peut-être utile de voir si d'autres cas n'existent pas car mon sentiment est à l'inverse du sien.

Le numéro d'un call center est certainement une bonne initiative et il conviendrait peut-être que vous nous le communiquiez oralement, monsieur le ministre. Malheureusement, un call center n'a pas la possibilité de régler les problèmes pratiques qui se posent dans le cadre de cette convention, même s'il peut donner des informations utiles. Concernant les enfants handicapés plus particulièrement, nous serons probablement d'accord pour dire que, même s'il n'y avait qu'un seul cas, cela vaudrait la peine de se pencher dessus et de le régler.

M. Hervé Jamar, secrétaire d'État à la Modernisation des finances et à la Lutte contre la fraude fiscale, adjoint au ministre des Finances. - Je vous communique bien volontiers le numéro du call center, monsieur Istasse, il s'agit du 0800 90 220.

Je vous rejoins tout à fait dans votre approche sociale et fiscale du problème. Je n'ai pas sous la main le chiffre précis concernant le nombre de cas ; j'interrogerai mes services et je vous transmettrai l'information.

Je pense aussi que certaines personnes ne se révèlent pas forcément en tant que telles et qu'une information serait la bienvenue. Nous allons donc collaborer, je l'espère, dans le cadre de cette approche fiscale et sociale.