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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 22 AVRIL 2004 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Demande d'explications de Mme Amina Derbaki Sbaï au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères sur «le contrôle de citoyens belges aux États-Unis» (nº 3-222)

M. le président. - Mme Frédérique Ries, secrétaire d'État aux Affaires européennes et aux Affaires étrangères, adjointe au ministre des Affaires étrangères, répondra au nom de M. Louis Michel, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères.

Mme Amina Derbaki Sbaï (Indépendante). - Il y a quelques mois, les États-Unis ont instauré le programme US-VISIT, qui consiste en une prise systématique d'empreintes digitales et de photos de tout individu entrant sur leur territoire.

Nos concitoyens munis des nouveaux passeports en sont exemptés. Cependant les États-Unis viennent d'annoncer qu'à partir du 30 septembre prochain, cette exemption sera levée au motif que nos passeports ne sont pas équipés de marqueurs biométriques.

Les implications de cette décision sur la protection de la vie privée et des libertés civiques sont très préoccupantes. Qu'elle soit ou non exemptée de cette obligation, j'aurais souhaité que la Belgique proteste plus fermement à l'annonce de ce programme car il s'agit, ni plus ni moins, d'un fichage systématique de nos concitoyens.

Chez nous, la prise d'empreintes n'est opérée que lors d'une arrestation. Cela signifie que les États-Unis disposeront d'une base de données constituée par des empreintes digitales de Belges, alors que l'État belge ne possède pas ces informations. De plus, je trouve inacceptable que l'on traite ainsi les citoyens belges - parmi d'autres - comme des criminels, alors qu'en tant que touristes, ils contribuent au développement de l'économie locale.

Depuis sa mise en application, ce programme a permis le fichage de quelque 5 millions de personnes et l'arrestation de « zéro terroriste », ce qui constitue pourtant le but premier de ce programme. En revanche, nos concitoyens feront l'objet d'une base de données à propos de laquelle nous n'avons aucune assurance, quant à son utilisation.

Le traumatisme du 11 septembre laisse libre court à tous les extrêmes et ce programme en est un. La population américaine est prête, suite à ce traumatisme, à troquer un peu de liberté contre l'illusion de la sécurité car - soyons sérieux - pensez-vous que les groupes terroristes n'ont pas encore découvert l'usage des faux papiers, voire des fausses empreintes ?

Je suis consciente que les États-Unis sont souverains en matière de défense de leur territoire. Cependant, puisque nous sommes leurs alliés, il nous est permis de pointer du doigt le fait que ces méthodes sont offensantes et probablement inefficaces. Elles mettent en doute notre capacité à sécuriser nos frontières : nos services procèdent en effet à des vérifications dans les aéroports avant les départs.

J'ai plusieurs questions à poser au ministre.

A-t-il reçu des autorités américaines des assurances quant à la confidentialité de ces données et l'assurance de l'utilisation exclusive de celles-ci par des autorités fédérales et non privées ? Il faut en effet savoir que, dans un souci d'efficacité budgétaire, les services du Pentagone, par exemple, sous-traitent de plus en plus à des firmes privées.

Les autorités belges auront-elles accès, dans le cadre de la lutte commune contre le terrorisme, aux informations concernant leurs nationaux ?

Mme Frédérique Ries, secrétaire d'État aux Affaires européennes et aux Affaires étrangères, adjointe au ministre des Affaires étrangères. - Je remercie Mme Derbaki Sbaï de sa question. M. Michel m'a demandé de préciser qu'en effet, dès le 30 septembre 2004, tous les voyageurs étrangers se rendant aux États-Unis seront concernés par cette décision et devront se soumettre à l'enregistrement de leurs empreintes digitales au moment du passage de la frontière.

Pour le moment, comme la Belgique fait partie des vingt-sept pays bénéficiant de l'exemption du visa, nos compatriotes ne sont pas soumis à cette obligation, dans la mesure où ils sont munis du modèle le plus récent de passeport, c'est-à-dire comportant une zone à lecture optique. Les Belges possédant un ancien modèle de même que les ressortissants des pays ne figurant pas sur la liste précitée sont obligés de solliciter un visa auprès du consulat américain et de se soumettre, alors, à l'enregistrement de leurs empreintes digitales.

Quoi qu'il en soit, ces données biométriques récoltées par les autorités américaines seront rassemblées dans une banque de données à laquelle n'auront accès que les officiels responsables du « law enforcement ». La Belgique a reçu des autorités américaines l'assurance que les mesures appliquées dans le cadre du programme US-VISIT sont en totale conformité avec la législation relative à la protection de la vie privée.

D'après les renseignements obtenus par le département des Affaires étrangères auprès de l'ambassade des États-Unis à Bruxelles, les données pourraient être consultées uniquement par les fonctionnaires de l'immigration habilités au Homeland Security Department. Une confirmation de la part des autorités américaines de ce dernier point est encore attendue.

Selon nos informations, les autorités belges n'auront pas un accès automatique à ces informations récoltées par les autorités américaines. Par contre, dans le cadre d'une enquête judiciaire, il est toujours possible de demander des informations ou une coopération sous les termes de l'accord de coopération judiciaire de 1988.