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M. René Thissen (CDH). - La presse se fait régulièrement l'écho d'un vaste mécanisme de fraude au sein d'un casino, fraude ayant conduit un juge d'instruction namurois à délivrer 22 mandats d'arrêt à la suite, semble-t-il, de la rédaction de comptes fallacieux lors de la fermeture des tables de jeux.
Si la commission des jeux de hasard est compétente pour le contrôle des flux d'argent dans les salles de jeux, elle ne l'est pas pour les casinos qui relèvent de la compétence du Service public fédéral des Finances.
Chaque soir, deux fonctionnaires des Finances sont présents dans les casinos de l'ouverture à la fermeture ; ils sont chargés de compter l'argent en caisse et vérifient non pas la régularité du jeu, mais celle des recettes. Ils transmettent chaque jour des formulaires à l'administration centrale des Finances.
Les déficiences qui auraient été constatées dans le processus de contrôle relèvent, semble-t-il, du SPF Finances, dont certains agents auraient été complices des faits reprochés aux administrateurs, directeurs et chefs de salle.
À cet égard, il semble que le président de la Commission des jeux de hasard aurait, il y a quelque temps, proposé à l'administration fiscale d'imposer aux casinos l'utilisation de jetons informatisés, marqués individuellement par une puce électronique, comme on en utilise déjà, notamment au Casino de Montreux, afin de faciliter les opérations de comptage et de limiter les possibilités de fraude. L'administration fiscale aurait prétendu que le système n'était pas au point.
Je souhaiterais connaître les raisons qui ont justifié le refus de l'administration fiscale d'imposer l'utilisation de jetons informatisés.
À l'aune des éléments révélés par la presse ces derniers jours, l'administration fiscale ne devrait-elle pas faire droit à la demande la Commission des jeux de hasard ? Dans la négative, pour quelles raisons ?
Monsieur le ministre, je souhaiterais également vous poser une question qui ne figurait pas dans le texte que je vous ai communiqué. J'ai lu dans la presse de ce matin qu'il était question d'organiser la mobilité des fonctionnaires du fisc chargés de contrôler les casinos, de les déplacer d'un casino à l'autre. Cette information est-elle exacte ? Ne risque-t-on pas de pénaliser ou de sanctionner des agents qui travaillent honnêtement, correctement depuis de très nombreuses années, en les envoyant dans des casinos beaucoup plus éloignés de leur domicile ? Tout le monde sait que des mesures doivent être prises en la matière. Cependant, il convient de veiller à ne pas pénaliser ceux qui font du bon travail.
M. Didier Reynders, ministre des Finances. - Une enquête est en cours. Je condamne d'ores et déjà les comportements des agents du SPF Finances qui auraient commis des fautes. Toutefois, cela ne doit pas porter préjudice à la multitude d'agents qui exercent correctement leurs activités. Le problème est de savoir comment organiser le contrôle de ceux qui contrôlent.
J'ai, moi aussi, pris connaissance des déclarations du président de la commission des jeux de hasard. Au cours d'une réunion qui s'est tenue au mois de mai 2002, l'administration des finances et la commission des jeux de hasard ont examiné la possibilité d'utiliser un système informatique, des jetons électroniques pour les jeux de table - les jeux automatisés ne posent bien sûr aucun problème à cet égard - et l'installation de caméras vidéo.
L'usage de jetons informatisés n'est pas la panacée universelle mais pourrait constituer un élément de modernisation des contrôles. Selon les experts de la commission, ce système, encore expérimental, n'existe qu'au casino de Montreux.
Le 30 mars, le SPF Justice a accueilli les états généraux de la commission des jeux de hasard. À cette occasion, les représentants du secteur et M. Etienne Marique, président de la commission des jeux de hasard, ont déclaré que le système n'était pas au point et ne donnait pas satisfaction.
Le recours à ce système impliquerait par ailleurs une dépense assez importante, qui devrait faire l'objet d'une concertation. Toutefois, cet aspect du problème ne devrait pas nous freiner s'il s'avérait qu'il permet un contrôle plus important. Les modalités de contrôle et de surveillance des jeux de hasard par un système informatique approprié sont examinées en permanence. Nous avons déjà pris la décision d'installer des caméras vidéo à certains endroits et, pour autant que le système se révèle tout à fait praticable, nous irons vers des jetons électroniques.
La loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs a confié au Roi la fixation de telles modalités. En ce qui concerne les casinos, les réflexions en cours portent sur la définition d'exigences et de critères qui devraient permettre d'assurer le suivi du cash flow par casino, par joueur et par employé.
Enfin, nous créerons un groupe de travail au sein de l'entité « impôts et recouvrements ». Il sera chargé d'examiner les possibilités d'adapter le contrôle fiscal au casino de Namur et, éventuellement, ailleurs.
L'idée d'une rotation du personnel a été avancée. En matière de contrôle des jeux et des flux financiers du secteur, je crois qu'il serait bon de ne pas laisser en permanence les mêmes agents dans les mêmes structures. Cependant, une fois de plus, ce n'est pas la panacée. J'attends donc des propositions concrètes.
Mes services ont évidemment pris contact avec le procureur du Roi. Il ressort du dossier que le système mis en place à l'intérieur du casino de Namur, auquel des agents du département des Finances auraient, semble-t-il, participé, date des années 80.
Nous devrons vraisemblablement tirer les leçons de ce qui s'est produit pendant une période aussi longue. J'espère qu'elles déboucheront sur un système de contrôle plus efficace, même si tout système a ses limites.
Depuis que je suis à la tête du département, j'ai dû réagir à la présence d'un certain nombre d'agents, y compris dans des dossiers de fraude fiscale.
Ce département compte 33.000 personnes. Je rejoins évidemment votre conclusion : il ne faudrait pas faire peser sur toutes celles et tous ceux qui accomplissent correctement leur tâche les conséquences du comportement inacceptable d'un certain nombre de personnes. Si j'en crois les premières informations qui me sont communiquées, ce comportement a, en l'occurrence, parfois duré vingt ans. J'espère que les conclusions de l'enquête judiciaire, que nous suivrons de près, nous permettront de progresser encore dans le système de contrôle. Sachez que toutes les mesures ont été prises sur les plans disciplinaire et interne pour que des suites soient réservées à l'affaire judiciaire en cours. Le secret de l'instruction étant d'application, nous ne disposons pas encore de tous les éléments nécessaires.
Cela dit, il serait peut-être utile d'aborder, en commission, en collaboration avec les services du ministère des Finances et la Commission des jeux de hasard du SPF Justice, la manière dont est assuré le suivi de ce type de dossiers, car nous aurons encore à traiter de l'installation d'un nouveau casino dans notre pays...
Nous avons tout intérêt à tenter de dégager la meilleure mécanique de contrôle possible entre les organes chargés de contrôler les règles mêmes de fonctionnement et de jeu et ceux - c'est le cas du ministère des Finances - chargés de contrôler les flux financiers.
Je ne verrais pas d'inconvénient à traiter cet aspect de la question en commission des Finances du Sénat, mais avec l'ensemble des partenaires concernés.
Je voudrais aussi me montrer rassurant. Même si, à chaud, différents acteurs se livrent à des déclarations un peu fortes, il faut savoir que la Commission des jeux de hasard compte des représentants du département des Finances. La collaboration existe donc, mais on peut toujours tenter d'améliorer la situation. Un débat en commission, en présence des acteurs de ce contrôle, serait donc opportun.
M. René Thissen (CDH). - Approfondir la question en commission des Finances me semble une bonne idée, mais je n'ai pas obtenu de réponse concernant la décision, qui aurait déjà été prise, d'organiser la mobilité systématique des agents du fisc. Une telle décision apparaîtrait comme le moyen de résoudre le problème et laisserait planer la suspicion sur des personnes qui, dans leur immense majorité, sont honnêtes et correctes.
M. Didier Reynders, ministre des Finances. - Une telle décision ne m'a pas encore été présentée, mais elle relève fort probablement de l'autorité d'un certain nombre de dirigeants du département sur le plan administratif. Je réitère ma proposition de débattre de cette problématique en commission. Je demanderai aux responsables de ce secteur de participer aux travaux.
Il n'est cependant pas absurde, me semble-t-il, de faire en sorte qu'une permanence ne soit pas assurée sur une très longue durée. Je n'en tire pas de conclusions sur le plan des personnes, mais il me semble évident que le risque est plus important si le contrôle est toujours effectué au même endroit. Nous avons tout intérêt à examiner ces questions avec les professionnels du secteur, confrontés quotidiennement à ces problèmes.