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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 4 MARS 2004 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Demande d'explications de M. Jean-François Istasse au premier ministre sur «le financement du projet fédéral de soutien aux élites olympiques» (nº 3-139)

M. le président. - M. Johan Vande Lanotte, vice-premier ministre et ministre du Budget et des Entreprises publiques, répondra au nom de M. Guy Verhofstadt, premier ministre.

M. Jean-François Istasse (PS). - Récemment, le premier ministre a fait état dans la presse d'un projet relatif à l'encadrement de futures élites du sport belge. L'information relatée, selon laquelle le gouvernement fédéral envisage de soutenir un projet visant à encadrer, dans une structure encore à définir, les futures élites belges me semble poser diverses questions.

Une intervention financière de l'État fédéral en faveur de nos prochaines délégations aux Jeux olympiques serait évidemment une nouvelle très positive. Il est vrai que le sport olympique constitue une vitrine extraordinaire qui a des répercussions certaines, par l'exemple qu'elle démontre, sur la pratique du sport pour tous. D'après les déclarations du premier ministre, les moyens envisagés seraient importants. Il serait question de trois millions.

Ayant eu l'occasion, en tant que membre du Conseil de la Communauté française, d'interroger le ministre de la Communauté française en charge des Sports, je souhaite à présent me tourner vers le gouvernement fédéral afin d'obtenir plus de précisions de sa part sur l'élaboration et l'état d'avancement du projet.

Dans la réponse que j'avais reçue à la Communauté française, il était question d'une réunion des ministres des Sports, programmée le 22 décembre 2003, qui allait inscrire à son ordre du jour le projet en question. Cette réunion n'a malheureusement pas fait avancer les choses. Les ministres communautaires en charge des sports ont d'ailleurs rappelé qu'ils accueilleraient avec plaisir cet effort financier fédéral pour l'élite sportive mais qu'il était nécessaire et impératif de se concerter au préalable avec les communautés qui comptent les Sports parmi leurs compétences. Le fédéral est cependant compétent pour les matières relatives à la Santé.

En effet, la concertation avec les communautés est une condition de succès sine qua non de l'opération car, compte tenu du paysage institutionnel belge, il me paraît irréalisable que les communautés, seules compétentes en matière de Sport, mais qui ne sont pas consultées sur le projet à caractère sportif, soient simplement appelées à l'heure de payer l'addition.

Je m'étais d'ailleurs interrogé sur les propos du premier ministre qui se faisait fort de parvenir à les convaincre. En effet, dans un État fédéral, il est essentiel de veiller au respect des répartitions de compétences, et donc, en matière de sport, de s'en référer aux communautés. Précédemment, la démarche retenue avait été de mettre l'ensemble des partenaires concernés autour de la table, à savoir les communautés, le pouvoir fédéral et le COIB. C'est ainsi qu'en novembre 2002, le chef de missions pour les Jeux olympiques d'Athènes et le directeur du Comité olympique et interfédéral belge ont présenté aux ministres des Sports un projet pour le développement des jeunes talents belges dans la perspective des Jeux olympiques de 2008.

En mars 2003, le premier ministre a convoqué une réunion avec les ministres des Sports des entités fédérées, le COIB et les vice-premiers ministres. À cette occasion, le COIB a présenté son projet et le gouvernement fédéral a annoncé sa volonté d'intervenir financièrement. Les ministres communautaires ont fait part de leurs inquiétudes et un groupe de travail aurait été chargé de définir les modalités pratiques de cette opération. Ce groupe de travail aurait présenté un projet d'accord-cadre équilibré comprenant, entre autres, l'idée d'un accord de coopération à conclure entre les communautés et le gouvernement fédéral, et une adaptation des structures du COIB à la réalité institutionnelle et constitutionnelle de notre pays. Selon mes informations, ce projet n'aurait pas abouti.

Le gouvernement peut-il fournir des explications au sujet de l'arrêt de ce processus ainsi que sur la nouvelle dynamique lancée en novembre 2003 dans laquelle le projet fédéral annonce un apport annuel de trois millions d'euros, provenant notamment de la Loterie nationale, des communautés et du COIB ? D'autres réunions entre les ministres communautaires des Sports et le Premier ministre sont-elles programmées en concertation avec d'autres acteurs, comme le COIB (Comité Olympique et Interfédéral Belge), pour savoir quelles sont les attentes des sportifs et des fédérations ?

En conclusion, je répète que je me réjouis des nouveaux moyens affectés par l'État fédéral, mais je me permets toutefois de mettre l'accent sur l'impérieuse nécessité de concertation et d'information à tous les niveaux concernés parce que, dans notre paysage institutionnel, chaque niveau de pouvoir détient une partie des compétences impliquées dans ce dossier très important pour l'opinion publique et pour notre pays. De plus, il n'est pas indiqué de faire fi des choix déjà opérés par les entités respectives en matière de soutien au sport en général et aux sports olympiques en particulier.

Dans le cas de la Communauté française, il s'agit notamment, d'une part, d'un soutien aux fédérations sportives pratiquant une discipline inscrite au programme des Jeux olympiques de catégorie I et, d'autre part, d'un double mécanisme de reconnaissance et de subventionnement au COIB pour, précisément, assumer la mission de préparation des athlètes francophones aux grands rendez-vous sportifs internationaux.

Je répète que le sport est une matière tellement sensible et importante pour l'ensemble de la Belgique, qu'il me parait très heureux que le pouvoir fédéral contribue également au développement des élites sportives et à la participation de la Belgique aux Jeux olympiques. Nous ne pouvons qu'encourager le gouvernement fédéral à unir ses efforts à ceux des communautés et des régions pour augmenter le potentiel et les moyens dont nous pouvons disposer dans ce secteur.

M. Johan Vande Lanotte, vice-premier ministre et ministre du Budget et des Entreprises publiques. - J'ai écouté attentivement votre intervention, monsieur Istasse, mais ma version des choses est un peu différente.

Une première réunion s'est tenue en mars 2003, en présence des ministres communautaires, des vice-premier ministres, du premier ministre et de délégués du COIB. Cette réunion a eu lieu à la demande de M. Van de Walle et du COIB. À ce moment, on s'est dit qu'il serait opportun de réunir trois millions d'euros pour prendre une initiative en vue de préparer les Jeux olympiques de 2012 afin de disposer ainsi de moyens nouveaux à utiliser de manière un peu plus flexible.

J'ai cru comprendre que toutes les personnes présentes étaient intéressées. Un projet d'accord de coopération a été élaboré mais nous n'avons pu nous réunir qu'en février dernier pour en discuter. Cette réunion ne fut pas vraiment positive. Il s'agissait de savoir qui ferait quoi mais il était plus important de s'accorder sur le fond que sur la désignation des personnes. Il y eut des malentendus et des maladresses ainsi que des articles de presse prématurés, ce qui ne fut pas vraiment favorable.

Nous avons convenu que nous nous reverrions au début du mois d'avril. Si la Loterie nationale octroie plus de moyens, c'est une action commerciale qui devrait avoir une visibilité spécifique. Il ne faut pas donner davantage de moyens aux structures existantes pour qu'elle fassent davantage que ce qu'elles font déjà. En ce qui concerne la Loterie, il doit s'agir d'une action de cette dernière envers la jeunesse, qui est un groupe cible de la publicité de cette institution.

Deuxième élément : si la Loterie met des moyens - 1,25 million par an, ce qui n'est pas négligeable -, nous insistons pour que les communautés ainsi que le COIB participent aussi financièrement. Même si cela n'est pas encore tout à fait acquis, nous sommes sur la bonne voie.

Il faut donc une visibilité pour l'investisseur et un accroissement des moyens. En outre, nous devons travailler avec un outil léger, avec un nombre limité d'instances. Les actions sont ciblées pour les Jeux Olympiques 2012-2016. Sans être exagérément optimiste, j'espère que nous y verrons un peu plus clair début mars après avoir discuté avec les institutions.

M. Jean-François Istasse (PS). - Monsieur le vice-premier ministre, je vous remercie de nous avoir fourni des informations et de nous avoir fait partager votre sentiment sur l'évolution de ce dossier. À titre personnel, je ne puis que vous encourager à poursuivre dans cette voie car je suis convaincu que nous avons tous intérêt, au-delà des tentations de repli sur les communautés et régions, à développer une politique encore plus ambitieuse en matière de sport d'élite, de Jeux Olympiques, voire à obtenir, pour une région ou pour la Belgique tout entière, l'organisation des Jeux Olympiques, ce qui implique bien des efforts, des concertations et des accords de coopération entre tous les niveaux de pouvoir.

Je ne puis qu'encourager le gouvernement fédéral à se concerter avec les gouvernements de communauté et de région pour unir leurs efforts afin de développer la politique sportive de haut niveau dans notre pays. En effet, les opportunités sont réelles. De toute façon, notre pays participera aux Jeux Olympiques. En même temps, nous savons tous l'engouement extraordinaire qu'une politique sportive de haut niveau peut provoquer sur l'ensemble d'une population et sur les jeunes en particulier. On constate ce phénomène pour ce qui est du tennis actuellement, mais il peut aussi se produire pour d'autres sports. Cela est de nature effectivement à étendre la pratique du sport et donc à inciter tous les niveaux de pouvoir à développer des infrastructures sportives et autres. Il faut donc encourager la coopération en la matière.