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3 FÉVRIER 2004
La commission des Relations extérieures et de la Défense a examiné le projet de loi portant assentiment à l'Accord entre le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la Communauté française, le Gouvernement de la Région wallonne et le Gouvernement flamand, d'une part, et le Gouvernement de la République française, d'autre part, sur la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales et organismes publics locaux, signé à Bruxelles le 16 septembre 2002 (voir doc. Sénat, nº 3-405/1, 2003-2004) lors de sa réunion du 3 février 2004.
Le ministre déclare que l'accord à l'examen prévoit un cadre juridique pour le lancement et la gestion de projets transfrontaliers. Il s'agit plus spécifiquement de projets organisés par des autorités locales, telles que les intercommunales et les CPAS. Les négociations préparatoires ont duré assez longtemps en raison de la complexité institutionnelle belge et des implications juridiques non négligeables qui caractérisent ce type d'initiatives transfrontalières.
M. De Clerck déclare que cet accord est très important, à la fois pour le sud de la Flandre occidentale et pour le Hainaut. Des responsables politiques des deux régions ont d'ailleurs été associés étroitement aux négociations.
Vu le contexte européen global, il est étonnant que l'on n'ait pas conclu un tel accord plus tôt. Dans la pratique, une dynamique économique et culturelle importante s'est développée depuis pas mal de temps dans la région concernée. Il a fallu certaines pressions politiques pour que cette dynamique soit dotée d'un cadre législatif. L'intervenant attire l'attention sur le rôle qu'a joué en l'occurrence l'homme politique français Pierre Mauroy.
L'intervenant insiste pour que l'on finalise rapidement la procédure parlementaire.
Il déclare qu'il existe actuellement en France une dynamique qui ne trouve pas de répondant du côté belge. La Région wallonne réagit de manière un peu plus assertive à ces développements, mais le fédéral et la Région flamande doivent d'urgence rattraper leur retard. L'intervenant cite l'exemple de la ville de Lille, qui, depuis une dizaine d'années, fait preuve d'un dynamisme remarquable grâce à une série d'initiatives bien préparées, dynamisme qui donne à la région une forte conscience de soi. Ce processus, que l'intervenant qualifie de « métropolisation », devrait faire école chez nous. En outre, il s'inscrit dans un mode de développement croissant dans l'ensemble de l'Europe.
L'intervenant est préoccupé par la réaction de la Flandre à ce développement. Il attire l'attention sur le fait que Lille se présente comme « la capitale de la Flandre ». Il faut veiller à ce que la Flandre occidentale et le Hainaut ne soient pas considérés à terme comme des appendices de la région de Lille. Qui plus est, cette évolution coïncide avec l'essor de l'idée de décentralisation en France. Les niveaux locaux peuvent même y bénéficier d'un « droit à l'expérimentation ». Il s'agit d'un postulat politique très important. À tous les niveaux possibles de la société, on a pris d'innombrables initiatives concrètes qui confortent l'idée de métropole. Des villes telles que Courtrai et Tournai sont entraînées dans cette dynamique.
L'intervenant constate que les responsables politiques belges ne sont pas associés à ces décisions, ce qui posera des problèmes de plus en plus considérables. Il faut disposer d'urgence d'une vision claire de la politique européenne et de la concrétisation locale de ces tendances transfrontalières. L'intervenant cite à titre d'exemple un document récent (18 décembre 2003), rédigé par les services du premier ministre français, concernant un « Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire », qui contient toute une série de propositions transfrontalières pour l'agglomération lilloise. Aux termes du document, un saut qualitatif est nécessaire. Une démarche pragmatique est chaudement recommandée. Le but est de ne pas attendre la ratification parlementaire de l'accord à l'examen, mais de procéder dès à présent à la création d'une « institution spécifique de gouvernance, pour permettre le débat et la prise de décisions politiques à l'échelle de l'Eurométropole. ( ...) Cette mise en place doit être conduite de façon progressive en utilisant et en valorisant les organes existants. Elle suppose également un outil technique, pour conduire les analyses nécessaires et préparer le débat, outil qui pourrait prendre la forme d'une agence transfrontalière. (...) L'identification des freins juridiques au développement du transfrontalier se heurte à deux difficultés : d'une part, la matière est fort complexe, d'autre part, les analyses doivent se conduire dans un cadre bi-national, voir multipartite, compte tenu des entités fédérés belges (...) Le gouvernement français proposera aux autorités belges de constituer une mission parlementaire franco-belge qui aura pour tâche de proposer aux gouvernements dans le délai de douze mois les modifications législatives ou réglementaires nécessaires et les expérimentations à envisager, notamment dans la perspective d'un district Européen. »
Tout ceci met en évidence la grande avance des initiatives françaises sur le plan légal et organisationnel. L'intervenant réclame une réponse des autorités belges. Comment l'assemblée parlementaire mixte, dont la création est proposée, sera-t-elle composée ? Quels fonctionnaires détachera-t-on à l'« Agence transfrontalière » ? L'intervenant propose de déléguer un certain nombre de fonctionnaires fédéraux à Mouscron, Tournai et Courtrai pour développer une politique commune. Il existe déjà une organisation à laquelle on peut faire appel en l'occurrence : la COPIT (Conférence permanente intercommunale transfrontalière) cf. http ://www.grootstad.org
Une autre question concerne la composition de l'institution spécifique de gouvernance, qui deviendra une instance politique exécutive. La Belgique doit désigner un délégué, mandaté politiquement, qui suivra la coordination de ces questions à temps plein. Il nous faut éviter d'être placés devant le fait accompli et de n'avoir plus que les miettes à ramasser. Tous les niveaux de pouvoir belges, fédéral comme régional, ont un intérêt commun en l'occurrence. L'intervenant propose que le Sénat prenne une initiative en la matière, par exemple sous la forme d'une motion parlementaire. On pourra en discuter ultérieurement avec les membres du Sénat français en présence du ministre des Affaires étrangères.
L'intervenant attire enfin l'attention sur le fait que le concept de « district transfrontalier européen » est particulièrement intéressant. C'est un concept différent de celui des États membres ou des régions. C'est un modèle qui met en avant le développement urbain. Pour des villes telles que Courtrai, le concept a une grande influence.
Mme Crombé-Berton adhère aux propos de l'intervenant précédent. Elle propose toutefois que le Sénat reste dans ses compétences, vote une motion lui permettant de s'engager dans une série de projets et participe à la mission interparlementaire citée par M. De Clerck.
L'intervenante fait remarquer que les aspects de la mobilité et des moyens de transport, ne concernent pas uniquement la Flandre, comme l'exposé des motifs du projet de loi semble suggérer à la page 4. Les communications en Wallonie s'orientent aussi vers le Nord de la France.
Finalement, l'intervenante demande s'il existe des aides spécifiques au niveau européen aux projets de coopération transfrontalière.
Le ministre répond que les formes de coopération existantes relèvent du champ d'application de la convention.
L'autorité fédérale accorde une très grande importance à la question; en témoigne l'attention qui y a été consacrée au cours de la récente visite du couple royal en France, qui a fait une étape marquante à Lille.
Un consul général belge est déjà en poste à Lille et il suit ce dossier de près. Par ailleurs, au SPF Affaires étrangères, un conseiller est spécifiquement chargé de la politique concernant les pays voisins.
L'ambassadeur de Belgique à Paris sera informé du document cité par M. De Clerck.
Pour ce qui concerne la politique européenne de soutien des coopérations transfrontalières, le ministre déclare que l'Interreg III est l'initiative communautaire du Fonds européen de développement régional (FEDER) en faveur de la coopération entre régions de l'Union européenne pour la période 2000-2006. L'objectif de la nouvelle phase d'Interreg est de renforcer la cohésion économique et sociale dans l'Union européenne en promouvant la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale ainsi que le développement équilibré du territoire. Une attention particulière est accordée à l'implication des régions ultrapériphériques et des régions situées aux frontières externes de l'Union avec des pays candidats à l'adhésion.
Pour la période 2000-2006, Interreg III dispose d'un budget de 4,875 millions d'euros (prix 1999). L'initiative Interreg III fait l'objet d'un cofinancement de la part de la Commission et des États membres. La contribution du FEDER ne dépassera pas 75 % du coût total du programme dans les régions de l'Objectif 1 et 50 % ailleurs.
La Commission a proposé une répartition financière indicative par État membre (pour la Belgique, il s'agit de 104 millions d'euros). Cette proposition se base essentiellement sur les taux de population des zones frontalières internes de l'Union européenne, des régions ultrapériphériques ou encore des zones frontalières avec des pays d'Europe centrale et orientale. De 50 à 80 % des enveloppes nationales devraient être affectés aux programmes de coopération transfrontalière et 6 % aux programmes de coopération interrégionale.
Le volet A d'Interreg III concerne la coopération transfrontalière entre zones contiguës. Elle vise à développer des centres économiques et sociaux transfrontaliers en mettant en ouvre des stratégies communes de développement.
Les zones éligibles pour la ce programme sont reprises dans la carte accessible par le lien suivant : http ://www.europa.eu.int/comm/regional_policy/interreg3/down/pdf/europe.pdf
Les domaines d'action prioritaires pour le volet A d'Interreg III sont les suivants :
promotion du développement urbain, rural et côtier;
renforcement de l'esprit d'entreprise;
développement des petites et moyennes entreprises, y compris dans les secteurs du tourisme;
développement des initiatives locales pour l'emploi;
aide à l'intégration au marché du travail et l'inclusion sociale;
encouragement au partage des ressources humaines, des équipements de recherche et de développement, de l'enseignement, de la culture, de la communication, de la santé et de la protection civile;
soutien à la protection de l'environnement, à l'augmentation du rendement énergétique et aux énergies renouvelables;
amélioration des transports, des réseaux et des services d'information et de communication, des systèmes hydriques et énergétiques;
augmentation de la coopération dans les domaines juridique et administratif;
accroissement des potentiels humains et institutionnels relatifs à la coopération transfrontalière.
Cf. http ://www.europa.eu.int/comm/regional_policy/index_fr.htm)
Les articles 1er et 2, ainsi que l'ensemble du projet de loi, ont été adoptés à l'unanimité par les 8 membres présents.
Confiance a été faite à la rapporteuse pour la rédaction du présent rapport.
La rapporteuse, | La présidente, |
Marié-Hélène CROMBÉ-BERTON. | Anne-Marie LIZIN. |
Le texte adopté par la commission
est identique au texte
du projet de loi
(voir doc. Sénat, nº 3-405/1 - 2003/2004)