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M. François Roelants du Vivier (MR). - L'arrêt du Conseil d'État, rendu ce 17 décembre 2003, est assez surprenant.
En effet, suite au recours introduit par Mme Dewaide - directrice ad interim de l'Institut royal du patrimoine artistique, plus communément appelé IRPA - selon la procédure d'extrême urgence, le Conseil d'État a décidé de suspendre la décision attribuant à celle-ci la mention finale « moins apte » dans le cadre de la sélection du directeur général de l'IRPA.
Pour rappel, cette décision avait pour conséquence que sa candidature ne pouvait pas être prise en considération pour le poste de directeur de l'IRPA.
Dans ses considérants, le Conseil d'État a estimé que l'existence d'une sélection parallèle de candidats francophones et néerlandophones à une même fonction porte atteinte à l'unité des critères d'évaluations et des appréciations et compromet l'objectivité et l'égalité de comparaison des titres et mérites des candidats. La procédure de sélection, précisément la règle du double jury linguistique, telle que prévue par l'article 8 de l'arrêté royal du 22 janvier 2003 relatif à la désignation et à l'exercice des fonctions de management au sein des établissements scientifiques de l'État, est donc déclarée illégale.
Conformément aux règles de droit administratif, la suspension ordonnée par le Conseil d'État porte sur l'exécution de l'acte et signifie que des moyens sérieux sont invoqués, entachant provisoirement l'acte administratif d'illégalité et empêchant l'autorité de refaire, même partiellement, l'acte attaqué sans en réparer l'illégalité dénoncée par le moyen jugé sérieux.
Dans un article de La Libre Belgique du 24 janvier 2004, vous avez énoncé qu'une nouvelle procédure de nomination a été prévue, instaurant un jury mixte présidé par une personne bilingue.
La nouvelle procédure répond-elle aux objections du Conseil d'État ?
Qu'en est-il des nominations en cours, particulièrement concernant les directeurs des établissements scientifiques fédéraux ? Vont-elles être reprises ab initio afin d'être soumises au jury mixte ?
Concernant le bilinguisme fonctionnel dans les services publics fédéraux, vous avez énoncé dans une réponse faite à la Chambre à M. Olivier Maingain que l'article 43ter des lois sur l'emploi des langues en matière administrative ne pouvait être appliqué faute d'un arrêté royal relatif à l'organisation et au contenu des examens linguistiques. Je suppose que vous me confirmerez cette réponse. Mais dès lors, qu'en est-il du bilinguisme fonctionnel dans les établissements scientifiques fédéraux ? Comment le mettre en oeuvre ?
Mme Marie Arena, ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances. - Je vais tenter de répondre de manière assez précise aux questions importantes qui ont été posées.
M. Roelants du Vivier a fait référence à l'arrêt Dewaide du Conseil d'État du 17 décembre 2003 qui a eu pour effet de suspendre les procédures de recrutement de mandataires dans l'administration. J'ai proposé à mes collègues d'adopter une attitude de prudence par rapport à cet arrêt. Ce dernier a une portée individuelle, mais toute nomination risquait d'être entachée du même argument d'illégalité qui avait été soulevé par cet arrêt du Conseil d'État.
En réponse à la première question, je me permettrai de vous expliquer la nouvelle procédure qui a été proposée et acceptée par le Conseil des ministres.
Dorénavant, c'est une commission de sélection unique qui sera chargée de l'ensemble de la procédure de sélection. Cette commission intègre aussi la problématique de l'assessment. En d'autres termes, elle est chargée d'évaluer à la fois les compétences en gestion et en organisation, ainsi que les compétences techniques et spécifiques des candidats.
Pour ce faire, les candidats déclarés recevables par le Selor, sur la base de leur curriculum vitae, par rapport au profil recherché, présenteront une batterie de tests informatisés qui seront transmis à la commission de sélection.
Ces épreuves viseront à tester des capacités telles que, notamment, la gestion de l'information et les capacités d'organisation. En d'autres termes, les capacités de coaching ou de management.
La commission unique se compose de l'administrateur délégué du Selor ou de son délégué qui sera assisté d'un bilingue s'il ne l'est pas lui-même, de deux experts externes en management, de deux experts externes en ressources humaines, de deux experts externes ayant une expérience ou une connaissance particulière dans le domaine de la fonction à pourvoir et de quatre fonctionnaires d'un niveau au moins équivalent à celui de la fonction à pourvoir. Ces fonctionnaires peuvent venir du fédéral ou des entités fédérées.
Pour rencontrer les remarques émises par le Conseil d'État, un quorum est fixé à la majorité simple des membres. Il faut au moins qu'un membre de chaque catégorie soit présent ainsi qu'au moins deux membres du rôle linguistique du candidat. Il y aura aussi un système de suppléance dans le cas où un membre serait empêché. Les suppléants doivent être désignés en même temps et de la même façon que les membres effectifs.
Pour répondre aux observations du Conseil d'État, la commission de sélection sera composée - en ce qui concerne les experts et les fonctionnaires - paritairement d'un point de vue linguistique. Cela ne vaut évidemment pas lorsqu'une sélection n'est ouverte qu'à des candidats issus d'un seul rôle linguistique.
Pour le reste de la procédure, aucune modification n'est intervenue par rapport à l'arrêté original.
Cette nouvelle procédure répond, de toute évidence, aux objections du Conseil d'État étant donné qu'elle offre la garantie d'une unité d'appréciation de tous les candidats à une même procédure de sélection, qu'ils soient francophones ou néerlandophones.
En outre, il a semblé prudent au Gouvernement d'anticiper sur les objections du Conseil d'État relatives à la rupture d'unité d'appréciation lors des assessment centers. Ceux-ci ont, en effet, été menés par des assesseurs différents quasiment pour tous les candidats, même s'ils étaient d'un même rôle linguistique. Les assessment centers ne peuvent être considérés comme de simples actes préparatoires étant donné qu'ils font partie intégrante de la sélection comparative des candidats à une fonction à mandat et qu'ils donnent lieu à une appréciation subjective, en ce sens qu'ils évaluent les capacités en management des candidats - il y a donc un risque de rupture d'unité d'appréciation.
Cela me permet de répondre à la deuxième partie de votre question relative à la suite à donner aux procédures en cours.
Toutes les procédures en cours étant entachées du risque d'illégalité du fait qu'elles suivent toutes le même schéma, le Gouvernement recommande, à mon initiative, de reprendre les procédures après la phase de la déclaration de recevabilité des candidatures par le Selor et ce, afin de ne pas devoir relancer un nouvel appel à candidatures.
En ce qui concerne le bilinguisme fonctionnel, je confirme ma réponse au député Maingain, à savoir que l'article 43ter des lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative ne peut être appliqué faute d'un arrêté royal relatif à l'organisation et au contenu des examens linguistiques.
Comme dans ma réponse à M. Maingain, je confirme que le projet d'arrêté est toujours à l'examen au sein de la Commission permanente de contrôle linguistique qui m'a demandé, entre-temps, des précisions qui sont actuellement analysées par mon administration.
L'application de cet arrêté concerne bien entendu également les instituts scientifiques qui, comme le reste de la fonction publique, attendent la rédaction de ces arrêtés. Ce n'est qu'une fois en possession de l'avis de la Commission permanente du contrôle linguistique que nous pourrons avancer sur ce dossier.
M. François Roelants du Vivier (MR). - Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse détaillée, tout en regrettant au passage que le terme « assessment » soit si souvent utilisé pour « évaluation » ou celui de « manager » pour celui de « gestionnaire », mais c'est ce que l'on appelle le langage moderne !
En ce qui concerne le bilinguisme fonctionnel, on attend le résultat des avis de la CPCL. Mais qu'en est-il des directeurs des établissements scientifiques fédéraux ? Quand pourra-t-on avancer sur ce dossier ? Avez-vous une idée de calendrier ?
Mme Marie Arena, ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances. - Les arrêtés en matière de recrutement devant être revus, le conseil des ministres a fixé un calendrier prévoyant une publication des arrêtés en juin, dans le meilleur des cas. Par conséquent, les procédures de recrutement pourraient reprendre dès la publication et les priorités à remplir par le Selor pourraient être définies. L'administration étant privée de certains dirigeants, la priorité doit être de combler les vides en matière de gestion. Il va de soi que les institutions scientifiques feront partie des priorités en question.