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M. François Roelants du Vivier (MR). - Ce mercredi 14 janvier 2004, la commission des Relations extérieures et de la Défense s'est réunie afin d'examiner le plan directeur de la Défense proposé en vue de la modernisation de l'armée.
À ce titre, un échange de vues a eu lieu entre différents syndicats et les membres de la commission. Lors de cette réunion, un syndicaliste a tenu des propos préoccupants concernant certains militaires belges. Selon ce dernier, certains paracommandos belges, qui auraient commis toutes sortes d'exactions en Afrique lors de missions précédentes - meurtres par vengeance, viols, cas de pédophilie -, feraient partie des troupes belges qui seront envoyées au Congo.
Devant la gravité des accusations, j'ai insisté personnellement auprès de l'intéressé en lui demandant s'il se rendait compte qu'il prononçait publiquement de graves accusations devant une commission du Sénat. Il a répondu par l'affirmative et a confirmé ses allégations devant la commission. Je lui ai alors dit que nous devions vous interroger, monsieur le ministre, pour savoir si ces dernières étaient fondées et, si oui, quelles mesures vous envisagiez.
Mais la première question est évidemment de savoir si ces allégations sont fondées. Depuis cet incident en commission, j'ai lu dans la presse que l'intéressé avait quelque peu minimisé ses propos, mais je peux vous assurer qu'en commission, je lui ai demandé de répéter ses accusations, et qu'il l'a fait. Il conviendrait donc que vous puissiez faire une mise au point.
M. André Flahaut, ministre de la Défense. - Je voudrais tout d'abord remercier le sénateur de sa question car celle-ci me permet d'apporter des précisions. Je n'ai évidemment pas à commenter les propos tenus par l'une ou l'autre personne dans une commission parlementaire et, comme vous, je constate simplement que l'auteur de ces propos a ensuite signalé à la presse que ses paroles avaient dépassé sa pensée, que les faits portaient sur des actions passées, qu'il n'avait pas de preuves formelles de faits de ce type sur une période récente.
S'il avait eu de telles preuves, je lui aurais conseillé de les déposer devant une autorité judiciaire pour que les poursuites puissent s'engager ; aujourd'hui en effet, ce n'est plus aux juridictions militaires mais civiles qu'il convient de s'adresser.
Cela dit, il est exact que, lors des opérations en Somalie, des actes inacceptables ont été commis. Des photos ont été prises à l'époque et rendues publiques. Des procédures ont été engagées, mais elles n'ont pas abouti. Quand je suis arrivé dans ce département, il y avait déjà prescription. J'ai demandé qu'une enquête soit menée afin de voir si les personnes figurant sur les photos étaient toujours en fonction et afin d'examiner ce qu'il s'était passé. Je n'avais pas d'autre pouvoir, la chose étant prescrite.
Depuis 1999, j'ai demandé au département de la Défense une vigilance renforcée de manière à lutter contre des faits qui pourraient se produire pendant ou en dehors des opérations, qu'il s'agisse de faits à caractère raciste ou de dérapages d'ordre sexuel ou autre. C'est ainsi qu'un inspecteur général médiateur a été installé sous la précédente législature. Ce dernier est chargé d'enregistrer les plaintes, de les transmettre si nécessaire au niveau judiciaire et de tenter des médiations dans certains cas.
Je regrette que ces propos aient été tenus au moment où nous préparons, prudemment et minutieusement, la future opération destinée à la formation de la première brigade intégrée de la nouvelle armée congolaise.
Nous avons veillé à ce que l'on tire les leçons des opérations passées, que ce soit en Somalie ou au Rwanda, et de leurs éventuels dysfonctionnements. Vous assistiez tout à l'heure à la commission du Suivi et vous avez donc pu constater que les préparations tiennent compte le plus possible des recommandations afin de prévenir les risques au maximum.
Il est d'autant plus regrettable que cet incident survienne maintenant dans la mesure où il s'agit d'une importante opération symbolique. On nous observe au Congo, en Belgique et sur la scène internationale. C'est pratiquement un test pour les paras. Réussir cette opération, en ayant un comportement modèle, serait le plus beau cadeau qu'ils pourraient faire à la mémoire de leurs dix camarades tombés en 1994.
Dans les déclarations qui ont été faites sur le passé, relayées par une certaine presse, on ne parle pratiquement que de cela alors qu'il faudrait plutôt parler de la manière dont nous allons travailler à l'avenir et de la confiance que nous plaçons dans ces hommes et dans ces femmes qui sont des militaires d'élite et qui ont aussi tiré les leçons des événements de 1994.
Au moment où ces propos étaient prononcés hier devant la commission, je me trouvais devant la commission de la Chambre où je tenais un tout autre discours que celui tenu par certains représentants syndicaux. L'après-midi, j'ai rencontré l'ensemble des paracommandos qui vont partir en mission pour leur dire la confiance que nous placions en eux, le caractère symbolique de la mission et pour leur faire part de ma particulière détermination, et celle des autorités militaires sur place et en Belgique, à appliquer la tolérance zéro et à infliger des sanctions au moindre dérapage qui surviendrait dans le comportement de ces militaires.
J'espère avoir quelque peu corrigé l'image qui est en train de se reconstruire mais, je le répète, il est plus facile de détruire que de construire.
M. François Roelants du Vivier (MR). - Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. Il me paraissait essentiel de vous poser rapidement cette question à la suite des déclarations incriminées, afin que vous puissiez apaiser nos inquiétudes devant le Sénat et nous apporter les éléments d'information nous permettant d'apprécier la situation.
Je note, monsieur le ministre, que vous faites confiance aux paracommandos qui ont réfléchi à leurs erreurs passées. Ceux-ci savent qu'ils seront suivis et contrôlés. Vous avez d'ailleurs insisté sur ce point, hier après-midi et, comme on le dit, un homme averti en vaut deux !