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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 8 JANVIER 2004 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Proposition de loi insérant un article 51bis dans la loi du 8 juillet 1970 créant de nouveaux avantages en faveur des victimes du devoir militaire ou d'un devoir assimilé, en ce qui concerne les volontaires de guerre (de Mme Anne-Marie Lizin, Doc. 3-24)

Discussion générale

M. Luc Paque (CDH), rapporteur. - La proposition de loi soumise à notre examen aujourd'hui vise à considérer comme période de validation des services militaires prestés le délai compris entre la date de l'engagement et celle de la démobilisation, au maximum jusque juin 1946, pour ce qui concerne les avantages auxquels peuvent prétendre les volontaires de guerre.

Notre commission a décidé d'entendre une série de membres de la Fédération nationale des volontaires de guerre, dont le président, M. Coppieters 't Wallant. Ce dernier a expliqué à la commission que, malgré de nombreuses années de travail, des membres de la Fédération sont toujours confrontés à une lacune concernant la reconnaissance de leurs services de guerre après le 8 mai 1945. Si cette date marque la victoire contre les Allemands, elle ne signifie pas pour autant la fin des années de guerre, la paix datant en effet de 1946.

La reconnaissance de cette période de service a toujours été refusée, l'administration s'en tenant strictement à la date du 8 mai. Or, comme le précise M. Coppieters, c'est le retour au foyer qui est pris en compte pour calculer le temps de guerre pour les prisonniers politiques ou pour les prisonniers de guerre. Prendre en considération le temps de service au-delà du 8 mai pour les volontaires de guerre ne constituerait donc pas un précédent obligeant à modifier le traitement d'autres catégories de militaires ou résistants.

M. Pattyn, secrétaire général de la Fédération nationale des volontaires de guerre, a précisé que tous les volontaires de guerre ont signé un engagement pour la durée de la guerre en général et non seulement en Europe. Les volontaires de guerre ont conclu un contrat avec l'État belge. Or, un contrat prend fin à l'échéance convenue. L'État n'a pas respecté ses obligations car les volontaires de guerre n'ont pas pu quitter l'armée au terme de l'accord conclu, ni le 8 mai, ni le 15 août, ni même le 2 septembre 1945.

Il précise par ailleurs qu'en France, les volontaires de guerre voient leur statut reconnu jusqu'au 1er juin 1946, alors qu'en Belgique, il n'est reconnu que jusqu'au 8 mai 1945.

M. Allard, trésorier de la Fraternelle des volontaires de guerre de la 2ème Brigade d'infanterie « Yser », a précisé que l'estimation qu'il présentait du coût de l'adoption de la proposition de loi constituait un montant maximum. Le chiffre de 10.740 volontaires de guerre encore en vie est un chiffre maximum. Le coût total de cette proposition s'élèverait à 2.083.667 euros.

Au cours de la discussion générale, M. Roelants du Vivier s'est dit presque gêné en découvrant le montant des dépenses qu'entraînerait l'adoption de la proposition de loi, car cela représente vraiment peu au regard de ce que nous devons à ceux qui se sont portés volontaires lors de la Deuxième Guerre mondiale. Au non de son groupe, il soutient pleinement la proposition de loi. Il a en outre annoncé son intention d'introduire un amendement pour préciser que la période prise en compte s'étend jusqu'au 30 juin 1946.

Votre serviteur s'est dit convaincu du bien-fondé de la proposition de loi à l'examen. Il était facile de comprendre que la signature de l'armistice ne signifiait pas la fin des opérations. De plus, il serait mesquin d'invoquer des difficultés budgétaires au vu des faibles montants dont il est question.

Mme Crombé-Berton partage le point de vue de M. Roelants du Vivier et de votre serviteur.

M. Pattyn a précisé, dans une lettre du 4 novembre 2003 que le ministre Vande Lanotte lui avait écrit :

« Het wetsvoorstel is ingediend in de Senaat en is in behandeling. Na onderzoek en eventuele goedkeuring van de commissie zal het verwerkt worden binnen de begroting ».

Il ne devait donc pas y avoir de problème sur le plan budgétaire.

Mme Lizin, auteur de la proposition, souligne que le recrutement s'est fait à l'appel du ministre de la Défense nationale. La responsabilité de l'État est donc tout à fait claire.

Le représentant du ministre déclare que, depuis 1995, le ministre a toujours veillé à établir, maintenir et encourager le dialogue avec les associations patriotiques. Il a successivement créé deux commissions chargées de l'évaluation des revendications non satisfaites des victimes de guerre. Mais force est de constater qu'un avis négatif a été remis au sujet des revendications des volontaires de guerre. D'abord, la période de volontaire de guerre après la capitulation de l'Allemagne n'était pas assimilée à une période de guerre. Ensuite, les volontaires de guerre pour la période postérieure au 8 mai 1945 ont été assimilés à des miliciens et en ont obtenu les avantages.

L'administration a considéré que la durée de la guerre ne visait pas que la guerre en Europe, assortie de la date-butoir du 8 mai 1945 à laquelle a capitulé notre principal ennemi belligérant. Si, techniquement, la Belgique était encore en conflit avec le Japon, elle n'y a toutefois jamais envoyé de troupes combattantes.

En ce qui concerne les implications budgétaires, si l'on prend en considération la période de service jusqu'au 2 septembre 1945, la mesure coûterait 920.000 euros. Si l'on étend cette période jusqu'en juin 1946, celle-ci coûterait trois millions d'euros. Ces montants n'ont en tout cas pas été prévus dans le budget 2004.

M. Roelants du Vivier note que la réponse de M. Flahaut au sujet de l'absence de moyens prévus dans le budget 2004 contredit ce que M. Vande Lanotte, ministre du Budget, avait écrit dans la lettre citée précédemment.

M. Timmermans, quant à lui, soutient la proposition de loi et ajoute qu'il faut un traitement équitable par rapport aux autres catégories.

Lors de la réunion du 16 décembre 2003, la présidente, Mme Lizin, a formulé la proposition suivante résultant d'une concertation avec le ministre de la Défense nationale et le ministre du Budget et des Entreprises publiques, à savoir que le service des volontaires de guerre serait, dans un premier temps, pris en compte jusqu'au 2 septembre 1945 et que la date d'entrée en vigueur de la loi serait fixée par un arrêté royal délibéré en conseil des ministres.

Il en résulte que Mme Crombé-Berton et M. Roelants du Vivier ont retiré leurs amendements relatifs à l'entrée en vigueur de la loi au 1er janvier 2004 et à la durée de la période de référence. Ces amendements ont été redéposés par Mme de Bethune et moi-même.

Enfin, je vous informe que la commission s'est à nouveau réunie cet après-midi à la suite des remarques formulées, par les services législatifs et juridiques du Sénat, sur les amendements déposés. Il s'agissait d'une remarque, purement technique, en ce qui concerne la définition du volontaire de guerre - puisque celle-ci ne figure dans aucune loi - en faisant référence à l'arrêté royal du 4 décembre 1974 et de la correction d'une erreur de traduction.

La commission a approuvé, à l'unanimité de ses membres, la proposition de loi telle qu'amendée.

Mme Marie-Hélène Crombé-Berton (MR). - Sans tomber dans la démagogie la plus primaire, je voudrais rappeler l'importance de cette proposition, notamment parce qu'elle vise des services rendus, dans le plus grand désintéressement, à la Nation. Nous ne pouvons l'oublier.

Nous avons également souligné la modicité de l'intervention. L'intitulé de la proposition parle de « nouveaux avantages en faveur des victimes du devoir militaire ». Le mot « nouveaux » est peut-être quelque peu exagéré. On devrait plutôt dire qu'il s'agit d'une reconnaissance symbolique, mais que ce symbole a encore toute sa signification aujourd'hui.

Comme vient de le préciser le rapporteur, je rappelle que M. Roelants du Vivier et moi-même avions déposé deux amendements. Ces amendements visaient une augmentation de la durée de la période de référence ainsi qu'une entrée en vigueur au 1er janvier 2004.

Nous avons retiré ces deux amendements pour obtenir un consensus et faire avancer la proposition. Nous resterons extrêmement attentifs quant à l'opportunité, laissée au gouvernement, de fixer lui-même la date de l'entrée en vigueur que nous espérons rapide. C'est à cette condition que le groupe MR a soutenu cette proposition et qu'il a retiré ses amendements.

Mme Anne-Marie Lizin (PS). - En tant qu'auteur de la proposition de loi initiale, je voulais d'abord remercier les collègues qui ont participé à nos travaux et saluer la Fédération nationale des Volontaires de guerre, ici représentée, pour laquelle cette proposition constitue un important aboutissement : on reconnaît, dans un texte de loi, l'existence des volontaires de guerre et un droit qui se décompose en une rente et un ticket modérateur. Mais comme l'ont dit Mme Marie-Hélène Crombé-Berton et M. Luc Paque, le nouveau texte a une portée plus symbolique que la proposition de loi initiale.

Nous nous sommes ralliés à la position du ministre de la Défense en ce qui concerne les amendements proposés parce que les chiffres d'estimation fournis par le ministère de la Défense étaient très élevés. Comme M. Paque l'a signalé, il était question de 2.083.000 euros récurrents, montant qui peut paraître peu élevé compte tenu de l'important service qui a été rendu à la nation. On a donc décidé de limiter la période de référence et d'évaluer le nombre réel de bénéficiaires, certaines estimations du ministère de la Défense faisant état de 10.600 bénéficiaires et d'autres de 6.000 personnes seulement. Nous aurons le temps de mesurer le coût réel de cette loi sur le budget de la Défense, notamment parce que la dotation devra se faire via l'INIG.

Mon groupe a décidé de se rallier à la proposition du ministre de la Défense sur les deux points suivants : la prise en considération d'une période plus courte que celle initialement proposée, période qui prendrait fin au 2 septembre 1945 - capitulation du Japon - et opter pour un arrêté royal pour fixer la date d'entrée en vigueur et les modalités de la mise en oeuvre.

Par ailleurs, comme l'a précisé le ministre, une fois réalisée l'estimation réelle du coût de la mesure, il sera possible de prolonger le délai fixé pour autant que le budget puisse assumer cette charge.

Nous aurions souhaité voter certains amendements déposés par le CDH mais nous allons opter pour une attitude plus prudente, symbolique certes, mais néanmoins importante.

(M. Armand De Decker, président, prend place au fauteuil présidentiel.)

M. Luc Paque (CDH), rapporteur. - La proposition initiale était excellente car, comme l'ont dit certains collègues, elle vise à réparer une injustice vis-à-vis de personnes qui ont défendu nos libertés et notre démocratie. Malheureusement, on constate un très net recul par rapport à cette proposition.

Le groupe CDH soutiendra néanmoins la proposition de loi qui nous est soumise et que l'on pourrait à présent comparer à un verre à moitié vide. C'est la raison pour laquelle certains collègues soutiendront peut-être les amendements que j'ai à nouveau déposés avec Mme De Bethune, notamment en ce qui concerne l'entrée en vigueur au 1er janvier 2004. En effet, le représentant du ministre a évoqué des problèmes budgétaires et demandé une estimation de la mesure.

Cependant, étant donné que le nombre de bénéficiaires des avantages en question ne pourra, malheureusement, que diminuer, je ne vois pas très bien où pourrait se poser un problème budgétaire.

Notre deuxième amendement propose, à l'instar de ce qui se fait en France par exemple, d'allonger la période de référence en la portant au 30 juin 1946. Ce ne sont pas les volontaires qui ont mis fin au contrat mais bien l'État. Dès lors, il serait logique que l'État respecte ses obligations.

Enfin, nous regrettons l'absence du ministre, tant en commission qu'en séance plénière, alors qu'il s'agit d'une proposition importante.

-La discussion générale est close.