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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 3 AVRIL 2003 - SÉANCE DU MATIN

(Suite)

Proposition de loi réglant des activités économiques et individuelles avec des armes (de M. Josy Dubié et consorts, Doc. 2-1158)

Discussion générale

M. le président. - Mme Thijs se réfère à son rapport écrit.

M. Philippe Monfils (MR). - J'espère mettre un peu d'ambiance dans ce Sénat en m'exprimant à cette tribune. Parlant d'ambiance, celle qui règne autour de cette proposition de loi sur les armes est assez bizarre. Dois-je rappeler qu'à l'origine, il s'agissait d'un projet gouvernemental qui avait été déposé à la Chambre le 17 janvier 2002 ? Par la suite, pour des raisons que nous ignorons et que la Chambre elle-même ne connaît peut-être pas non plus, ce texte est devenu une proposition de loi, signée par un certain nombre de parlementaires, qui a atterri sur le bureau du Sénat, lequel a commencé à en discuter le 12 juin. Il semble que ce soit devenu une habitude à la Chambre de nous renvoyer des textes que les députés n'ont pas envie d'examiner.

D'entrée de jeu, je tiens à dire que c'est un mauvais système de transformer des projets en propositions de loi et ce, pour une raison simple. Dès qu'il s'agit d'une proposition de loi, le ministre s'abstient souvent de venir entendre les arguments des parlementaires et de discuter avec eux. Cela a été le cas en ce qui concerne la proposition sur les armes pour laquelle nous n'avons vu que rarement le ministre. En outre, les propositions de loi de ce genre ne sont pas défendues par leurs auteurs puisque le plus souvent, les signataires du texte ne l'on même pas lu. On se trouve alors dans une situation assez particulière caractérisée par l'absence de réponse des auteurs, qui ne connaissent pas le secteur, et l'absence d'intervention du ministre puisqu'il s'agit d'une proposition de loi. Si ce système peut être utilisé dans certaines circonstances, pour des impératifs de rapidité, il ne doit certainement pas être généralisé. C'est une manière de modifier le système selon lequel la Chambre décide et le Sénat agit par voie d'évocation. Ce seul élément a déjà créé des difficultés.

Durant quinze réunions, nous nous sommes trouvés en présence non pas du ministre mais de ses représentants, lesquels résistaient pied à pied aux amendements présentés par les parlementaires, parfois de mauvaise manière, au point que l'un d'eux a été prié de quitter la commission de la Justice parce qu'il avait littéralement injurié un parlementaire. C'est une chose rare dans une assemblée, mais évidente. On ne pouvait pas laisser passer cet incident et je crois savoir que le bureau du Sénat a confirmé la demande d'éviction de la commission de la Justice du Sénat de ce collaborateur du ministre, par ailleurs intelligent, qui avait dépassé les bornes à l'égard de deux parlementaires.

L'ambiance n'était donc pas bonne parce que les parlementaires auteurs de la proposition ne répondaient pas, parce que le ministre était souvent absent et parce que les collaborateurs exagéraient.

J'en veux pour preuve, monsieur le ministre, que lorsque vous êtes venu en commission, voici quelques semaines, le ciel s'est tout à coup éclairci et nous avons eu un échange intéressant, malheureusement trop court et portant sur quelques articles seulement.

Au cours de cet échange, vous avez accepté un certain nombre d'amendements. Je pense qui si les choses avaient été mieux organisées dès le départ, on aurait pu atteindre un consensus, ce qui ne fut pas le cas puisque nous sommes passés par la discussion et le vote de plus de 160 amendements. Quelques-uns ont été acceptés et d'autres ont été rejetés, mais certains d'entre eux sont déposés en séance plénière.

Je suis désolé de devoir constater ce fait, mais il n'est pas imputable aux parlementaires. Nous voulions effectuer un travail sérieux. Si nous avons dû tenir 15 réunions, cela signifie que cette proposition de loi présentait des faiblesses. Nous nous sommes souvent trouvés face à un mur et avons essuyé un refus obstiné d'entendre un certain nombre de remarques émanant des parlementaires.

Pourquoi cette résistance au changement ? Pourquoi cette volonté de ne pas rencontrer les préoccupations d'un certain nombre de parlementaires ? Il faut se rendre compte, monsieur le ministre, que tout le monde partage l'objectif du projet. Il est évident qu'il faut diminuer le risque entraîné par la possession d'une arme et éviter que n'importe qui, y compris des personnes dangereuses, se trouve en possession d'une arme pouvant blesser ou tuer. Tel est l'objectif général, que personne ne conteste.

L'essentiel était de savoir si la proposition de loi telle que présentée répondait à cet objectif. Après avoir lu la proposition, après l'avoir examinée ligne par ligne et mot par mot, nous croyons qu'il n'en est rien et que, finalement, cet objectif ne sera pas atteint et que l'on aboutira au contraire, parce qu'on a voulu établir un système tatillon pour l'ensemble des catégories, non pas au découragement et à la diminution du nombre d'armes en circulation, mais bien à une augmentation du marché noir.

À force de vouloir créer des problèmes aux chasseurs, tireurs, collectionneurs, armuriers, graveurs et ciseleurs, notamment de fusils de chasse, on aboutit à un climat de mauvaise humeur généralisée.

Vous savez très bien, monsieur le ministre, que la Belgique est un petit pays qui possède quatre frontières et qu'il est dès lors très facile, quel que soit l'endroit où l'on se trouve, d'aller au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Allemagne ou en France pour trouver sans difficulté, voire sans contrôle dans certaines circonstances, ce dont on a, non pas besoin, mais envie.

Les interdictions ont-elle pour effet de diminuer les risques ? Comparaison n'est pas raison et les statistiques ne révèlent pas toujours la vérité, mais certains exemples vécus dans les pays étrangers ont montré que les interdictions n'avaient pas entraîné une diminution de la criminalité. Le Sunday Times titrait fin octobre 2002 : « Le nombre de meurtres en Grande-Bretagne a atteint son plus haut niveau depuis cent ans. 135 meurtres ont été commis dans la région de Londres durant les premiers mois de 2002. Augmentation de 22% par rapport à la même période de l'année 2001. ». Or, vous savez très bien, monsieur le ministre, que l'on avait interdit dans ce pays la détention des armes de poing, pistolets et revolvers.

Le nombre d'agressions commises avec ces armes connaît une nette augmentation, malgré le fait que ces pistolets et revolvers officiels ne devraient plus être en la possession des tireurs. Vous me répondrez qu'il ne s'agit que de statistiques. Elles montrent quand même que la prohibition n'a jamais rien interdit. Je préfère d'ailleurs de loin à la prohibition une bonne connaissance de la situation, car elle permet de gérer le flux d'armements beaucoup mieux qu'une interdiction généralisée. C'est facile, évidemment ! On racontera à la presse que l'on a fait tout ce qu'il fallait pour diminuer le nombre d'armes et que, dans certains cas, on ne peut plus posséder une arme sans se soumettre à une procédure compliquée. La population sera contente mais cela ne changera strictement rien à la situation actuelle.

D'ailleurs, ce n'est pas un génocide que l'on commet avec les armes détenues par les particuliers. Je n'ai jamais vu des chasseurs ou des tireurs de compétition se poursuivre dans les rues en tirant, tel Lucky Luke, plus vite que leur ombre ! Les agressions commises avec des armes sont l'oeuvre de malfrats. Et ceux-ci n'achètent par leur Kalachnikov à l'armurier du coin en demandant poliment une autorisation, en produisant un certificat de bonnes vie et moeurs et en faisant étalage de leur connaissance de la réglementation sur les armes. Ils fréquentent des marchés parallèles desquels on dit qu'on les connaît bien et qui permettent, à deux ou trois heures du matin, d'acheter des Kalachnikovs pour quelques milliers de francs, munitions comprises.

Il faut donc bien se rendre compte que la présente proposition ne résout pas le problème alarmant de l'augmentation du nombre et de la puissance des armes détenues par les malfrats. En outre, ceux-ci ont dépassé depuis longtemps le stade de la Kalachnikov et du M-16. Il leur est en effet arrivé d'attaquer des banques au bazooka. Or, le bazooka ne s'achète pas chez les armuriers professionnels honnêtes !

J'en conclus qu'une législation draconienne sur les armes détenues par les particuliers n'entraîne pas nécessairement une diminution des accidents et des agressions. En outre, cette proposition ne résout absolument pas la question du gangstérisme. Les gangsters utilisent évidemment des armes qu'ils ne trouvent pas sur le marché officiel.

Nous voulons que la Belgique dispose d'une loi raisonnable permettant d'atteindre les buts poursuivis, à savoir faire sortir de l'ombre les armes cachées et combattre la criminalité tout en évitant de mettre à mal l'activité professionnelle ou sportive d'honnêtes gens. Nous avons été confrontés à de gros problèmes, notamment pour la chasse et le tir de compétition. Il a fallu vraiment travailler pour éviter que l'on mette en cause ce type de disciplines et que l'on considère un jour qu'il n'est plus possible, pour un tireur de compétition, de pratiquer son sport - fort intéressant au demeurant, notamment pour le contrôle de soi - en Belgique. À force de multiplier ce type de limitations, on aboutit aux interdictions.

Cela me fait penser à un problème similaire. Le gouvernement précédent a pris une série de mesures tellement drastiques à l'encontre des rallyes qu'on en est arrivé à supprimer pratiquement tous les rallyes en Belgique. Il n'en reste plus que quelques-uns qui survivent très difficilement. La prohibition n'a jamais rien empêché.

Voilà donc la toile de fond, l'ambiance et les difficultés relationnelles auxquelles votre cabinet et nous-mêmes avons été confrontés. Je partage la même volonté que plusieurs collègues, notamment Jean-Marie Happart. Nous ne sommes pas particulièrement satisfaits du texte tel qu'il a été adopté par la commission. Il est d'ailleurs très mauvais. L'extrême rapidité et l'embrouillamini qui ont présidé au vote des 165 articles ont fait que nous disposons d'un texte parfois totalement illisible. Nous déposerons des amendements pour tenter de le corriger. Nous avons été amenés à adopter certains amendements prévoyant des avis d'un conseil consultatif et, ultérieurement, nous avons dû supprimer toute référence à ce conseil consultatif, ce qui doit dès lors nous amener à réfléchir à la méthode de travail pratiquée.

M. Philippe Mahoux (PS). - Je pense effectivement qu'il y a des incohérences absolues dans le texte, des contradictions entre articles. Cela mériterait qu'avant la fin de notre discussion générale, on puisse prendre attitude à ce sujet. Il est compliqué de voter un texte dans lequel des incohérences existent. Les services du Sénat ont réalisé un excellent travail de mise en évidence de ces contradictions.

Le ministre de la Justice, ai-je entendu dire, aurait l'intention de déposer des amendements. Cela sera-t-il le cas ? Nous sommes dans l'incertitude à ce sujet.

M. Marc Verwilghen, ministre de la Justice. - Il est exact que, dans le texte tel qu'il a été adopté par la commission, subsistent des inconsistances qui doivent être éliminées. Je proposerais de renvoyer le texte en commission de la Justice.

M. Philippe Mahoux (PS). - Attention, ces incohérences ne sont pas des erreurs techniques, elles proviennent de divergences sur le fond entre les membres de la commission. Il s'agit entre autres de la création d'un conseil consultatif. Certains membres souhaitent cette création, d'autres non et le ministre ne paraît pas soutenir la création d'un conseil consultatif. Tout cela me semble passablement embrouillé et difficile à gérer en cette période quelque peu particulière de nos travaux parlementaires.

M. le président. - Je suppose que des amendements seront redéposés.

M. Philippe Monfils (MR). - J'allais y venir. Des amendements seront en effet redéposés mais nous n'y sommes pas encore. Ces amendements ne seront pas des corrections de texte. On renvoie en commission, monsieur le ministre, lorsqu'il s'agit d'apporter des corrections linguistiques dues à une mauvaise traduction, par exemple. Ce renvoi est d'ailleurs la conséquence d'un consensus en assemblée. Ce n'est pas la situation actuelle.

Sur le conseil consultatif, on sait bien ce qui s'est passé. Ce n'est pas le résultat du hasard. Un chapitre précis était consacré à la création d'un conseil consultatif. La composition de ce conseil était bien définie. Mais il y avait aussi une commission consultative des armes perdue au sein du service fédéral des armes. Cette commission n'est pas un organe autonome et tant sa composition que son fonctionnement sont laissés à l'initiative du Roi. Dans le texte cohabitent donc un conseil consultatif et une commission. Et l'on vote en connaissance de cause les deux.

Nos amendements, déposés par des personnes raisonnables, visent à remplacer « conseil consultatif pour avis » par « commission ». Si ces amendements sont repoussés, nous reviendrons à nos positions sur le conseil consultatif des armes.

Une dizaine d'autres amendements de ce genre traitant du fond n'ont pas été acceptés en commission. Ces amendements visent à résoudre les dysfonctionnements de la proposition de loi qu'a soulignés mon collègue Mahoux.

De telles erreurs ou de tels dysfonctionnements ne se modifient pas après quelques discussions en commission ! Mais celle-ci s'est réunie à quinze reprises. L'avis de la commission des Affaires économiques n'est pas urgent et on ne me dira pas maintenant que la commission n'a pas pu constater ces erreurs !

Le texte a été adopté tel quel mais il comprend des incohérences qu'il convient à présent de corriger. Certains amendements ont été rejetés en commission, parfois par une courte majorité, mais il n'y a pas de raison de ne pas les défendre en séance publique. Nous estimons en effet qu'ils pourraient faire l'objet d'un consensus. Telle est d'ailleurs l'utilité d'une séance publique.

En ce qui concerne les points positifs de ce texte, je constate une fois de plus que, grâce aux parlementaires, les choses ont mieux évolué que nous le pensions. Je rappelle l'affaire du P 90, une arme dotée d'un silencieux fixe, fabriquée par la FN et qui n'aurait plus pu être fabriquée ni exportée si le texte était resté dans son pristin état, les armes de guerre incluant un silencieux étant interdites. On s'en est heureusement rendu compte.

La FN a démarré la fabrication. Elle n'a décidément pas de chance puisque, après l'affaire du Népal, un autre projet qui, en principe, ne la visait pas, lui crée des problèmes.

Nous avons entamé la discussion, le gouvernement a suivi et vous avez déposé un amendement analogue à celui que Jean-Marie Happart et moi-même avions déposé. Nous avons au moins permis de poursuivre la fabrication et la vente de cette arme.

La pression parlementaire a également agi en ce qui concerne les magasins de jouets. Dans ces derniers, on vend des poupées et des trains électriques, mais aussi des armes factices qui tirent à une distance de 2,5 mètres des petites balles de plastique jaune tout à fait inoffensives. Je parle en connaissance de cause, ayant moi-même expérimenté cette arme. La vente de ces fac-similés dans les magasins de jouets a été interdite.

Dans l'ancien système, les magasins qui voulaient vendre de telles armes devaient demander un agrément d'armurier - ce qui est tout à fait normal - et prendre une série de mesures de précaution. Dans certains grands magasins de la place de Bruxelles, sans parler de ceux de ma région ou d'ailleurs, vous constaterez qu'il en est ainsi.

En vertu du texte initial du nouveau projet, il n'était plus possible d'obtenir un tel agrément. Dès lors, où vendre ces armes factices, quasiment équivalentes à des pistolets à eau, mais ressemblant à une arme normale ? Chez un armurier ! Un jeune de 18 ans avait ainsi l'occasion de voir bien autre chose que des fac-similés, notamment des armes de chasse, d'autres armes proches de la catégorie des armes de guerre, des arbalètes extrêmement dangereuses, des couteaux, etc. C'était, à mes yeux, une erreur monumentale.

Il a fallu des mois pour faire entendre raison à votre collaborateur, lequel a d'ailleurs refusé de procéder à une modification. Finalement, le Sénat, dans sa grande sagesse - et je l'en remercie - a voté un amendement qui permet de retourner à l'ancien système.

Je précise qu'une loi existait déjà en la matière, de même que des arrêtés d'application ! Et lorsqu'on me dit que la loi était devenue indispensable suite à quelques drames, notamment l'incident de Schaerbeek où une personne raciste a tué deux autres personnes, j'estime qu'il n'était pas nécessaire de changer la loi pour empêcher ce double crime.

Il suffisait que les forces sur le terrain appliquent le système actuel, sachant que cette personne était extrêmement dangereuse puisqu'il y avait déjà eu des précédents dans son chef, et saisissent l'arme, ce qu'elles pouvaient parfaitement faire sur base de la législation ancienne.

Aujourd'hui, dans notre État, il n'y a plus de responsabilité individuelle. Au lieu d'envisager la responsabilité éventuelle d'un intervenant sur le terrain, on dit d'emblée que la loi n'est pas bonne et qu'il faut la modifier.

La loi peut être changée autant de fois que vous le souhaitez, monsieur le ministre. Si personne ne l'applique, elle restera lettre morte. Même avec cette loi-ci, que nous estimons trop dure et trop négative pour l'ensemble des catégories, si personne n'intervient, des fous continueront à se promener en liberté et à brandir une arme.

Le deuxième élément pour lequel on a également considérablement aménagé notre législation, concerne les recours. Là aussi, c'était une lettre de cachet. Il n'y a pas de recours. Le gouverneur prend sa décision sans avoir entendu l'intéressé et sans aucun délai.

Je vous remercie à cet égard, monsieur le ministre, car c'est vous qui avez accepté la proposition que nous avons faite. Nous avons mis des mois pour faire entendre raison à votre cabinet en disant qu'il n'y avait aucun endroit au monde, en tout cas dans un pays démocratique, où les décisions prises sont sans appel et sans délai. Imaginez-vous que, dans le texte initial, le gouverneur pouvait très bien rester pendant trois ans sans discuter. D'ailleurs, le ministre aussi pouvait ne rien faire. L'inaction aboutissait donc au refus. Nous avons donc décidé, avec vous, d'un amendement qui me paraît intéressant, à savoir que le gouverneur doit statuer dans un certain délai. Il y a un recours au ministre qui doit aussi statuer dans un certain délai et, s'il ne statue pas, la décision est censée être réputée positive.

Certes, on peut avoir des prolongations de délai - nous les avons toujours acceptées - prolongations que vous avez d'ailleurs fixées comme vous le souhaitiez.

Je vous l'ai dit, le conseil consultatif est important. Dans une matière comme celle-là, dans laquelle intervient une série de secteurs, il est assez logique de demander l'avis des gens du secteur. Les membres de votre cabinet me disent que j'ai consulté. Je trouve que ce n'est pas exact parce que certains n'ont pas été consultés et qu'un conseil consultatif permet, au contraire, d'avoir la garantie qu'une fois les avis - de la majorité ou de l'opposition du conseil - recueillis, ce n'est plus la peine, sauf si vous le souhaitez, de rencontrer d'autres acteurs du secteur.

Ce n'est pas un organe supplémentaire. Chaque fois qu'un projet de loi sort ou qu'une proposition de loi est approuvée, il y a toujours quelque part un conseil consultatif qui donne son avis. Nous avons d'ailleurs pris la précaution de préciser, dans notre amendement, que lorsque l'avis n'a pas été émis dans un certain délai, on passe outre. Vous n'êtes donc pas bloqué par l'avis du conseil consultatif. Lorsque le délai est dépassé, le ministre retrouve sa complète liberté d'intervention et ne doit pas recourir nécessairement à d'autres avis. Je regrette par conséquent que l'on n'ait pas accepté cette proposition.

Finalement, malgré quelques améliorations, il y a encore de gros problèmes. Ainsi, les armuriers et les producteurs d'armes, les artisans notamment, les graveurs, vont subir les lourdes conséquences de la suppression du système des armes soumises à déclaration.

On a beaucoup discuté, au sein de la commission. De nouveau, la réponse a été négative. Vous savez que la Belgique est allée plus loin que la directive européenne qui permettait de conserver cette catégorie d'armes soumise à simple déclaration, avec production d'un certificat de bonne vie et moeurs. La suppression de ce système aura des conséquences sur le chiffre d'affaires des producteurs d'armes et des armuriers. La criminalité commise avec ce type d'armes ne diminuera évidemment pas. Je ne vois pas comment un malfrat pourrait demander poliment une autorisation pour l'arme qu'il utilisera dans son prochain braquage.

L'artisanat wallon - les graveurs - lié au secteur de l'arme ont déjà vu leurs activités fortement diminuer à la suite de l'introduction, dans la catégorie d'armes soumise à autorisation, des armes de poing. Vu le risque de voir l'arme soumise à autorisation ainsi gravée ne pas rester en possession des héritiers, il n'est plus fait recours à cette pratique et donc, la suppression des armes soumises à autorisation risque d'entraîner une grosse diminution, si pas l'arrêt de mort, de tout ce secteur.

On aurait pu maintenir le système d'armes soumises à déclaration. On nous a dit que les riotguns faisaient partie de cette catégorie. C'est faux. D'ailleurs, je pense que le membre de votre cabinet en a convenu, mais il a dit que les armuriers trafiquaient. On a interdit aux cyclomoteurs de 50 cm³ de dépasser 45 km/h, mais d'aucuns trafiquent leur véhicule, pratique à laquelle je suis tout à fait opposé. Les réglementations peuvent toujours être contournées et, à ce compte-là, il est inutile d'élaborer de nouvelles lois.

L'héritier qui possède une arme devra remplir toute une série d'obligations, tant et si bien qu'il s'agira d'une autorisation simplifiée. Il eût été beaucoup plus facile de recourir à un système de déclaration et de prévoir, en sus, une autorisation au cas où l'héritier utiliserait l'arme. D'importants problèmes vont apparaître dans le secteur : les gens devront liquider à bas prix des armes très coûteuses parce qu'ils ne pourront obtenir les autorisations nécessaires. Parallèlement, le marché noir va croître et embellir.

Le secteur des collectionneurs n'est pas davantage épargné : le projet prévoit de donner un agrément aux collectionneurs qui auront obtenu une autorisation pour dix armes et ils devront débourser au minimum deux mille euros, en plus du prix des armes. Bref, les collectionneurs ne vont pas commencer une collection arme par arme, autorisation par autorisation, avant d'avoir enfin le sésame pour poursuivre. Avez-vous déjà vu des collectionneurs d'armes se promener en ville et tirer à tous crins dans les vitres des magasins ? Pas moi. Je crains donc que vous ne mettiez ce secteur à mal.

Le problème des bourgmestres est particulier et je laisse le soin d'en parler à mon excellent collègue Philippe Mahoux qui, lui, est bourgmestre et qui a formulé un certain nombre de remarques à cet égard. La réponse qui lui a été donnée ne lui a pas paru satisfaisante.

Par ailleurs, je relève également un certain nombre d'incohérences. Par exemple, dans l'ancien système - et j'espère que l'on maintiendra le texte dans sa forme actuelle -, une arme factice méritait une autorisation, mais pas une arme rendue inapte au tir, par exemple, une véritable Kalachnikov, qui aurait tué des gens mais dont on aurait ôté le mécanisme.

Pour un pistolet ou un revolver à bouchons, une autorisation - absurde - est nécessaire, mais les Kalachnikovs sont en vente libre. Pourtant si un automobiliste voit une telle arme pointée sur lui, même sans le mécanisme, qu'il ne verra d'ailleurs pas, il donnera à l'agresseur tout ce que celui-ci exigera.

Enfin, monsieur le ministre, vous avez promis et je regrette que vous n'ayez pas tenu parole, de faire une distinction, à l'article 19, entre les exercices collectifs et les milices privées. Nous nous étions déclarés opposés aux milices privées. Cependant, le fait l'interdire les exercices collectifs, même sans armes, quand ils sont destinés à enseigner aux particuliers l'emploi de la force nous pose problème.

Cela signifie-t-il que les cours d'arts martiaux sont interdits sur le terrain ? Nous n'avons jamais obtenu de réponse claire à cet égard. Va-t-on empêcher une troupe de scouts âgés de plus de dix-huit ans d'aller se promener, même sans armes, et de pratiquer un certain nombre d'exercices sportifs en forêt ? Vous avez déclaré que non, monsieur le ministre. Un jour, nous avons vu un policier arrêter un honnête père de famille parce que ce dernier avait ramené une espèce de poignard du style « Souvenir d'Ardennes ». Considérant qu'il s'agissait d'une arme prohibée, le policier l'a confisquée et la personne en question a été assignée au tribunal.

On sait également qu'à certains endroits, il est interdit de sortir du chemin et l'on a déjà vu des gardes champêtres empêcher des promeneurs du dimanche de quitter le chemin pour aller s'asseoir au bord d'une rivière. Ce genre d'interdictions généralisées ne devrait plus avoir cours.

En conclusion, je dirai que nous aurions probablement abouti à un consensus si nous avions fait un bout de chemin ensemble. Hélas, l'ambiance, la manière de présenter le projet, les rares apparitions du gouvernement et les difficultés relationnelles avec les collaborateurs nous ont écartés d'une vision sereine des choses.

En ce qui nous concerne, nous avons tenté de fournir un effort important. Les amendements que nous avons déposés n'étaient pas des amendements de circonstance, des amendements de type « plaisanterie ». Ils étaient fondés sur une analyse sérieuse de la réalité. Nous avons essayé de démontrer notre volonté d'améliorer le texte. Il l'a été dans certains domaines mais pas dans d'autres.

Nous avons encore de nombreuses inquiétudes en ce qui concerne les chasseurs, les tireurs, les collectionneurs, le sort des héritiers et, finalement, toutes les catégories qui, peu ou prou, s'occupent d'armes.

Je ne crois pas que ce texte, très restrictif, aboutira à une réduction de la criminalité. La criminalité est ailleurs. Elle n'est pas le fait des 95% d'honnêtes gens qui ont une arme, peut-être, mais qui savent l'utiliser et ne causent pas le moindre dommage. Je suis par conséquent au regret de vous dire que, si les amendements que nous présentons ne sont pas adoptés, nous voterons contre ce projet de loi.

M. Philippe Mahoux (PS). - Nous sommes évidemment partisans d'une législation qui permette d'identifier les détenteurs d'armes et d'en réglementer la possession, en tenant compte de certaines situations particulières, celles des chasseurs, des tireurs sportifs, des collectionneurs, par exemple.

En commission, j'ai attiré l'attention sur le rôle des bourgmestres en termes de transparence et de responsabilités civiles et pénales, en particulier en ce qui concerne la consultation obligatoire en matière de commerce d'armes. La réponse qui a été donnée à ce propos est insatisfaisante parce qu'elle ne précise pas les responsabilités des bourgmestres.

Par ailleurs, en ce qui concerne la détention, matière pour laquelle la consultation n'est pas obligatoire, il n'a pas été répondu à la question de savoir comment un bourgmestre serait informé du nombre d'armes qui circulent dans sa commune.

Je demande des précisions sur ces deux points. Une législation assurant la transparence quant à la détention d'armes est, je le répète, hautement souhaitable, mais j'insiste pour que le projet soit purgé des contradictions qu'il contient. J'espère que la suite des débats nous permettra de remédier à ces imperfections, en ajoutant néanmoins qu'il est un peu aberrant de faire ce travail à cette période de la législature.

M. Marc Verwilghen, ministre de la Justice. - Je demande le renvoi de cette proposition de loi à la commission de la Justice pour débattre des amendements déposés entre autres par M. Happart et qui, en ce qui me concerne, peuvent être adoptés.

M. Philippe Monfils (MR). - Comme nous l'avons dit, les amendements ont déjà été longuement débattus en commission. Ils ne recèlent aucun piège, mais ont suscité des positions divergentes, et nous les déposons à nouveau en séance plénière. Il ne s'agit pas d'une seconde lecture ! Il est possible que certains parlementaires - j'en prends le risque - modifient leur vote, mais il convient à mon sens de suivre la procédure telle qu'elle est prévue.

Je suis donc opposé au renvoi de mes amendements en commission. Il me semble en effet inutile de recommencer un débat qui a déjà eu lieu ; je vous rappelle que la commission y a consacré pas moins de quinze longues réunions...

De heer Marc Verwilghen, minister van Justitie. - Ik vraag iedereen om de logica van het wetgevend werk te respecteren. Ik heb de amendementen die enkele senatoren hebben ingediend, onderzocht en vraag de verzending naar de commissie voor de Justitie met de mededeling dat de amendementen voor mij aanvaardbaar zijn. De commissie zal uitmaken of ze voor haar aanvaardbaar zijn. Tegen alle logica in verzetten de indieners zich nu plots tegen die werkwijze. Dat bewijst dat ze een ander doel nastreven. Vermoedelijk gaan ze er vanuit dat als de amendementen in plenaire vergadering worden aanvaard, de eindstemming over het geamendeerde voorstel volgens het reglement van de Senaat, pas vijf dagen later kan plaatsvinden, dus op het moment dat het Parlement al ontbonden zal zijn. Mijn conclusie is dan ook dat sommigen het wetsvoorstel willen afvoeren en daar kan ik me niet mee akkoord verklaren.

De heer Frans Lozie (AGALEV). - Ik steun de vraag van de minister voor verzending naar de commissie voor de Justitie. Wanneer amendementen worden ingediend in plenaire vergadering en de minister ze aanvaardbaar vindt, dan moeten ze kunnen worden verzonden naar commissie, zeker in de situatie waarin we nu ons vandaag bevinden, een paar dagen voor de ontbinding van het Parlement.

M. Philippe Mahoux (PS). - J'ai clairement annoncé nos intentions. Quand on est l'auteur d'un texte qui a nécessité autant de travail, je considère qu'on doit l'assumer, non en tant que proposition, mais en tant que projet.

De heer Marc Verwilghen, minister van Justitie. - Die beslissing werd genomen door de regering, in aanwezigheid van uw vice-premiers, die het ermee eens waren dat een wetsvoorstel het mogelijk zou maken sneller te werken. Ik heb al lang begrepen waar het schoentje nijpt. Ik heb al lang begrepen waarom dit wetsvoorstel werd ingediend. Gewoon om tijd te winnen.

M. Philippe Mahoux (PS). - Deuxièmement, il nous faut un bon texte. On doit admettre la violence occasionnée par la détention d'armes.

La discussion que nous avons eue, indépendamment des problèmes de fond, a fait apparaître des divergences de vues, y compris dans mon groupe. Mais il est très différent de constater des divergences au sein d'un groupe et de voir celui-ci essuyer des reproches de la part d'un ministre qui n'a pas déposé le texte dans une assemblée. Je ne peux pas admettre cette remarque du ministre.

M. Philippe Monfils (MR). - Je ne puis non plus admettre ce procès d'intention.

En effet, s'il s'agit d'une proposition, le ministre qui la soutient aurait pu participer plus souvent qu'il ne l'a fait aux discussions que nous avons eues.

À présent, alors que nous sommes à deux jours de l'arrivée, il est pour le moins curieux d'accuser les parlementaires. Or, ce n'est pas leur faute, puisqu'ils ont essayé, en vain, d'avoir un interlocuteur pour tous les amendements qu'ils ont présentés. Et tout à coup, cet interlocuteur apparaît au dernier jour pour nous renvoyer en commission où, selon lui, nous pourrions obtenir tout ce que nous demandions en vain depuis six mois.

Qu'est-ce donc que cette façon de travailler ? De plus, on nous fait un procès d'intention en prétendant que nous avons des raisons d'agir de la sorte. Je le répète, si les choses s'étaient déroulées normalement, si nous avions eu des interlocuteurs, ce projet aurait été voté depuis longtemps, dans des conditions acceptables et avec des améliorations substantielles.

Mevrouw Jeannine Leduc (VLD). - Ik vraag de terugzending naar de commissie om de amendementen daar te kunnen bespreken.

De heer Vincent Van Quickenborne (VU-ID). - Mijnheer de voorzitter, mag ik u vragen de vergadering vijf minuten te schorsen zodat er misschien iets meer senatoren aan de stemming kunnen deelnemen?

(La séance, suspendue à 11 h 08, est reprise à 11 h 18.)

M. le président. - Nous reprenons nos travaux.

Le ministre ayant demandé le renvoi de la proposition en commission, nous allons nous prononcer par assis et levé.

-Le renvoi est ordonné.

M. Philippe Monfils (MR). - J'aimerais savoir à quelle heure la commission pourra se réunir. Étant donné que différents protagonistes de cette affaire siègent au Bureau, il ne peut être question de réunir la commission maintenant. De plus, il est prévu que les groupes se réunissent à 14 h. Vu la fin de la session, ces réunions sont forcément importantes. Il me parait donc difficile de réunir cette commission avant 15 h.

M. le président. - Pas avant l'heure des questions orales, par exemple.

M. Philippe Monfils (MR). - Il est possible que certains membres de la commission souhaitent aussi poser des questions orales.

M. le président. Je suggère qu'ils viennent poser leur question à tour de rôle. Vu l'agenda et compte tenu de la composition de la commission et du Bureau, il est évident que cette commission ne peut se réunir en même temps que le Bureau ni pendant les réunions de groupe.

M. Josy Dubié (ECOLO). - Monsieur le président, nous venons de nous mettre d'accord pour que la réunion de la commission de la Justice se tienne à 16 h, en présence du ministre.

M. le président. - Nous poursuivrons nos travaux cet après-midi à 15 h.

(La séance est levée à 11 h 20.)