2-1549/3 | 2-1549/3 |
2 AVRIL 2003
Proposition de déclaration de révision de l'article 151 de la Constitution
Proposition de déclaration de révision des articles 99 et 104 de la Constitution en vue d'insérer des dispositions nouvelles relatives à l'égalité de représentation des femmes et des hommes
Proposition de déclaration de révision du titre II de la Constitution en vue d'y insérer des dispositions nouvelles relatives aux droits de l'enfant
Proposition de déclaration de révision de l'article 72 de la Constitution, en vue de l'abroger
Proposition de déclaration de révision du titre II de la Constitution, en vue d'y insérer un article permettant de priver les groupements liberticides du bénéfice des subventions, moyens et mandats octroyés à des groupements politiques, économiques, sociaux ou culturels en raison des services qu'ils rendent à la collectivité
Proposition de déclaration de révision de l'article 142 de la Constitution, en vue d'y ajouter un paragraphe attribuant à la Cour d'arbitrage la compétence de statuer dans les autres cas prévus par la Constitution
Proposition de déclaration de révision de l'article 113 de la Constitution
Proposition de déclaration de révision du décret nº 5 du 24 novembre 1830 portant exclusion perpétuelle de la famille d'Orange-Nassau de tout pouvoir en Belgique
Proposition de déclaration de révision de l'article 59 de la Constitution, en vue de ne plus soustraire les sénateurs de droit à la procédure judiciaire ordinaire
Proposition de déclaration de révision des articles 76 et 142 de la Constitution, en vue de garantir aux Belges le droit à une législation élaborée correctement et conformément aux principes démocratiques
Proposition de déclaration de révision de l'article 195, alinéas 2 à 5, de la Constitution
Proposition de déclaration de révision de la Constitution
La commission des Affaires institutionnelles du Sénat a discuté conjointement le projet de déclaration de révision de la Constitution et les douze propositions jointes au cours de ses réunions des 26, 27 et 28 mars 2003, en présence, respectivement, du vice-premier ministre et ministre du Budget, de l'Intégration sociale et de l'Économie sociale, M. Johan Vande Lanotte, et du ministre de la Fonction publique et de la Modernisation de l'Administration, M. Luc Van den Bossche.
Pour la discussion, la commission a pris comme point de départ le projet du gouvernement et y a joint les propositions des sénateurs, en fonction des dispositions qu'elles visent.
Le présent rapport a été soumis pour approbation à la commission le 2 avril 2003.
Le vice-premier ministre Johan Vande Lanotte (A) et M. Luc Van den Brande (B) ont fait un exposé introductif concernant, respectivement, le projet du gouvernement et la proposition que M. Van den Brande a déposée avec MM. Vandenberghe et Caluwé. Contrairement aux autres propositions, celle de M. Van den Brande et consorts vise en effet à une révision non pas ponctuelle, mais thématique, de la Constitution.
Le vice-premier ministre et ministre du Budget, de l'Intégration sociale et de l'Économie sociale, M. Johan Vande Lanotte, commente comme suit les trois lignes de force du projet de déclaration de révision de la Constitution :
en premier lieu, le gouvernement propose de déclarer soumises à révision une série de dispositions qui figuraient dans la déclaration de révision de la Constitution de 1999 (Moniteur belge du 5 mai 1999), mais qui n'ont pas été révisées au cours de la présente législature : il s'agit, entre autres, du titre II, de différents articles concernant la réforme de la justice et de la police et, enfin, d'une série d'articles qui sont déclarés soumis à révision pour des raisons techniques.
deuxièmement, le gouvernement propose de compléter la liste des dispositions soumises à révision de la manière suivante :
1º une disposition inscrivant dans la Constitution le développement durable comme objectif politique général;
2º une série de dispositions relatives aux droits et libertés fondamentaux;
3º une nouvelle disposition concernant la décentralisation par services;
4º une série de dispositions relatives à l'organisation de consultations populaires;
5º une disposition visant à accorder aux régions le pouvoir de fixer les règles de fonctionnement et le mode d'élection des organes territoriaux intracommunaux;
6º une nouvelle disposition relative aux juridictions internationales;
7º une disposition visant à transformer la Cour d'arbitrage en Cour constitutionnelle;
8º une disposition qui doit permettre au législateur d'attribuer à la Cour des comptes des compétences supplémentaires;
par une troisième série de dispositions, le gouvernement veut déclarer soumis à révision divers articles liés à une profonde réforme des institutions politiques de notre pays et adapter les institutions à la structure de l'État fédéral, et ce pour permettre la mise en oeuvre de l'accord politique du 26 avril 2002 conclu par les partis de la majorité (Chambre, 2001-2002, nº 50-1806/001). Les lignes de force de cet accord politique sont :
1º la réforme du système bicaméral fédéral;
2º l'adaptation d'une série de dispositions relatives aux entités fédérées;
3º la révision de l'article 195 de la Constitution en vue de réviser la procédure même de révision de la Constitution.
M. Luc Van den Brande donne un commentaire circonstancié de la proposition de déclaration de révision de la Constitution (doc. Sénat, nº 2-1547/1) qu'il a déposée avec MM. Vandenberghe et Caluwé.
La proposition vise à concilier fondamentalement pertinence sociale et stabilité.
La Constitution pouvant être définie comme une norme fondamentale qui règle l'organisation de l'État, fixe les limites de son intervention et définit sa relation avec la population, il est capital que cette « loi fondamentale » parvienne à concilier les vertus cardinales que sont la stabilité et l'adéquation avec la réalité sociale.
La Constitution joue pour ainsi dire son rôle de carte d'identité de la société, qui « constitue » un pays au sens propre du terme.
Aussi n'est-ce pas un hasard si, en ce moment précis, on cherche, au sein de la Convention européenne, un consensus sur une Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui devrait être l'un des éléments essentiels d'une future Constitution européenne.
Les deux processus, soit l'élaboration d'une nouvelle architecture européenne et la poursuite de la réforme de la structure de l'État belge, se rencontrent donc.
La proposition de déclaration de révision de la Constitution de M. Van den Brande et consorts veut se distancier des traditionnels clivages communautaires.
Soucieux de la stabilité, c'est à dessein que les auteurs ont omis l'actuel article 195 de la Constitution de la présente déclaration de révision. M. Van den Brande et consorts n'estiment pas qu'il y a lieu de déroger à la rigidité fondamentale imposée par le constituant en ce qui concerne la Constitution.
M. Van den Brande reconnaît toutefois qu'il y a de meilleures formules que celle que prévoit actuellement l'article 195 de la Constitution. Le modèle néerlandais peut servir d'exemple en la matière : la révision d'un article de la Constitution ne peut être exécutée, aux Pays-Bas, qu'après le renouvellement des Chambres (c'est-à-dire après les élections).
Pour le groupe politique dont fait partie M. Van den Brande, une condition absolue pour ce qui est de la révision de la Constitution, est qu'elle ne soit pas dissociée d'une consultation du corps électoral. Il est étonnant qu'il y ait des projets gouvernementaux dans le sens d'une dissociation précisément au moment où certains plaident en faveur de l'instauration du référendum et même du référendum constitutionnel.
Il semble essentiel pour l'intervenant de garder le sens de l'équilibre et de ne pas apporter de modifications hâtives à une procédure de révision qui a permis d'épargner plus d'une aventure à notre pays.
Il semble particulièrement dangereux, aux yeux de l'intervenant, de supprimer par exemple en une seule législature, sans consultation de l'électeur, le principe de la liberté d'enseignement (article 24 de la Constitution).
M. Van den Brande précise qu'il aurait encore quelque peu pu comprendre que l'on déclare l'article 195 de la Constitution soumis à révision si l'on avait voulu par exemple insérer un nouvel article 195bis dans la Constitution définissant les conditions qui devraient être remplies pour que certains articles puissent être soumis à révision et/ou révisés selon la nouvelle procédure.
La proposition de déclaration de révision de la Constitution de M. Van den Brande et consorts se fonde sur les deux critères suivants.
1º Vers un modèle confédéral
En ce qui concerne le réaménagement des relations entre les pouvoirs, la proposition s'en tient fermement au principe de subsidiarité. L'État s'est construit par le bas. Des communes fortes et bien gérées, chapeautées par les entités fédérées que sont la Flandre et la Wallonie, sont les piliers porteurs d'une bonne administration. L'orateur souhaite une extension des compétences pour les deux entités confédérées dans une Europe sociale et dynamique.
En raison de sa qualité de région bilingue et de capitale de la Flandre, de la Belgique et de l'Europe, Bruxelles bénéficie d'un statut adapté, en vertu duquel son autonomie concernant les matières locales est maintenue et sa fonction de capitale est renforcée.
Il y a enfin la Communauté germanophone, pour laquelle on a développé une autonomie propre.
M. Van den Brande a constaté à regret que le projet de déclaration de révision de la Constitution déposé par le gouvernement ne reflète d'aucune manière l'évolution de l'État belge vers un modèle confédéral.
Il regrette en outre que l'accord politique que les partis flamands de la majorité ont conclu entre eux et qui prévoyait que les ministres fédéraux néerlandophones adopteraient le même point de vue que celui qui est exposé dans l'accord du gouvernement flamand, n'ait pas pu être maintenu.
Il a également constaté qu'aucune mesure n'a été prise au cours de l'actuelle législature pour mettre concrètement en oeuvre le processus, inéluctable et indispensable selon lui, de réforme de notre structure étatique.
Il est essentiel, selon M. Van den Brande, qu'après avoir doté les communautés de l'autonomie culturelle en 1973, l'on octroie maintenant l'autonomie socio-économique aux entités confédérées. Il estime que ce processus est logique à la lumière de l'évolution de l'Union européenne. D'une union monétaire et socio-économique belge, on a évolué vers une union monétaire européenne. Il est dès lors tout à fait possible que les entités confédérées belges concluent des accords mutuels sur des matières sociales et économiques.
Un modèle confédéral signifie, pour M. Van den Brande et consorts, que les compétences de base doivent revenir aux deux entités confédérées qui décident, de commun accord et par consentement mutuel, quelles compétences sont exercées de quelle manière et par quelles institutions au niveau belge.
M. Van den Brande souligne qu'un grand nombre d'accords de coopération ont été conclus à propos précisément des compétences attribuées exclusivement aux communautés. C'est précisément en raison du caractère « volontaire » que l'on a pu assurer une plus grande cohérence.
C'est pour cette raison que l'article 35 fait office d'article charnière dans la proposition de déclaration de révision de la Constitution déposée par M. Van den Brande et consorts : plutôt que d'exécuter l'actuel article 35 de la Constitution, il serait préférable, dans une logique confédérale, de récrire cet article et de prévoir une procédure « bottom-up », selon laquelle il appartiendrait aux entités confédérées d'élaborer les normes en vertu desquelles certaines compétences seraient attribuées à l'autorité fédérale. Alors que l'article 35 (non encore entré en vigueur) prévoit que l'autorité fédérale déterminera elle-même ses compétences, ce seraient désormais les entités confédérées qui détermineraient les compétences qui seraient attribuées à l'autorité fédérale.
Afin de mener une politique efficace, qui réponde aux attentes des citoyens, les auteurs de la proposition de déclaration de révision de la Constitution souhaitent attribuer, au cours de la première phase, les compétences suivantes aux entités confédérées :
l'ensemble de la politique de la famille et de la santé;
tous les aspects de la politique de l'emploi;
la politique en matière de conventions collectives de travail;
la compétence à part entière en matière fiscale (l'impôt des personnes physiques et l'impôt des sociétés), de sorte que le niveau de pouvoir responsable des dépenses soit également responsable des recettes (dans l'état actuel des choses, l'autonomie fiscale et financière, même si l'accord du Lambermont devait être entièrement exécuté, s'élèverait à 25 % en 2011);
des volets importants des politiques en matière de sécurité et de justice, notamment l'organisation judiciaire;
la législation sur les baux à loyer;
la mobilité;
l'ensemble de la politique scientifique;
les divers aspects du Code de la route;
le Fonds des équipements et des services collectifs;
le Fonds des calamités.
M. Van den Brande et consorts proposent également de déclarer soumis à révision les articles 1er à 3 de la Constitution pour que l'on puisse ancrer l'idée confédérale et l'existence d'entités confédérées dans la Constitution : de cette façon, on reconnaîtrait constitutionnellement la Flandre et la Wallonie comme des entités confédérées, et Bruxelles et la Région germanophone comme des régions.
Une autre proposition essentielle de M. Van den Brande et consorts concerne la révision des articles 62 et 63 de la Constitution dans le sens de la scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Il ressort clairement de l'arrêt nº 30/2003 de la Cour d'arbitrage que la scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde s'avère indispensable sur le plan constitutionnel.
2º Pour la personne humaine et les valeurs
M. Van den Brande et consorts souhaitent ancrer explicitement certains droits fondamentaux et certaines valeurs dans la Constitution : l'être humain a droit à la sécurité, à la liberté d'entreprendre et à des pouvoirs publics fiables qui se préoccupent des plus vulnérables, par exemple des enfants.
Il souligne que l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) est un des soucis et des objectifs actuels.
M. Van den Brande et consorts estiment qu'il n'est plus opportun de soumettre l'ensemble du titre II de la Constitution à révision, révision destinée à incorporer les acquis des principaux traités de défense des droits de l'homme à la Constitution, comme l'avait proposé le préconstituant en 1999, étant donné que ces acquis ont pour une grande part été incorporés par suite de la modification de la loi spéciale sur la Cour d'arbitrage. Cette procédure, satisfaisante d'un point de vue pratique et plus simple d'un point de vue technique, a permis d'atteindre le résultat qui répond aux souhaits des auteurs de la proposition. L'incorporation en question ne peut en effet être considérée comme un symbole, mais doit offrir une plus-value concrète aux personnes en général et aux préjudiciables en particulier. Dès lors que cette plus-value a été réalisée et que cette proposition de 1999 a été mise en adéquation avec la réalité sociale, la priorité doit être accordée à la stabilité du titre II plutôt qu'à la mise en oeuvre littérale des projets du préconstituant de 1999.
Dans le prolongement de son commentaire relatif à la proposition de déclaration de révision de la Constitution qu'il a déposée, M. Van den Brande tient à faire part des réflexions suivantes à propos du projet déposé par le gouvernement.
1. En réalité, on est confronté à un projet de révision de la Constitution qui ne fait pas l'objet d'un consensus au sein de la majorité : le projet ne se fonde pas sur un concept, mais est le fruit d'une démarche purement « particratique » qui vise à concrétiser l'obsession politique de certains membres de la majorité de créer des circonscriptions électorales plus grandes et d'ancrer institutionnellement le jeu politique de « bungee jumping » d'une liste de candidats à l'autre. L'intervenant vise, en d'autres termes, l'accord politique du 26 avril 2002 relatif aux circonscriptions électorales et à la suppression du Sénat et à son incorporation à la Chambre des représentants (doc. Chambre, nº 50-1806/001, 2001/2002).
Selon M. Van den Brande, on doit opérer certains choix si on souhaite réformer sérieusement les institutions parlementaires. On ne saurait confier à un Sénat, qui serait composé exclusivement de représentants des communautés et des régions, une mission dans le cadre d'un système bicaméral complètement affaibli. Ce serait, selon M. Van den Brande, une contradictio in terminis, certainement dans un pays comme la Belgique, qui ne connaît aucune hiérarchie des normes de droit entre le niveau fédéral et les niveaux communautaire et régional. Il faut donc faire des choix. Soit on opte pour un système monocaméral ce qui, selon l'intervenant serait contraire à la tendance qui veut que l'on procède, dans un souci de qualité de la législation, à une répartition des tâches entre la Chambre des représentants et le Sénat dans le cadre de laquelle le Sénat devrait jouer un rôle de chambre de réflexion, soit on réfléchit à la manière dont on pourrait accorder aux entités fédérées une place institutionnelle au niveau belge.
M. Van den Brande regrette qu'on veuille faire un usage abusif de l'accord politique du 26 avril 2002 conclu entre les partis de la majorité en effectuant à l'improviste une réforme du Sénat dont il est convaincu qu'elle ne permettra pas d'améliorer la qualité de la législation, ni d'améliorer l'administration.
En ce qui concerne la déclaration d'ouverture à révision de l'article 195 de la Constitution, M. Van den Brande souligne que les Flamands craignent, en raison des diverses interprétations que les partis de la majorité donnent à l'objectif de la réforme, qu'il n'existe un accord secret entre les partis de la majorité qui prévoirait que, pour réviser un article de la Constitution, il faudrait non seulement une majorité des deux tiers, mais aussi une majorité dans chaque groupe linguistique. Malgré les dénégations du premier ministre sur l'existence de pareil accord secret, M. Van den Brande pense qu'il y a suffisamment d'indices qui permettent de conclure que pareil accord existe bel et bien. C'est sans doute seulement parce qu'un tel accord existe que l'on est parvenu à inscrire l'article 195 de la Constitution dans la liste des articles soumis à révision. En outre, il existe des précédents en la matière : l'accord du Lambermont contenait également un volet secret concernant le financement de l'enseignement francophone.
Enfin, M. Van den Brande constate à regret qu'on renforce encore la division en trois de la Belgique dans une série de domaines : il ne comprend pas pourquoi on ne prévoit l'octroi de l'autonomie constitutive qu'à Bruxelles, alors que les entités fédérées demandent expressément l'élargissement de leur autonomie constitutive. M. Van den Brande précise qu'il n'a jamais été partisan d'un « condominium » dans lequel Bruxelles serait gouverné conjointement par la Flandre et la Wallonie. Bruxelles doit être reconnue de manière permanente comme une réalité autonome. Bruxelles est un élément interculturel, mais il importe, selon M. Van den Brande, que dans le cadre d'un concept étatique, on comprenne que les missions des entités fédérées que sont la Wallonie et la Flandre diffèrent de celles de la Région de Bruxelles-Capitale.
En outre, la simultanéité de l'élection des Chambres fédérales et des conseils pourrait avoir un effet curieux : on prolongerait la législature fédérale d'un an tout en raccourcissant la législature régionale d'un an. Ainsi les parlementaires fédéraux seraient-ils élus jusqu'en 2008 (et non pas jusqu'en 2007) et les parlementaires régionaux jusqu'en 2008 (et non pas jusqu'en 2009). On donnerait, de cette manière, une base constitutionnelle au fameux « bungee jumping » politique. M. Van den Brande regrette que le gouvernement inclue dans son projet de déclaration de révision de la Constitution des articles de la Constitution qui permettraient la réalisation de pareilles hypothèses.
M. Philippe Monfils remarque qu'ouvrir à révision des articles de la Constitution est toujours une opération périlleuse car le préconstituant ne lie pas le constituant. Ce dernier pourra donc réviser les dits articles d'une manière tout à fait différente de celle que le préconstituant a aujourd'hui à l'esprit. Fort sagement, le projet de déclaration de révision du gouvernement donne peu d'indication sur la manière dont les dispositions pourraient être révisées.
M. Monfils se dit satisfait du maintien de l'équilibre de l'État actuel au vu des dispositions ouvertes à révision dans lesquelles ne figurent notamment pas les articles 1er, 2 et 3. Il se réjouit également de la décision de ne pas remettre en cause l'institution monarchique, ainsi que de la possibilité d'octroyer l'autonomie constitutive à la Région de Bruxelles-Capitale et à la Communauté germanophone. On ne pouvait continuer à admettre que seules certaines entités fédérées puissent s'autogérer dans certaines matières.
Il est intéressant de réfléchir à la possibilité de faire coïncider le renouvellement des Chambres fédérales et celui des parlements régionaux, ne serait-ce que pour des raisons pratiques. Il est impossible, dans le cadre de la campagne pour les élections fédérales, de ne pas se voir poser des questions ayant trait aux compétences régionales ou communautaires, et inversément. Les problèmes sont étroitement mêlés et ont même parfois un volet de compétence régionale et un autre de compétence fédérale. Certes, les élections ne coïncideraient plus en cas de dissolution anticipée des Chambres fédérales, alors que le système des motions de confiance et de défiance n'est par contre pas prévu au niveau des entités fédérées. Mais il ne s'agit là que d'une difficulté technique qu'il est possible de régler si l'on décide de faire coïncider les élections au niveau fédéral et fédéré.
En matière de droits et libertés, quelques propositions méritent d'être épinglées.
Le constituant pourra désormais faire évoluer la Cour d'arbitrage vers une Cour constitutionnelle.
L'article 150 pourra être révisé pour considérer que les délits de presse ne sont pas toujours susceptibles d'un renvoi en Cour d'assises, ce qui en pratique n'a jamais lieu.
Par contre, l'intervenant regrette que le projet n'autorise pas l'introduction du référendum au niveau fédéral. La possibilité d'introduire la consultation populaire au niveau régional est une avancée, mais elle est insuffisante.
Quant à l'accès à la fonction publique pour les non-Belges, le membre n'y voit pas d'objection mais il rappelle que son groupe politique est opposé au système de quotas. Il serait inacceptable d'octroyer un emploi sur la base de la nationalité, alors même que le candidat aurait moins de compétences qu'un autre.
Enfin, M. Monfils signale qu'il a déposé, avec M. Roelants du Vivier, un amendement (amendement nº 1, doc. Sénat, nº 2-1549/2) visant à rendre possible l'introduction d'un article 147bis dans la Constitution, permettant de priver les partis liberticides de certains avantages légaux. Cet amendement reprend en fait une proposition de M. Maingain qui a été adoptée par la commission des Réformes Institutionnelles de la Chambre.
Le membre en vient à la réforme du Sénat et comme l'orateur précédent, il estime que la réforme envisagée ferait perdre toute utilité à l'institution. Plutôt que de le supprimer lors de la révision de la Constitution de 1993, le constituant a préféré en faire une institution privée de compétences. Avec le présent projet de déclaration de révision, la dérive continue. Il est curieux de constater à quel point on jette l'opprobre sur le Sénat, alors que parallèlement, les candidats se pressent pour y siéger.
Évidemment, une lecture attentive du projet de déclaration de révision fait apparaître que le Sénat conserve le droit d'évocation ou le droit d'initiative. Cependant, l'objectif étant de faire du Sénat une assemblée des régions, il sera donc composé de membres des parlements des entités fédérées. Or, il est impossible de travailler efficacement dans plusieurs assemblées à la fois.
Le Sénat a exercé son droit d'initiative en introduisant des propositions relatives aux problèmes bioéthiques. Des sénateurs membres d'assemblées régionales et/ou communautaires auraient-ils pu venir discuter de ces questions au Sénat un jour et demi par semaine pendant deux ans ?
Le droit d'initiative législative ne sera en outre pas complet car il va de pair avec le droit d'évocation qui, lui, ne sera qu'un droit de contrôle des entitées fédérées pour ce qui les concerne. Il est difficilement concevable que le Sénat ne puisse plus évoquer que des projets de loi de la Chambre concernant directement les régions et communautés, mais que les sénateurs puissent déposer des propositions de loi dans toutes les matières fédérales qui n'auraient aucune connotation régionale ou communautaire. Il va de soi que l'initiative ne concernera plus que quelques propositions de loi rendues nécessaires par le travail permanent des parlementaires régionaux et communautaires dans leur institution. On pourrait imaginer par exemple une proposition de loi d'initiative sénatoriale en matière de droit d'auteurs dans la mesure où cette matière présente des aspects de compétence régionale et communautaire.
En outre, le droit de contrôle des représentants des entités fédérées sur les projets de loi de la Chambre est curieux car il revient à examiner s'il n'y a pas conflit d'intérêts. Or, les conflits d'intérêts sont régis par l'article 143 de la Constitution.
On cite souvent en exemple les sénats d'autres pays fédéraux. Cependant, d'une part, ces assemblées-là ont de réels pouvoirs et, d'autre part, elles ne représentent pas uniquement deux communautés. Des parlementaires régionaux et communautaires engagés dans un débat difficile mettant en jeu les intérêts des uns et des autres, sur lequel leurs gouvernements respectifs ne peuvent se mettre d'accord, ne vont pas trouver une solution d'un coup de baguette magique.
Quel intérêt auraient les parlementaires régionaux à se rendre dans un Sénat qui aurait un droit d'initiative limitée, un pouvoir de contrôle illusoire sur les projets de la Chambre et seulement le pouvoir de voter quelques traités internationaux dans lesquels les entités fédérées sont intéressées ?
Par ailleurs, reconnaissant que l'intervention du Sénat a été très utile dans certaines circonstances, le gouvernement conçoit l'idée de prévoir une seconde lecture à la Chambre. C'est une garantie de pacotille. On imagine mal un parlementaire qui, après avoir voté en commission en faveur d'un texte, modifierait son point de vue en seconde lecture.
Il est permis de se demander en quoi le Sénat a gêné la Chambre des représentants dans son travail ou en quoi il aurait traîné. À titre d'exemple, la Chambre elle-même avait demandé au Sénat de revoir le texte du projet de loi sur les ASBL. Le travail a duré des mois car il était ardu.
Lorsque le Sénat adopte des amendements à un projet évoqué, ces amendements sont pratiquement toujours adoptés par la Chambre car ils sont judicieux et le fruit du travail d'une chambre de réflexion. Ce n'est que rarement qu'un projet évoqué a donné lieu à navette pour des motifs de vision différente de la Chambre et du Sénat : citons par exemple le projet de loi réglementant la pratique de l'autopsie après le décès inopiné et médicalement inexpliqué d'un enfant de moins de dix-huit mois (doc. Sénat, nº 2-409/1) pour lequel la Chambre n'a pas suivi la position du Sénat.
Le Sénat a exercé son droit d'initiative avec efficacité : les propositions de loi relatives à l'euthanasie, les questions bioéthiques ... n'auraient jamais pu être examinées de manière aussi approfondie et minutieuse par la Chambre, occupée par l'examen du budget, la responsabilité du gouvernement, etc.
On peut certes critiquer le Sénat lorsqu'on y pose les mêmes questions ou demandes d'explications qu'à la Chambre. Mais il est tout à fait possible d'aménager le système ou de retirer les demandes d'explications qui n'ont pas de raison d'être parce qu'elles ont reçu une réponse à la Chambre. Par contre, priver le Sénat de tout pouvoir de poser des questions contribue à ôter tout intérêt à l'institution.
Il n'est pas inutile non plus de remarquer que la Chambre a parfois préféré laisser traiter certains projets en premier au Sénat parce qu'ils étaient difficiles, qu'ils ne faisaient pas l'unanimité au sein de l'opinion publique ou qu'ils remettaient en cause des éléments fondamentaux du droit civil par exemple.
Tous ces exemples permettent de se demander pourquoi l'on tient tellement à jeter le Sénat aux oubliettes de l'histoire institutionnelle du pays.
M. Monfils ne défend pas nécessairement le bicaméralisme si l'on prouve que l'État fédéral peut fonctionner avec une Chambre unique solide. Par contre, il s'oppose au maintien par pure hypocrisie d'une assemblée en réalité vidée de ses pouvoirs. Selon lui, l'idée d'un Sénat des communautés ne peut être appliquée dans notre système fédéral composé à la fois de communautés et de régions.
Enfin, l'article 195 est ouvert à révision. Pour le groupe politique de l'intervenant, la modification de la disposition sera subordonnée à des conditions sine qua non. Il faudra une majorité particulière pour déclarer une disposition ouverte à révision et l'objectif de la réforme devra être fixé. La procédure devra obligatoirement continuer à se dérouler en deux temps : déclaration d'abord, discussion ensuite, avec écoulement d'un certain délai entre les deux phases. Enfin, une majorité sera exigée dans chacun des groupes linguistiques. Une révision de la Constitution ne peut en effet être entourée de moins de garanties que l'adoption d'une loi spéciale.
La révision de l'article 195 de la Constitution peut être envisagée comme une manière plus moderne de concevoir la révision de la Constitution, mais en aucune cas, elle ne doit permettre d'ébranler la Constitution dans ses fondements comme d'aucuns le craignent.
Mme Magdeleine Willame-Boonen rappelle que le projet du gouvernement de déclaration de révision de la Constitution se situe dans le droit fil des rapports de force établis entre néerlandophones et francophones sous cette législature. Elle traduit une fois de plus la victoire des uns sur les autres. On en trouve de nombreux exemples sous cette législature : régionalisation des lois communale et provinciale, régionalisation du commerce extérieur, de l'agriculture, de la coopération au développement, autonomie fiscale, maintien des circulaires Peeters, inclusion de Wemmel dans une zone de police exclusivement flamande, modification des compétences réservées via la modification de l'article 19 de la loi spéciale du 8 août 1980.
On lit dans l'accord politique conclu entre les partis de la majorité le 26 avril 2002 que : « Le gouvernement et les partis de la majorité ont dégagé un accord relatif à une réforme en profondeur des institutions politiques de notre pays. Cette réforme poursuit un double objectif : renforcer sensiblement la participation du citoyen, en d'autres termes accroître son influence sur le processus décisionnel politique, et d'autre part adapter définitivement les institutions à la structure fédérale de l'État. » Le texte se poursuit en affirmant que « les actuelles institutions fédérales présentent à cet égard des imperfections » et cite le Sénat.
Mme Willame-Boonen se demande en quoi la participation du citoyen sera plus grande avec les modifications institutionnelles projetées, en particulier la réduction des pouvoirs du Sénat.
L'oratrice concentrera son exposé sur l'ouverture à révision de l'article 195.
En soumettant à révision l'article 195 de la Constitution, qui définit la procédure de révision de celle-ci, les francophones ont pris le risque de voir cette procédure rendue plus souple et moins démocratique.
Durant la prochaine législature, les francophones seront en permanence sous la pression des Flamands pour que la procédure soit assouplie en vue notamment de permettre que les mécanismes constitutionnels de protection des francophones, comme la parité au sein du Conseil des ministres, l'exigence de majorités spéciales dans les domaines communautaire et linguistique ou la sonnette d'alarme, puissent être modifiés facilement. Face à ces pressions, les francophones devront, soit céder, soit payer un prix pour que la procédure ne soit pas assouplie.
Il est à craindre que la prochaine majorité ne modifie la procédure prévue par l'article 195 sous la pression des circonstances. Confrontée à la défection de la VU lors des accords de la Saint Polycarpe, la majorité arc-en-ciel, si l'article 195 avait été ouvert à révision lors de la dernière législature, aurait pu céder à la tentation de modifier l'article 195 pour remplacer l'exigence d'une majorité des deux-tiers par une majorité des trois-cinquièmes.
Telles sont les raisons pour lesquelles MM. Ducarme, Maingain et Moureaux s'étaient ralliés fermement à l'opposition du cdH à toute révision de l'article 195 de la Constitution.
Les présidents des deux assemblées s'étaient aussi prononcés en ce sens. M. Herman De Croo, président de la Chambre, dans Le Soir du 11 janvier 2003, déclarait : « Je me méfie des crampes institutionnelles de la majorité. Avant de procéder à d'importants changements législatifs telle la révision de la Constitution, il faut toujours faire tomber la fièvre du moment. Il ne faut jamais opérer à chaud. »
Le Soir du 13 janvier 2003 publiait les propos de M. Armand De Decker, selon lesquels « La volonté de réviser le 195 repose sur l'espoir de ramener la Constitution au niveau d'une loi spéciale. C'est jouer aux apprentis sorciers, cela mènera à un système d'instabilité et débouchera sur un climat de tensions communautaires permanentes. Permettre de détricoter la Constitution tous les trimestres serait irresponsable. Ce serait aussi offrir aux Flamands la possibilité de réaliser toutes les avancées institutionnelles au pas de charge ».
Citons encore M. Maingain : « Dans un autre État, nous n'y serions pas opposés. La procédure de révision de la Constitution comporte des rigidités. Mais en Belgique, ces rigidités protègent les francophones. Si on autorise qu'un article de la Constitution puisse être modifié au cours d'une seule législature et non plus deux comme aujourd'hui, on ne sait pas ce qui peut se passer. » (LLB 17 janvier 2003) et « Si on soumet l'article 195 à révision, on ouvre la possibilité de modifier, sans l'avouer, toute la Constitution. Ce sera sans nous. La stabilité constitutionnelle est une protection pour les francophones et nous n'avons aucun intérêt à affaiblir nos défenses. Le menu institutionnel de la Flandre est connu. Je ne veux pas ouvrir la porte à l'aventure confédérale en Belgique » (LLB-31 janvier 2003).
Dans Le Soir du 8 février 2003, Philippe Moureaux se dit « tout à fait décidé à combattre cette idée de mettre l'article 195 à révision. (...) Face aux offensives flamandes, une certaine raideur s'impose. Évitons les aventures où l'on pourrait, en une législature, faire basculer l'ensemble des dispositifs qui protègent les francophones et en particulier Bruxelles et les facilités ».
M. Ducarme, enfin, dans Le Soir du 10 février 2003 :
« Je vous affirme que le MR n'est pas favorable à la mise en révision de l'article 195 de la Constitution. (...) Dans le climat actuel, tant au Nord qu'au Sud, il est préférable d'avoir toutes ses garanties quant au mécanisme de révision. Quant à une révision assortie de mécanismes de sûreté, cela ne peut se faire sur le coin d'une table, à quelques mois d'une révision constitutionnelle. [Parlant du retournement de situation depuis le 26 avril 2002] Je ne crois pas qu'on puisse parler de volte-face. Je fais simplement passer l'intérêt des francophones au-dessus de toute autre forme d'intérêt. »
Nous sommes en Belgique dans un État fédéral bipolaire, souvent marqué par des querelles et indivisions. Qui peut croire que dans ce contexte perturbé, l'opération de révision de l'article 195 de la Constitution soit même politiquement ou communautairement neutre ? Au pire, elle conduit à raboter les garanties existantes, au mieux, elle amène à les préserver ou les remplacer par d'autres mais au prix de quels renoncements pour maintenir la paix institutionnelle ?
Certains n'ont à la bouche que la valeur symbolique qu'il conviendrait de reconnaître à la Constitution, qu'elle soit belge, flamande ou européenne. Les mêmes feignent de ne pas apercevoir l'atteinte tout aussi symbolique qui serait apportée à la Constitution par une réforme dont les aspects circonstanciels sont chaque jour davantage mis en lumière.
Par ailleurs, combien de révisions va-t-on faire par an, par décennie ou par siècle ? Le rythme des révisions est une question pratique qui mérite d'être posée. L'on ne peut s'empêcher de penser que le nombre de révisions de la Constitution auxquelles nous avons été habitués depuis trente-trois ans a atteint la cote d'alerte. Une révision constitutionnelle peut donner à penser que les accords laborieusement construits de part et d'autre de la frontière linguistique ne résistent pas longtemps à l'épreuve des préoccupations plus nationalistes encore.
De toute façon, opérer une révision tous les six ans paraît excessif. Elle empêche les opérations de sédimentation et d'acculturation qui sont indispensables aux réformes pratiquées dans une société démocratique.
On ne peut s'empêcher d'être frappé par le comportement réitéré de l'autorité législative ou constituante qui, à un moment ou à un autre, en vient à méconnaître les prescriptions de forme ou de fond qu'énonce l'article 195 de la Constitution : révision implicite, révision par ricochet, révision par le biais d'une loi spéciale ... Les garde-fous ne sont pas toujours respectés. Pourquoi dès lors, dit-on même dans les milieux juridiques, ne pas les supprimer ? Pourquoi ne pas aligner le droit sur le fait ? Ces façons de faire et de raisonner sont condamnables.
Les réactions de l'arrêt de la Cour d'arbitrage du 26 février 2003 sont significatives. La moindre des choses eût été que ses destinataires, en premier lieu les auteurs de la loi électorale, respectent l'arrêt de suspension dont la cour avait précisé qu'il produisait pendant trois mois les mêmes effets qu'un arrêt d'annulation. Sur le front législatif, la jurisprudence de la Cour d'arbitrage ne laisse planer aucun doute sur l'issue du litige. Un arrêt de suspension annonce déjà l'arrêt d'annulation qui sera rendu après. Alors, pourquoi ne pas prendre les devants et corriger ce qui doit l'être ?
Le débat peut rebondir sur le front constitutionnel. La Cour d'arbitrage a suspendu la loi électorale parce qu'elle ne respectait pas l'article 63 de la Constitution qui veut que le nombre de sièges à pourvoir par chaque collège électoral soit connu avant les élections et qu'il n'y ait pas de transvasement de voix à l'issue de celles-ci. Pourquoi ne pas modifier l'article 63 de la Constitution si la procédure prescrite par l'article 195 de la Constitution était assouplie ?
La procédure définie par l'article 195 est une procédure démocratique qui permet une participation des citoyens à la discussion, à l'occasion du débat électoral qui suit la dissolution des Chambres entraînée par la publication de la déclaration de révision. Ainsi, les citoyens seront-ils appelés lors des prochaines élections à choisir entre le refus du cdH de réviser l'article 195 et la volonté des partis de la majorité de le modifier.
Le cdH craint que la révision de l'article 195 ne conduise, à travers une procédure qui se déroule sur une seule législature, à l'exclusion de la participation des citoyens par rapport à des décisions qui engagent les fondements mêmes de l'État de droit.
La volte-face dont se sont rendus coupables une fois de plus le MR de M. Ducarme, le FDF de M. Maingain et le PS de M. Moureaux augure mal de leur résistance aux autres revendications flamandes lors de la prochaine législature. S'ils ne sont pas capables de dire non en fin de législature, c'est-à-dire à un moment où le coût politique d'un refus est faible pour eux, il est hautement invraisemblable qu'ils disent non au début de la prochaine législature.
Dans ces circonstances, le cdH reste le dernier rempart face aux revendications flamandes et le dernier garant du stop institutionnel.
La liste des autres dispositions soumises à révision est particulièrement longue, à peu près le tiers de la Constitution. Elle se divise en deux types de dispositions : d'une part, de sympathiques déclarations d'intention relative à l'inscription du droit à un développement durable, aux droits des handicapés, à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, à l'abolition de la peine de mort ou au service universel et, d'autre part, des dispositions qui constituent le coeur-même de notre démocratie parlementaire comme celles relatives à la Chambre et au Sénat, à la consultation populaire, à la décentralisation, à la Cour d'arbitrage, au pouvoir judiciaire.
En ce qui concerne le premier type de dispositions, il n'y a pas grand chose à dire, si ce n'est que l'on peut se demander s'il est opportun d'inscrire dans la Constitution, qui est avant tout un instrument juridique, des droits dont le non-respect ne peut être sanctionné par le juge. L'inscription du droit au développement durable dans un titre distinct des autres droits est révélateur de l'ambiguïté de la démarche. Pour éviter que le respect du droit à un développement durable ne puisse être sanctionné par la Cour d'arbitrage, on évite de le faire figurer au sein d'un titre qui n'est pas soumis à la compétence de la Cour.
Le second type de dispositions permet des bouleversements institutionnels de grande ampleur.
La suppression pure et simple du Sénat, et donc du bicaméralisme, est rendue possible. Cela témoigne de la volonté de la majorité de pouvoir aller plus vite et ainsi prendre de vitesse les citoyens. En effet, le bicaméralisme donne le temps nécessaire aux citoyens et à la société civile pour prendre part au débat démocratique et exprimer, le cas échéant, leur opposition. L'affaiblissement ou la suppression du Sénat constituerait un véritable recul démocratique.
Si l'objectif est de permettre l'instauration d'un Sénat paritaire, comme le prévoit l'accord conclu au sein du gouvernement en avril 2002, il est à craindre que l'on prenne des vessies pour des lanternes. Un Sénat paritaire, c'est un symbole positif, mais ce n'est rien d'autre qu'un symbole car cela ne constitue pas une amélioration de la protection de la minorité francophone du pays. En effet, la protection offerte par l'exigence d'une majorité spéciale et par la parité au sein du Conseil des ministres est bien plus efficace qu'un Sénat paritaire.
Le rôle et la composition de la Chambre peuvent également être fondamentalement bouleversés. Au vu de ce qui s'est passé durant la présente législature, les bouleversements risquent de ne pas aller dans le sens d'un meilleur contrôle politique à exercer sur le gouvernement ni dans le sens de la limitation du nombre de mandataires.
Cette crainte se trouve d'ailleurs corroborée par la présence, dans la liste des dispositions à soumettre à révision, de dispositions concernant des contre-pouvoirs aussi importants que la Cour d'arbitrage ou la Cour des comptes. Sur la base de la déclaration de révision, ces institutions majeures dans le contrôle du gouvernement pourront être supprimées. Les commentaires entourant la déclaration à cet égard ne rassurent pas puisque, en vertu de la pratique constitutionnelle, ils ne lient en aucune manière le Constituant.
Il est inutile d'être plus long sur le détail de cette déclaration de révision car, dès lors que l'article 195 est soumis à révision, le reste de la liste est sans autre intérêt que de permettre d'analyser la volonté des partis qui y souscrivent. En effet, selon l'oratrice, il suffira au Constituant de modifier l'article 195 pour pouvoir modifier comme il l'entend l'ensemble des dispositions constitutionnelles.
Il reste aux francophones une raison d'espérer : comme l'article 195 de la Constitution s'applique à sa propre révision, les électeurs seront appelés à juger le 18 mai prochain de l'opportunité de le réviser ou de réviser d'autres dispositions.
Mme Willame-Boonen conclut en soulignant que la possibilité d'octroyer l'autonomie constitutive à la Région de Bruxelles-Capitale est une évolution positive, mais qu'elle doute que cette autonomie soit octroyée très rapidement.
Enfin, en ce qui concerne la réforme du Sénat telle qu'elle est envisagée dans l'accord politique du 26 avril 2002, la membre remarque avec ironie que le Sénat aurait la compétence d'approuver les traités mixtes et les accords de coopération multilatéraux. Au vu de la manière dont les traités sont approuvés par le Sénat à l'heure actuelle, sans discussion et en l'absence du ministre compétent, on ne peut pas dire que cela revient à laisser énormément de pouvoir au Sénat.
M. Philippe Monfils réplique qu'il appartient aux sénateurs d'effectuer leur travail parlementaire et de poser des questions s'ils le souhaitent. Simplement, la majorité des accords ne posent pas de difficultés majeures.
M. Luc Van den Brande estime que l'on commettrait une erreur en déclarant un Sénat à composition paritaire compétent pour ce qui est de l'assentiment aux traités mixtes, c'est-à-dire aux traités concernant des compétences tant fédérales que communautaires et/ou régionales. La pratique nous apprend que l'examen de ces traités en commission des Relations extérieures et de la Défense du Sénat revêt un caractère purement rituel et qu'il ne porte pas sur le contenu. L'argument selon lequel ces traités ont déjà été suffisamment analysés par les négociateurs des autorités concernées et par les fonctionnaires du Service public fédéral des Affaires étrangères ne saurait excuser ce fait. Les conseils communautaires et régionaux accordent d'ailleurs beaucoup plus d'attention à ces traités mixtes, dont il ne faut pas, du reste, sous-estimer l'importance. Tous les traités relatifs à l'Union européenne font par exemple partie de cette catégorie. L'intervenant déclare que si l'on procède à la révision, telle que proposée par le gouvernement, du titre IV de la Constitution concernant le rôle du Sénat en matière d'assentiment aux traités et de l'article 167, § 2, deuxième phrase, il considère que cette révision constitue un pas en arrière plutôt qu'un progrès.
Mme Anne-Marie Lizin déclare qu'elle votera contre toute révision de l'article 195 car, dans ces temps particulièrement troublés, il est indispensable d'avoir des institutions stables dont la révision des structures n'est pas facile.
D'autre part, sénatrice depuis deux législatures, elle estime que le Sénat effectue un excellent travail. De nombreux dossiers de compétence fédérale n'ont été traités de façon approfondie qu'au Sénat : l'euthanasie, la réforme des polices, la traite des êtres humains, n'en sont que quelques exemples flagrants. L'intervenante est d'avis que le gouvernement en cette matière se trompe en ce qui concerne l'intérêt du pays et que l'ensemble des dispositions relatives au Sénat ne doivent pas être révisées.
Dans son commentaire relatif au projet du gouvernement, M. Frans Lozie souhaite mettre en lumière, avant tout, les articles dont la révision vise à réformer le système bicaméral fédéral. Il abordera ensuite la question de l'opportunité de la révision de l'article 195.
En ce qui concerne la réforme du système bicaméral, deux options sont envisageables : soit le préconstituant juge qu'il y a lieu d'améliorer le fonctionnement de la Chambre et du Sénat et il ouvre à révision les articles susceptibles de contribuer à cette amélioration, soit il estime que le Sénat doit être supprimé.
En parcourant le projet du gouvernement, on constate clairement que la seconde option a été prise comme point de départ.
Le projet prévoit ainsi d'insérer un nouvel article dans le titre III, chapitre Ier, afin d'introduire la seconde lecture à la Chambre des représentants. En outre, le Sénat devrait être privé du droit d'enquête prévu à l'article 56 de la Constitution, ce qui serait totalement contraire aux règles en vigueur dans d'autres États fédéraux, où le Sénat composé paritairement dispose de ce droit. L'autorité du Sénat américain à l'égard du gouvernement, grâce notamment à l'exercice du droit d'enquête, en est le meilleur exemple. Un autre exemple concerne la primauté du Sénat en matière d'assentiment aux traités, qui lui serait enlevée en cas de révision de l'article 75, troisième alinéa, de la Constitution. Le droit d'initiative législative du Sénat, consacré par l'article 75, premier alinéa, de la Constitution, restera certes intact, mais l'on peut se demander dans quelles matières il pourra encore s'exercer. Il est en outre prévu d'éroder encore davantage le droit du Sénat à requérir la présence d'un ministre, qui est inscrit à l'article 100, deuxième alinéa, de la Constitution. Enfin, le gouvernement propose de revoir l'article 143, § 2, de la Constitution, relatif à l'avis que le Sénat peut émettre pour régler les conflits d'intérêts.
Lors du vote du projet de déclaration de révision de tous ces articles, chacun devra décider, en son âme et conscience, s'il approuve l'option du gouvernement visant à supprimer le Sénat en tant que troisième branche du pouvoir législatif fédéral. L'intervenant déclare avoir déjà fait son choix.
Deuxièmement, M. Lozie se montre extrêmement réticent à l'égard de la proposition visant à déclarer l'article 195 ouvert à révision. Il estime que le préconstituant prend et, éventuellement plus tard le constituant prendra un risque énorme, celui de voir la révision de l'article 195 de la Constitution déboucher un jour sur la possibilité de réviser une disposition constitutionnelle au cours d'une seule et même législature, fût-ce après une période de réflexion. Une majorité occasionnelle pourrait ainsi décider, en réaction à certains incidents, de remettre en cause une série de principes et de droits fontamentaux, comme le système du scrutin proportionnel, le droit de s'associer ou la liberté de religion.
L'argument qui est toujours invoqué en faveur d'un assouplissement de la procédure de révision est celui de la complexité de notre structure étatique, qui nécessite en permanence des ajustements.
Afin de rencontrer cette objection, l'intervenant fait une contre-proposition. Les dispositions constitutionnelles qui règlent de manière détaillée la composition et le fonctionnement de nos institutions devraient être retirées de la Constitution et soumises au régime de la majorité spéciale prévu à l'article 4, alinéa 3, de la Constitution. On conserverait, dans la Constitution, quelques dispositions relatives aux principes fondamentaux de l'organisation de l'État, qui seraient soumises à la procédure de révision existante.
L'intervenant aimerait également savoir pourquoi le gouvernement propose d'insérer, au titre III, chapitre II, de la Constitution, un nouvel article visant à octroyer des compétences exclusives complémentaires à la Chambre des représentants. Ne suffit-il pas pour cela de soumettre l'article 74 de la Constitution à révision ?
Enfin, il déclare avoir déposé l'amendement nº 3 (doc. Sénat nº 2-1549/2), qui vise à soumettre l'article 156 de la Constitution à révision afin de scinder le ressort de la cour d'appel de Bruxelles. L'on pourra ainsi trouver une solution au fonctionnement laborieux des institutions judiciaires dans le ressort de cette cour.
M. Patrik Vankrunkelsven souscrit aux objectifs qui sous-tendent le projet de déclaration de révision de la Constitution déposé par le gouvernement et s'étonne de ce que certains sénateurs de la majorité fassent des déclarations qui ne se situent pas dans la ligne du projet mais sont dues plus à la fièvre électorale qu'à une réelle préoccupation pour la Constitution.
De plus, les réserves qu'ils émettent ne portent pas sur les volets du projet qui visent à adapter la Constitution à l'évolution de notre société, mais sur ceux qui traitent de l'avenir du Sénat, d'une part, et de la révision de l'article 195 de la Constitution, d'autre part.
L'intervenant n'a jamais fait mystère de ce que, à ses yeux, la réforme du Sénat visant à en faire, d'une part, un lieu de rencontre entre les communautés et les régions et, d'autre part, une seconde chambre législative, est un échec. L'objectif que visait initialement la réforme du Sénat et sur lequel le CD&V aussi était d'accord à l'époque n'a pas été réalisé de manière conséquente en 1993. Il semble dès lors indiqué d'en revenir à la voie envisagée à l'époque et de faire du Sénat une assemblée disposant du droit de décision dans des matières bien déterminées et circonscrites.
Dans cette optique, ceux qui ne veulent pas toucher aux compétences du Sénat, même s'ils appartiennent à la majorité, mènent un combat d'arrière-garde. Il ne faut pas perdre de vue que, même si tous les articles se rapportant au Sénat sont déclarés soumis à révision, il appartiendra à la nouvelle majorité issue des prochaines élections de décider si elle souhaite exécuter la déclaration de révision et de quelle manière elle compte le faire, et de voir si elle peut réunir une majorité des deux tiers. Il faut donc attendre de voir quelle sera la majorité qui viendra au pouvoir après les prochaines élections.
MM. Hugo Vandenberghe et Luc Van den Brande rétorquent que la majorité ne joue pas franc jeu et qu'elle a conclu un accord secret sur la réforme de la Constitution au cours de la prochaine législature.
M. Patrik Vankrunkelsven récuse formellement cette affirmation.
S'agissant de la proposition visant à composer le Sénat de manière paritaire, il déclare ne pas y être opposé a priori. Tout dépendra des compétences qui seront dévolues au Sénat.
S'agissant de la révision de l'article 195, il se dit surpris par la position du CD&V qui prend exactement le contre-pied des exigences du mouvement flamand. L'intervenant est partisan d'une procédure de révision souple de la Constitution, comme celles qui existent dans d'autres pays, pour que l'on puisse briser le bétonnage de la Constitution, tel qu'il est assuré actuellement par l'article 195. Il plaide donc en faveur d'une révision étalée sur deux sessions au sein d'une même législature, sans élections. Il ne voit aucune objection à ce que l'on y couple la possibilité d'organiser une consultation populaire pour répondre à l'objection éventuelle que le citoyen n'a pas eu l'occasion de se prononcer sur les propositions de révision de la Constitution.
Il rejette par ailleurs les propositions visant à renforcer les conditions de majorité applicables à la révision de la Constitution.
M. Luc Van den Brande déplore que M. Vankrunkelsven défende aujourd'hui avec verve, dans la ligne du nouveau tournant qu'a pris sa carrière politique, le point de vue du gouvernement qui doit quand même aller à l'encontre des convictions qu'il a en tant que Flamand.
Sa déclaration selon laquelle l'opposition du CD&V à une révision de l'article 195 n'est pas un réflexe flamand, prouve qu'il a perdu tout contact avec le mouvement flamand et le Overlegcentrum van de Vlaamse verenigingen (OVV).
Dans un communiqué du 18 mars 2003, l'OVV s'oppose en effet à une révision de l'article 195, parce que la majorité gouvernementale aurait conclu un accord secret en vertu duquel la majorité des deux tiers serait doublée d'une majorité au sein de chaque groupe linguistique. Plusieurs membres de la majorité ont d'ailleurs reconnu l'existence de cet accord secret.
L'intervenant défie M. Vankrunkelsven de rallier le mouvement flamand ou bien de reconnaître que son point de vue est fondé sur des motifs purement pragmatiques, ne repose sur aucun concept institutionnel et tend uniquement à bloquer la dynamique de la réforme de l'État.
M. Vankrunkelsven réplique que le communiqué précité de l'OVV ne reflète en tout cas pas les évolutions qui se sont dessinées au sein du mouvement flamand durant les dernières décennies.
M. Vandenberghe estime que le projet de déclaration de révision de la Constitution du gouvernement est le point d'orgue de l'attitude autoritaire affichée systématiquement par plusieurs membres du gouvernement au cours de la législature qui s'achève. À ses yeux, l'arrogance dont le gouvernement a fait preuve à l'égard du Sénat sous la présente législature est inacceptable pour un État démocratique digne de ce nom.
Aucun sénateur n'a été associé à l'élaboration de l'accord politique du 26 avril 2002. Ce faisant, le gouvernement traite le Sénat moins bien encore qu'une administration subordonnée. Avec ses projets de réforme, le gouvernement condamne le Sénat à un mort lente par strangulation et pousse le supplice jusqu'à demander aux sénateurs des partis de la majorité de contribuer activement à ce lent étouffement.
Pour M. Vandenberghe, il va de soi que le groupe politique auquel il appartient ne prêtera pas son concours à un tel projet. Et l'intervenant de se demander si les sénateurs de la majorité pratiqueront l'éloge de la lâcheté.
Selon lui, la principale innovation du gouvernement actuel aura été l'instauration du « ministère de la Vérité », où « l'orchestre Slangen » joue en permanence, sans tolérer la moindre contradiction. Pour M. Vandenberghe, les mots utilisés par le gouvernement sont empruntés à la « novlangue », en ce sens qu'ils signifient exactement le contraire de ce qu'ils disent. Le gouvernement entend mettre en place une Constitution « novlangue », qui n'a d'autre but que d'écarter toutes les caractéristiques essentielles de l'ordre constitutionnel actuel.
La liste des articles de la Constitution figurant dans le projet de déclaration de révision prouve que la coalition arc-en-ciel actuelle a déjà conclu un accord électoral en vue de la prochaine législature : on peut lire en toutes lettres dans le texte du projet gouvernemental de déclaration de révision de la Constitution que le but est d'exécuter l'accord politique du 26 avril 2002.
L'actuel article 195 de la Constitution prévoit une procédure spéciale pour revoir la Constitution. Cette procédure est subdivisée en trois phases. La première étape est celle au cours de laquelle chaque branche du pouvoir préconstituant déclare, en toute autonomie, quels articles de la Constitution doivent être ouverts à révision.
Selon M. Vandenberghe, l'accord politique du 26 avril 2002 n'est que la traduction de l'obsession institutionnelle du Premier ministre, qui est de supprimer le Sénat.
M. Vandenberghe tient cependant à faire état de quelques calculs économétriques du professeur Rodrick, de l'Université de Harvard, concernant la primauté des institutions et l'impact de leur qualité sur la société. Les calculs effectués ont permis au professeur Rodrick de conclure que les sociétés qui appliquent véritablement le principe de l'État de droit, de manière efficace et adéquate, réalisent de meilleures performances économiques et atteignent une qualité de vie plus élevée. La qualité de la vie et la rentabilité pâtissent de toute improvisation institutionnelle et du fait de modifier à tout propos des lois souvent inutiles et de surcroît souvent illisibles et, partant, inapplicables. Le professeur Rodrick affirme également qu'une évaluation correcte de la qualité des institutions ne peut se faire qu'au travers du droit comparé.
M. Vandenberghe renvoie à ce sujet à l'allocution prononcée par le président du Sénat en introduction à un colloque consacré, en 2002 (1), aux réformes pour le Sénat. Dans son exposé, le président du Sénat a souligné qu'« on assiste dans le monde, depuis la chute du mur de Berlin, la libération des États de la partie centrale et orientale de l'Europe et la marche vers la démocratie de certains pays d'Afrique et d'Asie, à un véritable engouement pour le bicaméralisme. Deux chiffres témoignent de cette vitalité nouvelle du bicaméralisme : en 1970, on dénombrait 45 sénats ou secondes chambres dans le monde, aujourd'hui ils sont 70 et 12 autres sénats sont en gestation.
Le monocaméralisme ne connaîtra jamais cette garantie touchant à la qualité de la législation, même pas à la faveur d'une deuxième lecture. »
M. Vandenberghe fait remarquer que la référence au modèle norvégien que font les partisans d'un système monocaméral avec deuxième lecture ne peut pas être prise au sérieux. Selon les meilleurs constitutionnalistes d'Oslo, dont le professeur Eivind Smith, il apparaît en effet clairement que le dit modèle ne fonctionne pas et que la commission spéciale constituée au sein du Storting se contente d'entériner quelques jours plus tard ce qui a été adopté par l'assemblée plénière (2). Au cours des trente dernières années, il n'aurait été procédé qu'à deux reprises à une deuxième lecture effective.
La démocratie se doit de prendre le temps de décider après mûre réflexion et après une discussion suffisante. Prendre son temps participe, dans un certain nombre de circonstances, de l'essence du processus normal de prise de décision démocratique. Les décisions doivent se prendre de manière raisonnable, ce qui est rarement compatible avec la hâte et la précipitation.
Le plan initial du gouvernement qui visait à réaliser les réformes institutionnelles projetées par l'ouverture à révision du seul article 195 de la Constitution ce qui aurait permis un véritable « strip-tease » constitutionnel s'est toutefois heurté à des objections juridiques insurmontables, selon M. Vandenberghe. Dans cette hypothèse, le constituant suivant aurait pu réviser l'ensemble de la Constitution sans plus aucune entrave. Mais même si l'on ouvre aujourd'hui à révision l'article 195 de la Constitution, les dispositions actuelles de cet article 195 restent applicables. Le constituant sera en effet élu sous la « rigueur » des dispositions de l'article 195 de la Constitution. L'électeur votera sur l'article 195 de la Constitution. Tel est précisément l'effet de la loi dans le temps. L'article 195 de la Constitution sera applicable le 18 mai 2003 (élections fédérales). L'application de l'article 195 de la Constitution implique qu'il pourra être revu au cours de la prochaine législature, mais si l'on n'avait pas indiqué les autres articles ouverts à révision, le constituant n'aurait pu réviser que l'article 195 et pas les autres articles de la Constitution. Dans ce cas, il aurait fallu attendre une législature suivante.
C'est pourquoi le gouvernement a inscrit toute une série d'autres articles dans le projet de déclaration de révision de la Constitution, mais M. Vandenberghe souhaite que le gouvernement précise s'il considère que la modification de l'article 195 de la Constitution permettrait au prochain constituant de revoir aussi d'autres articles de la Constitution même s'ils ne sont pas énumérés dans la déclaration de révision. Jusqu'ici, le gouvernement n'a pas exclu cette possibilité explicitement. M. Vandenberghe souhaite obtenir du ministre des précisions sur ce point.
L'intervenant trouve important que les membres de la majorité puissent, eux aussi, mesurer la portée de leur voix. En d'autres mots, s'ils approuvent la proposition visant à ouvrir à révision l'article 195 de la Constitution, cela implique-t-il que d'autres articles que ceux qui figurent actuellement dans la déclaration de révision pourront être modifiés et qu'ils donnent leur assentiment à un strip-tease constitutionnel ?
M. Vandenberghe estime, sur le fond, que la procédure de révision prévue à l'article 195 est victime d'un mauvais procès. L'allégation selon laquelle l'article 195 entrave la révision de la Constitution est-elle conforme à la vérité ? Les chiffres sont éloquents.
Depuis 1978, les trois branches du pouvoir législatif ont toujours adopté une déclaration de révision.
Depuis 1970, 126 dispositions de la Constitution ont été révisées. De 1831 à 1969, il n'y en a eu que 35.
Quel est le handicap qui empêche de réviser la Constitution ? Le gouvernement n'avance aucun argument à cet égard.
Où réside la force de la procédure actuelle ? M. Vandenberghe fournit les arguments suivants.
Tout d'abord, il y a la déclaration de révision, première étape de la procédure. Elle constitue la première garantie démocratique, qui n'est pas aussi fictive que d'aucuns veulent faire croire. L'électeur peut être sollicité, voire mobilisé, par des candidats et des partis politiques au sujet de l'éventuelle révision de dispositions constitutionnelles qui touchent à nos institutions ou à nos droits fondamentaux. L'argument selon lequel l'électeur n'en a que faire peut être réfuté par un exemple historique. Si la formation du gouvernement a pris autant de temps après les élections de 1991, c'est en raison des déclarations et des exigences divergentes des partis politiques à propos de la révision de la Constitution, qui bloquaient les négociations.
Le fait que la révision de la Constitution se déroule sur deux législatures constitue un minimum démocratique. Selon l'intervenant, les adeptes d'une révision en une seule et même législature font preuve d'une aberration autoritaire. Ce n'est pas une affirmation gratuite. L'histoire, une fois de plus, donne deux bons exemples des catastrophes qui peuvent frapper une démocratie si elle opte pour la révision de la Constitution en une seule phase.
Le premier exemple est celui de la République de Weimar, dans l'Allemagne de l'après-première guerre mondiale, qui reposait sur la notoriété populaire de ses leaders. Quiconque avait un peu de notoriété était ministre, ancien ministre ou candidat ministre. Cette république a implosé. Adolf Hitler a pris le pouvoir parce que la Constitution pouvait être révisée sans que le Parlement allemand ne doive être dissous.
Le deuxième exemple est celui de la troisième République française, qui connaissait également une procédure dans laquelle il suffisait d'une seule législature pour mener à bien une révision de la Constitution. Cela a permis au maréchal Pétain de prendre le pouvoir en juillet 1940 après que le Parlement lui eût cédé tous ses pouvoirs, y compris le pouvoir constitutionnel.
Ces exemples plaident pour une participation démocratique minimale du citoyen à la révision de la Constitution, comme c'est le cas aux Pays-Bas. La Constitution ne peut y être modifiée que si une loi disposant que l'on envisage de réviser la Constitution est adoptée au préalable. Cette loi doit être votée dans la deuxième et dans la première Chambre par au moins la moitié des suffrages émis, plus une voix. Il faut ensuite réunir (en deuxième lecture) une majorité des deux tiers dans chacune des Chambres pour la révision de la Constitution. Et cette proposition ne peut être examinée qu'après de nouvelles élections pour la deuxième Chambre.
La démocratie doit donc, en ce qui concerne les droits démocratiques des citoyens, être soumise au moins à une obligation de stand still et elle ne peut tolérer que ces droits soient démantelés.
M. Vandenberghe estime que la proposition de seconde lecture au cours de la même législature n'a aucune valeur. Il ne peut concevoir qu'après des négociations ardues qui auraient débouché sur un compromis typiquement belge, fait d'équilibres subtils et capable de réunir une majorité des deux tiers, les membres de la même constellation politique puissent, après une période de réflexion, souscrire à un texte nouveau qui obtiendrait une fois encore une majorité des deux tiers. Ce scénario est irréaliste.
D'autant plus qu'outre la majorité des deux tiers, il faudrait également une majorité par groupe linguistique.
La seule chose dont l'intervenant puisse encore se réjouir, c'est que le gouvernement ait abandonné la piste consistant à ne déclarer soumis à révision que l'article 195. Mais si l'objectif du gouvernement est, après la révision de l'article 195 de la Constitution au cours de la prochaine législature, d'encore réviser d'autres articles que ceux qui sont mentionnés dans la déclaration de révision, alors cette déclaration n'a guère de sens et elle n'est que poudre aux yeux pour le Parlement.
M. Vandenberghe est donc curieux de connaître la position du gouvernement à cet égard.
L'intervenant parcourt ensuite les autres dispositions du projet gouvernemental.
Plusieurs d'entre elles ne posent aucun problème. Pour certaines, il émet en revanche une réserve quant à la justification juridique invoquée pour la révision.
Ainsi, la révision de l'article 22 propose de « conférer un effet direct horizontal aux règles relatives à la protection des données à caractère personnel; actuellement, en vertu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), les règles relatives à la protection des données à caractère personnel ne produisent dans l'ordre interne qu'un effet vertical, ces règles ne s'appliquant que dans les rapports entre les particuliers et l'État. Or, il s'indique de prévoir qu'elles s'appliquent également dans les rapports entre particuliers (effet horizontal) » (doc. Sénat, nº 2-1549/1, p. 3).
M. Vandenberghe ne comprend pas cette justification dès lors que la Cour européenne des droits de l'homme ne se prononce jamais sur les effets pour les tiers dans l'ordre juridique interne. À titre d'illustration, il renvoie à la jurisprudence de ladite Cour (Affaires Sunday Times et Malone). Il n'appartient pas à la Cour de se prononcer sur les effets pour les tiers des articles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette tâche incombe non pas à la Cour, mais aux instances judiciaires nationales, en Belgique à la Cour de cassation.
L'idée selon laquelle les libertés et les droits fondamentaux n'auraient pas d'effets pour les tiers est inexacte. Il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que le citoyen peut faire valoir ses droits en ce qui concerne le respect de la vie privée à l'égard de personnes autres que les pouvoirs publics.
L'intervenant s'irrite également de la volonté du gouvernement de réviser plusieurs articles de la Constitution pour tenter de faire du Sénat un lieu d'exil babylonien. Mais en approfondissant les choses, l'intervenant a constaté que le gouvernement n'était pas conséquent dans ses projets, puisqu'il n'a pas inscrit dans sa déclaration de révision de la Constitution l'article 36 de celle-ci, qui dispose que le pouvoir législatif est exercé par la Chambre et le Sénat. Et ce, alors qu'il ressort clairement de l'ouverture à révision d'autres articles de la Constitution que l'on souhaite retirer au Sénat la compétence législative. Aux yeux de l'intervenant, il est absurde que le Sénat exerce le pouvoir législatif et que l'on déclare ensuite des articles de la Constitution soumis à révision pour permettre une deuxième lecture à la Chambre des représentants.
En conclusion, M. Vandenberghe déclare qu'il est important que les institutions se voient octroyer un statut véritablement institutionnel et ne soient pas soumises en permanence à des réformes. Il tient à rappeler que le droit comparé montre que l'on institue une deuxième chambre à titre de garantie démocratique dans un nombre croissant de pays. L'histoire démontre que le Sénat a apporté sa contribution au processus de décision politique, que la réunion des communautés et des instances fédérales au sein d'une deuxième chambre est une chose qui va de soi et que la procédure de révision de l'article 195 de la Constitution, dans l'option fondamentale qui est la sienne, constitue une garantie démocratique. Ce sont, d'après l'intervenant, tous ces éléments démocratiques que le gouvernement voudrait démanteler. Le groupe politique dont il fait partie votera contre les projets gouvernementaux en discussion. En outre, M. Vandenberghe est convaincu qu'au cours de la prochaine législature, il ne se trouvera pas de majorité des 2/3 au Parlement pour mettre à exécution le plan funeste du gouvernement.
M. Armand De Decker déclare qu'à son estime, un projet visant à permettre la réforme du Sénat enjoint forcément au président du Sénat de donner son avis.
Le président aimerait savoir pourquoi une nouvelle transformation du Sénat semble tellement nécessaire et fondamentale aux yeux du gouvernement. L'idée de mettre fin au bicaméralisme en fusionnant Chambre et Sénat a été lancée par le premier ministre sans aucune concertation avec les sénateurs. Après être venu exposer son point de vue au Sénat, il a, semble-t-il, conclu des différentes réactions que l'idée était irréaliste et n'obtiendrait pas le soutien de deux tiers des sénateurs.
Le gouvernement a donc transformé son projet de suppression du Sénat en une proposition de réforme de celui-ci. Il convient de souligner que l'article 36 de la Constitution n'est pas ouvert à révision : le Sénat ne pourra donc être exclu de l'exercice du pouvoir législatif. N'est pas non plus ouvert à révision l'article 75, alinéa 1er, qui dispose que le droit d'initiative appartient à chacune des branches du pouvoir législatif fédéral.
Cela étant, les motivations profondes d'une nouvelle réforme du Sénat n'apparaissent pas.
En 1993, on a essayé de maintenir au Sénat un rôle qu'il a toujours joué, à savoir celui d'une chambre de réflexion. Celle-ci se penche sur les législations les plus difficiles et prend l'initiative de légiférer sur des sujets trop sensibles pour que le gouvernement ou la Chambre des représentants en prenne l'initiative. Au cours des quarante dernières années, les législations sur la filiation, l'adoption, le divorce, l'avortement, l'euthanasie, les questions bioéthiques, ont toutes été traitées à l'initiative de sénateurs.
Certes, le Sénat conservera son droit d'initiative. Mais dans la réforme envisagée, le Sénat serait désormais composé de membres issus des parlements régionaux et communautaires. Comment ces parlementaires pourront-ils continuer à examiner de manière approfondie de grandes questions de société ?
Le Sénat a également toujours eu pour mission de veiller à la qualité des lois. Il s'est souvent bien acquitté de cette tâche. Ne prenons que l'exemple du projet de loi sur les ASBL qui, après avoir été évoqué par le Sénat, a été complètement réécrit par un groupe de travail constitué à cette fin. Après avoir été adopté par le Sénat, il l'a été à l'unanimité par la Chambre.
Pour compenser le fait que le Sénat ne pourra plus jouer ce rôle, la réforme envisage d'instaurer une seconde lecture à la Chambre. Un tel système existe notamment en Norvège qui a renoncé au bicaméralisme dans les années soixante. Or, le professeur Eivind Smith, éminent constitutionnaliste norvégien, a expliqué au Sénat belge que la seconde lecture par les mêmes élus n'en est pas vraiment une et n'apporte jamais d'amélioration des textes.
Les traités internationaux seraient désormais approuvés par le Sénat uniquement, moyennant possibilité d'évocation par les entités fédérées. La procédure s'en verrait certes accélérée. Mais concrètement, cela signifie que les traités internationaux qui sont l'expression légale d'une politique étrangère seraient approuvés par des élus régionaux et communautaires. Il est un peu paradoxal de soumettre la politique étrangère du ministre fédéral à des élus correspondant à un autre niveau de pouvoir.
Le président ajoute que, comme l'a signalé un orateur précédent, au fur et à mesure de la démocratisation ces vingt dernières années, le nombre de deuxièmes chambres dans le monde a presque doublé. On est passé de 45 sénats en 1970 à 70 aujourd'hui. Libérés du communisme, les pays de l'Est se sont hâtés de rétablir le bicaméralisme.
Enfin, on va sans doute utiliser comme argument le fait que le Sénat n'a pas joué suffisamment son rôle de lieu de rencontre des communautés et régions. Évidemment, seuls 21 sénateurs sur 71 représentent les communautés et régions. Dans un État fédéral, cette proportion devrait sans doute être plus importante. Le Bundesrat allemand, par exemple, est composé essentiellement de ministres des Länder, mais il a aussi beaucoup plus de pouvoirs que ce qui est envisagé pour le Sénat belge. Ainsi, le Bundesrat rend des avis sur le budget fédéral ou encore des avis préalables sur les projets de loi déposés par le gouvernement. Suivre la logique allemande impliquerait donc un renforcement des compétences du Sénat.
M. De Decker interroge par conséquent le ministre sur les raisons qu'il y aurait de modifier le Sénat actuel.
L'article 195 de la Constitution figure dans la liste des dispositions ouvertes à révision par le projet, malgré les propos qu'ont tenus récemment de nombreuses personnalités sur le sujet. Certains partis exigent le maintien d'élections entre les deux phases de révision de la Constitution. Le président estime, lui aussi, qu'il faut continuer à solliciter l'avis de l'électeur.
Il est vrai que la plupart des élections ne portent pas nécessairement sur les réformes de l'État, mais cela serait possible. Imaginons qu'une majorité particulière veuille remettre en cause le titre II consacrant les droits et libertés ou qu'une majorité veuille revoir le principe d'une Belgique à trois régions au profit de deux entités seulement. Dans ces hypothèses, les élections ne porteraient que sur ce sujet.
Les élections restent la seule garantie démocratique fondamentale d'une révision de la Constitution. L'introduction d'un délai entre la déclaration de révision et la révision elle-même, ou encore l'exigence d'une majorité spéciale pour arrêter la liste des dispositions ouvertes à révision, ne répondent pas à cette préoccupation fondamentale.
Si l'on modifie le Sénat avant les élections régionales et communautaires de 2004, les élus des entités fédérées seront amenés à composer le nouveau Sénat. Entre-temps, les quarante sénateurs élus directs iraient siéger à la Chambre. Comment, au regard de la Constitution, pourrait-on faire siéger en tant que députés des parlementaires qui ont été élus comme sénateurs ?
Le président conclut en déclarant que, pour toutes ces raisons, la réforme du Sénat et la révision de l'article 195 envisagées lui semblent constituer une régression démocratique.
M. Vandenberghe ajoute que les dispositions constitutionnelles portant sur les compétences des communautés et des régions et celles relatives aux conseils de communauté et de région n'ont pas été déclarées soumises à révision dans le projet du gouvernement. Il se demande s'il ne s'agit pas d'un oubli, compte tenu de ce que le gouvernement a l'intention d'attribuer des compétences nouvelles aux membres des conseils de communauté et de région, en fonction de la composition d'un Sénat paritaire.
M. Van den Brande ajoute que le gouvernement envisage de réformer le bicaméralisme fédéral sans s'interroger sur la place qu'occuperont les communautés et les régions. L'intervenant estime qu'il faut d'abord se prononcer sur la place future de ces communautés et régions et se concerter ensuite sur la position future du Sénat dans un système bicaméral.
Enfin, M. Van den Brande souligne qu'en ce qui concerne la question des traités mixtes, la plupart des traités européens sont de ce type. En ce qui concerne l'aspect exécutif, il y a, aux termes de l'article 146 de la Constitution, une rotation basée sur quatre listes de compétences : les compétences exclusives, les compétences essentiellement fédérales exercées en partenariat avec les communautés et les régions , les compétences exclusives des communautés et des régions et les compétences essentiellement communautaires et régionales. Les projets du gouvernement en vertu desquels le Sénat obtiendrait une compétence exclusive en matière de traités mixtes vont à l'encontre du principe de l'absence de hiérarchie des normes et de l'autonomie acquise par les gouvernements régionaux et communautaires.
Le ministre de la Fonction publique et de la Modernisation de l'administration, M. Van den Bossche, rappelle la procédure de révision de la Constitution, telle qu'elle est prévue par l'article 195 actuel de la Constitution : en ce qui concerne la déclaration de révision de la Constitution, seule importe, du point de vue juridique, l'énumération des articles de la Constitution. La compétence du préconstituant ne va pas au-delà. Les chambres constituantes installées à l'issue des élections, sont tenues de respecter cette liste. Après les élections, il faudra essayer de trouver, au Parlement, la majorité des deux tiers requise pour réaliser les réformes envisagées par le gouvernement. Peut-être le prochain gouvernement devra-t-il chercher au Parlement un appui pour atteindre cette majorité des deux tiers. Les récentes révisions de la Constitution ont montré qu'en réalité, une telle procédure n'est plus jamais l'affaire du seul gouvernement.
En ce qui concerne les diverses questions posées par les membres de la commission sur le contenu concret de la révision de la Constitution, le ministre rappelle que ce n'est pas le gouvernement actuel qui peut déterminer aujourd'hui quelles seront les intentions du constituant. Suffisamment d'exemples l'ont démontré dans le passé.
Le seul acte que puisse poser le préconstituant est de reprendre expressément ou de ne pas prendre expressément un article de la Constitution dans la liste des articles déclarés soumis à révision. Ainsi par exemple le projet de déclaration de révision de la Constitution du gouvernement ne déclare pas soumis à révision un certain nombre d'articles relatifs au Sénat (notamment l'article 36).
Cela n'empêche pas les divers groupes politiques de déjà réfléchir à la manière de réviser au mieux, selon eux, les articles déclarés soumis à révision. Après les élections, le constituant devra rechercher une majorité des deux tiers qui soit le plus grand dénominateur commun des divers points de vue qui pourraient exister au sein des divers groupes politiques. Pour le ministre, la discussion politique peut certes avoir lieu maintenant, mais elle devra de toute manière être refaite par le constituant.
Mme Willame-Boonen est très mécontente de la réponse extrêmement succincte donnée par le ministre aux nombreuses questions qui ont été posées par les membres. Elle constate que le ministre n'a répondu à aucune question des commissaires, ni du président du Sénat, en particulier en ce qui concerne les intentions du gouvernement à propos de la réforme du Sénat.
Qui plus est, elle attire l'attention sur le fait que le projet de déclaration de révision de la Constitution du gouvernement (doc. Sénat, nº 2-1549/1) ne contient même pas d'exposé des motifs.
Personnellement, elle estime que le projet de déclaration de révision de la Constitution est beaucoup trop vaste et même qu'il présente un danger à long terme pour la démocratie parlementaire, vu le coup de force que le gouvernement veut réaliser sur le Parlement.
Le ministre rappelle la procédure prévue à l'article 195 de la Constitution, souligne que le préconstituant ne dispose que de pouvoirs limités et attire l'attention sur le fait que le gouvernement, en faisant preuve de prudence dans ses prises de position, adopte une attitude légaliste.
Le ministre comprend l'argument de Mme Willame-Boonen et rappelle que c'est aux parlementaires eux-mêmes qu'il appartient de se prononcer en âme et conscience sur la liste des articles de la Constitution qui doivent être soumis à révision, que le gouvernement présente aujourd'hui. En outre, il rappelle l'autonomie dont disposera le prochain constituant par rapport aux intentions du préconstituant actuel.
M. Lozie estime que l'approche juridique du ministre est correcte. Pourtant, le projet de déclaration de révision de la Constitution du gouvernement en dit long sur ses intentions. Si un parlementaire n'est pas d'accord avec ces intentions, il n'a d'autre choix que de rejeter l'inscription de certains articles de la Constitution dans le projet de déclaration. M. Lozie renvoie par exemple au projet de soumettre à révision le chapitre Ier, du titre III de la Constitution pour y insérer un nouvel article relatif à l'adoption des lois après une seconde lecture. Pour M. Lozie, ce serait inacceptable car cela permettrait de supprimer le Sénat en tant que chambre de réflexion.
Il cite également d'autres exemples : la disposition relative au droit d'enquête du Sénat, la mise en révision de l'article 75, alinéa 3, de la Constitution, les dispositions concernant la relation entre le gouvernement et le Sénat et, enfin, celles qui ont trait à la compétence du Sénat en matière de conflits d'intérêts.
Selon M. Lozie, le gouvernement a pris lui-même un risque en ne négociant pas au préalable avec le Sénat l'accord politique du 26 avril 2002.
Le ministre réplique que par le passé, le gouvernement n'a jamais négocié préalablement avec le Parlement la rédaction du projet de déclaration de la Constitution.
M. Van den Brande conteste cette affirmation.
En outre, le ministre attire l'attention sur le fait que la rédaction de la liste des articles soumis à révision est traditionnellement une question complexe : il y a toujours eu des articles de la Constitution dont tout le monde estimait qu'ils devaient être révisés, des articles suscitant une telle controverse qu'ils n'ont pas pu figurer dans la déclaration de révision de la Constitution et, enfin, une liste d'articles pour lesquels au moment de la déclaration de révision, il n'existait pas encore une majorité des deux tiers au Parlement sur la manière de les réviser. Un bel exemple en est, selon le ministre, la révision de l'ancien article 17 (devenu l'article 24) de la Constitution concernant le droit à la liberté et à l'égalité de l'enseignement en 1988.
M. Vandenberghe tient à souligner que l'attitude du gouvernement actuel à l'égard du Sénat est fondamentalement diférente de celle adoptée par les gouvernements précédents lorsqu'ils prenaient position en matière de révision de la Constitution. À l'époque, les premiers ministres sortants ne s'engageaient pas personnellement à exécuter un projet dissimulé derrière les articles à revoir. Le premier ministre actuel a dit pendant deux ans qu'il supprimerait le Sénat. La loi électorale a déjà été adaptée dans cette optique. Selon l'intervenant, le premier ministre considère d'ores et déjà la suppression du Sénat comme acquise.
M. Vandenberghe souhaiterait que le ministre lui confirme s'il peut déduire des propos de celui-ci que, même si l'article 195 de la Constitution est revu au cours de la prochaine législature, cette ouverture à révision ne saurait signifier que l'on puisse revoir d'autres articles de la Constitution que ceux mentionnés dans le projet de déclaration de révision de la Constitution.
Le ministre répond qu'il appartiendra au nouveau constituant de répondre à cette question. Son opinion personnelle est plutôt dictée par la prudence.
M. Vandenberghe prend acte du fait que le ministre ne peut donner aucune confirmation; il invite dès lors les sénateurs de la majorité à se demander si dans ces conditions, ils sont disposés à voter l'ouverture à révision de l'article 195 de la Constitution.
M. Cheron estime pour sa part que le débat mené actuellement en commission n'a qu'une teneur virtuelle, vu la compétence limitée du préconstituant et la compétence du constituant. Nul ne sait aujourd'hui quelle sera la composition politique du prochain gouvernement.
Il souhaite en outre rappeler que l'article 195 actuel de la Constitution ne peut être considéré comme parfait. Aujourd'hui, par exemple, il ne peut être exclu qu'un constituant revoie une disposition constitutionnelle dans un sens diamétralement opposé à celui visé par le préconstituant qui a déclaré cet article ouvert à révision.
M. Cheron a en outre constaté qu'en ce qui concerne la réforme du Sénat, l'article 36 de la Constitution n'a pas été déclaré ouvert à révision.
Les partis de la majorité actuelle ont effectivement conclu un accord politique sur la réforme du Sénat. Cet accord a le mérite d'avoir permis de dégager un compromis entre deux visions de l'avenir du Sénat, à savoir, d'une part, un Sénat paritaire et, d'autre part, un Sénat aux compétences restreintes.
Selon l'intervenant, le débat relatif aux futures compétences du Sénat reste ouvert. M. Cheron estime que l'accord politique du 26 avril 2002 a été relativement bien traduit dans le projet de déclaration de révision de la Constitution.
Le véritable débat sur la réforme du Sénat sera mené par le nouveau constituant.
La preuve en est que, sur la vingtaine d'articles inscrits dans la déclaration de révision de la Constitution de 1999, quatre seulement ont été effectivement revus au cours de la présente législature.
Pour ce qui est de la révision de l'article 195 de la Constitution, le groupe politique de l'intervenant estime que le projet prévoit des balises claires, que ce soit sous la forme de majorités spéciales ou de périodes de réflexion. Mais selon M. Cheron, le problème de l'article 195 actuel de la Constitution réside dans le fait que le préconstituant ne peut pas lier le constituant. En outre, la révision de l'article 195 de la Constitution devra, selon M. Cheron, offrir suffisamment de garanties pour la minorité francophone. L'intervenant précise toutefois qu'il ne perdrait pas le sommeil si le constituant ne parvenait pas à revoir l'actuel article 195 de la Constitution.
De la réponse du ministre, M. Van den Brande tire la conclusion que la déclaration de révision de l'article 195 de la Constitution n'est pas innocente. La différence fondamentale entre la présente déclaration de révision de la Constitution et la précédente est qu'il y a à la base de celle présentement soumise un projet politique. L'intervenant en prend acte. Il aurait éventuellement pu se retrouver dans une déclaration de révision de l'article 195 de la Constitution dans laquelle le gouvernement aurait proposé un article 195bis de la Constitution.
Mais selon l'intervenant, la seule conclusion que l'on puisse tirer du fait que le projet de déclaration de révision de la Constitution soumet à révision l'article 195 de la Constitution ainsi que toute une série d'articles de notre loi fondamentale est que les articles de la Constitution qui ne figurent pas pour l'instant sur la liste des articles soumis à révision ne pourront pas être révisés par le prochain constituant, fût-ce sur la base d'un nouvel article 195 de la Constitution.
Le présent projet de déclaration de révision de la Constitution du gouvernement se caractérise par le fait que l'on abuse des institutions, que l'on met en péril le processus décisionnel démocratique et que l'on ne consulte pas l'électeur pour réaliser de manière obsessionnelle un projet politique.
Il existe, aux yeux de M. Van den Brande, d'autres manières d'aboutir à une simplification de la procédure de révision de la Constitution. À cet égard, M. Van den Brande se réfère une fois encore au système néerlandais de révision de la Constitution, dans lequel les articles constitutionnels n'entrent en vigueur qu'après consultation de l'électeur.
M. Jean-François Istasse déclare que son groupe politique adopte une position nuancée sur le projet de déclaration de révision de la Constitution.
Beaucoup d'articles ne posent pas de problèmes et certaines modifications constitueront même des avancées réelles dans certains domaines.
En ce qui concerne la réforme du Sénat, l'orateur partage les préoccupations exprimées par le président du Sénat et ses interrogations sur les motifs qui pourraient justifier une telle réforme. Les questions posées au gouvernement sont évidemment fondamentales. Il est utile de rappeler qu'il faudra sous la prochaine législature trouver au Sénat une majorité des deux tiers pour pouvoir modifier le Sénat.
Si l'article 195 est modifié, il est évident que les francophones perdront la garantie que constitue l'étape électorale. Il ne faut toutefois pas exagérer l'importance de cette perte. Notons que si l'opposition francophone accuse la majorité de trahir les francophones, l'opposition néerlandophone adresse le même reproche aux élus flamands ! En 1999, ce n'est pas en fonction de la liste des articles ouverts à révision que les groupes Écolo ou VLD ont remporté les élections.
En tout état de cause, le groupe politique de M. Istasse veillera lors de la prochaine législature, à ce que la Constitution demeure la norme juridique la mieux protégée. La Constitution doit rester au sommet dans la hiérarchie des normes car c'est la norme fondamentale qui contient les mécanismes de protection des minorités.
Si le groupe PS ne sous-estime pas ces questions, il n'est néanmoins pas demandeur en ces matières, préférant mettre l'accent sur les priorités économiques et sociale, la justice et les soins de santé. Il sera malgré tout extrêmement vigilant dans la défense des droits des francophones.
Le vote que l'intervenant lui-même exprimera en faveur du projet reflète la loyauté et la confiance en ce gouvernement. Mais en considération des risques qui sont pris pour la prochaine législature, les membres du groupe exprimeront des votes partagés.
Article 1er
MM. Roelants du Vivier et Monfils déposent un amendement nº 2 (doc. Sénat, nº 2-1549/2) en vue d'ajouter à cet article de la Constitution un second alinéa qui inscrit le principe de la laïcité.
M. Monfils renvoie à sa justification écrite. Quand bien même cette question a été longuement discutée et qu'il est clair qu'il y a une séparation totale entre l'État et les cultes, il ne semble pas inutile d'attirer l'attention sur ce principe et de l'inscrire dans la Constitution, comme c'est le cas en France et ailleurs.
L'amendement nº 2 est rejeté par 7 voix contre 3 et 1 abstention.
M. Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article en question de la Constitution (doc. Sénat nº 2-1547/1). Un des objectifs de la proposition de déclaration de révision de la Constitution est d'instaurer un modèle confédéral. Même si, en théorie, l'on peut discuter du principe de la confédération, il est clair que le système politique actuel est très hybride.
Indépendamment de cela, et l'article 35 constitue l'article charnière en la matière, l'intervenant estime qu'il n'est pas indiqué de continuer à traduire le développement historique des communautés et des régions dans les dispositions constitutionnelles.
L'article premier de la Constitution dispose que la Belgique se compose de communautés et de régions. Pour rendre la structure de l'État claire, il faudrait commencer par expliquer dans ledit article de la Constitution ce que cela signifie. Il serait plus utile de déclarer l'article 1er soumis à révision en vue d'ancrer expressément l'idée confédérale dans la Constitution, avec une référence aux deux entités confédérées, la Flandre et la Wallonie, et aux deux régions, Bruxelles et la communauté germanophone.
L'intervenant regrette en outre que le gouvernement n'indique pas clairement dans quelle voie il souhaite s'engager en la matière. La démocratie doit pourtant être transparente et l'intervenant déclare être fondamentalement opposé à un brouillard constitutionnel.
C'est pour cette raison qu'il importe de déclarer l'article 1er de la Constitution soumis à révision. La proposition de déclaration de révision des articles 2 et 3 de M. Van den Brande et consorts a été déposée dans le même esprit.
La proposition de M. Van den Brande et consorts est rejetée par 9 voix contre 3.
Article 2
M. Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu de réviser cet article de la Constitution (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
Cette proposition est rejetée par 8 voix contre 3, et 1 abstention.
Article 3
M. Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu de réviser cet article de la Constitution (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
M. Van den Brande précise qu'il faut déclarer l'article 3 soumis à révision pour affirmer clairement qu'en Flandre, il y a un seul gouvernement, un seul Parlement, un seul budget et une seule administration, alors que la Wallonie a posé un tout autre choix. En termes d'autonomie, on entend uniquement constater que les deux parties du pays avancent dans des directions totalement opposées.
Le président rappelle que l'article 3 précise que la Belgique comprend 3 régions, la région wallonne, la Région flamande et la Région bruxelloise.
La proposition de M. Van den Brande et consorts est rejetée par 9 voix contre 3.
Article 4
M. Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu de réviser cet article de la Constitution (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
On entend élaborer un concept confédéral sur la base du principe de subsidiarité.
La proposition de M. Van den Brande et consorts est rejetée par 10 voix contre 3.
Article 5
M. Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu de réviser cet article de la Constitution (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
La proposition de M. Van den Brande et consorts est rejetée par 10 voix contre 3.
Article 6
M. Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu de réviser cet article de la Constitution (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
M. Van den Brande estime qu'il faut éviter de prévoir un trop grand nombre de niveaux administratifs sans porter toutefois préjudice à la bonne administration. Ce problème se pose très clairement en ce qui concerne l'arrondissement administratif de Bruxelles.
La réalité sociologique et institutionnelle ainsi que le morcellement des niveaux politique montrent que le système des provinces doit être revu.
La proposition de M. Van den Brande et consorts est rejetée par 10 voix contre 3.
Article 7
M. Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article en question de la Constitution (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
M. Van den Brande renvoie à sa justification écrite (doc. Sénat, nº 2-1547/1, pp. 2, 3 et 6).
La proposition de M. Van den Brande et consorts est rejetée par 9 voix contre 3.
Titre Ierbis
Le gouvernement propose d'insérer un article nouveau dans un nouveau titre Ierbis relatif au développement durable comme objectif de politique générale (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Le ministre souligne que le gouvernement a l'intention de jouer lui aussi un rôle moteur et de prendre l'engagement de contribuer aux progrès du développement durable au niveau international. La Belgique deviendrait ainsi un des pionniers à l'échelle mondiale. Il s'agit d'un projet politique de très grande actualité. En inscrivant la notion de développement durable dans la Constitution, la Belgique rejoindrait cinq autres États qui ont déjà introduit cette notion dans la leur.
M. Van den Brande confirme qu'il y a un consensus absolu sur le principe du développement durable.
Il s'agit toutefois d'une notion politique et il émet des réticences sur la formulation telle que proposée par le gouvernement.
M. Cheron estime que l'idée suggérée est extrêmement positive et qu'il faudra certes la développer juridiquement sous le prochain gouvernement. Mais il est clair que l'inscription du principe du développement durable dans la constitution ne peut que réjouir les écologistes.
Mme Willame-Boonen rappelle que son groupe est certainement pour l'ajout d'un certain nombre de principes dans la Constitution dés lors qu'ils ont l'importance du développement durable. Toutefois, et c'est la raison pour laquelle elle s'abstiendra, il est incohérent de placer ce principe dans le titre Ier qui ne serait pas soumis au contrôle de la Cour d'Arbitrage. Ce n'est pas la bonne place pour un tel principe. La bonne place serait le titre II de la Constitution.
Le ministre rapelle que le gouvernement demande dans son projet de déclaration de révision que l'article 142 soit déclaré à révision et la compétence de la Cour d'Arbitrage sera donc fortement élargie.
Mme Willame-Boonen réplique qu'à ce jour, les compétences de la Cour d'Arbitrage ne s'étendent pas au titre Ier et qu'il n'est pas encore certain que sa compétence sera élargie.
La proposition du gouvernement est adoptée par 8 voix et 4 abstentions.
Titre II
a. Le gouvernement propose la révision du titre II de la Constitution en vue d'y insérer des dispositions nouvelles permettant d'assurer la protection des droits et libertés garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) (doc. Sénat, nº 1549/1).
Le ministre déclare que le projet se contente de reprendre ce qui était prévu dans la déclaration de révision de la Constitution de 1999.
M. Van den Brande se dit naturellement en faveur du principe formulé ici, mais il fait remarquer que la nouvelle loi sur la Cour d'arbitrage le permet déjà. C'est pourquoi son groupe politique s'abstiendra.
M. Van Hauthem rappelle que l'insertion de la CEDH dans la Constitution a déjà fait l'objet de débats au cours de cette législature. Des constitutionnalistes et des magistrats de la Cour ont été entendus et il ressortait de ces auditions qu'une telle insertion dans la Constitution soulèverait de nombreuses difficultés, notamment quant aux rapports avec les droits consacrés par les autres traités internationaux. C'est pourquoi il avait été décidé finalement d'étendre les compétences de la Cour d'arbitrage au titre II, mais sans y insérer la Convention européenne des droits de l'homme.
Le président confirme que la commission des Affaires institutionnelles du Sénat a rejeté la proposition parce que l'on pouvait craindre qu'elle n'ait pour conséquence un affaiblissement de la protection des droits des citoyens. Il semblait préférable de laisser coexister les droits consacrés par la Constitution et ceux garantis par la CEDH. Cela ne signifie pas que la disposition ne doive plus être ouverte à révision pour laisser la possiblité d'un éventuel nouvel examen.
La proposition du gouvernement est adoptée par 9 voix et 4 abstentions.
b. Le gouvernement propose la révision du titre II de la Constitution en vue d'y insérer un article nouveau relatif à l'abolition de la peine de mort (doc. Sénat, nº 1549/1).
La proposition du gouvernement est adoptée par 13 voix et 1 abstention.
c. Le gouvernement propose la révision du titre II de la Constitution en vue d'y insérer un article nouveau permettant de garantir la jouissance des droits et libertés aux personnes handicapées (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
M. Vandenberghe demande quelle est la raison qui justifie une disposition spécifique pour les handicapés et quels handicaps on vise.
M. Van den Brande estime que sur le fond, la proposition doit être saluée. Le constituant a déjà eu une telle démarche, par exemple en consacrant expressément l'égalité des femmes et des hommes. Le constituant se montre ainsi sensible aux tendances de la société et les inscrit dans la Constitution. Mais sur le plan technique et juridique, ce genre de disposition est superflue. Les articles 10 et 11 de la Constitution suffisent amplement à garantir les droits des femmes ou, maintenant, des handicapés.
Mme Willame-Boonen réplique que les femmes ne constituent pas une minorité comme les handicapés. Les femmes représentent la moitié de la population.
La proposition du gouvernement est adoptée par 13 voix et 1 abstention.
d. Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 22bis de la Constitution en vue d'ajouter un alinéa relatif à la protection des droits complémentaires de l'enfant (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Le ministre précise que cette proposition est inspirée par des déclarations d'intention expresses faites à la Chambre des représentants et au Sénat.
Mme de Bethune et consorts déclarent qu'il y a lieu à révision du titre II de la Constitution, en vue d'y insérer des dispositions nouvelles relatives aux droits de l'enfant (doc. Sénat, nº 2-327/1).
M. Van den Brande déclare qu'il y a lieu à révision de l'article en question de la Constitution en vue d'insérer les droits de l'enfant dans la Constitution de manière proactive et globale (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
M. Van den Brande précise que sa proposition a une finalité identique à celle du gouverneent, mais que la proposition de Mme de Bethune et consorts est plus large en ce sens qu'elle entend insérer les droits de l'enfant dans la Constitution en tant que droits constitutionnels à contrôler.
La proposition du gouvernement a été adoptée à l'unanimité des 14 membres présents.
À la suite de l'adoption de la proposition du gouvernement, les propositions de Mme de Bethune et consorts (nº 2-327/1) et de M. Van den Brande et consorts (nº 2-1547/1) deviennent sans objet.
e. Mme Nagy et consorts déposent l'amendement nº 4 (doc. Sénat, nº 2-1549/2), visant à déclarer qu'il y a lieu à révision du titre II de la Constitution en vue d'y insérer un article permettant de priver les groupements liberticides du bénéfice des subventions, moyens et mandats octroyés à des groupements politiques, économiques, sociaux ou culturels en raison des services qu'ils rendent à la collectivité.
MM. Cornil, Happart et Istasse déposent l'amendement nº 6 (doc. Sénat, nº 2-1549/2) dont la portée est identique.
Ces deux amendements ont tout à fait la même portée que la proposition de déclaration de révision du titre II de la Constitution, en vue d'y insérer un article nouveau permettant de priver les groupements liberticides du bénéfice des subventions, moyens et mandats octroyés à des groupements politiques, économiques, sociaux ou culturels en raison des services qu'ils rendent à la collectivité, déposée par Mme Nagy et M. Cornil (doc. Sénat, nº 2-870/1).
M. Cheron, coauteur de l'amendement nº 4, explique que celui-ci est inspiré par le souci de lutter contre les partis politiques et les autres groupements qui sont hostiles aux principes de la démocratie. Il précise que cet amendement doit être lu conjointement avec l'amendement nº 5 de Mme Nagy et consorts (doc. Sénat, nº 2-1549/2), qui tend à déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 142 de la Constitution, en vue d'étendre les compétences de la Cour d'arbitrage notamment au contrôle de la conformité à la Constitution du nouvel article de celle-ci qui concerne l'exclusion des groupements liberticides du bénéfice des subventions, moyens et mandats octroyés à des groupements politiques, économiques, sociaux ou culturels en raison des services qu'ils rendent à la communauté.
M. Monfils renvoie à cet égard à l'amendement nº 1 (doc. Sénat, nº 2-1549/2), qui a été déposé par M. Roelants du Vivier et lui-même et qui tend à déclarer qu'il y a lieu d'insérer un article 147bis (nouveau) dans la Constitution.
En vue d'inscrire dans l'ordre constitutionnel belge la possibilité pour la Cour de cassation de prononcer la privation de certains avantages légaux et, à tout le moins, de leur financement, des partis politiques attestant, par leur propre fait ou à travers la conduite de leurs membres qu'ils ont autorisée ou approuvée, de manière manifeste et à travers plusieurs indices concordants, leur hostilité envers les principes de la démocratie tels qu'ils sont énoncés, notamment par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. Monfils demande explicitement que son amendement soit soutenu et souligne qu'un amendement identique, déposé par M. Maingain, a été adopté en commission de révision de la Constitution et de la réforme des institutions de la Chambre des représentants (doc. Chambre, nº 50-2389/3).
M. Van den Brande évoque la manière dont la Cour constitutionnelle fédérale allemande (Bundesverfassungsgericht) a abordé la présente problématique, en envisageant deux possibilités : soit en plaide pour l'égalité de traitement en démocratie, soit on interdit certains groupements pour diverses raisons, telles que des déclarations contraires à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Selon l'intervenant, les présents amendements sont imparfaits et ils n'entraîneraient certainement pas l'instauration d'un système adéquat de lutte contre les forces non démocratiques. Pour ces raisons, il se dit opposé aux amendements proposés.
Mme Willame-Boonen annonce qu'elle s'abstiendra pour les raisons suivantes.
Cette abstention n'est pas justifié par un refus d'instaurer un tel mécanisme. Elle est justifiée par la volonté de mettre en oeuvre le mécanisme qui existe déjà.
En effet, la loi du 12 février 1999, adoptée sous la précédente législature, a attribué au Conseil d'État le soin de se prononcer sur les demandes de suppression du financement public des partis non démocratiques. Malgré les nombreuses initiatives du groupe politique auquelle Mme Willame-Boonen appartient (questions, interpellations et propositions) et les nombreuses promesses du ministre de l'Intérieur, le gouvernement arc-en-ciel est resté en défaut d'adopter l'arrêté royal ou la loi nécessaire à mettre en oeuvre cette loi de 1999.
En proposant d'inscrire dans la déclaration de révision de la Constitution une disposition attribuant cette compétence à une autre juridiction, les partis francophones de la majorité condamnent la loi de 1999 à rester inappliquée. En effet, elle permet aux adversaires de cette loi de prétexter de la nécessité d'attendre la révision de la Constitution et l'attribution de la compétence à la Cour de cassation pour justifier l'inapplication de la loi de 1999.
Par ailleurs, Mme Willame-Boonen ne perçoit pas ce qui justifierait l'attribution de cette compétence à la Cour de cassation ou à la Cour d'arbitrage plutôt qu'au Conseil d'État. Il est, en effet, à craindre que l'attribution de la compétence à la Cour de cassation ou à la Cour d'arbitrage puisse être considérée comme contraire à la Convention européenne des droits de l'homme puisqu'il s'agirait d'octroyer à la Cour de cassation une compétence exceptionnelle qui prive l'accusé du double degré de juridiction. Un tel système avait été condamné par la Cour européenne pour ce qui concerne le jugement des ministres ce qui avait contraint le constituant à le modifier.
Madame Willame-Boonen considère donc que les amendements sont contre-productifs par rapport aux objectifs avoués et sont donc démagogiques. Ils visent à masquer les carences graves du gouvernement en la matière, qui ont encore été aggravées par l'arrêt de la Cour d'arbitrage qui vient d'annuler le système « ABS » bruxellois.
Cette démagogie et l'inconséquence juridique des partis de la majorité ne font-elles pas, en fait, le jeu de ceux qu'ils prétendent combattre ?
Madame Taelman abonde dans le sens des intervenants précédents et annonce qu'elle rejetta les amendements.
M. Van Hauthem estime que les amendements ne visent qu'à donner un ancrage constitutionnel à la « sale guerre » menée depuis des années contre le parti politique dont il est membre.
L'amendement nº 4 de Mme Nagy et consorts est rejeté par 8 voix contre 5 et 2 abstentions. En conséquence, la proposition de Mme Nagy et M. Cornil (doc. Sénat, nº 2-870/1) devient sans objet.
L'amendement nº 6 de M. Istasse et consorts est rejeté par 8 voix contre 5 et 2 abstentions.
f. M. Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu d'insérer dans le titre II un article 12bis concernant le droit fondamental à la sécurité (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
Dans une approche évolutive des droits fondamentaux garantis par le titre II de la Constitution, il convient d'insérer, dans la Constitution, un nouvel article qui prévoie que la protection des personnes constitue une priorité. En effet, le souci de veiller à la sécurité des personnes et des biens doit être l'une des priorités constantes de l'ensemble des pouvoirs publics. Selon l'intervenant, la notion de « sécurité » est conçue, en l'espèce, de manière objective.
La proposition de M. Van den Brande et consorts est rejetée par 10 voix contre 4.
g. M. Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu d'insérer dans le titre II un article 23bis, en vue de confirmer les droits économiques fondamentaux.
Depuis la révision de la Constitution de 1993-1994, on s'est employé à intégrer les droits sociaux, économiques et culturels ou les droits fondamentaux de la deuxième génération dans notre Constitution. Selon M. Van den Brande, il faut saluer cette évolution et il convient de poursuivre cette intégration dans le cadre d'une codification constitutionnelle des principes fondamentaux de la structure de notre État. Un aspect de cette intégration réside assurément dans la consécration formelle des droits économiques fondamentaux, tels que la liberté d'entreprendre, dans un article 23bis parallèle, qui pourrait également faire référence aux principes de la croissance durable et non inflationniste, du haut degré de compétitivité, etc., visés à l'article 2 du traité sur l'Union européenne.
Dans la foulée de la proposition du gouvernement visant à inscrire dans la Constitution le développement durable en tant qu'objectif à poursuivre, M. Van den Brande déclare qu'à son avis la Constitution ne peut pas omettre de mentionner les droits fondamentaux économiques à côté des droits fondamentaux culturels et sociaux. On pourrait également saisir l'occasion pour ancer dans la Constitution une série de principes de bonne gestion financière, tels qu'un plafonnement du déficit budgétaire et des prélèvements publics sur l'économie, etc.
Selon M. Van den Brande, les droits fondamentaux sociaux tels qu'ils figurent dans la charte sociale européenne de 1989 ne peuvent être concrétisés de manière rationnelle que s'ils sont articulés de manière complémentaire autour des droits fondamentaux économiques.
M. Van Hauthem estime, sans être opposé à la proposition de M. Van den Brande, que l'on doit bien examiner quels sont les droits fondamentaux que l'on souhaite inscrire dans la Constitution et quels sont ceux que l'on ne souhaite pas y inscrire. Aux yeux du constituant de 1993, les droits fondamentaux actuels, qui sont définis à l'article 23 de la Constitution, avaient surtout une valeur symbolique. Entre-temps, la Cour d'arbitrage a été habilitée à contrôler précisément l'article 23 de la Constitution. L'avenir nous dira comment la Cour d'arbitrage examinera la conformité des lois, décrets et ordonnances à ces droits fondamentaux « symboliques ».
La proposition de M. Van den Brande et consorts est rejetée par 9 voix contre 4.
Article 10
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 10, alinéa 2, de la Constitution (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Le ministre précise que cette proposition visant à ouvrir aux non-Belges l'accès aux emplois dans les services publics est reprise de la déclaration de révision de la Constitution de 1999.
Cette déclaration de révision est encore actuelle, comme l'ont montré de récents arrêts de la Cour d'arbitrage, qui avait été saisie pour qu'elle se prononce sur une ordonnance de la région de Bruxelles-Capitale.
La proposition du gouvernement est adoptée par 9 voix contre 1 et 3 abstentions.
Article 16
M. Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu à révision de cet article de la Constitution. Pour la motivation, M. Van den Brande renvoie à sa justification écrite (doc. Sénat, nº 2-1547/1, p. 7).
La proposition de M. Van den Brande et consorts est rejetée par 10 voix contre 4.
Article 21
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 21, alinéa 1er, de la Constitution (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Le ministre précise que cette proposition est motivée par la volonté d'étendre la protection accordée aux ministres des cultes aux délégués des organisations reconnues par la loi qui offrent une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle, visés à l'article 181, § 2, de la Constitution.
M. Van den Brande juge cette proposition superflue, étant donné que l'actuel article 21 de la Constitution autorise à suffisance une interprétation évolutive. Comme les propositions qu'il a introduites en vue d'inscrire dans la Constitution une série de droits fondamentaux tels que le droit à la sécurité et les droits économiques fondamentaux tels que le droit à la sécurité et les droits économiques fondamentaux, ont été rejetées par la majorité qui les a qualifiées de superflues, l'intervenant estime que la proposition gouvernementale à l'examen est certainement tout aussi superflue.
La proposition du gouvernement est adoptée par 10 voix contre 4.
Article 22
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de cet article de la Constitution (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Le ministre précise que la proposition à l'examen tend à conférer un effet direct horizontal aux règles relatives à la protection des données à caractère personnel. D'après la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, ces règles relatives à la protection des données à caractère personnel n'ont à l'heure actuelle qu'un effet vertical dans l'ordre juridique interne et s'appliquent dès lors uniquement à la relation entre le citoyen et les pouvoirs publics.
M. Van den Brande trouve cette proposition superflue.
La proposition du gouvernement est adoptée par 9 voix contre 4.
Article 22bis
Voir supra.
Article 23
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de cet article de la Constitution afin d'y inscrire le droit pour chaque citoyen à un service universel en matière de poste, de communication et de mobilité (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
M. Van den Brande et consorts déposent une proposition de même portée (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
La proposition du gouvernement est adoptée à l'unanimité des 13 membres présents.
En conséquence, la proposition de M. Van den Brande et consorts devient sans objet.
Aritcle 25
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de cet article de la Constitution en vue d'y insérer un alinéa visant à étendre les garanties dont bénéficie la presse écrite aux autres médias (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Le ministre souligne la connexité avec la proposition du gouvernement visant à soumettre à révision les articles 148, alinéa 2, et 150 de la Constitution. Il précise aussi que cette proposition reprend en cela la déclaration de révision de la Constitution de 1999.
M. Van den Brande dépose une proposition de même portée (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
M. Vandenberghe souligne que l'interprétation qui est donnée de l'actuel article 25 de la Constitution a donné naissance à de nombreuses dérives négatives pour le citoyen. Un exemple : la responsabilité en cascade. La responsabilité en cascade exclut la responsabilité présumée du commettant (employeur). Il se crée ainsi une situation dans laquelle l'un ne peut être tenu pour responsable et l'autre non plus, en vertu du principe de la cascade. L'intervenant n'est pas partisan de la pénalisation des délits de presse, mais il estime que l'interprétation actuelle de cet article de la Constitution au regard du droit civil emporte que les actions en responsabilité pouvant être engagées contre la presse dans les matières civiles sont nettement plus réduites que celles pouvant être engagées contre le citoyen ordinaire dans toutes les autres situations. Or, de nos jours, les médias font et défont beaucoup de personnalités.
Le ministre souscrit à l'analyse de M. Vandenberghe et reconnaît que la réécriture de l'article 25 de la Constitution sera un exercice très difficile pour la constituante.
La proposition du gouvernement est adoptée à l'unanimité des 12 membres présents.
En conséquence, la proposition de M. Van den Brande et consorts devient sans objet.
Article 28
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de cet article de la Constitution en vue de moderniser le droit de pétition (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Le ministre fait remarquer que cette proposition faisait déjà partie de la déclaration de révision de la Constitution de 1999.
La proposition du gouvernement est adoptée à l'unanimité des 13 membres présents.
Article 29
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de cet article de la Constitution en vue d'étendre le secret des lettres aux nouvelles formes de communication et à d'autres formes de correspondance (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
M. Van den Brande et consorts déposent une proposition de même portée (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
La proposition du gouvernement est adoptée à l'unanimité des 13 membres présents.
En conséquence, la proposition de M. Van den Brande et consorts devient sans objet.
Article 30
M. Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu à révision de cet article de la Constitution (doc. Sénat nº 2-1547/1). Pour la motivation, M. Van den Brande renvoie à sa justification écrite (doc. Sénat, nº 2-1547/1, p. 8).
La proposition de M. Van den Brande et consorts est rejetée par 10 voix contre 4.
Titre III
a. Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision du titre III, chapitre I, en vue d'instaurer une seconde lecture à la Chambre des représentants (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
M. Vandenberghe estime que la motivation du gouvernement est très vague. L'on ne dit pas de manière expresse qui se chargera de cette deuxième lecture. L'intervenant souligne qu'il y a déjà une seconde lecture à la Chambre et au Sénat. Il distingue dans cette proposition une manoeuvre détournée visant à démanteler le Sénat. Cette ouverture à révision aura pour effet de vider de sa substance l'article 36 de la Constitution (« Le pouvoir législatif fédéral s'exerce collectivement par le Roi, la Chambre des représentants et le Sénat »), alors que ledit article 36 de la Constitution ne sera pas soumis à révision, poursuit M. Vandenberghe.
La proposition du gouvernement est rejetée par 6 voix contre 6 et 2 abstentions.
b. Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à réviser le titre III, chapitre II, de la Constitution, en vue « d'insérer un nouvel article visant à octroyer à la Chambre des représentants des compétences exclusives complémentaires » (doc. Sénat, nº 2-1549/1). La constituante peut ainsi, par le biais d'un nouvel article, étendre les quatre compétences monocamérales de la Chambre des représentants visées à l'article 74 de la Constitution sans toucher à l'article 74 même qui n'est pas déclaré soumis à révision.
Cette proposition est adoptée par 7 voix contre 3.
c. Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à réviser le titre III de la Constitution, en vue « d'insérer un nouvel article concernant la décentralisation par services » (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Grâce à cette révision, les entreprises publiques se verraient dotées d'une base constitutionnelle, de manière à pouvoir disposer de plus de possibilités. On répondrait ainsi à l'arrêt BATC du Conseil d'État de 1998, selon lequel les entreprises publiques ne sont pas des autorités administratives.
Le ministre Van den Bossche contredit M. Joris Van Hauthem lorsque celui-ci objecte que certaines opérations en matière d'entreprises publiques se seraient donc déroulées, jusqu'à présent, d'une manière inconstitutionnelle. L'objectif de la proposition du gouvernement est de doter ces entreprises d'une base juridique solide de sorte qu'elles puissent bénéficier d'une plus grande liberté d'action.
La proposition du gouvernement est adoptée par 11 voix et 2 abstentions.
d. Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à réviser le titre III de la Constitution, en vue « d'insérer un nouvel article autorisant les régions à instaurer et à organiser une consultation populaire sur les matières pour lesquelles elles sont compétentes » (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Cette proposition est adoptée par 12 voix et 1 abstention.
Article 33
M. Luc Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu à réviser l'article 33 de la Constitution (doc. Sénat, nº 2-1547/1) afin d'y ancrer le principe selon lequel la Belgique est une confédération avec, à la base, les entités confédérées que sont la Flandre et la Wallonie. Cela permet d'assurer la concordance avec les articles 1er à 3 et 35, que l'intervenant propose également de déclarer soumis à révision.
La proposition est rejetée par 11 voix contre 2.
Article 35
M. Luc Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu à réviser l'article 35, qui prévoit que les communautés et les régions se voient attribuer les compétences résiduelles, mais qui, faute de loi spéciale, n'est toujours pas entré en vigueur, afin de le réécrire dans l'optique d'une conception confédérale de l'État (doc. Sénat, nº 2-1547/1). Au lieu de l'État fédéral, les deux entités confédérées devraient donc, de commun accord, prévoir, dans une procédure bottom up, quelles compétences elles souhaitent attribuer à l'État fédéral. Si elles n'arrivent pas à un accord en la matière, elles continueront à exercer intégralement lesdites compétences.
M. Joris Van Hauthem rappelle que l'article 35 fut introduit dans la Constitution en 1993 en exécution de l'accord de la Saint-Michel, comme appât pour convaincre dans l'opposition la Volksunie de l'époque de contribuer à la majorité requise des 2/3. En effet, l'article 35 scellerait une fois pour toutes le modèle confédéral belge, tout en laissant au législateur spécial le soin d'en fixer l'entrée en vigueur. La suite se devine aisément. M. Herman De Croo, l'actuel président de la Chambre, mais sénateur à l'époque, avait alors à juste titre qualifié cet article de chimère institutionnelle.
La proposition de M. Van den Brande et consorts est rejetée par 11 voix contre 2.
Article 38
M. Luc Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 38 afin d'y inscrire le principe selon lequel les entités confédérées disposent de la plénitude des compétences (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
La proposition est rejetée par 11 voix contre 2.
Article 40
M. Luc Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 40 (doc. Sénat, nº 2-1547/1), afin d'y définir les compétences des entités confédérées en ce qui concerne certains aspects du pouvoir judiciaire, comme l'organisation judiciaire et la procédure.
Cette proposition est rejetée par 11 voix contre 2.
Article 41
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 41, alinéas 2 et 5, deuxième phrase (doc. Sénat, nº 2-1549/1), en vue de transférer aux régions la compétence législative concernant respectivement les organes territoriaux intracommunaux et la consultation populaire provinciale et communale.
La proposition de M. Luc Van den Brande et consorts est plus large, parce qu'elle entend déclarer l'article 41 soumis à révision dans son intégralité (doc. Sénat, nº 2-1547/1). Ainsi, en vertu de l'alinéa 3, des organes territoriaux intracommunaux ne peuvent être créés que dans les communes de plus de 100 000 habitants. Le succès des conseils de district directement élus à Anvers pourrait faire comprendre à certaines villes flamandes comptant moins de 100 000 habitants, comme Malines, qui, aux yeux de son bourgmestre, est une ville mondiale, que ces organes pourraient constituer un levier pour une administration encore meilleure. Les auteurs sont convaincus que la limitation que comporte le projet gouvernemental engendrera inévitablement des problèmes à l'avenir.
La proposition de M. Van den Brande et consorts est rejetée par 11 voix contre 3.
La proposition du gouvernement est adoptée par 11 voix et 3 abstentions.
Article 42
M. Luc Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu à révision de cet article, qui exclut le mandat impératif (doc. Sénat, nº 2-1547/1), en vue d'y inscrire la logique confédérale.
Cette proposition est rejetée par 11 voix contre 3.
Article 43
Le gouvernement déclare qu'il y a lieu à révision de l'article 43, § 2, en vue de permettre à la constituante de se prononcer, au cours de la prochaine législature, sur la composition du Sénat (doc. Sénat, nº 2-1549/1) (cf. article 67).
M. Joris Van Hauthem rappelle qu'à l'occasion de la discussion générale, le gouvernement n'a donné aucune réponse aux questions que le président lui a posées à propos de la réforme envisagée du Sénat. Il les a esquivées en répondant par un sophisme, à savoir qu'il appartiendra à la constituante de juger de l'avenir de cette institution. Politiquement et d'un point de vue juridico-technique, cette réponse est peut-être correcte. Néanmoins, il est évident qu'avec sa proposition de déclarer ou non soumis à révision les articles concernant le Sénat, le gouvernement a pris une décision politique et prend en fait déjà une option sur le rôle qu'il veut voir remplir par le Sénat à l'avenir. Il va de soi que la coalition actuelle doit attendre les résultats des prochaines élections législatives. Mais il est surprenant que, contrairement à d'autres articles, le gouvernement ne donne aucune indication ni justification du sens dans lequel, selon lui et selon le premier ministre, doit aller la révision. En tout cas, l'institution d'un Sénat paritaire est enore pire que sa suppression.
Le ministre Luc Van den Bossche répond qu'il est habituel, en politique, que des politiciens, y compris le premier ministre, adoptent certains points de vue. Pour leur exécution, ce dernier a cependant besoin d'une majorité parlementaire, voire d'une majorité des deux tiers. De plus, la pratique montre que la plupart des articles qui sont déclarés soumis à révision, restent intacts.
Il réfute la critique de M. Van Hauthem selon laquelle la proposition de déclarer soumis à révision les articles relatifs au Sénat procède de l'intention de réformer le Sénat en profondeur. Le projet du gouvernement se borne à ouvrir la possibilité de se concerter à ce sujet et, au besoin, de passer à l'acte.
M. Hugo Vandenberghe se demande pourquoi le gouvernement, premier ministre en tête, déploie tant d'énergie à vouloir supprimer le Sénat, alors qu'il sait qu'il n'obtiendra pas de majorité des deux tiers au sein de cette assemblée pour y parvenir. Il renvoie à la situation aux Pays-Bas où des voix se sont élevées récemment à la Tweede Kamer pour réclamer la suppression de la Eerste Kamer. Au soir des Provinciale Statenverkiezingen (élection des États provinciaux) du 11 mars 2003 les 75 membres de la Eerste Kamer seront en effet élus le 26 mai 2003 par les membres des États provinciaux , on n'a pas tardé à arriver à la conclusion qu'aucune majorité des deux tiers ne serait trouvée à la Eerste Kamer pour concrétiser un tel projet. Plutôt que de se préoccuper de l'augmentation du chômage et de la dérégulation, alors que le Parlement est aujourd'hui contraint d'approuver 75 projets de loi au cours de la semaine à venir dans le cadre du projet visant à réduire de 25 pour cent le volume de la réglementation, le premier ministre tente de trouver son salut dans une manoeuvre de diversion : le danger qui menace notre pays vient du Sénat de sorte qu'il y a lieu de combattre cette institution.
La proposition du gouvernement est adoptée par 9 voix contre 5 et 1 abstention.
Article 44
Le gouvernement déclare qu'il y a lieu à révision de l'article 44, alinéa 1er, en vue de permettre à la constituante d'avancer la date à laquelle les Chambres se réunissent de plein droit ou, si cela lui semble plus opportun, de la reculer (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
MM. Luc Van den Brande et Marcel Cheron soulignent que le Parlement flamand et le Parlement de la Communauté française ont déjà décidé, dans le cadre de leur autonomie constitutive, d'avancer la date à laquelle ils se réunissent de plein droit. Le Parlement fédéral a donc une longueur de retard à cet égard.
La proposition du gouvernement est adoptée par 11 voix et 4 abstentions.
Article 45
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision du très académique article 45 qui habilite le Roi à ajourner les Chambres (doc. Sénat, nº 2-1549/1). Il appartient à la constituante d'apprécier si cet article pourra être maintenu ou s'il y a lieu de le supprimer.
Cette proposition est adoptée par 10 voix contre 1 et 4 abstentions.
Article 46
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de cet article en vue de ne plus lier automatiquement la dissolution de la Chambre et celle du Sénat (doc. Sénat, nº 2-1549/1). Cette révision permettra de différencier la législature de la Chambre et celle du Sénat.
Divers scénarios en ce sens sont proposés en commission. D'aucuns proposent de porter la durée de la législature du Sénat à 9 ans, comme en France, et de ramener celle de la Chambre à deux ans, comme aux États-Unis.
Le ministre suggère pour le Sénat un mandat à vie moins 3 ans.
La proposition du gouvernement est adoptée par 12 voix et 3 abstentions.
Article 54
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 54, qui contient la procédure de sonnette d'alarme, « en vue d'y ajouter un alinéa afin de spécifier la procédure compte tenu de la réforme du Sénat » (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
M. Luc Van den Brande voit dans cette explication, et en particulier dans les mots « la réforme », la preuve que la majorité actuelle a déjà bel et bien élaboré un plan de réforme du Sénat. Sinon, on aurait utilisé le terme « une réforme ». Il invite donc le ministre à présenter cette réforme.
Le ministre répond que du point de vue linguistique, il aurait été préférable d'utiliser l'expression « une éventuelle réforme ». Mais il maintient que même si le gouvernement avait déjà l'ébauche d'une réforme du Sénat, c'est la prochaine constituante qui appréciera l'opportunité d'une réforme et de sa mise en oeuvre.
M. Van den Brande qualifie cette réponse de totalement insatisfaisante.
Selon M. Joris Van Hauthem, le fait que le gouvernement ait déposé un projet déclarant ouvert à révision l'ensemble des articles qui ont trait au Sénat, constitue la preuve indéniable que des accords ont déjà été conclus à ce sujet.
À la question de M. Jean-Marie Happart, qui souhaite savoir si le projet du gouvernement permettra à la constituante de toucher au principe du système de la sonnette d'alarme, le ministre répond par la négative. La proposition vise uniquement à permettre à la constituante de spécifier la procédure à la lumière de la réforme du Sénat, en ajoutant un alinéa à cet article.
La proposition du gouvernement est adoptée par 9 voix contre 5 et 1 abstention.
Article 56
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu de réviser cet article (doc. Sénat, nº 2-1549/1), en vue d'adapter le droit d'enquête des Chambres à la réforme du Sénat.
M. Hugo Vandenberghe s'oppose avec véhémence à cette proposition car l'intention du gouvernement est de priver le Sénat d'un instrument parlementaire essentiel. Ceux qui soutiennent la proposition du gouvernement sont les laquais du pouvoir exécutif, qui n'ont pas le courage de défendre la démocratie parlementaire. Si on enlevait au Sénat son droit d'enquête, cela signifierait que n'importe qui pourrait venir raconter n'importe quoi au Sénat, sans que l'on puisse contrôler objectivement la véracité de ces déclarations.
Si telle est l'intention, il faudra en tirer les conséquences nécessaires.
M. Frans Lozie estime que la qualité de l'enquête parlementaire augmentera à mesure que les commissions d'enquête seront à même d'être plus indépendantes vis-à-vis du gouvernement. Le fait qu'on renforcera la compétence de contrôle de la Chambre des représentants à l'égard du gouvernement et qu'on la transformera, de facto, en une assemblée de béni-oui-oui est précisément une raison de la priver du droit d'enquête et de le confier au Sénat, qui ne représentera plus un danger pour le gouvernement. Dès lors, l'intervenant s'abstiendra lors du vote.
M. Philippe Monfils déclare qu'il approuvera la proposition parce que, selon lui, il convient de réformer le droit d'enquête. Ces dernières années, on a créé, tant à la Chambre qu'au Sénat, une série de commissions d'enquête dont le fonctionnement a posé de nombreux problèmes, dus par exemple à la concurrence entre une enquête parlementaire et une instruction judiciaire et à la médiatisation considérable, qui porte préjudice à l'enquête.
M. René Thissen est d'accord avec l'intervenant précédent pour dire qu'il convient de revoir le droit d'enquête. Toutefois, il n'est pas nécessaire, pour ce faire, de modifier l'article 56 de la Constitution, qui a une grande valeur symbolique, parce qu'il octroie aux Chambres un pouvoir de contrôle important à l'égard du gouvernement. En effet, cet article dispose uniquement que chaque Chambre a le droit d'enquête. Il faut donc modifier la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires, qui règle les modalités de fonctionnement des commissions d'enquête.
Comme M. Lozie l'a souligné, on a proposé à plusieurs reprises de confier le droit d'enquête au Sénat, si celui-ci devait, dans un système bicaméral, relever de la compétence exclusive d'une seule Chambre. Contrairement à celle de la Chambre, qui suit les problèmes et les incidents politiques au quotidien, la nature du Sénat en tant que Chambre de réflexion est d'effectuer des enquêtes parlementaires à long terme, en prenant la distance nécessaire. Ceux qui souhaitent conserver le Sénat en tant qu'épine dorsale dotée des compétences requises ne sauraient par conséquent approuver la proposition du gouvernement.
M. Jean-Marie Happart souhaite que le gouvernement lui dise s'il a l'intention, par sa proposition de déclarer l'article 56 soumis à révision, d'ôter au Sénat le droit d'enquête.
Le ministre lui répond que, si le gouvernement disposait actuellement d'une majorité des deux tiers au Parlement, il aurait deux possibilités par rapport à l'article 56. Premièrement, si le Sénat était conçu comme une émanation des communautés et des régions, celles-ci pourraient, à travers l'exercice du droit d'enquête au Sénat, porter atteinte à la responsabilité du pouvoir fédéral. Deuxièmement, le droit d'enquête pourrait être soumis à révision afin de résoudre les problèmes qui se sont posés sur le plan pénal et disciplinaire à l'égard de personnes qui, selon une commission d'enquête, auraient commis une faute. Il s'est en effet avéré impossible, en raison de lacunes dans la législation, de prendre des mesures pénales ou disciplinaires à l'égard de ces personnes.
Autrement dit, si le gouvernement pouvait, avec sa majorité actuelle, procéder à une révision de la Constitution, l'article 56 ne serait pas soumis à révision avant que la composition du Sénat n'ait été modifiée dans le sens indiqué par le ministre.
Selon M. Joris Van Hauthem, l'argument invoqué par le gouvernement selon lequel le mauvais fonctionnement des commissions d'enquête nécessiterait une révision de l'article 56, n'est absolument pas pertinent. L'article 56 pose en effet uniquement le principe que chaque Chambre a le droit d'enquête. Des dysfonctionnements éventuels nécessitent donc non pas la révision de la Constitution, mais des mesures législatives.
Un autre argument invoqué, selon lequel un Sénat composé paritairement de sénateurs de communauté ne pourrait pas exercer son droit d'enquête à l'égard de compétences fédérales, ne tient pas compte du fait qu'à l'heure actuelle, des sénateurs de communauté siègent déjà dans des commissions d'enquête, sans que cela n'ait soulevé le moindre problème.
Les intentions du gouvernement sont dès lors claires comme de l'eau de roche.
M. Luc Van den Brande estime qu'il est absurde qu'en exécution de son accord du 26 avril 2002, le gouvernement vise de manière obsessive à réformer ou à supprimer le Sénat sans réserver, dans notre structure étatique, une place appropriée aux entités confédérées. Il n'est pas tenable d'instituer le Sénat en tant que deuxième Chambre dans un contexte fédéral ou conféderal et, en même temps, de le concevoir comme une émanation des communautés et des régions.
L'intervenant ne s'oppose pas à cette dernière idée mais exclut la parité entre l'entité flamande et l'entité wallonne dans la composition du Sénat.
Le ministre confirme que le gouvernement ne va pas aussi loin que ne le souhaite M. Van den Brande.
Il souligne une fois de plus qu'il appartient à la constituante d'en décider à la majorité des deux tiers.
M. Hugo Vandenberghe regrette une fois de plus que le gouvernement ne veuille pas préciser dans quelles intentions il a déposé le présent projet de déclaration de révision.
La réponse du ministre selon laquelle le Sénat sera privé du droit d'enquête s'il est composé de représentants des communautés et des régions revient à dire que l'on abandonne le modèle étatique fédéral pour en revenir au système unitaire. Dans le système fédéral sans même parler du système confédéral le processus décisionnel à la Chambre et au Sénat fonctionne sur un plan respectivement unitaire et fédéral. En privant le Sénat du droit d'enquête, on exclut la particpation des États fédérés au fonctionnement de l'État belge. On fait ainsi disparaître le double processus décisionnel propre à un État fédéral et on réinstaure l'unitarisme.
M. Thissen affirme que, par le présent projet, le gouvernement ne cherche qu'à concrétiser, par étapes, l'ambition du premier ministre de supprimer le Sénat. Dans un premier temps, le Sénat sera transformé en assemblée paritaire. Il étonnerait très fort l'intervenant que cette volonté puisse recueillir une majorité des deux tiers. En déclarant révisables tous les articles de la Constitution relatifs au Sénat, on ouvre la porte à des négociations post-électorales en vue de raboter les compétences du Sénat. Les sénateurs n'ont d'ailleurs aucun souci à se faire. Les sénateurs élus directs et cooptés siégeront en effet à la Chambre, qui aura toutes les compétences.
Un Sénat composé exclusivement de sénateurs de communauté perdra inévitablement de son importance. En dépouillant cette assemblée de ses compétences, on ne fait que décourager encore davantage les sénateurs qui s'intéressent avant tout à leur propre assemblée, et on fait en sorte que le Sénat soit considéré progressivement comme une institution superflue.
L'intervenant met les membres en garde contre ce scénario.
M. Philippe Monfils rappelle aux opposants qu'en 1993, l'opposition actuelle avait elle-même sonné le glas du bicaméralisme en modifiant aussi bien la composition que les compétences du Sénat. L'intervenant, qui se trouvait alors dans l'opposition, avait déjà lancé une mise en garde contre des dangers durables que représentait cette réforme.
M. Thissen rétorque que le préopinant perd de vue que la diminution du nombre de parlementaires fédéraux résultait alors de l'extension des compétences des conseils communautaires et régionaux et de leur élection directe. Un accord politique prévoyait, en effet, de ne pas augmenter le nombre de parlementaires, mais il n'était nullement question de priver le Sénat, à terme, de ses prérogatives.
La proposition du gouvernement est adoptée par 7 voix contre 5 et 1 abstention.
Article 57
Le gouvernement propose de déclarer cet article ouvert à révision, dans le prolongement de l'article 28, afin de moderniser la procédure de pétition (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Cette proposition est adoptée par 11 voix et 3 abstentions.
Article 59
M. Wim Verreycken propose de déclarer l'article 59 ouvert à révision, en vue de ne plus soustraire les sénateurs de droit à la procédure judiciaire ordinaire (doc. Sénat, nº 2-1383/1).
Cette proposition est rejetée par 10 voix contre 1 et 2 abstentions.
Article 62
M. Luc Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 62 afin de permettre la scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde (doc. Sénat, nº 2-1547/1). Jusqu'à l'arrêt nº 30/2003 de la Cour d'arbitrage du 26 février 2003, on pouvait encore soutenir que cette scission pouvait être réalisée au moyen d'une loi. L'arrêt précité a toutefois indiqué clairement que pour inéluctable qu'elle soit, cette scission requiert une révision de la Constitution.
Pour motiver sa proposition, l'auteur principal cite de larges extraits de ses développements (op. cit., p. 10.
En ce qui concerne la méthode, plusieurs possibilités sont envisageables, telles que la constitution d'un pool, la représentation garantie, la scission horizontale ou verticale.
M. Van den Brande fait remarquer que l'existence de la circonscription électorale Bruxelles-Hal-Vilvorde est en porte-à-faux avec la division du pays en quatre régions linguistiques, qui est consacrée dans la Constitution. De plus, une révision de la Constitution s'impose. L'argument selon lequel la situation des francophones de la périphérie doit être liée à celle des flamands de Bruxelles est bien entendu totalement inexact. La seule comparaison admissible en droit, c'est entre la situation des flamands de Bruxelles et celle des francophones au niveau de la Belgique. À ceux qui veulent lier la scission de la circonscription électorale Bruxelles-Hal-Vilvorde à la ratification du traité relatif à la protection des minorités, il dit haut et clair qu'ils mettent en jeu les garanties dont les francophones jouissent en Belgique, telles que la parité au Conseil des ministres, dans l'administration et au sein du pouvoir judiciaire, ainsi que le système des majorités spéciales.
Le ministre déclare qu'une scission verticale de la circonscripton électorale Bruxelles-Hal-Vilvorde peut être réalisée au moyen d'une loi. En ne faisant pas figurer l'article 62 dans son projet de déclaration de révision, le gouvernement indique qu'il ne proposera pas la scission horizontale que le gouvernement flamand préconise.
M. Van den Brande en déduit que le choix de la scission verticale par le gouvernement, sans avoir à déclarer l'article 62 ouvert à révision, implique qu'il ne sera donné aucune garantie aux flamands de Bruxelles.
Le ministre trouve ce raisonnement inexact.
La proposition de M. Van den Brande et consorts est rejetée par 10 voix contre 4.
Article 63
La proposition de M. Luc Van den Brande et consorts visant à déclarer ouvert à révision l'article 63 relatif à la composition de la Chambre des représentants, est la conséquence logique de sa proposition relative à l'article 62 (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
Le gouvernement propose, pour sa part, de déclarer ouverts à révision les trois premiers paragraphes de l'article 63 (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Selon M. Thissen, le but du projet du gouvernement est clair : faire passer le nombre de députés de 150 à 200. Rien ne le justifie pourtant si l'on estime que le Sénat doit continuer à disposer d'effectifs et de compétences suffisants pour pouvoir fonctionner en tant qu'assemblée législative. Déclarer malgré tout cet article ouvert à révision revient à signer l'arrêt de mort du Sénat.
Selon M. Armand De Decker, président, il n'y a pas nécessairement un lien entre ces élements.
La proposition de M. Van den Brande et consorts est rejetée par 10 voix contre 4.
La proposition du gouvernement est adoptée par un vote identique.
Article 64
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu de réviser l'article 64, alinéa 1er, 3º, qui prévoit l'âge de 21 ans comme condition d'éligibilité (doc. Sénat, nº 2-1549/1). Le ministre déclare que plusieurs partis politiques souhaitent ramener cet âge à 18 ans.
Cette proposition est adoptée par 9 voix contre 1 et 4 abstentions.
Article 65
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu de réviser l'article 65 qui concerne la durée de la législature à la Chambre (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
M. Hugo Vandenberghe fait observer que certains partis de la majorité cherchent leur statut dans la démocratie citoyenne. Ils entendent créer, à cet effet, le référendum délibératif. L'intervenant estime que cette intention n'apparaît pas dans le projet de déclaration de révision, bien au contraire. Manifestement, le gouvernement a l'intention de prolonger la durée de la législature à la Chambre, de sorte que le citoyen pourra moins fréquemment se prononcer sur la politique gouvernementale.
Le ministre répond qu'au sein de plusieurs partis, et également au sein de celui auquel l'intervenant appartient, des voix se sont élevées pour qu'on calque la durée de la législature à la Chambre sur celle des conseils de communautés et de régions, à savoir, cinq ans.
M. Jean-Marie Happart craint que la simultanéité des élections européennes, fédérales, régionales et communautaires entraîne une banalisation de l'enjeu des élections régionales. En outre, cette simultanéité créera inévitablement un lien entre la formation du gouvernement au niveau fédéral, d'une part, et au niveaux communautaire et régional, d'autre part; elle empêchera également la formation de coalitions asymétriques. Cela ne correspond pas à l'idée qu'il se fait de l'autonomie des régions, qui, au contraire, en pâtira. Dans cette perspective, on pourrait organiser toutes les élections le même jour, donc également celles des conseils provinciaux et communaux.
Dès lors, l'intervenant ne soutiendra pas la proposition du gouvernement.
M. Marchel Cheron attire l'attention sur le fait que la possibilité d'une dissolution anticipée de la Chambre des représentants, prévue à l'article 46, alinéas 1er à 3, de la Constitution, reste intacte. En effet, seul l'alinéa 4 de cet article sera ouvert à révision. L'intervenant s'opposerait à la création d'un parlement de législature au niveau fédéral.
Le projet du gouvernement permettra de réfléchir, à l'avenir, à une adaptation de la durée de la législature à la Chambre en fonction de celle des communautés et des régions, de sorte que l'élection de ces assemblées puisse avoir lieu simultanément à un certain moment. Cela n'empêche toutefois pas que l'on puisse mettre fin à cette simultanéité par la suite, en conséquence d'une dissolution anticipée de la Chambre.
Ce qui intéresse toutefois au plus haut point l'intervenant, c'est la possibilité de faire coïncider les élections du Parlement européen et des conseils de communauté et de région avec celles des conseils provinciaux et communaux, en ramenant la durée de législature de ces derniers de six à cinq ans.
M. René Thissen fait observer que l'incompréhension du citoyen face aux différentes élections est encore aggravée par la réforme électorale prévue par les lois du 13 décembre 2002, que le gouvernement a fait voter au pas de charge par le Parlement. Que constate-t-on ? Premièrement, que les candidats peuvent se présenter tant au Sénat qu'à la Chambre. Deuxièmement, que les membres des gouvernements de communauté et de région peuvent poser leur candidature aux élections fédérales, alors qu'ils déclarent ouvertement qu'ils n'exerceront pas leur mandat de parlementaire. Pour prévenir la confusion dans l'esprit du citoyen, il convient donc de perfectionner le système, par exemple en disposant que le candidat qui est élu doit exercer son mandat et renonce d'office à un autre mandat public.
L'intervenant estime que le citoyen devra s'habituer au fait que les élections pour les Chambres fédérales et pour les conseils de communauté et de région auront lieu à des moments distincts. Par ailleurs, il reste partisan de la possibilité d'une dissolution anticipée de la Chambre fédérale.
M. Philippe Monfils peut comprendre le point de vue de M. Happart. Il y a toutefois un problème pratique. À l'exception de l'année 2005, le citoyen sera appelé aux urnes chaque année jusqu'en 2008. Cela pourrait engendrer une lassitude du vote, avec toutes les conséquences que cela comporte. Le fait est qu'en cas de simultanéité des élections fédérales et régionales, il devient difficile, tant pour l'électeur que pour le candidat, de faire une distinction théorique entre les compétences fédérales et régionales.
Il conviendrait donc de déclarer l'article 65 soumis à révision afin de régler ce problème.
M. Hugo Vandenberghe souligne que les arguments invoqués à l'appui de la proposition visant à déclarer l'article 46 soumis à révision, en particulier la possibilité de dissolution anticipée de Chambre fédérale, vont à l'encontre de la philosophie qui sous-tend cet article. Cet article, qui avait été inséré dans la Constitution en 1993 en application des accords de la Saint-Michel, avait précisément pour objectif d'instituer le parlement et le gouvernement de législature. On ne pouvait donc plus dissoudre gratuitement la Chambre fédérale de manière anticipée. En proposant de déclarer l'article 65 soumis à révision, le gouvernement ouvre la porte à des manipulations. C'est ainsi que la durée de la législature de la Chambre après les élections de 2003 pourrait être prolongée jusqu'en 2009, pour que l'on puisse alors tenir simultanément des élections fédérales, communautaires et régionales. La majorité arc-en-ciel apporte ainsi une nouvelle preuve de sa dérive autoritaire. Officiellement, elle défend la démocratie citoyenne, mais dans les faits, elle tente d'imposer une révision de la Constitution qui prive le citoyen de ses droits et permet d'échapper à des élections. La nouvelle panacée, ce sont les sondages d'opinion et le vote à distance, qui sont facilement manipulables. Mais des élections, non.
La proposition du gouvernement est adoptée par 8 voix contre 5 et 1 abstention.
Article 67
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 67, en ce qui concerne la composition du Sénat (doc. Sénat nº 2-1549/1).
Cette proposition est adoptée par 7 voix contre 5 et 2 abstentions.
Article 68
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de cet article (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Le ministre renvoie à la justification donnée pour l'article précédent.
La proposition du gouvernement est adoptée par 6 voix contre 5, et 3 abstentions.
Article 69
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision du 3º de cet article (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Cette proposition est adoptée par 8 voix contre 1, et 4 abstentions.
Article 70
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de cet article concernant la durée de la législature du Sénat (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Le ministre renvoie à la justification donnée pour les articles 67 et 68.
La proposition du gouvernement est adoptée par 8 voix contre 5, et 1 abstention.
Article 72
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de cet article (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Le ministre précise que cet article vise les sénateurs de droit. Il convient donc de l'ouvrir à révision dans le cadre du projet de réforme du Sénat.
La proposition du gouvernement est adoptée par 8 voix, et 6 abstentions.
La proposition de MM. Verreycken et Raes (doc. Sénat, nº 2-454/1) visant à ouvrir l'article 72 à révision en vue de l'abroger devient dès lors sans objet.
Article 73
M. Jean-Marie Happart fait remarquer que le gouvernement ne propose pas de déclarer ouvert à révision l'article 73 qui prévoit la nullité d'une assemblée du Sénat qui serait tenue hors du temps de la session de la Chambre. Or, dans la réforme du Sénat envisagée, son fonctionnement ne serait plus lié à celui de la Chambre. Si l'on ne révise pas l'article 73, le Sénat des communautés ne pourra pas se réunir si la Chambre est dissoute pour l'une ou l'autre raison.
Le ministre répond qu'en effet, si l'on voulait permettre la réunion du Sénat dans une telle hypothèse, il aurait fallu ouvrir à révision d'autres articles encore. Le gouvernement ne l'a délibérément pas fait. La seule direction dans laquelle on peut aller consiste, si l'on modifie la durée du mandat de la Chambre, à modifier aussi celle du mandat du Sénat.
M. Happart n'est pas convaincu par cette réponse. Même si on aligne la durée des mandats pour la Chambre, le Sénat et les parlements régionaux et communautaires, la possibilité de dissolution anticipée de la Chambre est maintenue. Dans ce cas, les élections auront lieu à des moments différents et pendant la dissolution de la Chambre, le Sénat ne peut plus se réunir. Or, l'objectif est précisément de faire du Sénat une assemblée des communautés et régions indépendante de la Chambre.
Article 75
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 75, alinéa 3 (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Le ministre explique que l'on crée ainsi la possibilité de faire de l'assentiment aux traités mixtes une compétence exclusive du Sénat.
M. Armand De Decker répète à propos de l'article 75 qu'il salue le fait que les alinéas 1er (droit d'initiative législative) et 2 (transmission au Sénat des projets de loi votés par la Chambre) ne sont pas ouverts à révision.
M. Van den Brande déclare que l'ouverture à révision de l'article 75, alinéa 3, est la enième preuve que, comme avec de nombreux articles figurant dans le projet, on va vers un recul par rapport à la situation déjà grave de nos institutions. Il est tout à fait incompréhensible au regard du principe de non hiérarchie entre les normes fédérales et celles des entités fédérées, que les décisions européennes ou les accords bilatéraux qui constituent des traités mixtes soient maintenant confiés pour leur approbation à un Sénat paritaire. On va établir un déficit démocratique flagrant.
Le ministre répond qu'actuellement, des traités restent en souffrance pendant des années avant d'être approuvés par les différentes assemblées. Désormais, on permettra que ces traités soient ratifiés par une seule assemblée, avec possibilité d'évocation pour les entités fédérées. Où est le déficit démocratique ? Un tel système est tout à fait compatible avec le principe de non hiérarchie des normes entre les normes de l'État fédéral et celles des entités fédérées.
M. Van den Brande estime, quant à lui, que même avec un droit d'évocation pour les entités fédérées, on instaure une prédominance du Sénat et donc un système qui se rapproche très fort d'un système de hiérarchie des normes.
De plus, la lenteur de la ratification des traités est due à deux causes : d'une part les avis qui doivent être rendus, mais aussi et surtout la traduction au niveau fédéral car le personnel du service de traduction fédéral est insuffisant.
Si l'on examine par contre le délai qui s'écoule entre le moment où un traité mixte est déposé dans les assemblées et le moment où il est ratifié, on s'apercevra que ce délai est extrêmement court. Le vrai problème est donc une question de langue et il peut être résolu sur le plan fonctionnel.
M. René Thissen reconnaît que la ratification des traités par les différentes assemblées prend parfois des années. La ratification des traités internationaux devrait être une compétence spécifique du Sénat, celui-ci devant assurer le lien entre les instances internationales, fédérales et régionales. Il conviendrait donc de réfléchir à la manière dont le Sénat pourrait approuver les traités internationaux pour le compte de tous les acteurs concernés. Mais ce n'est là qu'une question de concertation entre les instances qui ne nécessite en aucune façon l'ouverture à révision de l'article 75 de la Constitution. Celle-ci n'aboutira qu'à une réduction des compétences de l'assemblée alors qu'il s'agit précisément de compétences qui devraient lui revenir.
M. Philippe Monfils fait remarquer que la question est évidemment de savoir si le Sénat va être modifié de façon à devenir un Sénat des communautés et régions. Si c'est le cas, l'orateur ne voit pas pourquoi le Sénat pourrait approuver des traités concernant exclusivement des matières de compétence fédérale.
Le ministre rappelle que l'objectif est de ne confier au Sénat que les traités mixtes.
M. Armand De Decker observe qu'il a fait l'expérience, lorsqu'il était président du conseil régional bruxellois, du blocage de l'approbation du Traité d'Amsterdam suite à la démission d'un ministre que son parti tardait à remplacer. Le président se dit donc favorable à l'ouverture à révision de l'article 75 pour permettre au Sénat de ratifier les traités mixtes pour le compte de toutes les instances concernées, sous réserve du droit d'évocation des entités fédérées. Cependant, même pour les traités mixtes, une telle compétence est liée à la manière dont le Sénat sera composé : devront y siéger non seulement des représentants des communautés et régions, mais aussi de l'État fédéral. Lui-même propose de faire siéger au Sénat les députés belges européens, ce qui permettrait de débattre dans une assemblée d'un traité mixte dans son ensemble avec des parlementaires européens.
M. Hugo Vandenberghe met le doigt sur une erreur dans les raisonnements concernant la composition du Sénat. Les sénateurs qui représenteront les régions et communautés devront être choisis dans les conseils de ces régions et communautés.
On part donc du principe que les sénateurs élus directement par la circonscription électorale flamande ne représenteraient pas la Flandre. C'est une erreur de jugement capitale sur le plan politique. Dans un pays fédéral ou confédéral, les membres du congrès fédéral sont élus par le corps électoral des entités confédérées. Aucun constitutionnaliste ne penserait jamais à prétendre que, par exemple, les deux sénateurs élus au Texas ne représentent pas l'État du Texas sous prétexte qu'ils n'ont pas été désignés par le Parlement de cet État. Le gouvernement donne donc l'impression, à tort, de vouloir associer les entités confédérées au processus décisionnel au niveau fédéral, et masque son intention de priver le Sénat de son rôle.
Pour les traités mixtes se pose un autre problème. Si l'on prend l'exemple de l'Union européenne, on constate que la moitié de la législation belge n'est que l'exécution de directives ou autre actes européens. Les traités mixtes seront soumis au Sénat, tandis que l'exécution des directives ou règlements européens sera uniquement du ressort de la Chambre. Où est la logique ? Il n'y a pas de différence entre les deux.
Par la ratification, les traités mixtes sont intégrés dans l'ordre juridique interne où ils ont force de loi. Les directives et réglements doivent être exécutés, avec uniquement une marge de manoeuvre pour les modalités.
En d'autres termes, on va lier la compétence du Sénat à un critère formel qui n'est pas relevant en ce qui concerne le contenu de la matière. Dans le cadre de l'Union européenne, beaucoup de choses ne sont pas réglées par traité mixte en raison de la nature particulière du cadre juridique de l'Union européenne, mais ont dans les faits les conséquences d'un tel traité.
La future conception du Sénat est donc défectueuse tant sur le plan de la représentation des entités fédérées que sur le plan de ses compétences.
M. Joris Van Hauthem revient sur l'exemple du blocage du Traité d'Amsterdam qu'a évoqué le président. Il signale que la question de ce qui doit être approuvé dans les conseils régionaux et à la Commission Communautaire Commune par une majorité dans les deux groupes linguistiques a été résolue avec les accords du Lambermont et du Lombard.
M. Luc Van den Brande rappelle que la Belgique ne connaît pas le référendum pour les traités européens de base. Il y a donc encore davantage un déficit démocratique si l'on ne soumet pas aux parlements des entités fédérées, dont la valeur des normes n'est pas subordonnée à celle des normes fédérales, des questions que l'on ne peut pas soumettre à la population directement.
La proposition du gouvernement est adoptée par 9 voix contre 5.
Article 76
M. D'Hooghe propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 76 en combinaison avec l'article 142 en vue de garantir aux Belges le droit à une législation élaborée correctement et conformément aux principes démocratiques (doc. Sénat, nº 2-1541/1).
M. Hugo Vandenberghe explique que cette proposition a pour objectif de mettre fin à une pratique du pouvoir législatif consistant à se défaire de sa compétence par des habilitations excessives au pouvoir exécutif. Il dénonce le fléau que sont les lois-programmes qui constituent une dépossession du pouvoir législatif. Le gouvernement conclut des accords, ceux-ci deviennent des projets de loi et, alors que ces projets contiennent des erreurs, qu'ils doivent être modifiés, les sénateurs se voient privés purement et simplement de leur prérogative d'amender le texte parce que le gouvernement en décide ainsi. On atteint d'ailleurs des sommets avec le projet de loi-programme actuel qui reprend une série d'amendements qui avaient été déposés, et rejetés, pour le projet de loi-programme de décembre 2002.
La proposition de M. D'Hooghe est rejetée par 8 voix contre 4.
Article 77
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de cet article en vue de réviser les alinéas 1er, 3º, 5º, 6º, 7º, 8º, 9º, 10º, et 2, ainsi qu'en vue d'y ajouter un alinéa nouveau relatif aux lois en matière d'imposition dans le cas où une majorité au sein de chaque groupe linguistique est requise (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Le ministre déclare que l'ouverture à révision des articles 77 à 82 vise à permettre la discussion sur la répartition des compétences.
M. René Thissen demande un vote distinct sur la révision des alinéas 1er et 2, d'une part, et l'insertion d'un alinéa nouveau d'autre part.
Le ministre est d'avis que c'est impossible, sauf à déposer un amendement.
M. Hugo Vandenberghe fait remarquer que l'article 77 contient quelques points fondamentaux relatif au fonctionnement du Sénat. À titre d'exemple, le 3º énumère toute une série de lois pour lesquelles la Chambre et le Sénat sont compétents sur pied d'égalité. À l'époque de l'introduction de cette disposition, M. Lallemand, ancien sénateur, avait insisté sur le fait que ce double examen obligatoire était un gage de qualité pour ces lois. La suppression de ce point qui vise les lois relatives à l'équilibre des pouvoirs, au pouvoir exécutif et au pouvoir judiciaire, à l'organisation des institutions judiciaires, etc. montre à nouveau que l'idée d'un Etat fédéral dans son acception classique est abandonnée. Sur tous ces points, les entités fédérées ont pourtant un intérêt.
Le 5º a trait aux « lois visées à l'article 34 ». C'est incompréhensible. On ouvre à révision l'article 75 pour la ratification des traités mixtes, mais parallèlement on permet de modifier l'article 77, 5º, pour permettre que, sans l'accord du Sénat, l'exercice de pouvoirs déterminés puisse être attribué par un traité ou par une loi à des institutions de droit international public.
La proposition du gouvernement est adoptée par 7 voix contre 5, et 2 abstentions.
Article 78
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 78, alinéas 2 et 3 (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Cette proposition est adoptée par 7 voix contre 5, et 2 abstentions.
Article 79
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 79, alinéa 1er (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Cette proposition est adoptée par 9 voix contre 5.
Article 80
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 80, alinéa 2 (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Cette proposition est adoptée par 9 voix contre 5.
Article 81
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 81, alinéas 2 à 6 (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Cette proposition est adoptée par 9 voix contre 5.
Article 82
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 82, alinéa 2 (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Cette proposition est adoptée par 9 voix contre 5.
Article 99
Mme de Bethune propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 99 combiné avec l'article 104 en vue d'y insérer des dispositions relatives à l'égalité de représentation des femmes et des hommes (doc. Sénat, nº 2-250/1).
La proposition de Mme de Bethune est rejetée par 9 voix contre 4.
Article 100
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 100, alinéa 2, deuxième phrase (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Le ministre déclare que cet article qui concerne le droit de requérir la présence des ministres au Sénat est ouvert à révision dans la logique de l'ouverture à révision des autres articles concernant le Sénat.
M. Thissen est d'avis, quant à lui, que cette révision va permettre de consacrer définitivement l'absence répétée des ministres qu'on a connue sous la législature écoulée.
La proposition du gouvernement est adoptée par 7 voix contre 5, et 1 abstention.
Article 104
Mme de Bethune propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 104 combiné avec l'article 99 en vue d'y insérer des dispositions relatives à l'égalité de représentation des femmes et des hommes (doc. Sénat, nº 2-250/1).
La proposition de Mme de Bethune est rejetée par 9 voix contre 4.
Article 111
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de cet article (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Le ministre précise qu'on permet ainsi une adaptation technique aux articles 103 et 125 qui ont été modifiés. Cet article figurait déjà dans la liste des dispositions à réviser sous la législature écoulée.
La proposition du gouvernement est adoptée à l'unanimité des 10 membres présents.
Article 113
MM. Van Quickenborne et Dedecker proposent de déclarer qu'il y a lieu à révision de cet article (doc. Sénat, nº 2-1008/1).
Cette proposition est rejetée par 11 voix contre 1, et 2 abstentions.
Intitulé de la sous-section Ire de la section Ire du chapitre IV du titre III
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de cet intitulé (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Le ministre explique que l'objectif est de remplacer le terme « conseils » par « parlements ».
La proposition du gouvernement est adoptée par 13 voix et 1 abstention.
Article 115
M. Luc Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu à révision de cet article (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
M. Van den Brande déclare que la possibilité de réviser l'article 115 doit être envisagée en combinaison avec les articles 1er à 3. Il renvoie donc à la justification qu'il a donnée à propos de ces articles. Elle est aussi liée aux articles 4, 5, 6, 7, 33, 38, 39 et 42 et il tient à rappeler que son groupe politique préconise une Belgique à deux composantes, avec une région bruxelloise spécifique et l'autonomie pour la Communauté germanophone.
Cette justification vaut pour la proposition de déclarer ouverts à révision les articles 115 à 140.
La proposition de M. Van den Brande et consorts est rejetée par 9 voix contre 4.
Article 116
M. Luc Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu à révision de cet article (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
M. Van den Brande renvoie à la justification qu'il a donnée à propos de l'article 115.
La proposition de M. Van den Brande et consorts est rejetée par 9 voix contre 4.
Article 117
M. Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu à révision de cet article (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
M. Van den Brande renvoie à la justification qu'il a donnée à propos de l'article 115.
La proposition de M. Van den Brande et consorts est rejetée par 9 voix contre 4.
Article 118
M. Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu à révision de cet article (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
Il regrette que le gouvernement ne veuille manifestement pas satisfaire à l'exigence du Parlement flamand, du Parlement wallon et du Parlement de la Communauté française d'élargir leur autonomie constitutive. Il souhaite uniquement octroyer l'autonomie constitutive à la Région de Bruxelles-Capitale et à la Communauté germanophone. Cela signifie qu'il opte pour la division en trois régions et vise à freiner le processus de fédéralisation.
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 118, § 2 (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Le ministre explique que la modification de cette disposition vise à octroyer l'autonomie constitutive à la Région de Bruxelles-Capitale et à la Communauté germanophone.
La proposition de M. Van den Brande et consorts est rejetée par 10 voix contre 4.
La proposition du gouvernement est adoptée par 10 voix contre 4.
Article 119
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de cet article (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Le ministre explique que l'article 119 est ouvert à révision parce que l'article 67 l'est. Si l'un est modifié, l'autre doit l'être aussi.
M. Van den Brande et consorts proposent également de déclarer qu'il y a lieu à révision de cet article (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
La proposition du gouvernement est adoptée par 7 voix contre 5, et 2 abstentions.
La proposition de M. Van den Brande et consorts est rejetée par 10 voix contre 3, et 1 abstention.
Article 120
M. Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu à révision de cet article (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
Cette proposition est rejetée par 10 voix contre 4.
Article 121
M. Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu à révision de cet article (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
Cette proposition est rejetée par 10 voix contre 4.
Article 122
M. Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu à révision de cet article (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
La proposition de M. Van den Brande et consorts est rejetée par 10 voix contre 4.
Article 123
M. Luc Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 123 relatif à la composition et au fonctionnement des gouvernements de communauté et de région (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
Le gouvernement propose de ne déclarer soumis à révision que le § 2 de cet article (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
La proposition de M. Luc Van den Brande et consorts est rejetée par 10 voix contre 4.
La proposition du gouvernement est adoptée par 9 voix contre 5.
Articles 124 à 140
M. Luc Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu à révision des articles 124 à 140 (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
Cette proposition est rejetée par 9 voix contre 5.
Article 142
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 142, relatif à la Cour d'arbitrage (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Mme Marie Nagy et consorts déposent l'amendement nº 5 (doc. Sénat, nº 2-1549/2) qui vise à déclarer l'article 142 soumis à révision en vue de le compléter par un nouveau paragraphe donnant compétence à la Cour d'arbitrage pour se prononcer sur les autres cas visés par la Constitution. Cet amendement reprend intégralement sa proposition de déclarer soumis à révision l'article 142 de la Constitution (doc. Sénat, nº 2-871/1).
M. Jacques D'Hooghe propose également de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 142, et ce, en combinaison avec la révision de l'article 76 (cf. supra) (doc. Sénat, nº 2-1541/1).
Compte tenu de la proposition du gouvernement, M. Marcel Cheron retire l'amendement nº 5 en tant que co-auteur. À la suite de cela, la proposition de Mme Nagy et consorts devient sans objet.
La proposition du gouvernement est adoptée par 13 voix et 1 abstention.
À la suite de cela, la proposition de M. D'Hooghe, qui en ce qui concerne la révision de l'article 76, a déjà été rejetée par 8 voix contre 4, devient sans objet.
Article 143
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 143, § 2, relatif au rôle du Sénat dans le règlement de conflits d'intérêts, et ce, dans la perspective de la réforme éventuelle de cette assemblée (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Pour ce qui est de la logique de tout cela, M. Guy Moens estime que l'affirmation de Hamlet « There is some method in this madness » est ici à sa place.
La proposition du gouvernement est adoptée par 7 voix contre 5 et 2 abstentions.
Article 144
M. Luc Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 144 relatif à la compétence exclusive des tribunaux dans les conflits relatifs aux droits civils (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
Selon M. Van den Brande, les articles 144, 145 et 146 excluent pratiquement toute association des États fédérés à l'organisation et à la procédure judiciaires. Comme il l'a déjà expliqué dans le cadre de sa justification (o.c., p. 9), sa proposition vise à combler cette lacune, ce qui correspondrait manifestement aux intérêts du justiciable. Combler ladite lacune n'entre toutefois manifestement pas dans les préoccupations du gouvernement.
La proposition de M. Van den Brande et consorts est rejetée par 10 voix contre 4.
Article 145
M. Luc Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 145 relatif à la compétence des tribunaux dans les conflits relatifs aux droits politiques (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
Pour ce qui est de la justification, M. Van den Brande renvoie à la justification de sa proposition relative à l'article 144 (cf. supra).
La proposition est rejetée par 10 voix contre 4.
Article 146
M. Luc Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 146 qui confère au législateur le pouvoir d'établir des juridictions, d'une part, et l'interdication de créer des tribunaux extraordinaires, d'autre part (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
Pour la motivation, M. Van den Brande renvoie aux développements de sa proposition à propos de l'article 144 (voir supra).
La proposition est rejetée par 10 voix contre 4.
Article 147bis
MM. François Roelants du Vivier et Philippe Monfils déposent un amendement nº1 (doc. Sénat, nº 2-1549/2) visant à insérer au titre III, chapitre VI, de la Constitution un article 147bis en vue d'inscrire dans l'ordre constitutionnel belge la possibilité pour la Cour de cassation de prononcer la privation de certains avantages légaux et, à tout le moins, de leur financement, des partis politiques montrant leur hostilité envers les principes de la démocratie tels qu'ils sont énoncés, notamment par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Cet amendement est rejeté par 8 voix contre 5, et 2 abstentions.
Article 148
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 148, alinéa 2, concernant la possibilité de tenir des audiences à huis clos pour les délits de presse (doc. Sénat, nº 2-1549/1). C'est la conséquence logique de sa proposition visant à déclarer l'article 25 ouvert à révision.
La proposition du gouvernement est adoptée par 12 voix et 1 abstention.
Article 149
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 149 « en vue d'y ajouter un alinéa en vertu duquel la loi peut prévoir des dérogations à la lecture intégrale obligatoire des jugements, par le juge, en audience publique » (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Cette proposition est adoptée par 12 voix et 1 abstention.
Article 150
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 150 concernant la procédure d'assises pour les affaires criminelles, les délits politiques et les délits de presse (doc. Sénat, nº 2-1549/1). C'est la conséquence logique de sa proposition visant à déclarer l'article 25 ouvert à révision.
M. Joris Van Hauthem déclare qu'il votera contre cette proposition parce que, consécutivement à l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 26 février 2003 concernant le Vlaams Blok, certains présidents de parti ont proposé de déclarer l'article 150 ouvert à révision afin de permettre la correctionnalisation de certains délits politiques. L'intervenant y est absolument opposé.
La proposition du gouvernement est adoptée par 9 voix contre 3.
Article 151
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 151, § 2, deuxième phrase, concernant la compétence du Sénat en matière de nomination des membres du Conseil supérieur de la justice qui ne sont pas des magistrats. Si, lors de la prochaine législature, on trouve une majorité des deux tiers pour réformer le Sénat et le transformer en assemblée des Communautés et des Régions, il y a lieu de réviser partiellement cet article dès lors que la Justice est une matière fédérale. En conséquence, il ne serait pas conforme à la répartition des compétences que le Sénat, en tant qu'émanation des communautés et des régions, puisse encore nommer les membres du Conseil supérieur de la Justice qui n'appartiennent pas à la magistrature (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
MM. Wim Verreycken et Joris Van Hauthem proposent de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 151 dans son ensemble (doc. Sénat, nº 2-63/1).
La proposition de MM. Verreycken et Van Hauthem est rejetée par 9 voix contre 1, et 2 abstentions.
La proposition du gouvernement est adoptée par 7 voix contre 4, et 2 abstentions.
Article 152
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 152, alinéas 2 et 3 (doc. Sénat, nº 2-1549/1). Cet article figurait déjà en 1999 dans la déclaration de révision en exécution des accords Octopus, dans le but notamment de réformer le droit disciplinaire applicable aux magistrats.
Le ministre espère que tous les partis qui ont conclu les accords Octopus en mai 1998 tiendront leur parole après les élections de 2003, sans quoi ils pratiquent de petits jeux politiques.
M. Hugo Vandenberghe déclare qu'il votera contre la proposition du gouvernement parce que la majorité arc-en-ciel a l'intention, par la révision de l'article 151, alinéas 2 et 3, de régulariser la nomination de juges en surnombre.
La proposition du gouvernement est adoptée par 9 voix contre 5.
Article 156
M. Frans Lozie dépose l'amendement nº 3 (doc. Sénat, nº 2-1549/2) qui vise à déclarer l'article 156 de la Constitution également soumis à révision afin de scinder le ressort de la cour d'appel de Bruxelles.
Cet amendement est rejeté par 9 voix contre 4.
Article 162
M. Luc Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 162 relatif aux institutions provinciales et communales (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
Pour ce qui est de la justification, M. Van den Brande renvoie à son exposé introductif (IB).
Cette proposition est rejetée par 10 voix contre 4.
Titre IV
a. Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision du titre IV en vue « d'insérer un article nouveau relatif à des juridictions internationales » (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Cette proposition est adoptée par 10 voix contre 4.
b. Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision du titre IV en vue « d'insérer un article nouveau octroyant au Sénat la compétence en matière d'assentiment aux traités mixtes » (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Cette proposition est adoptée par 9 voix contre 5.
Article 167
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 167, § 2, deuxième phrase, en ce qui concerne l'assentiment aux traités (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Cette proposition est adoptée par 9 voix contre 5.
Article 170
M. Luc Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 170 relatif à l'impôt (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
M. Van den Brande déclare que notre État se caractérise par un grand paradoxe. Nombre de compétences sont transférées aux communautés et aux régions, mais l'autonomie fiscale de celles-ci n'est actuellement que de 11 %. D'ici 2011, ce pourcentage passera à 22 ou 23 %. C'est contraire au principe de bonne administration selon lequel les entités fédérées devraient avoir une compétence fiscale pour les matières qui relèvent de leur compétence. En conséquence, il y a lieu de déclarer l'article 170 soumis à révision de manière à pouvoir développer une véritable autonomie fiscale pour les régions et les communautés. Dans une logique confédérale, l'impôt des personnes physiques devrait, en tant qu'impôt le plus démocratique, relever de la compétence des entités fédérées. Une partie de cet impôt devrait toutefois être mis à la disposition des pouvoirs publics confédéraux pour leur permettre de remplir leurs missions. Par ailleurs, il faudrait aussi transférer aux entités fédérées la compétence en matière d'impôt des sociétés. On conserverait donc un tronc fédéral ou confédéral commun, mais les entités fédérées devraient être compétentes pour pouvoir accorder des réductions.
Le régime prévu par l'actuel article 170 en vertu duquel le législateur fédéral détermine seul dans quelle mesure il entend accorder une autonomie fiscale aux régions, aux communautés ou aux entités fédérées, est contraire au principe de bonne administration, selon lequel l'exercice des compétences d'une part, et la responsabilité fiscale et financière d'autre part, doivent être adaptés l'un à l'autre.
Est-il encore besoin d'ajouter que plusieurs grands formats libéraux réclament aussi une plus grande autonomie fiscale. M. Van den Brande invite dès lors les représentants du VLD à joindre le geste à la parole et à approuver sa proposition relative à l'article 170.
La proposition de M. Van den Brande et consorts est néanmoins rejetée par 11 voix contre 3.
Article 180
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 180, « en vue d'y ajouter un alinéa en vertu duquel la loi peut attribuer des compétences supplémentaires à la Cour des comptes (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
À la demande de M. Thissen, le ministre précise que, lorsqu'on a proposé d'attribuer par loi des compétences supplémentaires à la Cour des comptes, le Conseil d'État a chaque fois formulé des remarques sur la compatibilité de l'extension de compétences proposée avec l'article 180, qui ne confie que trois missions à la Cour des comptes.
La proposition du gouvernement est adoptée à l'unanimité des 14 membres présents.
Article 184
M. Luc Van den Brande et consorts proposent de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 184 relatif à l'organisation et à la compétence du service de police intégrée (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
L'auteur principal renvoie à la justification de sa proposition de déclarer soumis à révision les articles 144, 145 et 146.
Il constate à regret que la réforme de la police telle que l'a réalisée l'actuel gouvernement en application de l'accord octopartite de mai 1998 laisse fortement à désirer et a engendré d'énormes problèmes, surtout pour les autorités locales.
Le gouvernement a en outre perdu de vue que, dans tous les États fédéraux, les entités fédérées jouissent d'une large autonomie en matière de police locale. C'est ainsi qu'en Espagne, il y a quatre régions autonomes, dont le Pays basque, qui ont compétence pour ce qui est de leur propre police locale.
Comme il faut, dès lors, confier aux entités fédérées un rôle dans la définition de la politique de sécurité locale, il y a lieu de déclarer soumis à révision l'article 184 de la Constitution en vue de tenir compte de l'évolution en question. Cette révision devrait faire la synthèse du droit à la sécurité défini à l'article 12bis nouveau et du principe de subsidiarité.
La proposition de M. Van den Brande et consorts est rejetée par 10 voix contre 4.
Article 195
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 195 de la Constitution qui définit la procédure de révision de celle-ci (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
À la question de savoir si une révision de l'article 195 au cours de la prochaine législature permettrait de réviser, au cours de cette même législature, des articles qui ne sont pas mentionnés dans la déclaration de révision de la Constitution, le ministre répond que tout dépendra du texte futur de l'article 195. Mais la question de savoir s'il serait souhaitable que cette possibilité existe est une autre question. Le ministre estime quant à lui qu'il n'est pas souhaitable qu'elle existe, dans la mesure où elle pourrait menacer la stabilité juridique. Cette possibilité n'en existera pas moins théoriquement.
M. Van den Brande remercie le ministre pour les précisions claires qu'il a fournies. Elles ne suffisent toutefois pas à dissiper ses objections contre la révision de l'article 195 en tant que tel. Au contraire. Il prend tout d'abord acte de la déclaration faite notamment par M. Monfils selon laquelle il faudra réunir outre la majorité des deux tiers prévue, une majorité par groupe linguistique. Il continue par ailleurs à nourrir des inquiétudes à propos du fonctionnement dans le temps de l'article 195 éventuellement révisé.
Enfin, les entités fédérées ne seront pas associées à la révision de la Constitution.
Il s'oppose, pour toutes ces raisons, à ce qu'on déclare qu'il y a lieu à révision de l'article 195.
M. René Thissen note que les débats qui ont lieu au sein de la commission mettent spécialement en lumière la servilité dont font preuve certains sénateurs vis-à-vis du gouvernement. Leur attitude prouve, elle aussi, qu'il y a lieu de maintenir une procédure étalant toute révision de la Constitution dans le temps pour éviter que la majorité en place ne puisse y procéder sans délai, selon ses propres fantaisies et pour satisfaire ses intérêts immédiats. Une révision de la Constitution qui ne pourrait pas se faire dans un climat de parfaite sérénité et avec le recul nécessaire ne servirait pas l'intérêt de l'État et réduirait la Constitution au rang d'une simple loi.
M. Joris Van Hauthem se pose de sérieuses questions à propos de l'option que le gouvernement a prise en déposant le projet de révision de la Constitution à l'examen. Initialement l'objectif était simplement de déclarer l'article 195 soumis à révision. La majorité actuelle voulait indiquer clairement ainsi qu'elle se réservait le droit de réviser, après la révision de l'article 195, l'ensemble de tous les autres articles de la Constitution. Les francophones se sont toutefois opposés à cela et c'est probablement à cette occasion qu'ils ont formulé une exigence supplémentaire en réclamant aussi une majorité dans chaque groupe linguistique. C'est pourquoi le gouvernement a fait le choix ambigu de soumettre à révison, et l'article 195, et une longue liste d'autres articles de la Constitution.
Le ministre répond que, si l'on ne veut pas que l'article 195 soit révisé dans un sens qui ne permette de réviser un autre article qu'au cours de la législature suivante, il serait logique que l'on mentionne dans le projet de révision de la Constitution à l'examen d'autres articles à soumettre à révision.
M. Van Hauthem déclare que, comme le gouvernement ne voulait initialement déclarer soumis à révision que l'article 195, il n'est pas convaincu par ce qui vient d'être dit.
M. Hugo Vandenberghe note que l'objectif du gouvernement est clair, sinon il ne toucherait pas à l'article 195 et proposerait d'insérer dans la Constitution un article 195bis précisant certaines règles. Autrement dit, le gouvernement demande les pleins pouvoirs aux Chambres fédérales en affirmant qu'elles peuvent lui faire confiance. Ceux qui adopteront la proposition de déclarer l'article 195 soumis à révision donneront toutefois au constituant un chèque en blanc qui n'imposera aucune limite au gouvernement contrairement aux pouvoirs spéciaux. Le ministre rejette vivement cette manière de présenter les choses. Il estime par ailleurs que l'allusion aux pleins pouvoirs n'est pas à sa place.
M. Vincent Van Quickenborne propose de déclarer qu'il y a lieu à révision de l'article 195, alinéas 2 à 5 (doc. Sénat, nº 2-1546/1). Sa proposition ne fait l'objet d'aucune discussion.
Après une courte suspension, deux sénateurs font la déclaration suivante.
M. Jean-Marie Happart déclare qu'il ne votera pas en faveur de la proposition gouvernementale relative à l'article 195, ni en commission, ni en séance plénière, parce qu'il n'est pas rassuré en ce qui concerne la portée de cette proposition.
M. Armand De Decker, président, déclare qu'il ne votera pas non plus en faveur de la proposition gouvernementale, ni en commission, ni en séance plénière. Il estime que d'ici le moment où auront lieu les votes en séance plénière, il puisse encore se passer l'une ou l'autre chose.
La proposition du gouvernement est adoptée par 7 voix contre 5 et 2 abstentions.
À la suite de cela, la proposition de M. Van Quickenborne devient sans objet.
Titre IX
Le gouvernement propose de déclarer qu'il y a lieu à révision du titre IX de la Constitution, en vue d'abroger successivement les dispositions II, IV, V et VI, §§ 1er, 2, 4 et 5 (doc. Sénat, nº 2-1549/1).
Ces dispositions figuraient déjà dans la déclaration de révision de 1999.
M. Marcel Cheron dit espérer que le constituant abrogera enfin ces dispositions au cours de la prochaine législature.
La proposition du gouvernement est adoptée, pour chacune de ces dispositions, par 13 voix et 1 abstention.
MM. Frank Creyelman et Wim Verreycken proposent de déclarer qu'il y a lieu à révision de ce décret, en vue de l'abroger (doc. Sénat, nº 2-1382/1).
M. Luc Van den Brande et consorts font une proposition identique (doc. Sénat, nº 2-1547/1).
M. Joris Van Hauthem fait observer qu'à la suite de l'avis émis par le Conseil d'État en 1992 sur une proposition de loi de portée identique, il ne faut pas suivre de procédure de révision de la Constitution. Une proposition de loi suffit.
M. Van den Brande n'est pas d'accord avec cette interprétation. Le Conseil d'État a dit exactement le contraire, à savoir qu'il s'agit d'une règle fondamentale dont la valeur juridique est égale à celle d'une disposition constitutionelle (doc. Chambre, 1992-1993, nº 1036/2). Le décret proclamant l'indépendance du peuple belge est, lui aussi, constitutionnel. Il faut donc utiliser la procédure de révision prévue par l'article 195 de la Constitution.
Sur le fond, le décret nº 5 est un vestige des journées de septembre 1830, qui se justifiait peut-être à cette époque, mais n'a plus aucun sens aujourd'hui.
En outre, une loi qui n'est plus applicable qu'à une seule famille citée nominativement, qui l'exclut non seulement de la fonction royale, mais aussi de toute autre fonction publique, est contraire au droit international, et plus particulièrement à la Convention européenne des droits de l'homme et au traité UE, qui garantit la libre circulation des personnes. Le décret doit donc être rayé de notre ordre juridique. La Bulgarie nous a précédés sur ce plan, si bien qu'un descendant de la maison de Saxe-Cobourg a récemment pu devenir premier ministre de ce pays. M. Armand De Decker, président, ne peut se rallier à ce point de vue. Au moment où l'on envisagerait d'abroger le décret, la courtoisie nous impose, à son avis, d'en aviser préalablement le gouvernement, le Roi.
Les propositions respectives de MM. Creyelman et Verreycken et M. Van den Brande et consorts sont rejetées par 9 voix contre 4.
Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 8 membres présents.
Les rapporteurs, | Le président, |
Philippe MONFILS. Ludwig CALUWÉ. |
Armand DE DECKER. |
(1) Voir : Centre d'études constitutionnelles et administratives, Quelles réformes pour le Sénat ? Propositions de 16 constitutionnalistes, Bruxelles, Bruylant, 2002, nº 22, Avant-propos de M. A. De Decker, président du Sénat.
(2) Voir : Centre d'études constitutionnelles et administratives, Quelles réformes pour le Sénat ? Propositions de 16 constitutionnalistes, Bruxelles, Bruylant, 2002, nº 23, p. 105.