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Sénat de Belgique

SESSION DE 2002-2003

18 FÉVRIER 2003


Proposition de loi modifiant l'article 1er de la loi du 2 mars 1989 relative à la publicité des participations importantes dans les sociétés cotées en bourse, et réglementant les offres publiques d'acquisitions et l'article 96 du Code des sociétés


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES ET DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES PAR M. de CLIPPELE


La commission a discuté la proposition de loi dans sa forme initiale au cours de ses réunions des 16 janvier, 15 mai et 20 novembre 2002. Le 15 janvier 2003, la commission a organisé une audition avec la professeur L. Van den Berghe (Instituut voor bestuurders) et avec M. E. Wymeersch, président de la Commission bancaire et financière. Se fondant sur les remarques et suggestions de ces deux personnes, l'auteur principal de la proposition de loi, M. Van Quickenborne, a déposé des amendements qui remplacent entièrement le texte initial de la proposition de loi. Le 18 février 2003, la commission a consacré une réunion à l'examen de ces amendements et les a adoptés.

I. EXPOSE INTRODUCTIF DE M. VAN QUICKENBORNE

M. Van Quickenborne souligne d'abord que la proposition de loi bénéficie d'un large soutien puisqu'elle a été signée par des membres de six partis.

Il convient de l'examiner à la lumière de l'évolution qui se dessine au niveau européen. On constate dans les pays voisins une tendance à davantage de transparence en ce qui concerne les émoluments et le portefeuille d'actions des membres du conseil d'administration et du comité de direction de sociétés cotées en bourse.

Ces derniers mois, une importante controverse a été soulevée en Belgique concernant les émoluments des managers d'une entreprise publique déterminée. Cette affaire a accéléré la discussion de la présente proposition de loi, qui avait déjà été déposée le 25 avril 2001.

Une loi similaire a été votée en France en mai 2001 et, aux Pays-Bas, on en votera également une sous peu. Il s'ensuit que la Belgique est quasiment obligée, dans un marché qui devient de plus en plus un marché unique et dans lequel la bourse Euronext regroupe les bourses de Paris, d'Amsterdam et de Bruxelles, de se plier aux nouvelles exigences en matière de publicité.

La présente proposition de loi vise à aligner la Belgique sur ses voisins. Elle comporte deux éléments essentiels. D'une part, elle vise à ce que les membres du conseil d'administration et du comité de direction, notion qui doit être interprétée conformément au projet de loi sur la « corporate governance » (1), en tout cas pour ce qui est des sociétés cotées en bourse, soient obligés à rendre publiques les éventuelles transactions d'actions etc. de ces entreprises qu'ils effectuent à titre individuel. D'autre part, ces personnes doivent indiquer individuellement quels sont les émoluments, au sens le plus large du terme, qu'elles touchent.

La première obligation, à savoir l'obligation de déclarer les acquisitions et les cessions de titres conférant le droit de vote diffère de la réglementation actuelle puisqu'il n'y a actuellement qu'une obligation de déclaration en cas de dépassement d'un seuil déterminé, par exemple 5 % du nombre total des titres. La proposition de loi vise à instaurer une obligation plus radicale pour les membres du conseil d'administration et du comité de direction.

Pour ce qui est des rémunérations, on mentionne les émoluments globaux de l'ensemble des administrateurs dans le rapport annuel dans le cadre du système actuel. Il est dès lors impossible de savoir qui gagne exactement quoi. La transparence n'est donc que partielle.

D'un point de vue technique, la proposition de loi est assez simple puisqu'elle vise simplement à modifier un article de la loi du 2 mars 1989 et un article du Code des sociétés. Il n'empêche que la proposition de loi peut induire une avancée importante en matière de « corporate governance » ou de bonne administration dans le cadre de laquelle la transparence, l'intégrité et la responsabilité sont des notions clés.

En ce qui concerne l'obligation de déclarer les transactions de titres conférant le droit de vote, il importe que le public et, plus spécifiquement, les actionnaires sachent quels sont les rapports de force au sein de la société. Si plusieurs actionnaires possèdent des blocs d'actions d'une société et adoptent tous une même stratégie, il importe de savoir quelle part ils représentent dans la société.

Deuxièmement, il apparaît de plus en plus, selon M. Van Quickenborne, que le délit d'initié est largement répandu au sein des sociétés cotées en bourse. Il convient d'y mettre fin.

L'intervenant renvoie à cet égard à l'affaire Enron qui a secoué les États-Unis, et dans le cadre de laquelle plusieurs administrateurs ont vendu des actions en masse avant le concordat judiciaire. Il est de la plus grande importance que les actionnaires et les candidats actionnaires sachent quels sont les intérêts personnels des administrateurs.

Pour ce qui est de la deuxième obligation, à propos de la transparence en matière de rémunération, la proposition de loi vise à ce que notre pays suive lui aussi la tendance qui se dessine en la matière au niveau international.

Il y a très peu d'administrateurs disponibles sur le marché. Pour créer un climat favorable aux investissements et au développement de l'emploi, les entreprises belges doivent pouvoir séduire les meilleurs administrateurs, ce qui, selon M. Van Quickenborne, ne peut se faire qu'en instaurant une transparence aussi grande que possible.

L'intervenant estime également qu'il importe de créer la transparence pour ce qui est des rémunérations individuelles, parce qu'il convient d'adapter l'évolution des salaires des administrateurs aux prestations et aux résultats des entreprises. Il est anormal que des administrateurs s'octroient en cachette une augmentation ou un bonus alors que leur entreprise est en difficulté et qu'elle doit licencier du personnel en masse. M. Van Quickenborne estime qu'il faut pouvoir parler ouvertement de ces choses sans courir le risque d'être accusé de poujadisme ou de s'enliser dans des discussions sur les tensions salariales.

M. Van Quickenborne cite également l'exemple de La Poste, où la discussion concernant la rémunération de M. Rombouts a eu pour effet que les négociations au sujet du salaire de son successeur, M. Thijs, ont abouti à ce que ce salaire soit en grande partie lié aux résultats obtenus et que l'indemnité de préavis soit plus raisonnable.

Troisièmement, l'instauration de la transparence en matière de rémunération répond à la nécessité pour les personnes qui ont des intérêts dans les sociétés cotées en bourse, de disposer des informations correctes leur permettant de juger si le coût de l'administration est proportionnel aux prestations de l'entreprise. On vérifie de plus en plus, dans le cadre du système de la corporate governance ­ surtout tel qu'il est appliqué aux États-Unis ­ quelle est la responsabilité individuelle des administrateurs individuels; on renonce en d'autres termes de plus en plus à considérer le conseil d'administration comme un bloc homogène et on prend en considération la spécialisation des divers administrateurs. Il est dès lors utile de savoir quelles sont les prestations de chacun et de quelle manière chacun est rémunéré pour celles-ci.

Quatrièmement, la transparence en matière de rémunération implique la nécessité de rendre des comptes d'une manière adéquate. Dans de nombreuses sociétés cotées en bourse, on a créé un comité des rémunérations, une sorte de comité externe qui fixe les salaires des administrateurs. Il y a toutefois encore bien des sociétés dans lesquelles les administrateurs fixent eux-mêmes leur rémunération. Il est extrêmement important qu'ils le fassent dans la transparence la plus complète et que tous les actionnaires puissent donner leur avis.

Le champ d'application de la proposition de loi se limite aux entreprises privées cotées en bourse. Elle ne vise pas les entreprises publiques.

Dans la législation instituée en France en 2001, on a soumis également aux mêmes conditions les sociétés anonymes d'une certaine dimension non cotées en bourse. De même aux Pays-Bas, on estime que les sociétés anonymes ouvertes doivent être soumises aux mêmes conditions que les sociétés anonymes cotées en bourse.

Les auteurs de la proposition de loi en discussion n'ont pas voulu aller aussi loin, parce qu'ils estiment que la différence entre une société cotée en bourse et une société non cotée est grande, du fait que dans la première catégorie, le caractère public est bel et bien en jeu, et dans l'autre non. Dans une société privée, le lien entre le conseil d'administration et le management et le lien entre le conseil d'administration et les actionnaires présentent beaucoup plus de parallélisme et il n'y a aucune possibilité d'entrer et de sortir anonymement du capital social.

M. Van Quickenborne ajoute que cette proposition de loi ne vise aussi que les sociétés privées cotées en bourse parce que le gouvernement lui-même a annoncé un projet de loi qui prévoirait une obligation similaire pour les administrateurs de sociétés publiques.

M. Van Quickenborne indique que la proposition de loi à l'examen suscite également certaines objections. On lui reproche d'abord d'aller à l'encontre de notre culture. Dans celle-ci, parler de rémunérations et d'indemnités est plutôt tabou. La transparence complète dans ce domaine serait typiquement anglo-saxonne. L'intervenant considère que notre culture devra inéluctablement s'adapter, sous la pression de l'unification européenne qui est en marche. Une plus grande transparence pourra même atténuer le phénomène de l'envie sociale et faire un sort à un certain nombre d'histoires inventées de toutes pièces.

Une deuxième objection possible est celle de la violation de la vie privée des administrateurs. M. Van Quickenborne estime qu'il faut mettre en balance, d'une part, la vie privée et, d'autre part, le fait que les investisseurs ont tout intérêt à pouvoir vérifier si leur argent est bien utilisé. Ce dernier élément l'emporte sur le premier, surtout pour les entreprises cotées en bourse.

Une troisème objection concerne la crainte des employeurs de voir utiliser abusivement cette transparence lors des négociations relatives aux CCT. L'on craint que les syndicats ne s'opposent à des augmentations salariales pour les administrateurs si elles sont plus élevées que celles des salariés. M. Van Quickenborne considère que les discussions à ce sujet doivent pouvoir se dérouler en toute franchise avec les syndicats. Il espère que ceux-ci se montrent suffisamment responsables et qu'ils reconnaîtront qu'attirer de bons administrateurs est bénéfique aussi pour les travailleurs et pour l'emploi.

M. Van Quickenborne souhaite que l'on organise des auditions concernant cette proposition de loi. Il songe notamment à l'Instituut voor bestuurders, à des spécialistes syndicaux, etc. La proposition de loi pourra éventuellement être adaptée en fonction de ces auditions. L'intervenant souligne qu'il importe de promouvoir la transparence non seulement des rémunérations et des participations, mais aussi celle de la politique qui sous-tend les rémunérations. Pourquoi attribue-t-on précisément un montant X ou Y à telle ou telle catégorie d'administrateurs ?

II. DISCUSSION GÉNÉRALE

M. Thissen trouve sage de se limiter aux sociétés cotées en bourse pour limiter le nombre d'administrateurs concernés. L'intervenant, contrairement à M. Van Quickenborne, estime qu'il faut tenir compte de notre culture, qui consiste à ne pas étaler sur la place publique toutes les rémunérations des gens. Cela ne se fait pas pour les employés, les ouvriers, les cadres, etc. Il y a quand même un certain droit à la vie privée. La difficulté est de trouver un juste équilibre entre le respect de la vie privée, d'une part, et la transparence nécessaire, d'autre part.

En ce qui concerne la partie détention d'options, d'actions, etc., M. Thissen croit qu'effectivement, cela peut figurer dans les publications des sociétés cotées en bourse. Cela a une certaine importance. D'autre part, personne n'est obligé d'acheter des titres de la société pour laquelle il travaille. S'il le fait, c'est un signe et cela doit se faire en toute transparence pour pallier les problèmes liés à des informations privilégiées.

Pour ce qui est des rémunérations, la question est de savoir s'il faut publier nominativement les rémunérations de chacun. Il n'est pas évident que cela ait un intérêt. Ne peut-on pas amener une transparence sans nécessairement cibler les gens ? On sait quelles sont les dérives qui peuvent survenir.

Pour M. Thissen, l'obligation de transparence pour les entreprises publiques est encore plus grande que pour les entreprises privées. Si pour ces dernières, l'on sait que le comité de direction coûte autant par année, que le conseil d'administration coûte autant par année, cela permet aux actionnaires de se faire une opinion sur les parts qui sont réservées au management et celles qui sont attribuées par ailleurs.

M. Thissen ajoute avoir quelques réticences sur les informations que la proposition tend à faire publier. Ainsi, il ne voudrait pas que la déclaration faite à l'occasion de la publication des résultats d'une société devienne un outil fiscal pour le contrôleur des contributions. Les avantages en nature doivent toujours être évalués. Il y a l'évaluation économique éventuellement et il y a l'évaluation fiscale. Elles peuvent être totalement différentes. Dès lors, M. Thissen se demande dans quelle mesure il est opportun de faire en sorte que l'on mette dans un rapport annuel quelque chose qui fera l'objet d'une discussion avec le contrôleur des contributions.

Deuxièmement, M. Thissen ne voit pas l'utilité ni même la justification pour le fait de reprendre dans la liste qui est établie par la proposition des remboursements de frais. Il s'agit là de frais incombant à la société et M. Thissen ne voit pas pourquoi il faudrait que de manière indirecte, l'on impute ces frais au dirigeant qui les a engagés pour assumer ses fonctions dans la société. Si par exemple un chef d'entreprise voyage beaucoup en avion, cela peut donner lieu à des frais extraordinaires et pourra créer une suspicion inutile.

M. de Clippele déclare être favorable à la transparence. Encore faut-il voir quelles sont les priorités que l'on donne à la transparence. Et M. de Clippele de penser qu'il y a encore des secteurs dans lesquels on a plus à gagner à améliorer la transparence que dans le secteur des sociétés privées cotées en bourse. L'intervenant n'est pas favorable au voyeurisme. Il estime que notre culture diffère de celle des États-Unis. Là-bas, si vous gagnez beaucoup, vous pouvez le dire publiquement, on vous en félicitera. En Belgique, d'abord on se tait pour éviter un contrôle fiscal et, en outre, plus vous gagnez, plus on vous montre du doigt.

On peut le regretter mais le contexte en Belgique est donc bien différent de celui aux États-Unis. M. de Clippele craint que le voyeurisme ne soit amplifié par cette proposition de loi.

Deuxièmement, des sociétés sont souvent amenées à procéder à des restructurations. À ce moment, les travailleurs touchés n'accepteront probablement pas que la direction et le conseil d'administration continuent à toucher la même rémunération. Si on en arrive là, on tombera dans un système où le manager officiel ne prendra plus la décision de restructurer. Les décisions de restructurer une entreprise seront prises ailleurs puisque l'on ne va pas empêcher les entreprises de se restructurer. Le résultat en sera qu'au lieu d'avoir plus de transparence, on en aura moins en ce sens que le véritable patron sera quelqu'un à l'étranger qui représentera l'actionnaire principal. M. de Clippele craint que finalement les décisions de toutes les entreprises multinationales qui ont des activités en Belgique soient systématiquement prises à l'étranger.

M. de Clippele fait valoir qu'il y a de multiples façons de rémunérer les dirigeants d'entreprise. De plus en plus d'entreprises ont conclu un contrat avec une société ­ et le commissaire croit que l'État belge l'a fait dans le cas de Cockerill-Sambre ­ qui met à disposition une personne qui est le manager. On se trouve donc dans d'autres cas de figure. On pourrait dire qu'il s'agit d'une rémunération indirecte. Mais alors ce manager va parfois donner des conférences par exemple aux États-Unis, à Hong Kong, etc. et pour ces conférences, alors qu'elles ne prennent peut-être que quelques jours de son temps de travail, le manager est rémunéré amplement et largement. Tout le monde aura compris qu'il y a des déplacements de revenus qui se font. La proposition risque d'accentuer encore cette technique qui consiste à échapper à la fiscalité de notre pays. C'est cela que l'on veut comme transparence ?

S'agissant des arguments en faveur de la publicité à donner à la vente, à l'acquisition et à la liquidation d'actions par les administrateurs des sociétés cotées en bourse, M. Moens indique qu'une raison très importante qui l'a poussé à cosigner cette proposition de loi a été que si l'on peut suivre à court terme ces mouvements, cette information incitera un certain nombre de petits actionnaires à faire preuve d'une plus grande prudence. L'intervenant pense concrètement au cas de Lernout & Hauspie. L'argument de la protection du petit actionnaire est donc très important à ses yeux.

Quant à rendre publique la rémunération des administrateurs, M. Moens estime que la crainte d'en parler est trop grande en Belgique. Dans le cas de La Poste, les administrateurs qui ne sont pas membres du comité de rémunération n'ont pas eu connaissance du montant de la rémunération et de l'indemnité de départ accordées à l'administrateur délégué précédent. M. Moens trouve que cela va trop loin. Il plaide dès lors pour une plus grande transparence, assortie des précautions qui s'imposent.

M. D'Hooghe pense que personne n'est contre le principe de la transparence. En soi, la proposition de loi n'est donc pas mauvaise, surtout en ce qui concerne l'obligation de signaler les transactions en actions intéressant la société et le groupe auquel elle appartient.

Quant au deuxième volet, celui de la publication des indemnités, M. D'Hooghe demande si l'on a examiné comment se présentent la situation légale et la situation de fait dans les pays voisins. Il n'est pas exclu en effet que si la Belgique impose des normes plus strictes que les pays voisins, nous perdions nos meilleurs administrateurs et managers au profit de l'étranger.

M. D'Hooghe peut également se rallier à l'argument de M. de Clippele, selon lequel les entreprises belges cotées en bourse risquent, en définitive, d'être dirigées par des hommes de paille. Si ce phénomène devenait réalité, cela pourrait bien être très gênant.

Le président s'accorde à dire avec M. Van Quickenborne que l'on observe, sur le plan de la culture d'entreprise, un certain mouvement qui est également perceptible dans les pays voisins. Les obligations qui vont dans le sens d'une plus grande transparence se sont multipliées. La Belgique ne peut pas être en reste à cet égard.

L'intervenant trouve bon que tous les actionnaires soient au courant de la répartition des coûts au sein de la société dans laquelle ils investissent. Pour le président, il vaut toujours mieux avoir trop d'informations que trop peu.

Comme la plupart des multinationales sont des entreprises américaines, elles sont déjà soumises à pareilles obligations. M. De Grauwe ne craint donc pas vraiment qu'elles recourent à des hommes de paille. De plus, nombre de décisions concernant des filiales belges d'entreprises étrangères se prennent de toute façon déjà à l'étranger. Les dispositions proposées n'y changeront pas grand-chose.

M. De Grauwe craint que, si la Belgique prend du retard en matière de transparence des entreprises, bon nombre d'investisseurs internationaux ne se désintéressent de nos entreprises. Notre culture devra, par la force des choses, s'adapter à la demande croissante de transparence.

Mme Kestelijn-Sierens considère que le besoin de transparence n'ôte rien à la nécessité de débattre sur le type d'indemnités devant faire l'objet de mesures de publicité. L'intervenante doute par exemple de l'utilité de rendre public le montant des frais remboursés. Elle doute que cela se fasse, par exemple, aux États-Unis.

Le 15 mai 2002, M. Van Quickenborne a soutenu qu'il serait intéressant de déposer la présente proposition de loi sous la forme d'un amendement au projet de loi relatif au gouvernement d'entreprise (« Corporate Governance ») (nº 2-1107). Le gouvernement a en effet affirmé très clairement qu'il soutenait la présente proposition. De plus, il est lui-même en train de préparer un projet de loi relatif à la transparence des indemnités allouées aux administrateurs des entreprises publiques.

Pour les entreprises privées, le gouvernement laisse l'initiative au Parlement.

Le ministre de la Justice considère qu'il est dès lors préférable à l'heure actuelle de régler par un mécanisme d'autorégulation la problématique de la transparence de la rémunération des administrateurs en Belgique. Il déclare que la FEB a formulé récemment une recommandation à ce sujet. Même la CBF serait disposée à prendre une initiative en ce qui concerne les sociétés cotées en bourse.

Le ministre note qu'il convient de faire une distinction entre, d'une part, la transparence de la rémunération prise globalement en tant qu'élément susceptible de contribuer à la bonne administration des entreprises et à la protection des intérêts des actionnaires et, d'autre part, la manière dont on va concrétiser tout cela. La CBF penche plutôt pour une transparence de la globalité des rémunérations qu'une société verse à ses administrateurs, mais sans publication de ce que chaque administrateur gagne à titre individuel. La seule chose qui importe pour les actionnaires, c'est de connaître le coût global du conseil d'administration et du comité de direction.

M. De Grauwe, président, estime que cette proposition de loi doit avoir une existence autonome et propose en conséquence de ne pas la lier sous forme d'amendement au projet sur le gouvernement d'entreprise. Il est d'avis que la proposition de loi nécessite encore un certain travail de réflexion.

M. de Clippele déclare que son groupe est sur la même longueur d'ondes que le ministre.

M. Van Quickenborne constate que l'avis du ministre sur sa proposition de loi s'écarte de celui du premier ministre. L'autorégulation pourrait éventuellement être une solution, surtout si l'initiative émane de la CBF qui a le pouvoir d'infliger des sanctions aux entreprises cotées en bourse. En revanche, la lettre que la FEB a adressée aux entreprises ne peut pas vraiment être prise « au sérieux ».

La CBF opterait pour la transparence de l'indemnité globale. Selon ce sénateur, la législation actuelle sur les sociétés impose déjà cette obligation aux entreprises. Il estime cependant qu'elle n'est pas respectée.

M. Van Quickenborne insiste pour que l'on fasse au moins la distinction entre les administrateurs exécutifs, les administrateurs non exécutifs et les administrateurs indépendants et que l'on divulgue les indemnités versées à chacune de ces catégories.

Le 20 novembre 2002, il répète que l'on constate au sein de l'Union européenne une évolution dans le sens d'une transparence accrue des indemnités individuelles. C'est ainsi qu'après la modification du « Code de commerce » en France et du Code civil néerlandais, le code allemand de gouvernement d'entreprise impose à présent une publication détaillée des indemnités versées aux membres du conseil d'administration des entreprises cotées en bourse. Le « Financial Times » s'est fait l'écho de cette mesure le 8 novembre 2002.

Le projet de loi-programme (doc. Chambre, nº 50-2124) contient aussi deux dispositions modifiant la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprise publiques en vue d'accroître les règles de transparance pour l'ensemble des entreprises publiques autonomes.

Citons enfin une étude du « Wall Street Journal » pour laquelle on a interrogé 13 000 personnes et qui sur la problématique de la confiance dont jouissent les « Chief Executive Officers » (CEO) ainsi que sur la nécessaire transparence des rémunérations qui leur sont allouées. Une majorité des personnes interrogées dans chaque pays est favorable à cette transparence. La conclusion de l'étude est que les pays où la confiance dans les CEO et les entreprises est grande sont aussi ceux où la transparence est la plus grande, notamment en ce qui concerne les indemnités.

M. Van Quickenborne affirme qu'il règne un certain flou en ce qui concerne l'état actuel de la législation. L'arrêté royal du 8 octobre 1976 pris en exécution de la loi du 17 juillet 1975 relative à la comptabilité des entreprises prévoit l'inscription, à la rubrique 19 des comptes annuels, du montant des rémunérations directs et indirectes attribuées aux administrateurs et gérants. Il faut donc déjà mentionner davantage que le montant global des seuls tantièmes.

La présente proposition de loi vise à accomplir un pas supplémentaire individualisant les indemnités accordées aux administrateurs. Elle tend aussi à une plus grande transparence des portefeuilles d'actions et d'autres titres des administrateurs au sein de l'entreprise.

Le ministre de la Justice rappelle qu'il a déjà été dit, au cours de la discussion du projet sur le gouvernement d'entreprise (doc. Sénat, nº 2-1107/1 et suivants), qu'une initiative devait être prise pour régler la question de la rémunération des administrateurs. La présente proposition va dans le même sens que les initiatives prises actuellement en France.

En ce qui concerne cette problématique, le ministre évoque deux études réalisées par la « Financial Law Institute » (RU Gent), dans lesquelles il est également question de la proposition de loi à l'examen.

La première question qui se pose est celle de savoir quelles sont les dispositions réglementaires qui existent déjà. On distingue ainsi les articles 91 et 195 de l'arrêté royal du 30 janvier 2001, pris en exécution du Code des sociétés. Il est important de souligner, à ce propos, qu'on parle toujours du montant total, et non des émoluments individuels. Les auteurs de ces deux articles se sont inspirés de directives européennes : la quatrième directive concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés pour ce qui est des grandes sociétés et la septième directive sur les comptes consolidés. La quatrième directive prévoit même une dérogation en ce qui concerne la publication du montant total pour le cas où l'on pourrait en conclure qu'il ne concerne qu'un seul administrateur et où l'on pourrait dès lors connaître les émoluments individuels de ce dernier.

Mais ces directives ont près de 25 ans. Des discussions sont en cours tant à l'échelle internationale qu'à l'échelon national, quant au bien-fondé de la publication des rémunérations individuelles.

Le ministre signale qu'une série de recommandations ont été faites à ce propos. C'est ainsi qu'on peut lire, dans une recommandation de la FEB du 1er mars 2002, que les sociétés devraient donner des explications sur la politique de rémunération menée en leur sein, sur le montant total des émoluments des administrateurs non exécutifs, des membres du comité de direction du bureau exécutif et des membres du collège des administrateurs délégués. En outre, le montant total doit également être ventilé en quotités variables et quotités fixes, et il y a lieu de mentionner les incitants à long terme. Le nombre de membres concernés par la rémunération doit également être publié.

Une seconde recommandation émane de la CBF, qui demande que soient publiées des informations sur les règles et procédures de fixation de la rémunération totale, des tantièmes, des avantages en nature et des options sur actions attribués aux administrateurs. La CBF est également en train de préparer de nouvelles recommandations qui iront vraisemblablement plus loin que la première.

C'est la raison pour laquelle le ministre trouve qu'il convient d'organiser une audition du président de la CBF, afin d'obtenir plus de précisions sur la direction dans laquelle la CBF évolue. La proposition de loi à l'examen doit être appréciée à la lumière de ces précisions. L'article 2 de la proposition impose en effet une mission supplémentaire à la CBF. L'audition de M. Wymeersch pourrait également s'avérer intéressante à cet égard.

L'étude réalisée par la RU Gent sur la situation actuelle en matière de publication du montant global des rémunérations a montré qu'un cinquième des sociétés qui sont soumises à l'obligation de publication ne la respectent pas. La conclusion de cette étude est dès lors qu'il y a lieu d'élaborer un système de sanctions approprié.

Le ministre souligne que la structure du capital des sociétés belges présente de grandes différences par rapport à celle que l'on peut observer dans les pays anglo-saxons. En Europe continentale, les actionnaires de référence constituent un phénomène beaucoup plus fréquent que dans les sociétés anglo-saxonnes. De fait, ces actionnaires de référence ont plus facilement accès aux informations sur la rémunération des administrateurs que les petits actionnaires des sociétés américaines et anglaises. C'est dans cette perspective qu'il faut envisager la nécessité d'une initiative législative.

Au Royaume-Uni, une étude a été consacrée récemment aux conséquences de la publication de la rémunération des administrateurs. Cette étude a montré que, lorsque la transparence était poussée au maximum, les sociétés avaient tendance à complexifier considérablement les rémunérations et, en particulier, leur partie variable. Il devient alors très difficile, pour le petit actionnaire, de se faire une idée de ce que représentent exactement ces rémunérations. D'autre part, on a pu constater que les rémunérations avaient tendance à augmenter à mesure que la transparence à leur sujet était plus grande. La transparence permet en fait à une société de connaître les rémunérations que les autres attribuent à leurs administrateurs.

M. de Clippele est frappé par le constat que la publication des rémunérations de dirigeants d'entreprise entraîne une inflation de ces rémunérations alors que l'on vise entre autres à améliorer la position des actionnaires et des travailleurs des entreprises concernées.

Pour ce qui est des chiffres en la matière, le ministre renvoie aux études de la « Financial Law Institute » (RU Gent). L'on a constaté au Royaume-Uni que la transparence des rémunérations entraînait une sorte de concurrence qui engendrait à son tour une augmentation de la rémunération moyenne.

M. De Grauwe pense que les actionnaires auront tendance à revendre leurs actions quand ils se seront rendu compte que la société dont ils possèdent des actions octroie des rémunérations exorbitantes à ses administrateurs.

Selon l'intervenant, le fait que les actionnaires de référence de sociétés belges disposent déjà d'informations sur les rémunérations individuelles permet de conclure à la nécessité d'une initiative législative en la matière. Il est en effet inacceptable que les actionnaires minoritaires soient moins informés que les autres.

M. Van Quickenborne signale que les adversaires de sa proposition allèguent, de leur côté, que les informations privilégiées dont disposent les actionnaires de référence empêcheront précisément les rémunérations des administrateurs d'atteindre des niveaux trop élevés.

Il affirme, lui, que la transparence a précisément amené certains administrateurs à renoncer totalement ou partiellement à leurs avantages, en raison des réactions négatives qu'avait suscitées la communication de leur montant. Il en conclut que la transparence conduit à une meilleure gestion.

III. AUDITION DU 15 JANVIER 2003

A. Exposé de la professeur Lutgart Van den Berghe (Institut des administrateurs)

Une des missions de base de l'Institut des administrateurs est d'oeuvrer au développement d'un savoir-faire axé sur une vision réfléchie de la gouvernance d'entreprise.

Mme Van den Berghe répartit les dispositions de la proposition de loi en deux groupes. Elle estime que les arguments et l'approche diffèrent selon qu'il s'agit de la rémunération des administrateurs ou de la détention et du commerce des actions.

En ce qui concerne la transparence des rémunérations des administrateurs, Mme Van den Berghe envisage trois questions :

1. Pourquoi souhaite-t-on la transparence en la matière ?

2. En quoi consiste cette transparence ?

3. Comment mettre cette transparence en pratique ?

1. Plusieurs arguments avancés dans la proposition de loi sont pertinents, même s'il convient de les nuancer un tant soit peu. Il y a les arguments reconnus au niveau international et qui sont valables dans une certaine mesure pour la Belgique. L'un des principaux est que la transparence est la pierre angulaire d'une bonne gestion et que l'attrait du marché belge des capitaux a tout à gagner à une plus grande transparence des rémunérations des administrateurs. Il s'agit donc des sociétés cotées en bourse.

Cette transparence doit s'envisager dans le contexte des pays qui sont des figures de proue en la matière. Pour eux, la publicité des rémunérations des administrateurs est souvent le seul moyen de contrôler leurs entreprises, dont la plupart, ont à leur tête une direction jouissant d'une grande autonomie. Leur actionnariat est souvent très morcelé. Les actionnaires ne peuvent alors se baser que sur l'information publiée.

On considère très vite qu'une plus grande transparence conduit à une plus grande responsabilité et une plus grande responsabilité à une meilleure gestion des entreprises.

Mme Van den Berghe nuance ce propos en rappelant ce qui s'est passé avec des sociétés comme Enron, Worldcom et General Electric, qui montrent bien que le fait que des entreprises soient transparentes n'est pas une garantie de bonne gestion. La transparence peut y contribuer, mais elle n'est certainement pas l'élément le plus fondamental dans notre environnement.

Faire des recommandations, si bonnes soient-elles, ne sert d'ailleurs à rien si l'on ne prévoit pas de « monitoring ». Il faut un contrôle et l'information doit être utilisée. Informer pour informer ne fait qu'entraîner des coûts et n'apporte rien.

Conclusion : il faut davantage de transparence pour ce qui est des entreprises cotées en bourse. De telles entreprises n'ont en effet pas recours seulement au capital des propriétaires historiques ou des actionnaires de référence. Les actionnaires minoritaires ont le droit de recevoir davantage d'informations qu'à l'heure actuelle. Il est évident qu'à ce jour, on ne sait pas exactement ce que coûte l'administration des entreprises. Les initiés et les actionnaires de référence sont probablement beaucoup mieux informés sur ce point.

2. En ce qui concerne le champ d'application, le professeur Van den Berghe fait deux observations.

Les entreprises auxquelles s'adressent ces recommandations sont des entreprises cotées en bourse. Chez nos voisins et, en particulier, en France, il existe des recommandations dont le champ d'application ne se limite pas aux entreprises cotées en bourse. Le professeur Van den Berghe ne plaide pas directement pour un élargissement du champ d'application mais il souhaite que l'on réfléchisse à son opportunité. Elle renvoie à cet égard aux recommandations de Jaap Winter (Pays-Bas) et d'un groupe de réflexion européen sur la gouvernance d'entreprise. On distingue trois catégories d'entreprises : les entreprises cotées en bourse, les entreprises fermées et les entreprises ouvertes qui ont d'autres actionnaires que les actionnaires ou les propriétaires initiaux ou qui sont « opéables » selon le vocabulaire utilisé par le groupe Winter, c'est-à-dire mûres pour être cotées en bourse.

La proposition de loi à l'examen est axée ­ à juste titre, dans les circonstances actuelles ­ sur les sociétés cotées en bourse.

En ce qui concerne les catégories de personnes dont les rémunérations devraient être rendues publiques, le professeur Van den Berghe estime que l'énumération qui figure dans la proposition de loi est claire.

Une fois de plus, une comparaison avec les pays voisins s'impose. Il faut savoir jusqu'à quel échelon on compte descendre. L'usage de la notion légalement définie de comité de direction amène déjà des sociétés à donner une autre dénomination à cet organe dans l'espoir d'échapper ainsi à certaines règles.

Outre les trois catégories d'entreprises citées ci-dessus, il y a aussi les entreprises publiques. On pourrait aussi instaurer une transparence pour ces entreprises.

M. De Grauwe renvoie, à cet égard, à un article de la loi-programme du 24 décembre 2002 (Moniteur belge du 31 décembre 2002, pp. 58686-58797), qui instaure cette transparence pour les entreprises publiques.

Quelle doit être la forme de cette transparence ?

La question se pose de savoir quels sont les avantages et les inconvénients de la manière dont la proposition de loi à l'examen aborde la question de la transparence. Sous sa forme actuelle, la proposition de loi prévoit un système qui correspond tout à fait aux systèmes néerlandais et français qui sont les références dans le cadre d'Euronext. Elle prévoit une transparence individuelle qui implique la communication de toutes les rémunérations par personne et par catégorie de fonction.

L'on peut tout d'abord se demander, quelle est l'utilité d'une information individuelle au regard du coût et des inconvénients d'un aperçu moyen par catégorie de la rémunération des administrateurs, le cas échéant des administrateurs exécutifs ou des membres de la direction. Si le but est effectivement de se faire une idée précise du coût réel de l'administration et du lien entre cette rémunération et les performances de l'entreprise, d'autres informations sont nécessaires.

Il est, par exemple, beaucoup plus important d'avoir une idée de la politique de rémunération et des mécanismes d'octroi d'options et de rémunérations variables, mais aussi des critères qui sont utilisés en l'espèce. Quel est le rapport entre les rémunérations fixes et les rémunérations variables ? Sous quelle forme seront-elles payées ? Quelles sont les modalités des levées d'options ?

C'est surtout à ce niveau-là que beaucoup de problèmes se sont posés en pratique. Il y avait souvent une transparence pour ce qui est des individus, mais il n'y en avait pas en ce qui concerne le coût final pour l'entreprise.

Il est aussi beaucoup plus difficile de faire un monitoring de la manière précise dont est gérée une entreprise que de la publication des chiffres.

On constate à la lumière de la finalité de la proposition et des moyens qu'elle prévoit qu'elle ouvre la porte à un certain « voyeurisme », non justifié par la fin poursuivie, et que les moyens prévus justifient apparemment une autre fin.

Si l'objectif est d'assurer la bonne gestion des entreprises et d'obtenir de bonnes informations sur le rapport entre la rémunération d'un administrateur, ou d'un directeur, etc., et sa valeur ajoutée réelle, la mention d'un montant ne sera d'aucune utilité en soi.

On doit pouvoir se former une sorte de jugement fondé. Il est préférable de commencer à cet égard par le conseil d'administration ou par un comité créé au sein de celui-ci, où l'on peut vraiment rendre des comptes. Ce n'est pas au moyen d'un montant qui paraît dans la presse que l'on justifie la rémunération et le lien entre celle-ci et les performances de l'entreprise.

Les dispositions de la proposition de loi vont plus loin que la réglementation en vigueur dans beaucoup d'autres pays dans la mesure où elle vise à appliquer le principe de la transparence au niveau du groupe. La question se pose de savoir quel est le critère à appliquer en la matière. Vise-t-on les entreprises appartenant à un même périmètre de consolidation ou viset-on également des entreprises associées et liées qui ne relèvent pas du périmètre de consolidation ?

Pour ce qui est des entreprises où le chose a échoué, la transparence était souvent grande dans la société, au sommet de la pyramide, ou dans la société cotée en bourse, mais tout ce qui devait rester caché était inscrit auprès d'entreprises dérivées qui n'étaient pas soumises au principe de transparence.

Le principal mérite de la proposition de loi réside dans le fait qu'elle tend à stimuler le gouvernement d'entreprise. L'idée d'appliquer le principe de transparence au niveau du groupe semble très positive à cet égard, mais il faut se demander une fois de plus jusqu'où on veut aller. Quand une entreprise fait-elle partie du groupe ? Il paraît sage de ne pas aller au-delà du périmètre de consolidation.

3. Comment obtenir cette transparence dans la pratique ?

Il convient avant tout de se demander s'il faut l'imposer par la voie légale ou si on peut appliquer le principe de l'autorégulation. L'autorégulation présente peut-être le plus d'avantages, pour autant que l'on veille à ce qu'elle aille plus loin que ce ne fut le cas jusqu'à présent.

Notre paysage économique, même au sein du groupe d'entreprises cotées en bourse, est particulièrement diversifié. Il y a une multitude de modèles de gestion. Le degré d'autonomie à l'égard des actionnaires est fort variable. Voilà pourquoi plusieurs types de « monitoring » et plusieurs formes de transparence s'imposent.

Actuellement, il y a tout un éventail de propositions sur la table au niveau européen, qui devraient déboucher sur l'élaboration de recommandations, voire de directives en matière de gouvernance d'entreprise. Peut-être faudrait-il attendre de voir ce qui se fait effectivement à ce niveau.

L'autorégulation telle qu'elle existe en Belgique et les recommandations de la CBF, de la bourse et de la FEB ne donnent pas le résultat escompté. Beaucoup de ces recommandations ont sans doute été mises en pratique sur papier, mais d'autres non. Citons à titre d'exemple le fait qu'au sein de 40 des 125 entreprises cotées en bourse, le principe de séparation de la fonction de président du conseil d'administration et de celle de président du comité directeur ou d'administrateur délégué n'est toujours pas respecté. L'autorégulation sans contrôle suffisant ne fonctionne pas. Aux Pays-Bas, celui-ci incombe à la « commission Peeters ». En Belgique, on ne dispose ni des moyens ni des effectifs pour pouvoir l'assurer de manière très systématique. La CBF pourrait jouer un rôle déterminant en la matière.

Conclusion générale à propos de la transparence des rémunérations des administrateurs : cette proposition de loi va dans le bon sens, dans le sens que l'on suit à l'échelle mondiale. Le moment est aussi bien choisi. Tant à l'échelon européen qu'à l'échelle internationale, la transparence, surtout celle concernant la diversité des rémunérations des managers et des administrateurs, est considérée comme un élément capital du gouvernement d'entreprise. Le professeur Van den Berghe ne s'interroge qu'à propos de la cadence à laquelle il convient d'instaurer cette transparence et, surtout, à propos de la manière dont il convient de le faire.

Elle préconise dès lors une forme plus stricte d'autorégulation par catégorie, avec force détails à propos de la gestion et davantage de justification, surtout vis-à-vis d'un organe de contrôle tel que la CBF.

En ce qui concerne la détention et le commerce d'actions.

On doit également réfléchir à la question en Belgique. Ce premier pas est dès lors très louable. Les arguments en ces matières devraient néanmoins être très différents de ceux avancés en matière de transparence.

En l'espèce, l'un des principaux objectifs est non pas de réprimer l'usage abusif de moyens de l'entreprise au profit de propriétaires, de managers ou d'administrateurs, mais de lutter contre le délit d'initié.

Cet objectif est déjà atteint dans de nombreux pays. Il importe cependant de ne pas oublier que le système en vigueur en Europe continentale diffère sensiblement du système applicable dans les pays anglo-saxons.

Dans ces derniers, ce ne sont non pas tellement les actionnaires qui agissent sur la base d'informations privilégiées, mais plutôt les managers. Les détenteurs de titres cotés en bourse y sont souvent des outsiders. On y applique le modèle du marché et non pas le modèle des initiés comme en Europe. Les actionnaires ne reçoivent un aperçu des activités de l'entreprise que par le biais de l'assemblée générale et des « relations d'investisseur ».

Dans les entreprises continentales, ce sont non pas tellement les managers actionnaires qui peuvent agir sur la base d'informations privilégiées, mais plutôt les actionnaires de référence. Ils peuvent obtenir des informations privilégiées grâce à la position qu'ils occupent au sein de l'entreprise et, surtout, au sein du conseil d'administration et de certains comités (stratégiques). Il nous est donc impossible de reprendre purement et simplement le système anglo-saxon. Par ailleurs, en Europe continentale, le délit d'initié a d'autres conséquences qu'aux États-Unis où les marchés d'actions sont dominés par une foule de « daytraders » et d'autres investisseurs à court terme. Il s'ensuit que le commerce des actions y est beaucoup plus intense. À l'opposé, il y a chez nous des actions qui ne changent pas ou presque pas de propriétaire au cours d'une journée. Une transaction effectuée sur la base d'une information privilégiée perturbe dès lors beaucoup plus sensiblement la formation du cours.

La proposition de loi contient à ce propos deux mesures entre lesquelles il est préférable d'établir une distinction. Il y a, d'une part, la recommandation sur la publicité de la détention d'actions et, d'autre part, la publicité du commerce des actions et instruments apparentés.

Le professeur Van den Berghe comprend que la détention d'actions peut être un indicateur du risque que le cours soit faussé dans la mesure où ceux qui ne rendent pas leurs transactions publiques et qui ont vu évoluer leur participation peuvent, par définition, être démasqués de par la connaissance du portefeuille d'actions. Elle s'interroge cependant beaucoup sur la publicité de la détention d'actions auprès d'un organe autre que l'autorité boursière ou la CBF. Si le seul but de la connaissance de la détention d'actions est de contrôler s'il y a commerce et si le commerce qu'il y aurait eu ne s'est pas fait dans la transparence, alors il est préférable que le contrôle incombe aux autorités de contrôle, le cas échéant à la CBF et à la commission boursière. En revanche, si elle a pour but de mieux comprendre les structures des actions et les droits des actions en vigueur dans les entreprises, alors d'autres instruments sont indiqués dont certains sont déjà utilisés, comme la mention obligatoire d'une participation de 5 à 3 %. Conclusion : cette proposition de loi n'est pas directement utile à la transparence de la détention d'actions.

En revanche, les transactions dont ces actions et instruments apparentés font l'objet sont d'une importance capitale.

Une première question est celle de savoir à partir de quel moment il doit y avoir publicité, en l'occurrence quand l'information sera communiquée aux autorités de contrôle ou rendue publique. Le seuil est fixé aujourd'hui à 5 % et la société peut décider de le ramener à 3 %. Pour Mme Van den Berghe, il est primordial que la publication puisse être évaluée avec suffisamment d'indépendance, non par les médias mais par les autorités de contrôle.

Lorsque 2 % de toutes les actions d'une société dont 20 % des titres sont cotés font l'objet d'une transaction, cela signifie que 10 % des actions cotées en bourse de cette société sont négociées. En revanche, si 2 % de toutes les actions d'une société dont 80 % des titres sont cotés, sont négociées, la transaction est beaucoup moins significative.

Si l'on prévoit un nombre absolu comme seuil de publication obligatoire, on risque que ce nombre s'avère trop élevé pour les « small and midcaps », qui connaissent peu de transactions. Par contre, ce nombre risque d'être beaucoup trop faible pour une action soumise à de nombreuses transactions.

Mme Van den Berghe plaide dès lors plutôt pour l'évaluation de cette obligation de publication par les instances de contrôle, en l'occurrence la CBF ou tout autre organisme indépendant exerçant un contrôle sur les entreprises cotées en bourse.

D'autres pays ont introduit avec succès le système du « compliance officer ». Il s'agit d'imposer à l'entreprise cotée en bourse une norme interdisant d'effectuer des transactions portant sur les actions concernées, à moins qu'il n'existe un organe d'audit interne indépendant qui soit au courant de ces transactions et qui puisse vérifier qu'il n'y a absolument aucun risque d'abus d'information privilégiée. Cela permettrait peut-être aussi de parer au fait qu'il ne s'agit pas seulement d'actions de sociétés en bourse, mais aussi de titres de toutes les sociétés dérivées, filiales et autres entreprises associées. Ce contrôle est impossible à effectuer sur la base d'une publication dans les médias, mais il peut l'être par un organe informé. Celui-ci pourrait faire office d'« intermédiaire » entre l'autorité de contrôle et l'entreprise. Dans certaines entreprises, il n'est pas seulement question des titres mêmes de cette entreprise, mais aussi de titres d'autres entreprises à propos desquelles on dispose d'informations « privilégiées ».

L'on éviterait ainsi que les médias et la société civile n'émettent un jugement sur une matière à propos de laquelle ils ne sont pas vraiment en mesure de le faire en connaissance de cause. La collectivité devra d'ailleurs être « éduquée » au décodage de cette information.

Une autre réflexion au sujet de la proposition de loi est que celle-ci est très axée sur des chiffres individuels. Une bonne gouvernance d'entreprise doit aller beaucoup plus loin. S'agissant de l'aspect « rémunérations », on n'a pas du tout abordé jusqu'ici la question de savoir qui décidait de ces rémunérations.

L'erreur qui a été commise dans des entreprises comme Enron, c'est que l'on n'y a jamais appliqué le principe des quatre yeux. Ce sont les intéressés qui fixaient leur propre rémunération, leurs propres options, les conditions d'exercice de celles-ci, etc.

Si l'on suggère à des entreprises cotées en bourse d'installer un comité de rémunération, il faut aussi, dans la foulée, prévoir clairement le développement d'un système de contrôle précis du pouvoir de décision en matière de rémunérations.

C'est surtout à propos de la stimulation du lien entre la rémunération et les performances des entreprises qu'il appartient à ce comité ad hoc, le cas échéant au conseil d'administration, de se prononcer sur les critères et sur la pertinence de ceux-ci par rapport aux objectifs visés. C'est aussi à lui qu'il appartient de juger si ces derniers ont été atteints ou non.

Les managers ne peuvent pas avoir la faculté d'adapter eux-mêmes les critères en fonction des circonstances ni, s'ils n'y parviennent pas, d'adapter les chiffres, ce qui serait bien plus grave.

On ne peut malheureusement pas s'inspirer en l'espèce de la loi américaine « Sarbanes-Oxley » de 2002, parce qu'elle n'aborde pas ces questions.

Enfin, lorsqu'un régime d'option est introduit, il importe de savoir non seulement qui détiendra le pouvoir de décision, mais aussi comment il sera fait rapport sur ce régime.

B. Exposé de M. E. Wymeersch, président de la Commission bancaire et financière

La proposition de loi comporte deux volets. Le premier volet vise à imposer aux dirigeants des sociétés cotées de déclarer toute acquisition ou cession de titres dans ces sociétés, leurs filiales, les entreprises liées et associées. Le second volet vise à imposer la mention, dans le rapport de gestion des sociétés cotées, des rémunérations et tantièmes octroyés à chaque dirigeant.

1. Déclarations des participations par les dirigeants de sociétés cotées

Quelle est l'utilité d'une telle obligation ? Bien sûr, elle est importante dans le cadre de la lutte contre les opérations d'initiés. Ceci est important pour pouvoir identifier les actionnaires importants au sein de la société (voir la loi du 2 mars 1989 et son arrêté d'exécution du 10 mai 1989). Une troisième optique est celle du bon fonctionnement du marché financier.

Ce que l'on a vu aux États-Unis, où cette obligation existe depuis longtemps, c'est que les administrateurs et dirigeants de sociétés doivent déclarer continuellement les actions dont ils disposent dans ces sociétés.

L'objectif de cette obligation de déclaration n'est pas de lutter contre les opérations d'initiés. Il est de donner un signal au marché et de lui permettre d'identifier les informations qui circulent au sein de la société sans être nécessairement des informations privilégiées. Il s'agit d'informations qui, selon les administrateurs, ont un impact sur l'évaluation.

Les administrateurs et certainement les gérants journaliers savent ce qui se passe au sein de la société, l'évolution que connaît la société, les perspectives à moyen et même à long terme, etc. Sur la base de cette information, ils prennent des décisions soit d'achat, soit de vente d'actions de la société. En publiant ce genre de décisions, ces administrateurs donnent un signal aux marchés que la société va bien ou mal.

Aux États-Unis, ce genre d'information est publié et suivi surtout par la presse. Celle-ci l'utilise pour signaler au marché en général la direction dans laquelle évolue une société cotée. C'est une perspective très différente par rapport à celle de la lutte contre les opérations d'initiés (voir la loi du 2 août 2002).

La matière d'identification des structures de l'actionnariat est différente. Là, la Belgique connaît un seuil légal de déclaration qui est de 5 % mais qui peut être statutairement abaissé à 3 %.

Le problème se pose aussi au niveau des signaux et de l'efficacité des marchés. Cet objectif est tout à fait louable.

Si on se positionne non pas sur la matière des initiés telle que réglée dans ladite loi du 2 août 2002, non pas dans la matière des participations importantes réglée dans la loi du 2 mars 1989, se pose la question fondamentale de savoir dans quel corps de loi il faut insérer un tel article.

Il est sûr que la loi du 2 mars 1989 qui traite des participations importantes n'est pas du tout conçue dans ce sens. Par conséquent, il faudrait prévoir soit une disposition spéciale, soit l'insérer dans le Code des sociétés. Une autre proposition serait de l'insérer dans un arrêté royal qui règle les informations occasionnelles. La base légale de l'arrêté royal de 1990 doit être élargie de sorte que le Roi puisse prendre une disposition à partir de laquelle ce genre d'information peut être, d'une part, rendue publique, et d'autre part, faire l'objet d'un suivi des autorités publiques. Le suivi existe déjà pour l'instant. L'information occasionnelle qui est publiée au moment d'évolutions importantes et d'événements importants est déjà en place. Elle sera suivie bientôt par la CBF et non plus par l'autorité de marché de la bourse. Il suffit de prévoir la base légale qui, pour l'instant, n'est pas suffisante. Par exemple, dans le Code des sociétés, en les limitant aux seules sociétés cotées.

Trois points encore méritent l'attention.

Le premier point est celui de la publicité. Comment faut-il rendre publique ce genre d'information ? M. Wymeersch croit que si c'est une information, c'est une question de choix là aussi. Cette information devrait être publiée tous les mois, par exemple. Chaque mois, les administrateurs devraient communiquer l'état de leur portefeuille d'actions dans la société cotée, ainsi que les modifications y apportées. Cette publication pourrait se faire sur le site « Web » de la société avec une surveillance de la part des autorités publiques comme la CBF.

Pour affiner le système, on pourrait dire que s'il s'agit d'une opération importante qui dépasse x %, la publication doit être faite immédiatement.

Quant au « monitoring », si le législateur suit la voie de l'information occasionnelle, cela tombe directement sous le « monitoring » actuel de la CBF. Si on insère un article dans le Code des sociétés, il faudrait y ajouter un article qui traite du suivi.

Le champ d'application

Quelles sont les actions qui doivent faire l'objet d'une telle déclaration ? Il s'agit bien sûr des actions qui sont achetées directement par les administrateurs des sociétés. Il faudrait y ajouter les actions détenues par les époux et partenaires de ceux-ci, ainsi que les actions achetées à travers des sociétés dominées par l'administrateur en question, notamment les sociétés de management et celles de patrimoine. Il faudrait aussi élargir le champ d'application aux warrants et aux options. Très souvent, c'est dans ces produits dérivés que se déroulent les opérations délicates. Puis, il y a la question de savoir si l'on doit élargir le champ d'application aux sociétés mères et aux filiales de la société.

Exemple : il serait intéressant de savoir quelles sont les actions détenues par les administrateurs d'Electrabel non seulement dans Electrabel mais aussi dans la société mère Suez.

Il est important de prévoir l'obligation de publier essentiellement dans une perspective de bon fonctionnement des marchés financiers. Nous avons tout intérêt à ce que nos marchés financiers aient une réputation de fiabilité.

Secundo, il faut l'appliquer aux administrateurs, membres du comité de direction, pour toutes les actions directes et indirectes détenues par ces personnes.

Troisièmement, où introduire cette disposition ? Pour M. Wymeersch, la loi du 2 mars 1989 n'est pas tout à fait indiquée. On pourrait le faire soit dans le Code des sociétés, soit dans d'autres dispositions. Il faudrait évidemment assurer un suivi, faute de quoi il y a risque de ne pas atteindre l'effet souhaité.

2. Publication des rémunérations individuelles et tantièmes des dirigeants des sociétés cotées

À l'état actuel de la législation, les rémunérations des administrateurs doivent être publiées en application de la loi du 17 juillet 1976 et de l'arrêté royal du 8 octobre 1976. Dans la pratique, il s'avère que les données en question ne sont pas utilisables. Il s'agit parfois de données consolidées, parfois de données individuelles. Il est clair qu'il faudrait spécifier davantage ce qui doit être publié.

Deuxièmement, il existe aussi une obligation de publier les données agrégées dans les prospectus, dans les rapports annuels et dans les autres documents.

Évidemment, la tendance internationale veut que la publication des données individuelles relatives aux émoluments soit rendue obligatoire. Elle l'a été notamment en France et aux Pays-Bas. Il est probable que la bourse commune Euronext imposera sous peu pareille obligation.

Cela ne signifie pas qu'il ne faille pas justifier la nécessité de publier des données individuelles.

Il ne fait aucun doute que les chiffres agrégés doivent être publiés. L'objectif premier est, à cet égard, de mesurer la qualité du personnel dirigeant. Cet élément fait partie du débat sur la corporate governance. On peut comparer la qualité et le coût du personnel dirigeant de diverses sociétés. Aux États-Unis, il est très fréquent que l'on fasse ces comparaisons dans le cadre d'études empiriques.

Le deuxième objectif est moins réaliste : s'orienter vers une politique de rémunération juste. On pourrait supposer que certaines personnes préféreraient ne pas publier des données précises relatives au coût de la gestion. En effet, on constate encore à ce jour qu'il y a une assez forte résistance à la publication de chiffres individuels.

À un certain moment, il s'est avéré, principalement au Royaume-Uni, que la publication des données individuelles avait provoqué une augmentation assez radicale des émoluments du personnel dirigeant. Ce phénomène s'est produit principalement dans le secteur de l'approvisionnement en eau. Il faut être conscient du risque que pareil effet pervers se produise. Il importe que la proposition à l'examen s'inscrive dans une perspective européenne et dans celle d'Euronext.

Il n'empêche que sur le plan technique, on pourrait affiner la proposition de loi sur une série de points.

C'est ainsi que se pose, par exemple, la question de savoir ce que l'on entend par émoluments. La CBF a réalisé une étude sur la manière de développer le système dans une situation de (quasi)-autorégulation.

La matière est complexe. Bien des administrateurs sont rémunérés en Belgique comme des sociétés de management. La question est de savoir si on peut encore comparer les émoluments bruts. Certaines sociétés mélangent les données brutes relatives aux administrateurs avec des chiffres nets des sociétés de management.

En tout cas, il faudrait opérer une scission. Si on publie des données agrégées concernant, d'une part, le conseil d'administration, dont les rémunérations des membres sont relativement restreintes et, d'autre part, le personnel dirigeant, dont les rémunérations sont nettement plus élevées, on devrait pouvoir scinder les deux séries de données.

Les questions qui se reposent systématiquement sont celles relatives aux parties variables des émoluments, de la rétribution pour mission spéciale, etc. En effet, la principale difficulté concerne les parties non récurrentes ainsi que les rémunérations en nature. La question des indemnités payées en cas de cessation de la relation de travail est également un point très difficile. Ce que l'on appelle les « parachutes dorés » représentent des montants importants dans certaines sociétés. Ils constituent souvent une partie significative des coûts de direction qui figurent dans les comptes annuels. Souvent, ils sont publiés à un moment très inopportun, quand les résultats de la société sont de toute façon mauvais.

En conséquence, M. E. Wymeersch plaide également pour une législation à deux niveaux, à savoir une base légale et un niveau fondé sur l'autorégulation.

On peut renvoyer à l'autorégulation dans le cadre de la loi du 3 mai 2002 (Moniteur belge du 17 août 2002, p. 35344-35346), par laquelle ont été adoptées les modifications apportées aux possibilités de cumul des administrateurs d'établissements bancaires. Depuis lors, les administrateurs de banques peuvent exercer également des mandats d'administrateur dans d'autres sociétés. Il est prévu que toute banque doit élaborer un règlement d'ordre intérieur répondant aux critères fixés par la Commission bancaire et financière. Cette dernière doit également vérifier si tel est bien le cas (voir le nouvel article 27 de la loi du 22 mars 1993).

C'est un bon exemple de système souple, reposant sur une base légale précise et doublé d'un mécanisme de contrôle.

En matière de contrôle, M. Wymeersch déclare que, lors de la préparation des recommandations de « corporate governance » pour la bourse de Bruxelles, on a opté pour un système basé sur le principe du « comply or explain ». Si l'on n'observe pas la règle, il faut en donner la raison. La technique existe depuis 1998. Dans la pratique, il s'avère qu'en de nombreux cas, elle n'est pas suffisamment efficace. Un système de contrôle plus performant s'impose. Il pourrait s'inspirer de ce qui se fait déjà pour les prospectus. En principe, les règles doivent être appliquées, sinon la Commission bancaire et financière peut contraindre la société concernée à procéder à des adaptations. Si la société ne donne pas suite à cette injonction, on recourt à la publication obligatoire; c'est la « technique du pilori ». Enfin, pour les infractions les plus graves, on peut envisager une amende. Il s'avère que c'est le moyen le plus efficace.

Une éventuelle réglementation légale doit être suffisamment souple pour empêcher qu'on ne s'y dérobe et ne pas rendre son maintien trop difficile. Il importe aussi de prévoir un système de contrôle (maintien), sans quoi la réglementation restera lettre morte.

C. Échange de vues

M. de Clippele déclare avoir l'impression que les deux experts soutiennent l'initiative des auteurs de la proposition de loi, voire voudraient qu'elle aille encore plus loin.

Au départ, le MR était assez réticent parce qu'il avait peur d'un certain voyeurisme. Maintenant, il soutient la proposition.

M. de Clippele se pose des questions sur l'évaluation du management. Il y a des situations où le management gonfle artificiellement les bénéfices de la société pendant la période où il est au pouvoir pour pouvoir retirer un maximum de rémunérations connexes. Puis, une fois que le manager quitte l'entreprise, on découvre une série de cadavres dans le placard.

Dans le même ordre d'idées, M. de Clippele s'imagine qu'il existe des conventions secrètes de retour sur des options d'actions. Il s'imagine bien que si une société « holding » désigne un patron d'entreprise qui bénéficie des options sur des actions qui portent sur des montants très importants, que le dirigeant de cette société « holding » demande un certain retour lors de la levée des options. Ce phénomène connu mondialement s'appelle le retour sur commissions c.q. sur des options d'actions. Est-ce que les experts ont déjà rencontré ce phénomène dans la pratique ?

M. de Clippele trouve encore plus préoccupants les intérêts opposés directs et indirects. Sur ce point, les dispositions incorporées dans le Code des sociétés sont très difficiles à appliquer. Il devient de plus en plus fréquent que ce soit dans les contrats mêmes entre sociétés filiales et autres, où l'on est plus actionnaire que dans l'autre qu'il y a des rémunérations ainsi déguisées. Toutefois, ce phénomène sort du cadre de la proposition.

Une question porte aussi sur le phénomène de faire connaître l'achat ou la vente d'actions par le management. M. Wymeersch a suggéré de le faire mensuellement. D'après M. de Clippele, cela devrait se faire quotidiennement pour éviter le phénomène dit de « Rothschild ». Il s'agit de mettre le marché sur le mauvais pied en vue d'en tirer un profit. Si l'information est donnée de jour en jour, elle sera diluée du sensationnalisme des gains boursiers.

Quant à la question de savoir s'il y a des parallèles entre la rémunération et les performances ou la valeur ajoutée des personnes qui bénéficient de ces rémunérations, Mme Van den Berghe pense que cette proposition de loi ne pourra jamais aboutir à une résolution de cette question.

Les propositions en matière de transparence, si radicales qu'elles soient, ne permettront jamais d'évaluer le management d'une manière adéquate. Plus le groupe dont fait partie une entreprise est grand et complexe, plus il est facile de rémunérer une même personne de différentes manières par le biais de plusieurs sociétés.

Le seul organe qui soit en mesure d'évaluer adéquatement le management est un conseil d'administration suffisamment indépendant. Si le conseil d'administration est dominé par le management, il ne peut y avoir de contrôle adéquat.

Pour ce qui est du gonflement artificiel des bénéfices, Mme Van den Berghe estime que la solution doit venir d'un meilleur audit et d'un comité d'audit indépendant et plus sévère. Cela doit permettre d'éviter que, d'un exercice créatif, la comptabilité ne verse dans la manipulation des chiffres. La proposition de loi ne règle pas ce problème.

En ce qui concerne l'existence éventuelle d'une participation déguisée aux bénéfices résultant de l'exercice d'options par des personnes qui ont octroyé des options à d'autres, Mme Van den Berghe déclare ne pas connaître de tels cas. Elle souligne toutefois que, dans certains pays, l'octroi d'options est passé de moins de 10 % à 60 % de la rémunération totale du management. En Belgique, les options sont imposées au moment de l'octroi. Aussi essaie-t-on, dans le climat actuel d'effondrement des cours de la bourse, d'inventer toutes sortes de mécanismes pour rendre une certaine valeur aux options sur actions qui ont perdu toute valeur.

En Belgique plus que dans d'autres pays européens, il y a lieu d'être attentif aux intérêts opposés. La Belgique est le pays des filiales et celles-ci ne sont pas le centre de décision d'une structure de groupe. Aussi vaut-il mieux, dans ce domaine, disposer de bonnes règles et avoir une bonne vue de la question.

Enfin, selon le professeur Van den Berghe, on ne saurait assimiler la transparence à la dérogation au secret fiscal. Plus on fournit d'informations sur une base quotidienne, meilleure sera la compréhension du marché. Toutefois, la transparence peut être réduite à néant par un surcroît d'informations. Il faut tendre vers un juste équilibre.

M. Wymeersch revient à la notion de « voyeurisme ». En effet, si en Belgique on procédait pour toutes les sociétés à la publication individuelle, on arriverait à un problème de ce genre-là. Une solution éventuelle serait de différencier selon les toutes grandes sociétés qui, la plupart du temps, sont déjà soumises à ce genre d'obligations. En revanche, pour les sociétés familiales cotées en bourse, la situation est plus délicate.

Le risque de faire gonfler les paramètres qui déterminent la partie variable de la rémunération des managers est bien réel. Il suffit de regarder la prolifération du phénomène de rachat de ses actions par la société émettrice. De cette façon, les cours de bourse augmentent ce qui fait qu'il devient plus intéressant d'exercer les options sur actions. Il est très difficile de s'y opposer étant donné que l'on peut toujours trouver des arguments pour justifier le rachat d'actions.

En ce qui concerne le risque de « retour sur options », la solution en Belgique se trouve dans le domaine fiscal. Chez nous, les bénéficiaires doivent payer de l'impôt sur la valeur des options leur accordées au moment de l'octroi de ces options et non pas au moment où les options sont exercées. Par conséquent, le « repricing » devient extrêmement coûteux. Toutefois, l'administration fiscale a déjà permis des cas de « repricing » (pour des options accordées au personnel d'une entreprise) lorsque les procédures n'avaient pas été suivies ce qui pourrait entraîner la nullité de l'opération.

Le sujet des intérêts opposés est particulièrement intéressant. M. Wymeersch fait remarquer que nous avons en Belgique un des appareils juridiques les plus fournis, les plus développés en matière de conflits d'intérêt. En effet, la loi du 2 août 2002 sur le « corporate governance », a modifié l'article 524 du Code des sociétés, qui vise les conflits « mère/fille ».

M. Wymeersch y ajoute qu'en Belgique, nous n'avons pas un droit des groupes de sociétés comme, par exemple, les Allemands. En revanche, nous avons ces règles particulières sur les rapports « mère/fille ». La Belgique est très avancée dans ce domaine. Il n'est donc pas exact de dire qu'en matière de conflits d'intérêt, notre système est particulièrement faible.

M. de Clippele reconnaît que le système est bon. Il juge toutefois que l'application laisse à désirer surtout dans les sociétés non cotées. Dans la pratique, les règles ne sont pas appliquées : délibération sans la personne concernée, etc.

M. Wymeersch rétorque que la sanction est la nullité des décisions en question ainsi que la responsabilité des administrateurs. C'est le domaine du droit privé. En 1995, la règle a été modifiée et encore remodifiée par après. Telle qu'elle est établie maintenant, d'un point de vue intellectuel, la règle semble convaincante aux yeux de M. Wymeersch.

Si une opération du type Rothschild d'après le combat de Waterloo se passait aujourd'hui, il s'agirait d'une opération d'initiés. Bien qu'il ne s'agisse pas d'information privilégiée qui émane de l'intérêt de la société, c'est une opération par un initié, c'est-à-dire par quelqu'un qui dispose d'une information dont les autres ne peuvent pas disposer.

En ce qui concerne la publication mensuelle des chiffres, M. Wymeersch estime qu'elle devrait suffire. Une publication hebdomadaire serait meilleure, mais pourrait alourdir inutilement les obligations. Par contre, une publication journalière lui paraît trop lourde. La difficulté est qu'il faut pouvoir suivre et contrôler cette information.

M. de Clippele dit avoir peur que les initiés fassent du « trading » à l'intérieur du même mois.

Pour M. Wymeersch, de telles opérations ne sont pas nécessairement des opérations d'initiés. Tout dépend de la perspective dans laquelle on situe la règle. Si c'est une perspective d'initié, c'est un débat, si la perspective est celle du fonctionnement et de bonne information du marché, c'est un autre.

En ce qui concerne la publicité relative à la possession d'actions, M. Ramoudt demande s'il ne faudrait pas penser davantage, à cet égard, à l'intérêt de l'entreprise. Les informations en question pourraient permettre à une concurrence attentive de déceler l'existence de certaines stratégies de l'entreprise.

L'intervenant estime deuxièmement que c'est à contrecoeur que les gens révèlent des détails concernant leurs rémunérations. Pour éviter tout sentiment de malaise, on pourrait publier les rémunérations par catégorie de fonction au lieu de le faire nominativement.

La publication des données individuelles pourrait également avoir un autre inconvénient en ce sens qu'elle pourrait amener d'autres entreprises à penser qu'elles sont en mesure d'offrir de meilleures conditions à certaines personnes et à « acheter » ces personnes, ce qui entraînerait une plus grande rotation du personnel et une augmentation des coûts.

En ce qui concerne la publicité relative aux portefeuilles d'actions d'une personne, M. Wymeersch affirme qu'on rend publique la situation initiale et, ensuite, les modifications qui y sont apportées. La philosophie qui sous-tend cette procédure n'est pas de mettre le doigt sur certaines informations grâce à cette publicité, car on entrerait alors dans le domaine des informations privilégiées. Par contre, il faut parvenir à élaborer un meilleur modèle d'interprétation. En principe, les administrateurs savent très bien dans quel marché leur société se meut, qui sont les concurrents, quels son leurs procédés, quelles sont les conditions d'approvisionnement, les débouchés, etc. Ils ont non pas une connaissance précise de tout cela, mais une connaissance diffuse. Si le marché constate alors que, sur la base de cette connaissance diffuse, des administrateurs se mettent à acheter des actions de certaines sociétés, il sait qu'il y a un climat favorable. S'il constate que les administrateurs vendent, il sait qu'il y a un climat défavorable.

Quand une société développe une certaine stratégie, les administrateurs doivent agir de manière très prudente et s'abstenir d'effectuer des transactions en bourse. Sinon, ils agissent sur la base d'informations privilégiées.

En ce qui concerne la publication éventuelle de la rémunération par titre, M. Wymeersch renvoie à la pratique française. En France, les entreprises décrétaient jadis que les administrateurs recevaient un montant X par réunion. Cela fonctionne pour les membres du conseil d'administration, mais pas pour le management. C'est ainsi qu'il n'y a qu'un seul administrateur délégué. Pour celui-ci, il n'y a guère de différence par rapport à la publication nominative de son indemnité.

On pourrait aussi publier des montants globaux, d'une part, pour le conseil d'administration dans son ensemble et, d'autre part, pour l'ensemble du management. Il y a toutefois un problème du fait que la plupart du temps, chaque membre du conseil d'administration reçoit la même indemnité, si bien qu'il suffit de diviser le montant global par le nombre de membres du conseil d'administration. Par contre, les indemnités de management sont très inégales et elles sont le plus souvent fixées individuellement.

À propos de ce dernier point, la professeur Van den Berghe rappelle à M. Ramoudt que nos partenaires d'Euronext en sont déjà à l'étape suivante. L'étape intermédiaire qu'il suggère ne va manifestement pas aussi loin que ce qui s'applique déjà aujourd'hui en France et aux Pays-Bas. Dans notre culture, c'est effectivement difficile.

À cela s'ajoute qu'en Belgique, un certain nombre de mandats d'administrateur et de membre du management sont exercés par le biais d'une société de management. Cela crée une forme restreinte d'anonymat.

En outre, le portefeuille d'actions est généralement détenu non pas par des individus, mais par d'autres sociétés, ce qui permet de le dissimuler et de tromper la concurrence.

M. Van Quickenborne constate que l'on parle plus des modalités d'application de sa proposition que des principes qui la sous-tendent. Il trouve qu'en soi, c'est positif.

Personnellement, la proposition concernant l'autorégulation par les entreprises l'amène à se poser des questions. Les recommandations comme celle de la FEB n'impliquent aucun « monitoring » et elles s'avèrent dès lors peu efficaces dans la pratique.

Ces recommandations datent de mars 2002. Le président de l'époque était un grand patron de l'entreprise cotée en bourse Delhaize. Or, dans le rapport annuel de cette entreprise qui a été publiée en juin 2002, ces recommandations n'ont pas été suivies. On se contente de mentionner un montant global et on ne définit aucun critère pour ce qui est du calcul des rémunérations. On peut dès lors se demander si ces recommandations suffisent.

En ce qui concerne les titres (actions, warrants et options sur actions), une recommandation ou une directive serait en préparation au niveau européen qui prévoirait la publicité relative à la détention et la commercialisation à titre individuel de ces titres d'administrateurs et de managers. Les intervenants en ont-ils été informés ?

Rien n'a été dit de l'idée d'instaurer, pour les administrateurs concernés, une interdiction d'accomplir, pendant certaines périodes, des transactions relatives aux titres des entreprises en question. D'aucuns estiment qu'il faudrait également instaurer de telles « fenêtres » (windows) en Belgique, par analogie avec ce qui existe déjà dans certains pays.

En ce qui concerne la transparence des rémunérations, le professeur Wymeersch a plaidé pour une législation à double niveau, à savoir une législation souple et un « monitoring ». Il a également fait référence au monitoring qui existe déjà à propos des prospectus. Il n'a toutefois pas dit clairement s'il est partisan ou non de la publication des indemnités individuelles. La professeur Van den Berghe a, quant à elle, pris position. Elle plaide plutôt pour une publication par catégorie de personnes.

Quelle est la position et le pouvoir de l'actionnaire individuel dans le système proposé par M. Wymeersch ?

Que veut dire concrètement la professeur Van den Berghe quand elle affirme que la publication d'informations relatives aux critères sur lesquels se basent les rémunérations est très importante ? Les comptes annuels existants n'offrent aucune information à cet égard dans le cadre de l'autorégulation. Seule Fortis ferait dorénavant figurer des données individuelles dans son rapport annuel en application de la réglementation en vigueur aux Pays-Bas.

Bien que la professeur Van den Berghe ait appuyé l'idée d'examiner les données au « niveau du groupe », on décelait malgré tout une certaine hésitation dans son argumentation. Quelle en était la raison ?

En ce qui concerne l'autorégulation, la professeur Van den Berghe estime que tant M. Wymeersch qu'elle-même ont souligné que jusqu'ici, la façon dont on a fait de l'autorégulation en Belgique n'est pas satisfaisante. On réagit trop lentement aux diverses recommandations. Bien qu'il y ait eu incontestablement un progrès, il faut toujours forcer les choses pour le stimuler.

Pour la professeur Van den Berghe, l'autorégulation n'implique pas la mise hors circuit du législateur, mais permet d'introduire des options dans la législation. C'est d'ailleurs dans cette voie que s'est engagé le groupe « Winter » à l'échelle européenne pour tout ce qui a trait au gouvernement d'entreprise.

L'intervenante invite la commission à créer une sorte de cadre légal à l'intérieur duquel diverses options seraient possibles parmi lesquelles les entreprises pourraient choisir celle qui leur convient le mieux. Les entreprises devraient alors justifier leur choix d'une option déterminée. Comme on le recommande aussi au niveau européen, il faut alors un monitoring, pour voir si les entreprises respectent leur choix de manière conséquente. En effet, pour être vraiment efficace, il ne suffit pas d'avoir une base légale.

En ce qui concerne la suggestion relative à l'instauration éventuelle de « fenêtres » (périodes durant lesquelles on ne peut pas commercer), la professeur Van den Berghe renvoie à la législation existante en matière de délits d'initié. Les « fenêtres » correspondent surtout à des périodes au cours desquelles ont lieu les rapports relatifs aux résultats trimestriels, semestriels ou annuels ou à des décisions stratégiques, dans le cadre desquelles aucun commerce n'est permis. Il faut y surveiller les choses au niveau de l'entreprise.

Une forme d'autorégulation pourrait consister, pour le législateur, à obliger les entreprises à pratiquer ce genre de « fenêtres » et à désigner un « compliance officer », de manière que la mise en oeuvre puisse se faire avec souplesse.

Il ne faut pas se faire trop d'illusions en ce qui concerne la transparence de la politique de rémunération. Néanmoins, il est possible d'obtenir certains résultats par le biais de l'autorégulation et de la législation. La bourse pourrait, par exemple, poser comme condition de cotation l'obligation, pour toute entreprise cotée en bourse, de disposer d'un comité de rémunération. Comme le propose le groupe « Winter », on pourrait même exiger que ce comité se compose exclusivement d'administrateurs non exécutifs majoritairement indépendants. Ce comité pourrait être obligé de soumettre la politique de rémunération à une analyse fondée et/ou de formuler un avis. Il pourrait en outre être tenu de rendre compte de celle-ci dans le rapport annuel et/ou à l'assemblée générale. Cela pourrait également constituer une forme de publicité.

D'une manière générale, on peut s'inspirer très largement des recommandations du groupe « Winter », qui pourraient préfigurer en quelque sorte une future réglementation européenne.

En ce qui concerne les réserves formulées par ce dernier sur certaines dispositions qui seraient applicables au niveau du groupe, le professeur Van den Berghe souligne qu'il est question, dans la proposition de loi, de « filiale et d'entreprises associées », d'où la question de savoir en quoi consiste une entreprise associée. Est-il question de participations permanentes, telles que visées dans la législation relative aux comptes consolidés ?

M. Wymeersch estime que le pouvoir d'influencer les décisions ne vaut qu'au sein du groupe consolidé, défini comme le lieu où la société mère a le droit d'influencer, en droit et en fait, sur les décisions de politique. Lorsqu'on parle « d'entreprises associées », on englobe sous ce vocable les autres participations sur lesquelles la société détentrice n'a en fait aucun contrôle.

À nouveau invité à préciser s'il est favorable à une publication individualisée des rémunérations, M. Wymeersch souhaite répondre de manière plus nuancée. Il importe tout d'abord savoir exactement quel est l'objectif de la proposition de loi. S'il est de contrôler le coût et l'efficacité du management, on aura plutôt besoin de données globales. En effet, le management forme en principe une équipe. D'autre part, il est plus important de connaître la rémunération du management que celle des adminsitrateurs. À cet égard, il importe également de savoir comment les rémunérations sont payées. Sont-elles forfaitaires ou liées aux résultats ?

Il faut en outre tenir compte des tendances internationales (entre autres au niveau d'Euronext) pour exiger des données individuelles. D'autre part, force est de constater que les entreprises belges cotées en bourse et, surtout, les plus petites, sont très hésitantes face à l'individualisation des données.

Deux voies sont possibles dont la première est celle d'un certain étalement dans le temps.

Pour les grandes entreprises, cette obligation ne pose aucun problème. Diverses entreprises telles que Solvay, Fortis, Delhaize, etc. s'y conforment d'ailleurs déjà.

M. De Grauwe estime qu'on ne peut plus faire de distinction en la matière entre les diverses sociétés cotées en bourse.

M. Wymeersch fait observer que tout est une question de culture. Si l'on offre aux petites entreprises cotées en bourse la possibilité de se familiariser progressivement avec cette idée, leurs réticences s'atténueront probablement.

M. Van Quickenborne estime par contre que la frontière entre les partisans et les adversaires de la proposition ne tient pas à la taille de l'entreprise, mais plutôt à des critères subjectifs.

Le professeur Van den Berghe affirme que, selon un argument fréquemment avancé par les adversaires de la proposition, plus la taille de l'entreprise est réduite, plus les négociations salariales sont menées par des personnes situées à un échelon élevé de la hiérarchie du management. La publication des données individuelles de ce négociateur affaiblit sa position dans les négociations avec les syndicats.

Un deuxième argument invoqué est celui de la protection de la vie privée. Alors que, dans de nombreux autres domaines, on accorde de plus en plus d'importance au respect de la vie privée, on veut aller en sens inverse dans le domaine des rémunérations des administrateurs et du management.

Un troisième argument concerne la sécurité. Les kidnappeurs ou cambrioleurs potentiels n'auront aucune difficulté à repérer les cibles qui leur permettront de réaliser les meilleures « affaires ».

Dans les entreprises à caractère plutôt familial, les membres de la famille peuvent être rémunérés dans une plus large mesure via des mandats d'administrateur. Ces personnes ont, elles aussi, des raisons de redouter une plus grande transparence de leur rémunération.

Le professeur Van den Berghe estime également que la Belgique peut difficilement continuer à se cacher derrière l'argument selon lequel une plus grande transparence en matière de rémunérations va à l'encontre de notre culture. Nous ne pouvons pas aller à contre-courant de la tendance internationale. Seuls le timing, le degré de transparence et la souplesse offerte laissent encore une certaine latitude.

M. Wymeersch fait observer qu'une transparence totale risque également de bouleverser les négociations salariales avec les candidats à un poste de management. Actuellement, un manager ignore généralement ce qu'un autre gagne et, a fortiori, comment des fonctions analogues sont rémunérées dans d'autres entreprises. Cette transparence peut engendrer finalement une hausse des coûts.

Le professeur Van den Berghe en revient à la question de savoir où se situe la ligne de démarcation pour ce qui est de la publication ou non des données individuelles. La nouvelle loi sur la « corporate governance » offre un premier élément de réponse : si l'on utilise le terme « comité de direction », tous les membres de ce comité sont soumis à cette loi. Si cette disposition est maintenue, on réduira certainement le nombre de comités de direction, par exemple en les rebaptisant « executive committee ». On éluderait ainsi les effets de la loi.

M. Wymeersch réagit en affirmant que ces entreprises n'ont manifestement rien compris à la loi sur la « corporate governance » qui a précisément été conçue pour faciliter la vie des entreprises. Elle ne contient pratiquement aucun élément contraignant.

Selon Mme Van den Berghe, il est tout de même fait pression pour que l'on délègue beaucoup à des tiers. Dans les entreprises familiales en tout cas, on ne veut pas entendre parler d'une délégation aussi considérable à la direction. On fera en sorte, par exemple, que le directeur financier et le directeur du personnel ne soient pas administrateurs et qu'ils ne fassent partie non plus du comité de direction officiel.

En ce qui concerne la notion d'autorégulation, M. Wymeersch observe qu'elle est extrêmement large. Il cite, à titre d'exemple, le code de l'ancienne Bourse de Bruxelles, qui avait également été approuvé et soutenu par la CBF. Bien qu'il y ait eu certainement progrès, les sociétés cotées en bourse ne veulent sûrement pas toutes respecter ce code sur tous ses points. Les entreprises respectent volontairement les points du code qui ne les dérangent pas.

C'est pourquoi d'autres techniques sont nécessaires, combinant trois éléments. On aurait tout d'abord, une obligation légale, une loi-cadre qui servirait de fondement. Ensuite il y aurait lieu de définir un contenu plus souple qu'une disposition de loi rigide qui serait difficile à adapter. L'élément d'autorégulation serait alors inclus dans ce contenu souple. Enfin, il faudrait un contrôle extérieur.

Pour définir ce contenu souple, le législateur pourrait s'inspirer des dispositions de la loi du 3 mai 2002 relative aux dirigeants d'établissements bancaires. Il s'agit là aussi de conflits d'intérêts et de transgression de « fenêtres ». Chaque banque est tenue d'établir un règlement d'ordre intérieur qui soit conforme au règlement général élaboré par la CBF. La CBF contrôle si c'est bien le cas. On n'a pas prévu de sanctions spécifiques, mais la politique prudentielle générale reste d'application.

Dans la proposition de loi à l'examen, il faudrait par contre prévoir des sanctions en cas de non-respect des dispositions : mise en demeure obligatoire, publicité éventuelle à donner à l'infraction et, enfin, amende.

M. De Grauwe demande ce que « flexibilité » peut signifier concrètement dans le cadre de la proposition de loi à l'examen, qui prévoit que des données individuelles doivent être publiées.

M. Wymeersch répond que la souplesse peut se situer dans la définition des rémunérations à publier. Il est très difficile de les fixer de manière exhaustive dans une disposition de loi. Il pense par exemple aux prêts aux administrateurs, aux garanties accordées, aux indemnités de cessation des fonctions (parachutes dorés), etc.

Selon M. De Grauwe, aucune flexibilité n'est envisageable sur le principe qui est au coeur de la proposition de loi à l'examen, à savoir une publication « individuelle ».

M. Wymeersch suggère seulement une flexibilité par rapport à la définition des émoluments à publier. Cette souplesse résulterait d'un règlement général élaboré par la CBF. On pourrait ainsi s'adapter souplement aux événements futurs.

De même l'aspect contrôle, qui n'est pas abordé dans la proposition, pourrait être confié à la CBF.

Le professeur Van den Berghe fait observer que les entreprises cotées en bourse sont très sensibles à la manière dont elles sont évaluées publiquement dans le domaine de la gouvernance. On pourrait jouer sur cet élément lors du contrôle.

M. Wymeersch revient sur la notion de « trading windows » qui implique que, pendant certaines périodes, les administrateurs ne peuvent pas négocier les actions d'une société cotée en bourse. En effet, il existe des « windows » négatives et des « windows » positives. La technique existe déjà dans le cadre de notre législation bancaire. C'est CBF le « responsable compliance » qui contrôle le respect des « trading windows ». Des observations sont éventuellement formulées. Le problème est que l'on peut négocier par le biais d'intermédiaires étrangers. Par contre, on ne peut pas faire grand chose contre l'intéressé, à moins qu'il soit très clair qu'il enfreint le règlement d'ordre intérieur. Cela signifie deux choses : toutes les transactions doivent se faire par l'intermédiaire de la banque dont les intéressés sont administrateurs; en outre, il doit y avoir une communication préalable au « responsable compliance ». Les intéressés ont eux-mêmes intérêt à ce que pareil règlement, qui peut les protéger contre des accusations, existe. Ce sont les établissements bancaires et les institutions de placement qui courent les plus grands risques en ce qui concerne leur réputation. Dans la pratique, ils n'aiment pourtant pas cela.

Le professeur Van den Berghe affirme qu'il y a des entreprises où on applique ce principe de manière encore plus poussée : un administrateur ne peut négocier aucune action, à moins qu'une des deux conditions possibles n'ait été remplie. Il doit tout d'abord déclarer son patrimoine lorsqu'il accepte le mandat. Il doit renouveler sa déclaration chaque année.

L'intéressé pourra toutefois négocier des actions si, soit il délègue totalement la gestion de son patrimoine et convient avec le gestionnaire de patrimoine quelles opérations sont autorisées ou non, soit, au cas où il voudrait agir lui-même, s'il obtient chaque fois l'approbation du « responsable compliance ».

Selon M. Van Quickenborne, on prépare, au niveau européen, une réglementation visant à obliger tous les administrateurs à déclarer toute participation, fût-elle minime, dans leur entreprise.

Selon M. Wymeersch, « Market Reviews » contient une disposition prévoyant que les administrateurs doivent renoncer à leur participation. Cette réglementation a déjà été approuvée, mais elle n'a pas encore été publiée. Elle devra encore alors être transposée dans notre législation.

M. De Grauwe conclut que les deux intervenants sont assez récalcitrants vis-à-vis de la publication individuelle de données, mais qu'ils admettent également que la Belgique sera bien obligée de suivre la tendance internationale qui consiste à imposer cette publication. Il faut dès lors organiser celle-ci de la meilleure manière possible. Cette mesure est toutefois insuffisante en soi; elle devrait cadrer dans un ensemble plus précis et plus complet. En outre, la définition de la rémunération doit être flexible et tenir compte notamment du coût des règles d'option.

Ce dernier point rappelle à Mme Van den Berghe l'aspect « risque » qui est lié aux régimes d'option. Comment les entreprises vont-elles couvrir ce risque ?

IV. REPRISE DE LA DISCUSSION APRÈS L'AUDITION

Durant la réunion du 18 février 2003, M. Van Quickenborne a rappelé la teneur des auditions du 15 janvier 2003 des professeurs Van den Berghe, de l'Institut des administrateurs, et Wymeersch, président de la Commission bancaire et financière.

Ces auditions ont mis en évidence que si les deux professeurs souscrivent certes aux objectifs de la proposition de loi, à savoir une plus grande transparence des sociétés cotées en bourse en ce qui concerne la détention de titres et des rémunérations, ils n'en critiquent pas moins la manière dont cette proposition entend atteindre ses objectifs dans sa formulation initiale.

Au départ, les auteurs de la proposition de loi avaient l'intention de modifier l'article 1er de la loi du 2 mars 1989 relative à la publicité des participations importantes dans les sociétés cotées en bourse ainsi que de l'article 96 du Code des sociétés.

La critique de Mme Van den Berghe comme de M. Wymeersch portait sur le fait que les dispositions proposées seraient mieux à leur place dans un autre contexte légal. M. Wymeersch a d'abord fait référence à la loi du 3 mai 2002 modifiant le régime des incompatibilités applicable aux dirigeants d'établissements de crédit et d'entreprises d'investissement, qui adapte un schéma dans lequel le législateur désigne l'objectif qu'il souhaite atteindre tandis que la CBF doit déterminer, par voie de règlement, les modalités d'application des obligations imposées.

Les auteurs de la proposition de loi visent à une transparence individuelle, tant en matière de titres en portefeuille qu'en matière de rémunération. M. Wymeersch a suggéré de laisser la CBF arrêter une réglementation définissant les modalités des rémunérations, les sociétés concernées, etc., au lieu de le faire dans la loi même.

Les nouvelles dispositions sont présentées sous forme d'amendements à la proposition de loi initiale, de manière à éviter de devoir déposer une nouvelle proposition de loi. M. Van Quickenborne estime que ces amendements ont permis de trouver un bon équilibre entre, d'une part, l'objectif initial de la proposition de loi et, d'autre part, les observations du président de la CBF et une demande de mise en oeuvre étalée dans le temps.

Mme Kestelijn-Sierens se réjouit que M. Van Quickenborne ait repris dans ses amendements plusieurs suggestions qui ont été formulées par les experts entendus.

Le ministre de la Justice observe que les avis formulés durant l'audition par Mme Van den Berghe et M. Wymeersch, président de la CBF, se sont révélés très précieux pour appréhender dans son contexte exact la problématique abordée par la proposition de loi.

Il indique aussi que la proposition de loi a été profondément modifiée, en ce sens que les moyens prévus cernent plus étroitement l'objectif poursuivi par les auteurs. Le système de surveillance en est un bon exemple.

Le ministre souligne que, dans le débat modial sur le gouvernement d'entreprise, la discussion sur le champ de tension qui relie les administrateurs, les actionnaires, les détenteurs de participation, etc., va toujours de pair avec une discussion sur l'aspect de l'autorégulation et sur la mesure dans laquelle cette autorégulation est autorisée. À cet égard, le ministre précise que la décision de légiférer que cette commission prend ici, appartient strictement à cette dernière.

V. DISCUSSION DES ARTICLES

Article 2

Dans son amendement nº 1 (doc. Sénat, nº 2-714/02), M. Van Quickenborne s'est efforcé de suivre la méthode préconisée par les professeurs. Le principe de la transparence individuelle y est repris, mais l'article 107bis, alinéa 2, proposé du Code des sociétés prévoit que la CBF définit, dans un règlement approuvé par le Roi, les modalités d'exécution de ces obligations.

Selon l'amendement nº 1, la surveillance ­ demandée avec insistance par les deux professeurs ­, c'est-à-dire le suivi et les éventuelles sanctions, est confiée à la CBF et n'est donc pas inscrite dans le Code des sociétés. Pour ce faire, on aurait recours aux techniques du « pilori », de l'astreinte et, en dernier recours, de l'amende administrative.

M. Van Quickenborne se base pour cela sur l'article 36 de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers, qui contient des dispositions analogues.

L'amendement nº 5 (doc. Sénat, nº 2-714/3), qui sous-amende l'amendement nº 1 précité, apporte quelques corrections aux références.

M. de Clippele constate que l'article 107bis tel que proposé par l'amendement nº 1 ne vise plus que les sociétés cotées en bourse et non plus les sociétés liées ni les sociétés associées.

M. Van Quickenborne confirme que seules les sociétés cotées en bourse sont visées. L'obligation figure désormais aussi dans le Code des sociétés. Ensuite conformément à la suggestion de Mme Van den Berghe, le périmètre des sociétés concernées sur le plan des titres détenus en portefeuille a été limité au périmètre de consolidation, c'est-à-dire aux entreprises au sein desquelles la société cotée en bourse détient une participation significative. Dans le texte initial de la proposition de loi, il était également question des sociétés liées. C'était aller trop loin.

M. de Clippele constate que le nouveau texte vise également les sociétés qui doivent établir des comptes consolidés.

M. Van Quickenborne renvoie au premier alinéa, deuxième tiret, de l'article 107bis proposé du Code des sociétés. M. Wymeersch avait mis en garde contre la possibilité de détourner la législation en faisant verser des rémunérations par d'autres sociétés.

M. de Clippele fait référence à la dernière phrase de l'article 107bis proposé. Il est libellé comme suit : « Lorsque l'infraction a procuré un avantage patrimonial au contrevenant,... ». Cette infraction ne procure-t-elle pas toujours un avantage patrimonial étant donné qu'il s'agit de rémunérations ?

Selon M. Van Quickenborne, cette disposition n'est rien d'autre que la reprise d'une disposition figurant dans la loi du 3 mai 2002 modifiant le régime des incompatibilités applicable aux dirigeants d'établissements de crédit et d'entreprises d'investissement.

Il précise que l'avantage patrimonial ne vise pas tant les rémunérations que les titres en portefeuille. L'avantage patrimonial est la plus-value que l'on réalise via une transaction sur des titres de la société. Quiconque ne communique pas cet avantage patrimonial peut se voir infliger par la CBF une amende majorée.

M. de Clippele estime que le texte n'est pas suffisamment clair sur ce point puisque l'on ne parle pas de « plus-values ». Or, avant de doubler ou même de tripler le montant de l'amende, il faudrait que le cas soit assez clair.

M. Van Quickenborne répond que les montants des amendes proviennent d'une législation existante. Il ne s'agit pas de doubler ou de tripler le montant maximum de 2 500 000 euros, mais le montant de l'avantage patrimonial. Il fait confiance à la CBF pour prendre des décisions en la matière avec toute la sagesse requise.

M. de Clippele ne peut se satisfaire de l'argument selon lequel ces amendes sont également appliquées ailleurs.

M. Van Quickenborne fait observer que les dispositions pénales prévoient, elles aussi, le doublement des amendes en cas de récidive. La dernière phrase de l'article 107bis proposé est également basée sur une suggestion de M. Wymeersch. Si les obligations actuelles ne sont pas respectées, c'est parce qu'elles ne sont assorties à aucune sanction.

Deux options sont fondamentalement possibles. Soit on opte pour une sanction à définir par le législateur, soit on choisit l'autorégulation, avec intervention de la CBF. M. Van Quickenborne a opté pour cette dernière solution.

Pour M. de Clippele, il n'est pas clair quand on va établir le montant de l'avantage patrimonial. Il est d'avis que les sanctions portent aussi sur des infractions relatives aux rémunérations. L'infraction est commise au moment où on n'a pas communiqué. Que le titre ait évolué en bourse à la hausse ou à la baisse, ne peut pas faire changer le montant de l'astreinte. C'est l'infraction qui est constitutive de l'astreinte et non pas les cours de la bourse. Il est inacceptable de fixer une astreinte en fonction d'un critère aussi aléatoire.

M. Moens déclare que, pour lui, l'intention de se procurer un avantage patrimonial suffit pour que l'on puisse parler d'infraction.

M. de Clippele estime que cala ne ressort pas du texte non plus.

M. De Grauwe considère, d'autre part, qu'il est logique que la sanction augmente proportionnellement au montant de l'avantage patrimonial obtenu.

M. Thissen suggère de préciser qu'il importe de déterminer l'avantage patrimonial au moment où l'infraction est commise.

Selon M. de Clippele, il se peut aussi qu'une personne achète un lot d'actions sans le communiquer. Elle est donc en infraction. Mais tant qu'elle ne vend pas ces actions, elle ne réalise pas de plus-value. Comment dans ce cas calculer l'avantage patrimonial au moment de l'infraction ?

M. Van Quickenborne estime que la disposition relative à la majoration de l'amende administrative n'est pas applicable dans de tels cas.

M. de Clippele estime que si on ne sait pas avec précision ce que l'on vise, il vaut mieux laisser tomber la dernière phrase de l'article 107bis proposé. Il introduit un amendement nº 6 (doc. Sénat, nº 2-714/3) qui vise à supprimer cette phrase.

M. Thissen souligne que cette disposition vise des personnes physiques. L'amende peut déjà aller jusqu'à 2 500 000 euros. Est-ce qu'il est envisageable que quelqu'un fasse des transactions qui méritent des amendes pareilles ? Il ne le croit pas.

M. Moens réplique qu'il est tout à fait possible d'éviter ces très lourdes amendes en respectant les obligations de publication.

Enfin, le ministre de la Justice fait observer que la lecture conjointe des premier et deuxième alinéas de l'article 107bis proposé permet de supposer que les modalités de la publicité adéquate seront fixées par la CBF.

Article 3

L'amendement nº 2 de M. Van Quickenborne (doc. Sénat, nº 2-714/2) vise à concrétiser la suggestion du professeur E. Wymeersch de bloquer toute échappatoire en prévoyant également que les informations relatives à la rémunération individuelle et à la détention individuelle de titres doivent également figurer dans les comptes consolidés.

M. de Clipple aimerait obtenir de plus amples explications sur cet amendement.

M. Van Quickenborne rappelle que l'article 119 fait partie du titre VI, chapitre II, section IV, du Code des sociétés, et qu'il traite du rapport de gestion sur les comptes consolidés.

M. Wymeersch avait fait observé que la proposition de loi, dans sa forme initiale, visait exclusivement les rémunérations attribuées par la société elle-même. La proposition de loi tendait en effet à modifier l'article 96 du Code des sociétés sans toucher à l'article 119 du même code, qui énumère les informations devant figurer dans le rapport de gestion sur les comptes consolidés. Il estimait qu'il fallait faire en sorte que les sociétés ne puissent pas tourner la réglementation en faisant verser la rémunération de leurs dirigeants par d'autres sociétés du groupe et en lui attribuant une qualification n'indiquant pas qu'il s'agit d'une rémunération d'un dirigeant d'une société du groupe. Il faut donc prévoir que les informations relatives à la rémunération des dirigeants doivent également figurer dans le rapport de gestion sur les comptes consolidés ...

L'amendement nº 2 vise à rencontrer cette préoccupation.

Article 4 (nouveau)

M. Van Quickenborne explique que son amendement nº 3 tient compte de certaines inquiétudes quant à l'acceptation, dans les mentalités, de la transparence relative à la rémunération individuelle et à la détention individuelle de titres en portefeuille. L'amendement nº 3 prévoit en effet que cette transparence soit instaurée en plusieurs phases. Dans un premier temps (à partir du 1er janvier 2004) seules les entreprises faisant partie de l'indice BEL20 entreront dans le champ d'application de la loi. Toutes les autres sociétés cotées en bourse ne devront se conformer aux nouvelles obligations qu'à partir du 1er janvier 2005.

M. Van Quickenborne estime du reste que la bourse Euronext Brussels aura déjà inscrit ces obligations dans son règlement de marché d'ici au 1er janvier 2005.

VI. VOTES

L'article 1er est adopté par 9 voix et 1 abstention.

Le sous-amendement nº 4 à l'amendement nº 1 remplaçant l'article 2 est adopté par 9 voix et 1 abstention.

Le sous-amendement nº 6 à l'amendement nº 1 est rejeté par 7 voix contre 2 et 1 abstention.

L'amendement nº 1, ainsi sous-amendé, est adopté par 9 voix et 1 abstention.

L'amendement nº 2 visant à remplacer l'article 3 est adopté par 9 voix et 1 abstention.

L'amendement nº 3 ajoutant un article 4 à la proposition, est également adopté par 9 voix et 1 abstention.

L'amendement nº 5 remplaçant l'intitulé de la proposition est également adopté par 9 voix et 1 abstention.

L'ensemble de la proposition de loi amendée a été adopté par 9 voix et 1 abstention.

Le présent rapport a été approuvé par 7 voix et 1 abstention.

Le rapporteur, Le président,
Olivier de CLIPPELE. Paul DE GRAUWE.

Texte adopté par la commission
(voir doc. Sénat, nº 2-714/5)


(1) Entre-temps devenu la loi du 2 août 2002 (Moniteur belge du 22 août 2002).