2-1476/3

2-1476/3

Sénat de Belgique

SESSION DE 2002-2003

25 FÉVRIER 2003


Projet de loi modifiant la loi du 31 décembre 1963 sur la protection civile


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE L'INTÉRIEUR ET DES AFFAIRES ADMINISTRATIVES PAR MME VAN RIET


I. INTRODUCTION

Le présent projet de loi a été adopté par la Chambre des représentants le 13 février 2003 et été transmis au Sénat le 14 février 2003.

Le Sénat l'a évoqué en date du 18 février 2003. La commission de l'Intérieur et des Affaires administratives l'a examiné lors de sa réunion du 25 février 2003.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

Le projet de loi examiné a pour objectif d'apporter une solution à deux types de difficultés.

D'une part, un certain nombre de communes ne disposent pas d'un plan d'urgence. Le projet de loi vise à rendre obligatoire pour les communes et les provinces l'établissement d'un plan général d'urgence et d'intervention pour la gestion des situations de crise et liées à des événements calamiteux, des catastrophes ou des sinistres. Ces plans devront être complétés par des plans particuliers lorsqu'il existe des risques spécifiques, ceux-ci étant déterminés par le Roi.

Pour faciliter la tâche des provinces et des communes dans l'élaboration de ces plans, le projet donne au Roi la compétence d'en fixer le contenu. Il existe déjà des plans d'urgence en ce qui concerne le domaine nucléaire et le secteur « Seveso ». En pratique, les trois quarts des communes du Royaume disposent déjà d'un plan d'urgence si bien que seul un quart des communes ressent le besoin que l'on fixe un tel plan, notamment à cause des menaces nouvelles auxquelles nous sommes confrontés.

D'autre part, le projet vise à résoudre le flou qui existe depuis des années, non seulement quant à la répartition des tâches entre les services d'incendie et les unités permanentes de la protection civile, mais également quant à la nature même de ces missions.

Le projet initial déléguait au Roi la compétence de déterminer les missions des services publics d'incendie et celles de la protection civile.

Le ministre a voulu rencontrer les préoccupations de certains députés qui souhaitaient que les missions de secours soient reprises dans la loi elle-même. Un amendement a donc été déposé en ce sens. La répartition se fera par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres.

Ce projet ne préjuge en rien de l'avenir mais introduit davantage de sécurité sur le plan juridique puisque ces missions ne sont pas déterminées par loi pour l'instant et que la répartition se fait par simple circulaire.

En fonction de l'évolution de la situation, l'arrêté royal d'exécution pourra être affiné.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

M. Verreycken fait remarquer que la raison d'être de la réforme des polices était de fusionner deux corps qui se faisaient concurrence. Le ministre a-t-il également l'intention de fusionner en un corps unique les deux corps de services de secours existants, à savoir les pompiers et la protection civile ? Ce serait logique. Et ne vaudrait-il pas mieux transférer ces corps du niveau fédéral vers les communautés et les régions ?

Les zones d'intervention des services de secours ne correspondent manifestement pas aux zones de police. Pourquoi n'envisage-t-on pas de faire coïncider ces zones ? Cela serait beaucoup plus clair pour les services de secours.

L'intervenant constate en outre que l'on organise les services de secours en zones provinciales, mais que les provinces ne correspondent pas du tout à la réalité du terrain. Le port d'Anvers, par exemple, est à cheval sur deux provinces.

Les zones provinciales devraient disparaître. La commission a effectué en 2002 une visite au palais provincial de Gand, en présence du gouverneur. Ce jour-là, un incendie s'est déclaré à bord d'un navire stationné dans le port d'Anvers et l'alerte à grande échelle a été déclenchée pour prévenir tout risque d'intoxication.

Ni le gouverneur de la province de Flandre orientale, ni le responsable de la coordination des plans catastrophe entre les deux provinces n'étaient au courant de cet accident.

La délimitation calquée sur le découpage des provinces n'est donc pas efficace et l'intervenant suggère de faire coïncider les zones de secours et les zones de police pour une meilleure transparence.

M. Dallemagne se dit fort surpris qu'en fin de législature, l'on présente un projet de loi peu étoffé sur la question de la réforme de la protection civile, alors même qu'une réflexion approfondie avait été menée en commission sur ce problème important. Le ministre avait d'ailleurs insisté sur le fait qu'il accordait grande importance à cette question.

La commission n'a toutefois plus eu aucune nouvelle des groupes de travail chargés d'analyser ce projet de réforme, qui est donc visiblement tombé aux oubliettes.

Il avait compris que l'idée était de reporter cette problématique délicate à une date ultérieure. On confronte aujourd'hui la commission avec un projet de loi sur cette réforme alors que les personnes concernées (villes et communes, pompiers, protection civile, syndicats) n'ont même pas été entendues.

Le projet de loi n'aborde en outre que la planification d'urgence et la répartition des tâches, laissant de côté toute une série d'autres problèmes.

On ignore enfin si l'on dispose des moyens de mener cette réforme, sans savoir comment les autres aspects importants inhérents à une telle réforme seront abordés.

Le risque existe, en adoptant ce projet de loi, de prendre des décisions dangereuses pour l'avenir et ce, sans avoir mené un débat sérieux au Parlement.

Mme Van Riet estime que la réforme proposée est nécessaire parce qu'elle constitue une amorce pour le futur.

Il s'impose de mieux encadrer les compétences des pompiers et de la protection civile. Les deux corps sont d'ailleurs demandeurs d'un tel encadrement.

Cette clarification est nécessaire aussi pour le citoyen qui est confronté à des catastrophes.

Si l'on envisage de fusionner les deux corps, il vaut mieux partir d'une répartition claire des tâches.

C'est aussi une bonne chose de contraindre les communes à se doter d'un plan catastrophe. Cela garantira une meilleure coordination au niveau provincial.

Le ministre affirme qu'il y a unanimité pour dire qu'une réforme de la sécurité civile est nécessaire. Il s'est d'ailleurs employé, au cours des deux dernières années, à rassembler un maximum d'informations dans des discussions avec des représentants de la base dans le cadre des groupes de travail.

Il est clair toutefois que la discussion sur une réforme approfondie devra être poursuivie au cours de la prochaine législature.

Le projet de loi proposé ne préjuge d'ailleurs en rien de ce travail. Il faudra certainement une structure au plan fédéral pour engager les moyens et pour uniformiser un certain nombre de choses. À un niveau décentré, il faudra également prévoir une structure assurant une coordination optimale au niveau des provinces et enfin, une structure des unités d'intervention au plan local.

Concernant les zones de secours, il n'a aucun préjugé en la matière bien qu'il constate que les avis en la matière sont souvent contradictoires. Dans l'état actuel, les zones de secours doivent permettre, sur une base volontaire, une meilleure collaboration et coopération entre les différents services d'incendie. Ces zones de secours n'ont donc aucun pouvoir en tant que telles. Elles ont d'ailleurs été constituées sur une base volontaire. La province de Liège comporte par exemple six zones de secours.

Il partage donc l'idée de pousser la réflexion plus avant en ce qui concerne ces zones de secours et, en particulier, la question de la coïncidence entre les zones de secours et les zones de police. Mais, il ne faut pas perdre de vue qu'il y a 196 zones de police dans le Royaume et qu'il serait exagéré de prévoir 196 zones de secours.

Une évaluation du travail des zones de secours est d'ailleurs prévue et il faudra également, à terme, envisager de donner la personnalité juridique aux zones de secours, ce qui permettrait de leur confier en propre un certain nombre de responsabilités.

Tout ceci démontre qu'il reste encore beaucoup de matière à exploiter, alors que le projet de loi débattu ne traite que de deux points extrêmement limités. Mais il est néanmoins très important que, sans tarder, toutes les communes du Royaume se dotent d'un plan d'urgence, ceci compte tenu notamment des menaces bactériologiques et chimiques.

Il est également temps de mettre de l'ordre dans la répartition des tâches de la protection civile et des pompiers. Ces derniers accomplissent toutes les tâches de première ligne.

La protection civile, quant à elle, intervient dans deux cas : lorsque des renforts sont nécessaires ou encore lorsqu'il faut faire face à des missions spécialisées.

Le projet de loi reprend simplement l'inventaire des missions et prévoit qu'une répartition claire sera faite par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres.

Cela ne préjuge en rien de ce qui sera nécessaire dans le cadre d'une réforme plus profonde.

M. Verreycken estime qu'il y a lieu d'apporter quelques corrections techniques et linguistiques au texte néerlandais de l'article 2. Les termes utilisés témoignent d'un certain archaïsme.

L'énumération faite à l'article 2 prévoit que les missions de la protection civile comportent aussi des missions préventives lors de grands rassemblements de personnes. M. Verreycken désire savoir si cela signifie qu'il sera impossible d'encore facturer ces interventions. Il pense par exemple à l'organisateur d'un festival. Ce dernier peut-il faire appel gratuitement à la protection civile pour une mission à caractère préventif lors d'un grand rassemblement, dès lors qu'une mission d'intérêt public est non payante ?

Il en va de même pour un approvisionnement en eau. Si les organisateurs d'un camp de jeunes dans les Ardennes font appel à la protection civile pour assurer l'approvisionnement en eau, le coût pourra-t-il en être facturé ?

Bref, l'énumération de ces missions publiques signifie-t-elle que l'on ne pourra plus demander d'intervention financière aux utilisateurs, même en cas d'abus ?

M. Dallemagne entend bien que le projet de loi prétend clarifier la coordination et la répartition des tâches. En réalité, il se contente de déléguer cela au Roi puisque à l'avenir, ce serait réglé par arrêté royal.

De plus, l'intervenant signale avoir interpellé à plusieurs reprises le ministre sur ces questions et on lui a répondu que ces matières faisaient encore l'objet d'une réflexion.

Il aurait aimé être débriefé sur ce que font les huit groupes de travail du ministère de l'Intérieur compétents en la matière.

Le projet de loi ne précise rien à cet égard et ne donne aucune orientation générale. Il énumère simplement une liste de missions non définies, alors que cela eût été hautement souhaitable. Il est pourtant d'usage qu'une loi définisse avec précision les principes de base, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Où est donc l'avancée fondamentale que le projet de loi entend réaliser ? Que fait-on des autres aspects importants de la réforme de la protection civile, c'est-à-dire les moyens humains, financiers, la rémunération, l'encadrement des volontaires, la formation du personnel, les zones de secours ?

N'est-il pas contradictoire que les communes doivent impérativement disposer de plans de secours alors que l'on ignore encore comment seront articulées les zones de secours en fonction des zones de polices, quelle sera leur dimension exacte, etc. ?

L'initiative du projet de loi, compte tenu de toutes ces incertitudes, lui paraît donc plus que hasardeuse. Un débat de fond sur la problématique n'a visiblement pas été mené.

Mme Leduc estime que le projet répond à un réel besoin sur le terrain. Le texte clarifie les choses et c'est précisément ce qu'attendent les membres des services d'incendie et de la protection civile.

Le ministre insiste sur le fait qu'un arrêté délibéré en Conseil des ministres a déjà été présenté à la Chambre des représentants. La situation est donc parfaitement transparente.

En outre, la coordination en tant que telle est réglée par les services du ministère de l'Intérieur, cela n'a donc rien à voir avec le projet de loi. Il y a eu une concertation permanente avec ces services, de même qu'un groupe de travail avec des pompiers.

Le projet de loi proposé est la résultante de cette concertation et c'est sur cette base que l'arrêté royal a été préparé. Par mesure de précaution, le ministre s'est engagé à délibérer cet arrêté en Conseil des ministres.

En ce qui concerne les plans d'urgence, il s'agit de compléter un dispositif qui existe actuellement dans la plupart des communes du Royaume. Ni plus ni moins.

Dans l'état actuel de la législation, le ministre de l'Intérieur peut, par simple circulaire, modifier la répartition des tâches. Le projet de loi vise à clarifier cette situation. Pour cette raison, il n'est pas souhaitable de modifier la terminologie du projet de loi puisque cette terminologie a un contenu et une jurisprudence très précis. À défaut, nous rendrions malaisée l'interprétation d'un certain nombre de textes de loi existants.

Il est tout aussi clair que la répartition des tâches entre les pompiers, qui assurent le service de première ligne, et les services d'appui de deuxième ligne, qui assurent la sécurité civile, n'est pas totalement étanche. Il est impératif de faire preuve de souplesse en fonction des besoins sur le terrain pour être totalement efficace. La terminologie utilisée, pour ceux qui la pratiquent quotidiennement, a un sens très précis.

Concernant la facturation de certaines missions, le projet de loi n'a aucune incidence budgétaire puisqu'il s'agit simplement de la concrétisation de la situation actuelle.

La législation actuelle prévoit seulement qu'en cas de pollution, les travaux de déblaiement sont à charge du pollueur. Normalement, les missions que la loi considère comme d'intérêt général ne sont pas facturées. En revanche, le transport en ambulance est bel et bien facturé parce qu'il fait l'objet d'une législation particulière.

Il est évident qu'il faudra préciser ce qui est une prestation d'ordre public et ce qui est une prestation privée devant entraîner un paiement, surtout lorsqu'elle résulte d'une imprudence ou d'une inconscience du citoyen. La distribution d'eau pour cause de sécheresse est une mission publique mais pas lorsqu'il s'agit de distribuer des berlingots d'eau dans le cadre d'une activité commerciale.

Mme Lizin aurait aimé que soit clairement stipulé dans le texte de loi que la compétence du bourgmestre en la matière n'est nullement mise en cause. Jusqu'à présent, la décision de faire appel aux services de protection civile appartenait au bourgmestre. Le projet de loi porte-il atteinte à cela ?

Le ministre précise que le projet de loi ne modifie en rien la compétence du bourgmestre en la matière.

IV. DISCUSSION DES ARTICLES

Article 2

Amendement nº 1

Mme Thijs dépose un amendement nº 1 (doc. Sénat, nº 2-1476/2) tendant remplacer la phrase introductive par la disposition suivante : « Sans préjudice de la compétence des communes, définie à l'article 135, § 2, 5º, de la nouvelle loi communale, les missions en matière de protection civile sont les suivantes : ». Il convient de préciser que les éléments locaux de la lutte contre l'incendie et les catastrophes continuent à être considérés comme des matières d'intérêt communal.

Amendement nº 2

Mme Thijs dépose un amendement nº 2 (doc. Sénat, nº 2-1476/2) tendant à compléter cet article par un alinéa nouveau en vue de fixer un régime d'indemnités pour certaines missions de service, qu'elles soient ou non définies par la loi.

Amendement nº 3

Mme Thijs dépose un amendement nº 3 (doc. Sénat, nº 2-1476/2) tendant à compléter l'article proposé par une disposition qui doit empêcher le démantèlement de fait des services communaux de lutte contre l'incendie, par l'ancrage de la compétence communale dans le projet de loi.

V. VOTES

L'amendement nº 1 de Mme Thijs est rejeté par 7 voix contre 2.

L'amendement nº 2 de Mme Thijs est rejeté par 7 voix contre 1 et 1 abstention.

L'amendement nº 3 de Mme Thijs est rejeté par 7 voix et 2 abstentions.

L'ensemble du projet est adopté par 7 voix et 2 abstentions.

Confiance a été faite à la rapporteuse pour la rédaction du présent rapport.

La rapporteuse, La présidente,
Iris VAN RIET. Anne-Marie LIZIN.

Le texte adopté par la commission
est identique au texte
du projet transmis par la
Chambre des représentants
(voir doc. Chambre, nº 50-2183/6)