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25 FÉVRIER 2003
La commission de la Justice a examiné le présent projet de loi au cours ses réunions des 28 janvier et 25 février 2003.
Il est de notoriété publique que, si le gouvernement fédéral a été à l'origine de la création d'un centre fermé à gestion fédérale, c'est à cause du manque criant de places pour jeunes délinquants dans les centres fermés des communautés. Le 1er mars 2002, le Parlement a voté en urgence la loi relative au placement provisoire de mineurs ayant commis un fait qualifié infraction. Le Conseil des ministres a, parallèlement, approuvé le projet d'accord de coopération entre l'État fédéral et les Communautés française, germanophone et flamande, lequel a été signé le 30 avril 2002 par toutes les autorités concernées.
Dans l'intervalle, la Communauté française et la Communauté flamande ont voté un décret ratifiant cet accord de coopération. La Communauté germanophone va le ratifier dans les prochains jours. Le Sénat est invité à voter une loi ratifiant le texte en question.
On sait que le centre permet de placer tant des jeunes francophones, que des jeunes néerlandophones et des jeunes germanophones. Le concept « Everberg » confirme que les communautés, qui sont compétentes en matière d'aide et d'assistance aux personnes, doivent aussi prendre en charge l'accompagnement et l'encadrement pédagogique des mineurs placés à Everberg. L'apport de l'autorité fédérale, qui n'est pas négligeable, concerne l'infrastructure, la sécurité et la gestion générale.
Ceux qui ont l'expérience de ce type de partenariats savent combien il est difficile d'arriver à conclure des accords valables. Pendant la préparation de l'accord de coopération dont il est question, des divergences de vue se sont fait jour concernant la manière concrète dont chacun accomplira les tâches qui lui incombent et la délimitation des compétences des divers intervenants. Nous avons réussi néanmoins à rédiger un texte équilibré qui a permis de bien gérer le centre jusqu'ici.
L'accord de coopération fixe par exemple les règles en matière de capacité qui sont applicables en ce qui concerne ce centre fermé. La capacité maximale a été fixée à 50 places, à répartir entre les trois communautés. Il est possible de déroger à la clé de répartition actuelle s'il existe un accord commun pour le faire. Un régime spécial a été prévu pour la Communauté germanophone, qui permet de placer le cas échéant un jeune germanophone sans que l'on doive prévoir une section permanente. Il y a lieu de noter que l'article 4, § 5, de l'accord n'autorise pas d'accueillir un nombre de plus de 50 « pensionnaires », chiffre qui correspond à la capacité maximale prévue.
L'autorité fédérale s'est engagée, dans le cadre de cet accord, à prendre en charge les diverses tâches de surveillance, la sécurité, le transport des jeunes, la gestion et l'entretien de l'infrastructure. En ce qui concerne l'infrastructure, elle devrait permettre de mettre en place un régime humain et pédagogiquement justifié. Nous pensons à cet égard à des parloirs, à une infrastructure sportive, etc.
Les frais d'entretien liés au séjour des jeunes seront également pris en charge par l'autorité fédérale.
De leur côté, les communautés se sont engagées à assurer un encadrement pluridisciplinaire et pédagogique, avec une présence garantie entre 7 et 22 heures. Les frais de fonctionnement qui découlent des activités du centre sont évidemment pris en charge par les communautés.
Des accords importants ont été passés en ce qui concerne la direction du centre, laquelle est confiée à un comité de direction composé d'un directeur fédéral et de deux directeurs communautaires. La direction générale est assurée par le directeur fédéral. Cependant, chaque directeur est exclusivement compétent pour les missions qui sont spécifiques aux autorités fédérales et aux communautés respectivement. Le comité de direction doit surtout coordonner les activités des différents groupes du centre. Les activités ne peuvent jamais mettre en danger la sécurité.
Les membres du personnel dépendent soit de l'État fédéral, soit de la Communauté française ou de la Communauté flamande. Les membres du personnel des communautés peuvent uniquement être chargés d'accompagner les jeunes placés par un tribunal du rôle linguistique correspondant. Le personnel fédéral doit pouvoir s'exprimer dans la langue du jeune, pour autant qu'il s'agisse du français, du néerlandais ou de l'allemand.
Des accords ont été passés en ce qui concerne certaines mesures telles que l'interdiction d'accès des membres du personnel qui mettent en danger la sécurité du centre. Un certain nombre de règles élémentaires de comportement ont été convenues en ce qui concerne la sécurité et les rapports avec les mineurs.
Il va de soi que les règles relatives au secret professionnel sont d'application. Toutefois, des accords ont dû être conclus en ce qui concerne la gestion des dossiers et l'échange d'informations sur les mineurs placés.
L'accord de coopération prévoit également la rédaction d'un règlement d'ordre intérieur. Ce texte a entre-temps été rédigé et approuvé par les ministres compétents. Il appartient au comité de direction de proposer une adaptation de ce texte lorsque cela s'avère nécessaire.
Pour répondre à l'inquiétude émanant principalement de la Communauté française de n'associer en aucun cas Everberg à un établissement pénitentiaire, il a été convenu que les différentes dispositions réglementaires des prisons ne s'appliquent pas aux jeunes.
Enfin, les règles d'accès ont été fixées pour les différentes autorités tout comme pour les établissements pénitentiaires.
M. Monfils renvoie à l'affaire du jeune qui s'est échappé d'Everberg il y a quelque temps. Cela a provoqué une certaine agitation, étant donné que l'éducateur avait déclaré qu'il n'était pas intervenu pour empêcher l'évasion, parce que ce n'était pas sa mission.
Qu'arrivera-t-il si un cas semblable se reproduit demain ? La responsabilité incombe-t-elle à l'équipe de surveillance fédérale ou à la communauté compétente ?
Mme Thijs tient à rappeler quelques observations qu'elle a formulées au cours de la discussion du projet de loi créant le centre d'Everberg (loi du 1er mars 2002). Le vote de la loi a été révélateur d'un manque de sang-froid dans la mesure où elle devait permettre de résoudre rapidement une série de cas concrets. L'accord à l'examen s'inscrit dans le prolongement de cette loi.
L'intervenante dénonce en outre le long immobilisme du gouvernement en la matière. En 1999, on avait déjà prévu de ne plus appliquer l'article 53 de la loi sur la protection de la jeunesse. Pourquoi a-t-on attendu jusqu'à ce jour pour soumettre l'accord de coopération au Parlement ? Par ailleurs, la solution d'urgence avait déjà été suggérée par le CD&V, qui avait déposé, en 2000, une proposition de résolution prévoyant un accord de coopération en vue de la création d'un établissement fédéral pour délinquants juvéniles.
De plus, la création du centre a posé pas mal de problèmes. Tout a dû se faire dans la précipitation, de sorte que l'on peut s'interroger sur la philosophie de base. C'est parce que l'on ne disposait d'aucune vision globale pour réformer la loi de 1965 sur la protection de la jeunesse que l'on a été obligé de recourir à une solution d'urgence. Dans cette optique, le Sénat était-il peut-être bien, en tant que chambre de réflexion, l'endroit idéal pour examiner la question en détail.
Le centre d'Everberg n'a été créé que pour résoudre les problèmes de capacité de la communauté. Il ne témoigne en rien d'une nouvelle manière de concevoir le droit de la jeunesse. On peut se demander si le gouvernement n'a pas peur d'engager une discussion sur la réforme du droit de la jeunesse au Parlement. Pourtant, le commissaire aux droits de l'enfant est lui aussi demandeur d'un débat approfondi.
L'intervenante tient en outre à noter que les jeunes ne passent que très peu de temps au centre d'Everberg. Il n'existe aucun projet pédagogique. L'arrêt Bouamar précise pourtant que tout enfermement doit en tout cas s'accompagner d'un projet pédagogique.
Qu'en est-il des projets que le gouvernement avait annoncés et qui devaient permettre de faire oublier l'avant-projet sur le droit répressif de la jeunesse ? L'intervenant aimerait savoir où en sont les choses.
Un autre problème est celui de la capacité. On peut parler sans aucun doute d'un échec à cet égard en Flandre. C'est d'ailleurs ce problème de capacité qui est à l'origine de la création du centre d'Everberg.
Il faut manifestement un plus grand le nombre de places dans les centres fermés et un personnel motivé. Il devrait en outre y avoir plus de places pour les jeunes toxicomanes et les jeunes qui souffrent de problèmes psychiatriques.
La politique de prévention n'est pas non plus une grande réussite. Le gouvernement ne propose rien de concret.
Par ailleurs, le gouvernement ne s'est toujours pas attelé à établir une distinction entre les comportements délinquants et les comportements qui sont liés à des situations éducationnelles problématiques. Le Parlement flamand l'avait pourtant enjoint de le faire, et ce, par la voie de résolutions qu'il avait adoptées au cours d'une précédente législature.
L'intervenante constate qu'en fait, le discours tenu aujourd'hui n'a plus rien de normatif. Il importe pourtant que les pouvoirs publics fixent des normes, en vue du développement d'un droit répressif de la jeunesse qui ait un visage humain.
Mme Nyssens se rejouit de l'existence de l'accord de coopération à l'examen. La manière dont a été votée la loi créant le centre d'Everberg lui a également laissé de mauvais souvenirs.
L'oratrice souhaite poser plusieurs questions.
La première concerne la capacité. L'accord de coopération prévoit des chiffres clairs en la matière, tant pour la Communauté française que pour la Communauté flamande. Y a-t-il actuellement plus de jeunes francophones qui sont concernés ou plus de jeunes néerlandophones ? Y a-t-il eu une demande d'adaptation de la capacité prévue de la part de la Communauté française ou de la Communauté flamande ? Les places prévues répondent-elles aux besoins des communautés ?
L'intervenante estime que l'esprit de la loi créant le centre d'Everberg doit être respecté.
Est-il clair que ne peuvent être placés dans le centre que les jeunes qui tombent sous l'application de la « loi Everberg » ? Existe-t-il un système d'information entre les magistrats, les institutions des communautés et le centre fermé d'Everberg ? Les magistrats savent-ils, au moment de prendre leur décision, si de places sont disponibles dans les institutions des communautés. S'en avisent-ils avant de diriger les jeunes vers Everberg ? La communication est-elle efficace ? Tout doit se faire vite et le nombre de places disponibles au sein des communautés évolue en permanence.
Une troisième remarque concerne la répartition des tâches. A-t-on clairement défini le rôle de chacun ? Le personnel du centre fermé sait-il exactement ce qu'il peut faire et de qu'il ne peut pas faire ? A-t-on formalisé une certaine déontologie ?
L'intervenante aimerait savoir par ailleurs combien de temps les jeunes passent à Everberg.
Des observations ont-elles déjà été formulées, au niveau international concernant la philosophie générale du centre (par exemple, par le Comité des droits de l'enfant de Genève) ? Respecte-t-on les principes généraux des droits de l'enfant ? Les commissaires et délégués aux droits de l'enfant ont-ils formulé des remarques ? Que pense M. Lelièvre du centre ?
Une autre question concerne l'infrastructure. Est-elle totalement achevée ? Le personnel d'encadrement est-il au complet ?
Enfin, l'intervenante demande quels sont les magistrats qui envoient les jeunes dans le centre. Sont-ce surtout les juges de la jeunesse des grandes villes ou peut-on dire que la proportion de juges qui le font est partout la même ?
Le ministre souligne que le projet de loi à l'examen porte assentiment à l'accord de coopération. L'objectif n'est pas de rouvrir la discussion relative à la « loi Everberg », car celle-ci a été adoptée démocratiquement.
L'intervenant n'approfondira pas la question relative aux réformes et à l'organisation d'un droit pénal pour les jeunes. En effet, la réforme concrète qui avait été prévue n'a pas reçu l'appui d'une majorité suffisante. Au demeurant, la déclaration gouvernementale actuelle du cabinet prévoyait non pas qu'il allait élaborer une nouvelle loi relative à la jeunesse, mais simplement qu'il négocierait avec les communautés, à propos de la délinquance des mineurs, pour fixer le nombre de places à réserver, au sein des institutions fermées, aux mineurs qui ont commis des délits graves.
Le ministre de la Justice a par contre annoncé quant à lui, dans le cadre de son plan de sécurité, l'élaboration d'un projet concret visant à répondre au comportement délinquant de certains mineurs. Le ministre a eu, en juillet 2001, le courage d'organiser un débat public sur un texte concret, mais, pour pouvoir réaliser une réforme aussi importante que celle qui est envisagée, un délai de quatre ans n'est pas suffisant.
L'arrêt Bouamar prévoit, à propos de l'enfermement d'un mineur, non pas qu'il doit être accompagné d'un projet pédagogique, mais qu'il doit déboucher sur un projet pédagogique.
Si les juges de la jeunesse n'ont pas de prise sur l'exécution de leur décision, c'est non pas en raison de décisions qui auraient été prises au cours de la présente législature, mais parce qu'il n'y a pas eu de transfert homogène de blocs de compétences. Depuis l'entrée en vigueur des lois spéciales de réformes institutionnelles du 8 août 1980 et de 1988, les juges de la jeunesse ne peuvent plus exercer aucun contrôle sur l'exécution de leurs décisions. Les juges de la jeunesse fédéraux sont censés appliquer la loi fédérale de 1965 sur la protection de la jeunesse. L'exécution de leurs décisions relève des communautés.
Depuis l'abrogation effective de l'article 53, les mineurs qui avaient commis des délits graves étaient rejetés à la rue. Les communautés leur refusaient l'accès à leurs institutions, faute de disposer d'une capacité suffisante. Il y avait pourtant manifestement des négociations avec les deux communautés en vue d'augmenter le nombre de places au sein des établissements fermés, chose qui fut d'ailleurs réalisée effectivement. À ce moment-là, les pouvoirs publics fédéraux ont pu intervenir, car, dès le moment où l'on rejette des jeunes à la rue, il n'est plus question de protection de la jeunesse, mais de protection de l'ordre public et de la société. Telle était la raison de la création du centre d'Everberg. On peut affirmer qu'en dépit du tapage qui entoura la création du centre d'Everberg, les juges de la jeunesse et les communautés sont finalement heureux qu'il existe. En effet, les communautés disposent en quelque sorte maintenant d'une soupape de sécurité et les juges de la jeunesse peuvent prendre leurs décisions sans être confrontés par la suite à des communautés qui n'exécutent pas les jugements qu'ils ont rendus à juste titre. Une telle situation était inacceptable dans un État de droit démocratique.
Les garanties prévues aux articles 37 et 40 de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) sont reprises dans la loi Everberg (le placement à Everberg constitue une mesure extrême applicable pour une durée aussi brève que possible lorsqu'aucune place n'est disponible dans les institutions fermées des communautés). Dès lors, l'intervenant ne comprend pas pourquoi le Comité des droits de l'enfant a posé des questions sur la loi Everberg et pas sur les institutions fermées des communautés. En effet, la loi du 1er mars 2002 prévoit nettement plus de garanties juridiques. L'article 52quater de la loi de 1965 relative à la protection de la jeunesse prévoit que les jeunes peuvent séjourner trois mois au plus (avec une seule possibilité de prolongation pour trois mois, puis avec possiblité de prolongation de mois en mois) dans les institutions fermées des communautés. L'impact de l'accompagnement pédagogique est donc, ici aussi, très limité. En outre, des questions se posent quant à la motivation du personnel. On peut donc dire que le régime prévu à l'article 52quater ne diffère que très peu de celui qui est appliqué à Everberg.
Le ministre estime qu'il existe apparemment peu de différences entre le centre d'Everberg et les institutions fermées des communautés (institutions publiques de protection de la jeunesse). Toutefois, la loi Everberg prévoit davantage de garanties juridiques et contient davantage de références à la CIDE.
Le ministre donne la parole à M. Van Poecke, directeur du centre, qui peut fournir des précisions sur celui-ci (lien avec les communautés, approche humaine des jeunes, etc.).
En ce qui concerne l'évasion du 20 juin 2002 d'un mineur, M. Van Poecke précise qu'il y a eu une défaillance technique à la première porte. Il y a alors eu une bousculade entre le jeune et l'agent pénitentiaire fédéral à la deuxième porte. L'éducateur se trouvait à côté de l'agent et n'est pas intervenu. La Communauté française a alors adopté une position de pur principe, affirmant que les éducateurs n'étaient pas à Everberg pour contrôler la sécurité. Il est ici question, concrètement, de l'application de l'article 13 de l'accord de coopération, qui prévoit que toutes les parties, dont les éducateurs par exemple, travaillent à Everberg de la même manière qu'elles le font dans les institutions des communautés. À l'institution de Braine-le-Château, par exemple, l'éducateur a le devoir de retenir le jeune et il est donc censé faire la même chose à Everberg.
Après le conflit du 20 juin 2002 ont eu lieu plusieurs réunions du comité de direction, au cours desquelles on a tenté d'affiner l'interprétation de l'article 13, en particulier en ce qui concerne le rôle des éducateurs. L'on a ainsi décidé d'établir une distinction entre l'action proactive et l'action réactive. La compétence fédérale s'étend à l'action proactive et l'action réactive fait partie des missions de l'éducateur. Si l'événement du 20 juin 2002 devait se reproduire aujourd'hui, on pourrait parler de toute évidence d'une faute professionnelle de l'éducateur en question, et plus d'une dispute de principe, comme ce fut le cas le 20 juin 2002.
Pour ce qui est de la capacité, l'orateur fait référence à l'article 4 de l'accord de coopération, qui fixe la capacité d'accueil des jeunes à 24 places dans la section francophone, 24 dans la section néerlandophone et 2 destinées à des jeunes provenant de la région de langue allemande. Aujourd'hui, il apparaît clairement qu'il y a une surcapacité du côté flamand. La section francophone accueille actuellement 21 jeunes et la section néerlandophone 7.
En ce qui concerne le juge de la jeunesse, l'intervenant renvoie à l'article 3 de la loi Everberg. Le directeur du centre est obligé de s'assurer que le juge de la jeunesse a vérifié s'il y avait une place disponible dans une institution des communautés. Le juge de la jeunesse est tenu de motiver son ordonnance et doit choisir s'il applique ou non la loi du 1er mars 2002.
En ce qui concerne la durée du placement, l'intervenant précise qu'Everberg a placé 213 jeunes jusqu'à présent. En 2002, 164 jeunes y sont entrés et en sont sortis. Certains jeunes ne restent que quelques jours à Everberg, d'autres font une ou deux fois l'objet d'une ordonnance de maintien du juge de la jeunesse. La durée moyenne de leur séjour à Everberg a été de 15,9 jours. Une minorité (4 à 5 jeunes environ) y est effectivement restée deux mois et cinq jours. Des 164 jeunes précités, 93 ont été transférés vers une institution communautaire ouverte ou fermée, 59 ont été libérés ou ont fait l'objet d'une mesure non résidentielle, un a été rapatrié et un autre s'est échappé.
Mme Thijs demande si ces chiffres sont comparables aux anciens chiffres relatifs à la détention dans les maisons d'arrêt.
Le ministre répond qu'une enquête de l'Institut national de criminalistique et de criminologie a montré que la durée de séjour moyenne dans les maisons d'arrêt était de 9,2 jours.
En ce qui concerne le rôle de chaque partie au sein de l'accord de coopération, M. Van Poecke souligne qu'au début, les communautés éprouvaient beaucoup de réticence à l'égard de ce qu'elles considéraient comme un établissement « répressif » fédéral. Il a maintenant été prouvé que les communautés sont en mesure de développer un projet pédagogique de qualité, y compris dans le cadre d'un établissement fédéral. La très forte réticence du début des juges de la jeunesse francophones a presque entièrement disparu. Le fait que les places réservées à Everberg aux francophones sont presque constamment occupées en atteste.
Le ministre ajoute que cela prouve aussi que la Communauté française n'a toujours pas réussi à développer une capacité sérieuse.
Concernant les rapports de M. Lelièvre, M. Van Poecke estime qu'ils n'étaient pas si négatifs à l'égard d'Everberg et, en tout cas, que le dernier ne l'était absolument pas. Il mentionnait d'ailleurs nettement plus d'éléments négatifs concernant les établissements fermés de la Communauté française. Le rapport annuel du commissaire flamand aux droits de l'enfant signale d'ailleurs que le règlement d'ordre intérieur d'Everberg respecte très largement le statut juridique des jeunes (non seulement dans le cadre procédural, mais aussi pour ce qui est de leurs droits en cas de séjour et en cas d'isolement, et des facilités dont ils bénéficient en ce qui concene leurs contacts externes, etc.) La collaboration entre le fédéral et les communautés présente l'avantage qu'à Everberg, la pratique est très proche de la théorie. Au sein d'Everberg se développent en effet des formes de contrôle social qui offrent une garantie supplémentaire que les règles seront respectées.
Ce sont surtout les juges de la jeunesse des grandes villes qui placent des jeunes à Everberg. Il s'agit surtout, du côté flamand, de juges de Bruxelles et d'Anvers et, du côté francophone, des juges de Bruxelles, de Liège, de Mons et de Charleroi.
L'intervenant précise qu'en ce qui concerne l'infrastructure, les sections où résident les jeunes sont prêtes depuis l'été 2002 et qu'il y a notamment un grand espace sportif extérieur. Par contre, l'encadrement logistique et administratif n'est pas encore achevé. Actuellement, on se trouve dans la phase de l'enquête publique relative aux transformations pour l'encadrement logistique et administratif.
Le ministre souligne que l'on avait aménagé des « conteneurs » pour le directeur et pour son personnel et que les jeunes étaient hébergés dans des bâtiments. À Braine-le-Château, il y a, par exemple, une aile sans toilettes individuelles. Les portes métalliques des cellules y sont partout fort lourdes et les jeunes y disposent même de moins d'espace vital. Il estime dès lors que le tapage médiatique du début n'était pas justifié (« le pouvoir mystificateur du langage »). Les garanties juridiques inscrites dans la loi Everberg sont plus importantes que celles qui sont inscrites à l'article 52quater de la loi sur la protection de la jeunesse.
M. Monfils voudrait encore aborder la question de la durée moyenne de séjour de quinze jours. Comment peut-on lancer un projet pédagogique dans un laps de temps aussi court ? L'intervenant estime que ce n'est pas possible.
Le ministre répond qu'une des principales garanties juridiques qu'offre notre système juridique réside dans le principe selon lequel chacun est censé être innocent tant qu'un tribunal indépendant ne s'est pas prononcé sur la culpabilité. C'est pourquoi la loi sur la protection de la jeunesse fait une nette distinction entre, d'une part, la procédure préparatoire et la procédure quant au fond et, d'autre part, les mesures qui peuvent être prises au cours de la procédure préparatoire et celles qui peuvent l'être après le prononcé du jugement. Les mesures qui sont décrites en termes généraux à l'article 37 de la loi relative à la protection de la jeunesse sont des mesures de garde, de préservation et d'éducation. Elles peuvent évidemment être ordonnées par la voie d'un jugement quant au fond, après un débat contradictoire concernant la culpabilité.
Par contre, il n'est pas question à l'article 52 de la même loi, de la possibilité de prendre une mesure éducative. Mentionner une telle possibilité reviendrait en effet à porter atteinte aux droits élémentaires de la défense, à la présomption d'innocence. Dans le cadre de la procédure préparatoire, on ne peut prendre que des mesures de garde et de préservation. Il va de soi que, même dans les établissements communautaires, les mineurs ne sont pas abandonnés sans plus à leur sort au cours de la procédure préparatoire. Toutefois, on veille simplement au premier accueil, à l'observation et à l'accompagnement. On ne s'occupe pas d'éducation. Abstraction faite de la loi Everberg, le délai prévu pour la procédure préparatoire dans le cadre du droit de la jeunesse actuel, est lui aussi trop court pour que l'on puisse prendre des initiatives pédagogiques en faveur des mineurs confiés aux établissements communautaires. On doit attendre que le juge du fond ait prononcé la « culpabilité » du mineur pour pouvoir lancer le projet pédagogique.
M. Van Poecke ajoute que le chiffre de 15,9 jours correspond à la durée moyenne des séjours. Certains jeunes restent deux mois. La durée de séjour maximale n'étant que de deux mois et cinq jours, la mission pédagogique du centre d'Everberg a essentiellement un but d'orientation. L'intervenant souligne aussi que, des 164 jeunes qui ont été inscrits sur les listes puis rayés en 2002, 59 ont retrouvé la liberté ou ont bénéficié d'une mesure non résidentielle. Ce sont surtout ces jeunes-là qui partent le plus vite. Ceux qui sont transférés vers un établissement communautaire restent en général le plus longtemps.
Mme Nyssens renvoie à l'article 2 de l'accord de coopération, qui prévoit que le centre a pour mission, avec les équipes pédagogiques et les services sociaux, de veiller à une prestation de service intégrale. Il ne semble pas possible d'assurer ce service tant qu'il n'y a pas eu de jugement quant au fond. Que faut-il alors en penser ?
Le ministre précise qu'il est question non pas d'un service rendu par le jeune, mais d'un service rendu au jeune.
M. Moens attire l'attention sur le fait que la Communauté germanophone a souscrit à l'accord. A-t-on effectivement placé de jeunes germanophones l'année dernière ? A-t-on eu recours aux mesures définies à l'article 4 de l'accord ?
M. Van Poecke répond qu'il y a lieu de faire une distinction entre la situation qui existait à l'époque où il n'y avait que 10 places disponibles à Everberg et la situation actuelle, dans laquelle il y en a 50. Quand il n'y avait que 10 places disponibles, les germanophones n'avaient aucune place garantie, étant entendu que, s'il y avait de la place, il fallait faire droit en priorité à la demande germanophone. Actuellement, il y a deux places garanties. Concrètement, il y a eu une demande de réservation de la part des germanophones au départ. Comme la capacité maximale de 10 était atteinte à l'époque, on n'a pas pu donner suite à cette demande. Dans le courant de l'été, un jeune germanophone a séjourné trois jours à Everberg et a été dirigé ensuite vers une institution de la Communauté française.
Le ministre fait observer que les mineurs germanophones peuvent également trouver accueil au Luxembourg et en Allemagne, grâce à un accord de coopération qui a été conclu entre la Communauté germanophone et ces pays.
Mme Nyssens souhaite encore poser une question en ce qui concerne l'article 12 de l'accord. Que signifient les mots « Le cas échéant » ? A-t-on l'intention de convenir dans le futur d'une autre clé de répartition que celle prévue dans l'accord ?
A-t-on prévu la possibilité de déroger à la répartition des capacités prévues (article 4).
Y a-t-il un lien entre ces deux articles ?
M. Van Poecke répond que les frais pris en charge par les communautés sont principalement des frais de personnel et concernent surtout l'encadrement pédagogique. La répartition des frais est souvent assez claire. Les frais de téléphone, par exemple, sont répartis en fonction des appareils. La seule zone d'ombre concerne la petite infrastructure (par exemple, les chaises, les tables, les projecteurs ...). On ne sait pas toujours très bien si l'on a à faire à des éléments d'infrastructure ou à des instruments pédagogiques. Jusqu'à présent, on a toujours trouvé une solution au sein du comité de direction.
Les articles 1er à 3 sont adoptés par 8 voix et 1 abstention.
L'ensemble du projet de loi a été adopté par 8 voix et 1 abstention.
Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 10 membres présents.
La rapporteuse, | Le président, |
Erika THIJS. | Josy DUBIÉ. |
Le texte adopté par la commission
est identique au texte
transmis par la Chambre des représentants
(voir le doc. Chambre nº 50-1865/1 2002-2003)