2-262

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Belgische Senaat

Handelingen

DONDERDAG 16 JANUARI 2003 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Mondelinge vraag van mevrouw Anne-Marie Lizin aan de minister van Sociale Zaken en Pensioenen over «angiografie en coronariografie» (nr. 2-1192)

Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Je voudrais vous entretenir d'un sujet quelque peu technique, mais qui concerne beaucoup de nos concitoyens, surtout lorsqu'ils atteignent un certain âge, à savoir la problématique des crises cardiaques et de leur traitement. Je ne fais pas, ici, référence aux progrès réalisés en ce domaine par certains spécialistes d'une clinique d'Alost, mais à vos responsabilités en la matière.

Précisons d'emblée, pour rendre la question plus compréhensible, que le programme B3 correspond aux hôpitaux disposant d'une chirurgie cardiaque, le programme B2, aux hôpitaux se livrant à la thérapie interventionnelle non chirurgicale, c'est-à-dire, notamment, aux angiographies, et le programme B1, aux établissements autorisés à procéder au diagnostic.

Ma question est la suivante : serait-il possible d'associer les programmes B1 et B2 ? En d'autres termes, ne pourrait-on pas faire en sorte que des hôpitaux qui se consacrent uniquement à la cardiologie diagnostique - B1 - soient autorisés, en situation d'urgence, à pratiquer la cardiologie interventionnelle ? La quasi-totalité des techniciens et de nombreux professeurs se sont prononcés en faveur de cette position. Ils voudraient également dissocier le programme B2 du programme B3 propre aux hôpitaux universitaires pratiquant la chirurgie cardiaque. Nous souhaitons, en effet, que les hôpitaux régionaux puissent obtenir la reconnaissance de la coronarographie interventionnelle afin d'offrir aux patients un traitement qui réponde aux normes actuelles.

Le cardiologue d'un hôpital « B1 », non autorisé à exécuter le programme B3, est obligé de faire passer certains examens dans un hôpital reconnu « B3 ». Il faut savoir que dans le cas de Huy ou du Luxembourg, le transfert d'un établissement à l'autre dure une vingtaine de minutes, d'où un risque de décès pour le patient. Cette question, qui comporte des aspects techniques et financiers, porte réellement sur la santé des personnes dont la vie peut être sauvée, en cas de crise cardiaque, grâce à un gain de précieuses minutes.

Avez-vous l'intention de prendre des décisions en la matière et d'autoriser la jonction des programmes B1 et B2 ? Je n'entrerai pas dans les détails, mais de grands professeurs d'université, exerçant une sorte de monopole en matière de chirurgie cardiaque dans les établissements reconnus « B3 », ne veulent en aucun cas entendre parler d'une ouverture, ce qui est non seulement injuste mais aussi inacceptable sur le plan financier. Consulterez-vous les responsables des hôpitaux régionaux demandeurs et les médecins spécialistes ? Je pense en particulier au professeur Legrand. Sous quelle forme et dans quel délai procéderez-vous à ces consultations ?

M. Frank Vandenbroucke, ministre des Affaires sociales et des Pensions. - La question générale de l'accessibilité aux soins dans les zones de densité faible est effectivement un problème auquel est confronté tout décideur politique, qui doit répondre au mieux aux besoins en terme de santé, et ce en affectant les ressources adéquates, tant qualitatives que quantitatives, pour garantir la qualité de la prise en charge.

Serait-il pour autant raisonnable de doter un hôpital d'un centre de cardiologie interventionnelle, dans la mesure où celui-ci pourrait recruter suffisamment de patients pour garantir les exigences minimales de qualité, que nous avons fixées a minima, compte tenu de la situation historique qui prévalait en Belgique ? La question mérite d'être étudiée en tenant compte de toutes les données. Aujourd'hui encore, la Belgique est un des pays les plus dotés au monde en hôpitaux disposant de cardiologie interventionnelle. Je crois sincèrement que dans ce domaine, une concentration des activités sur certains pôles spécifiques donne plus de garanties quant à la qualité de celles-ci qu'une dispersion des ressources et des moyens.

Dans ce dossier, avant de mettre en question les dispositions des programmes de soins cardiaques, une question plus cruciale doit être posée : y a-t-il suffisamment de centres de cardiologie interventionnelle compte tenu, bien sûr, du point de vue du patient, de la qualité ainsi que de l'accessibilité et non pas, en premier lieu, du souhait de quelques hôpitaux ? Une éventuelle autorisation pour l'exécution de cardiologie interventionnelle, sans possibilité de chirurgie cardiaque - c'est-à-dire la partie B3 - peut en effet entraîner une augmentation du nombre de centres pratiquant la cardiologie interventionnelle sans satisfaire aux conditions de qualité requises.

Je ne dispose pas de données démontrant que la Belgique compterait actuellement trop peu de centres de cardiologie interventionnelle, ni de données révélant une sous-consommation au niveau de la cardiologie interventionnelle par rapport à d'autres pays européens. Au contraire, selon les chiffres de l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques, la Belgique compte relativement beaucoup de centres et, d'après une récente étude publiée dans The Lancet, la Belgique occupe, avec l'Allemagne, une position de tête en Europe pour ce qui est du nombre de coronarographies et de procédures de revascularisation.

Plusieurs études scientifiques démontrent l'existence d'un lien évident entre les résultats - survie et complications - et le nombre de patients traités par an par un cardiologue. Dès lors, la nécessité d'une activité minimale déterminée, qui n'est certainement pas exagérément importante dans les programmes de soins cardiaques B2, ne peut, à mon avis, être mise en question, ce qui pourrait toutefois poser problème en cas de déconcentration et pourrait induire des indications trop larges pour la cardiologie interventionnelle, avec toutes les conséquences que cela implique sur la qualité pour le patient.

Un problème éventuel pourrait se poser lorsqu'un hôpital sans cardiologie interventionnelle renvoie insuffisamment vers un centre disposant d'une cardiologie interventionnelle. Si ce problème devait se produire en Belgique, la stimulation d'une stratégie de renvoi plus adéquate réclamerait assurément votre attention et la mienne. À ce sujet, je recommande l'examen de la récente étude multicentrique DANAMI-2 qui a été réalisée au Danemark. Cette étude est la première qui vérifie l'effet du transport vers un hôpital équipé de cardiologie interventionnelle sur le résultat du traitement par rapport à la thrombolyse dans un hôpital ne disposant pas de cette facilité. Cette étude a démontré que les patients d'un pays comme le Danemark, qui est probablement assez comparable à la Belgique, peuvent être transportés de manière sûre vers un centre pour une angioplastie primaire.

Le paysage hospitalier est en constante évolution. À intervalles réguliers, nous devons sans aucun doute réfléchir aux éventuelles améliorations à apporter à la réglementation à ce sujet et ce, du point de vue de la qualité des soins au patient. Sur ces matières concernant entre autres la cardiologie, mon cabinet a d'ailleurs des contacts réguliers avec des cardiologues et des représentants des hôpitaux. Concrètement, pour les programmes de soins cardiaques, je n'ai, à ce jour, pas reçu de données des sociétés scientifiques de cardiologie par exemple, montrant que le lien entre activité minimum et qualité ne serait pas d'application en Belgique. Aussi suis-je toujours disposé à examiner encore cette matière avec les représentants des cardiologues s'ils ont de nouveaux éléments dans ce dossier.

Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Je ne partage pas vos inquiétudes en la matière, monsieur le ministre. Je suis absolument certaine que les cardiologues que je vois travailler dans les hôpitaux de type B1 peuvent tout à fait être reconnus, puisque ce sont les mêmes praticiens qui accompagnent leurs patients dans les hôpitaux B3. Vous couvrez en fait un monopole de quelques grands professeurs dans ce pays, sous des apparences quelque peu administratives.

Admettons que vous agissiez avec une bonne foi scientifique. Personnellement, je ne suis pas une scientifique, je vois les choses dans la pratique et je constate que, pendant les vingt minutes du transport, un risque existe. Je ne parle pas du Luxembourg où le risque est encore plus grand, mais la demande est identique pour les hôpitaux de cette province.

Nous souhaitons que vous acceptiez d'écouter les arguments formulés par tous les spécialistes non monopolistes, dont je puis vous remettre la liste. Le nombre de crises cardiaques ne variera pas parce que vous modifierez la reconnaissance. Le nombre de pathologies de ce type étant limité, quelques grands chefs de services de cardiochirurgie des hôpitaux universitaires souhaitent les conserver pour eux. Nous estimons qu'étant donné l'évolution des techniques, cette pratique peut être ouverte aux hôpitaux régionaux.

Le professeur Legrand proposait cette concertation qui, disiez-vous dans la dernière partie de votre réponse, était éventuellement susceptible de vous convaincre. Je ne puis dès lors que vous demander d'entendre tous ceux qui sont aujourd'hui favorables à cette orientation, qui sera certainement moins coûteuse globalement pour le budget de l'État que la formule actuelle puisqu'elle opère une meilleure répartition entre ceux qui travaillent réellement dans ledit secteur.

M. Frank Vandenbroucke, ministre des Affaires sociales et des Pensions. - Mme Lizin sous-estime quelque peu les bases sur lesquelles ce genre de décision est prise. Il ressort de différentes études scientifiques, notamment publiées dans The Lancet, The New England Journal of Medicine, The Journal of the American Medical Association et autres publications, qu'il y a réellement un lien entre un minimum d'activités, et donc d'expérience, et les résultats obtenus par les médecins. Ceux-ci doivent connaître le problème en ayant une expérience continue et minimale.

Le problème de la rivalité entre hôpitaux n'est pas propre à la Belgique et a été étudié dans d'autres pays. Dans la mesure où les sociétés scientifiques cardiologiques ou les sociétés professionnelles de cardiologues soutiennent la position défendue par les médecins, je suis prêt à ouvrir la discussion. Toutefois, il appartiendra d'abord aux sociétés précitées de confronter toutes les études internationales réalisées en la matière. Si d'autres arguments scientifiques apparaissent, je suis prêt à en discuter, mais je ne puis me baser sur l'opinion d'une seule personne.

Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Je ne vous demande pas de me croire. Je ne plaide pas en faveur des intérêts de l'hôpital en question. Une bonne trentaine d'excellents cardiologues de ce pays accompagnent leurs patients pour se rendre dans le service du grand professeur universitaire. Or, ils se rendent compte que le trajet est inutile étant donné qu'ils ont l'expérience et qu'ils pourraient intervenir dans leur hôpital de référence, qui est un établissement compétent et correctement organisé en matière de chirurgie. Je voudrais donc que vous acceptiez de les entendre.

M. Frank Vandenbroucke, ministre des Affaires sociales et des Pensions. - Je veux d'abord qu'ils tentent de convaincre leurs associations scientifiques. La Belgique compte en effet nettement plus que trente cardiologues !

Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Je vais donc leur proposer d'agir de cette façon.

M. Frank Vandenbroucke, ministre des Affaires sociales et des Pensions. - Oui, tout à fait.