2-1188/1

2-1188/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2002-2003

17 DÉCEMBRE 2002


La réforme des polices


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE L'INTÉRIEUR ET DES AFFAIRES ADMINISTRATIVES PAR MMES NAGY, THIJS ET M. WILLE


SOMMAIRE


  1. Introduction
  2. Auditions
    1. Bourgmestres de communes de moyenne ou petite taille
      1. M. Van Durme, bourgmestre d'Oosterzele
      2. M. Bailly, bourgmestre de la commune de Pepinster
      3. M. Cardoen, bourgmestre de la commune de Bierbeek
      4. Mme J. Herzet, bourgmestre de la commune de Rixensart
      5. M. Philtgens, bourgmestre de la commune de Kortessem
      6. M. Deleu, bourgmestre de la commune de Comines-Warneton
      7. M. Marchal, bourgmestre de la commune de Gerpinnes
      8. M. Denis, bourgmestre de la commune de Malmedy
    2. Les chefs de zones de police
      1. M. Garin, chef de la zone de police de Mons-Quévy
      2. M. Joseph, chef de la zone de police de Mouscron
      3. M. Bottamedi, chef de la zone de police de Gembloux
      4. M. Maillet, chef de la zone de police de Ath
    3. Les bourgmestres des grandes villes
      1. M. Demeyer, bourgmestre de Liège
      2. Mme L. Detiège, bourgmestre d'Anvers
      3. M. Thielemans, bourgmestre de Bruxelles
      4. Discussion
  3. Réunion avec M. Guy Verhofstadt, premier ministre
    1. Exposé introductif du premier ministre
    2. Échange de vues
  4. Audition de M. Willy Taminiaux, président de l'Union des villes et communes de Wallonie
    1. Exposé introductif de M. Willy Taminiaux
    2. Échange de vues
  5. Audition de M. Lebon, secrétaire général du Syndicat de la police belge (Sypol)
    1. Introduction
    2. Revendications
      1. Au niveau du statut policier
      2. Au niveau de l'efficacité de l'institution policière
      3. Au niveau du dispositif de contrôle
    3. Discussion générale
  6. Audition de M. Brice De Ruyver, expert auprès de la chancellerie et des services du premier ministre
    1. Introduction
  7. Recommandations de la commission
    1. La norme KUL
    2. Aspects financiers
    3. Mesures sociales
    4. Discussion générale
  8. Recommandations de la commission
    1. La norme KUL
    2. Aspects financiers
    3. Mesures sociales
    4. Aspects administratifs
    5. Accords entre la police locale et fédérale
    6. Informatique
    7. ASTRID
    8. Computer Crime Unit
    9. Service à la population
    10. Formation des policiers
    11. Contrats de prévention et de sécurité
    12. Fonctionnement de la police
  9. Vote

1. INTRODUCTION

Le présent rapport s'inscrit dans la mission d'évaluation de la mise en place de la réforme des polices dont la commission s'est chargée depuis le début de cette législation. Il fait suite au rapport 2-300/1 sur la réforme des services de police du 19 juin 2001 et au rapport 2-669/1 relatif à l'évaluation de la politique de prévention et de sécurité du gouvernement du 6 mars 2001.

Au printemps de l'année 2002, des nouvelles alarmantes sont parvenues à la commission concernant les répercussions financières de la réforme des polices pour les pouvoirs locaux. Elle a donc jugé utile et nécessaire d'examiner si le financement prévu depuis le niveau fédéral pour la réalisation de cette réforme au niveau local est suffisant et s'il n'y a pas lieu d'apporter des correctifs.

La commission a donc organisé des auditions de responsables politiques locaux (bourgmestres, chefs de zone, les Unions des villes et communes) afin d'identifier les problèmes spécifiques et de voir si l'on peut formuler des recommandations globales en vue d'ajuster la politique fédérale.

Pour préparer le présent rapport, la commission s'est réuni le 28 mai, les 4, 11 et 18 juin, le 19 juillet, le 1er octobre, le 26 novembre et les 10 et 17 décembre 2002.

Elle a organisé des auditions :

1. avec des représentants de communes de moyenne ou petite taille :

M. Bailly, bourgmestre de la commune de Pepinster;

M. Cardoen, bourgmestre de la commune de Bierbeek;

M. Deleu, bourgmestre de la commune de Comines-Warneton;

M. Denis, bourgmestre de la commune de Malmédy;

Mme Herzet, bourgmestre de la commune de Rixensart;

M. Leclercq, bourgmestre de la commune de Silly;

M. Marchal, bourgmestre de la commune de Gerpinnes;

M. Philtgens, bourgmestre de la commune de Kortessem;

M. Van Durme, bourgmestre de la commune d'Oosterzele;

2. avec des représentants des grandes villes :

M. De Meyer, bourgmestre de la commune de Liège;

Mme Detiège, bourgmestre de la commune d'Anvers;

M. Thielemans, bourgmestre de la commune de Bruxelles;

3. avec des responsables des zones de police :

M. Beaupère, chef de la zone de police de Liège;

M. Bottamedi, chef de la zone de police de Gembloux;

M. Garin, chef de la zone de police de Mons;

M. Joseph, chef de la zone de police de Mouscron;

M. Maillet, chef de la zone de police d'Ath;

4. avec des représentants des Unions des villes et communes :

M. Taminiaux, président de l'Union des villes et communes de Wallonie;

M. Meylaers, de la « Vereniging van de Vlaamse steden en gemeenten »;

M. Robert, Union des villes et communes de Wallonie;

5. avec M. Van De Vloet, secrétaire permanent à la politique de prévention;

6. avec M. G.M. Bourdoux, du Comité permanent de contrôle des services de police (Comité P).

Ensuite la commission a eu un échange de vues avec M. Verhofstadt, premier ministre.

2. AUDITIONS

2.1. Bourgmestres de communes de moyenne ou petite taille

2.1.1. M. Van Durme, bourgmestre d'Oosterzele

M. Van Durme s'exprime au nom du groupe de travail « Burgemeestersoverleg Kleine Gemeenten », qui défend un point de vue concret à propos de la réforme des polices. Les observations de M. Van Durme peuvent se résumer comme suit :

1. La masse budgétaire prévue par le gouvernement pour la réforme des polices est insuffisante

Le surcoût risque de constituer une charge impossible à assumer pour nombre de communes de petite taille. Le gouvernement aurait dû estimer le coût de la réforme des polices après avoir déterminé préalablement le montant de l'investissement que l'on pouvait raisonnablement demander à chaque commune de faire pour la sécurité de ses habitants.

2. Toutes les communes ne sont pas en mesure d'affecter le même budget à la police

Les communes urbanisées ont un profil budgétaire radicalement différent de celui des communes de plus petite taille, mais on attend des communes rurales qu'elles fassent en matière de sécurité, le même effort que les communes situées en milieu urbain.

3. Il est très gênant et injuste de qualifier l'ensemble des petites communes de « mauvais » élèves sur le plan des moyens affectés à la sécurité

L'intervenant demande que l'on réalise une étude approfondie du niveau d'investissement tenable pour les communes de plus petite taille.

4. La masse budgétaire doit être répartie sur la base des normes KUL, mais en appliquant un multiplicateur différencié

Ce multiplicateur doit être adapté aux possibilités des zones de communes de petite taille et tenir compte des efforts déjà fournis dans le passé ainsi que de la capacité financière de chaque zone.

5. Un système de répartition intrazonale désavantage surtout les petites communes rattachées à un noyau plus urbanisé

Étant donné que les zones urbanisées ont déjà investi davantage dans la police communale par le passé, elles sont les principales bénéficiaires du mécanisme de financement linéaire, comme cela apparaît de manière frappante dans la ventilation des coûts intrazonaux.

6. Dès lorsque nous vivons dans une société en perpétuelle évolution, la norme KUL doit être évaluée et actualisée à intervalles réguliers

7. La répartition de la dotation sociale sur la base de la norme de la KUL aggrave les problèmes actuels des petites communes

Ces communes doivent payer la majeure partie des cotisations sociales des gendarmes qui ont été transférés. Le mécanisme de répartition linéaire aggrave encore leur déficit budgétaire. C'est pourquoi M. Van Durme propose d'intégrer la dotation sociale dans la dotation de base et de chercher un système de répartition beaucoup plus nuancé tenant compte de la capacité financière des diverses communes.

8. Problèmes de capacité et division en zones

La fusion dans le cadre de zones plus grandes n'est pas toujours une solution pour les zones de police rurales. Par contre, les accords de coopération interzonaux peuvent constituer une solution, à condition que la tutelle et la mise en oeuvre de celle-ci soient réglées d'une manière suffisamment souple.

9. Surcoût acceptable

L'intervenant déclare que les communes rurales souscrivent aux points de vue de la Vlaamse Vereniging van steden en gemeenten (VVSG) en ce qui concerne le surcoût acceptable, à savoir :

· il faut dresser le tableau du surcoût statutaire complet et pour tous les effectifs, et les autorités fédérales doivent le prendre totalement en charge. Il faut faire l'inventaire de tous les surcoûts, tant dans les communes urbaines que dans les communes rurales, et les additionner. L'intégralité du montant obtenu doit être ajouté à l'enveloppe à répartir initialement. On ne pourra avoir recours à des plafonds que s'ils correspondent à des situations normales et que des dérogations sont possibles dans des situations très exceptionnelles;

· la Vereniging van Steden en Gemeenten doit surveiller le caractère contradictoire du débat;

· les autorités fédérales doivent prendre intégralement en charge les coûts liés à l'apport de personnel dans les carrefours d'information d'arrondissement (CIA) et les centres de communication et d'information (CCI). Les zones rurales n'acceptent de fournir du personnel ou des moyens que si certains services locaux peuvent être épargnés;

· les indemnités fixées pour le personnel d'encadrement doivent être considérées comme un surcoût;

· les frais d'équipement dans le cadre des unités de marche doivent être entièrement pris en charge par les autorités fédérales;

· il faut élaborer un système de rémunération pour les missions fédérales supplémentaires.

10. Tutelle

Dans certains cas, le système de double tutelle est défavorable aux communes. La politique des autorités fédérales, qui est de développer des normes minimales que la tutelle générale interprète comme étant les quotas à ne pas dépasser, devient contre-productive. Les autorités fédérales doivent consulter les autorités régionales avant de publier les normes, surtout si elles ont une incidence sur le personnel et le budget.

11. Davantage de policiers dans les rues

L'application concrète de la réforme des polices au niveau local a pour effet de réduire le nombre de policiers dans les rues, ce qui va à l'encontre d'un des objectifs principaux de la réforme des polices. Cela pose un problème politique important. Il y a lieu, des lors, de réaliser, avant la fin 2002, une évaluation objective de l'application de la réforme des polices depuis un an. Les missions et les obligations fédérales supplémentaires au niveau intermédiaire portent atteinte aux capacités locales. Il faut prévoir un mécanisme de compensation de la charge de travail qui est transférée à la police locale au profit des autorités fédérales. M. Van Durme cité des chiffres qui illustrent l'importance du surcoût de la réforme des polices pour la zone « Rhode en Schelde » (voir l'annexe 1 du doc. Sénat, nº 1188/2). Concrètement, il conclut, pour la zone en question, à un surcoût de 639 111 euros en frais de personnel, de 192 889 euros en frais de fonctionnement et de 9 640 euros en dépenses diverses, soit à un surcoût de 841 640 euros au total.

M. Moureaux renvoie à une note émanant d'un chef de zone de Bruxelles et qui relate concrètement que l'arrêté « Mammouth » lui coûte 15 % de ses effectifs, compte tenu de la limitation des heures de travail de nuit et des heures supplémentaires. Cela signifie concrètement que soit il y a 15 % de policiers en moins dans les rues, soit il faut combler ce manque de 15 % en recrutant avec les implications financières pour les communes.

Dans l'évaluation du surcoût de la réforme des polices, il serait dés lors équitable de tenir compte de ces 15 % supplémentaires et cela vaut pour toutes les zones, qu'elles correspondent aux grandes agglomérations ou aux petites communes.

2.1.2. M. Bailly, bourgmestre de la commune de Pepinster

M. Bailly expose que sa zone connaît des problèmes importants dont il souhaite étayer six aspects particuliers.

1. Le budget 2002 a été établi en partant des dépenses effectives pour l'année 2001 des trois communes de la zone. À cela, une estimation du surcoût découlant de l'arrêté royal « Mammouth » a été ajoutée. Sur base de ce calcul un surcoût de 2 662 630 euros a été réclamé à l'État fédéral. Le surcoût à charge des trois communes s'élèverait à 265 000 euros. Jusqu'à ce jour toutefois aucune réponse n'a été apportée par le ministre de l'Intérieur et les difficultés budgétaires ne vont pas tarder de s'annoncer lorsqu'il s'agira d'assurer les paiements.

2. Il est impossible d'assurer une gestion rapprochée du budget et d'établir des tableaux de bord mensuels puisque les communes doivent encore assurer le paiement de leurs anciens agents. La gestion des salaires est donc disséminée dans les trois communes alors que les anciens gendarmes sont encore payés par l'État fédéral.

3. Il y a une réelle difficulté à harmoniser et à rendre compatibles les systèmes informatiques des polices et de l'ancienne gendarmerie.

4. Des policiers sont affectés en permanence à la garde des cours et tribunaux et des prisons.

5. L'arrêté « Mammouth » ne précise pas qui doit prendre en charge les frais médicaux et pharmaceutiques gratuits pour les policiers. De plus, aucune forme de contrôle n'est possible au niveau des congés maladies.

6. On ignore qui va prendre en charge les investissements liés à l'acquisition et la transformation de bâtiments qui deviendront des maisons de police.

En conclusion, l'orateur insiste pour que le pouvoir fédéral se prononce sur le surcoût lié à la réforme car sa commune en arrivera rapidement à ne plus pouvoir assurer le paiement des heures irrégulières de ses agents, avec les conséquences syndicales que cela ne manquera pas d'entraîner.

2.1.3. M. Cardoen, bourgmestre de la commune de Bierbeek

La commune de Bierbeek forme, avec trois autres communes, la zone de Lubbeek.

Étant donné que cette zone se situe au-dessus de la norme KUL, elle n'a rien perdu en capacité, mais elle perd 10 à 15 % de ses effectifs parce que l'arrêté Mammouth répartit les missions autrement : pour la même capacité que par le passé, cette nouvelle répartition des missions entraîne un surcoût de 2 millions d'euros.

La dotation fédérale ne s'élève cependant qu'à 20 %. Si l'on tient compte du fait que l'autorité fédérale peut aussi réquisitionner la police locale, la dotation fédérale ne s'élève en réalité selon lui qu'à 10 %. La disproportion entre la quote-part du fédéral et celle du niveau local devient irréaliste et irréalisable.

S'il est vrai que les grandes villes ont par le passé investi davantage dans la lutte contre les problèmes d'insécurité, il ne faut pas oublier que les petites communes rurales ont également fait des efforts spécifiques au niveau de la police rurale. La Vereniging van Vlaamse steden en gemeenten a donc créé une plate-forme de concertation avec les petites communes rurales. Ces dernières arrivent à la constatation qu'à l'échelle nationale, l'autorité fédérale se déchargér d'une série de dépenses pour un montant total de 58 750 000 euros qu'elle fait assumer par les communes.

Les efforts des petites communes doivent donc être objectivés et, sur cette base, il y a lieu de mettre davantage de moyens financiers à la disposition des pouvoirs locaux.

De plus, il n'est pas souhaitable de réaliser de grandes fusions de zones parce que pour les plus petites communes, l'opération ne serait faisable ni financièrement ni sur le plan opérationnel, mais aussi parce que ce genre de fusions entraîne des délais d'intervention plus longs.

Comme M. Van Durme, M. Cardoen plaide donc pour une collaboration supracommunale à la condition que cette coopération soit dirigée. Les villes-centres sont déjà confrontées à un manque de capacité parce qu'elles doivent fournir beaucoup trop d'efforts pour les missions relevant du fédéral. La coopération avec une petite zone qui ferait appel à leur aide paraît dès lors impossible.

2.1.4. Mme J. Herzet, bourgmestre de la commune de Rixensart

Mme Herzet se dit convaincue que la réforme des polices était indispensable. La question qui se pose évidemment est de savoir si elle devait avoir lieu de manière aussi précipitée et être appliquée telle qu'elle l'est maintenant. Elle entend souligner un certain nombre de difficultés liées à cette réforme des polices qui n'ont pas encore été soulevées par les orateurs précédents.

Il y a, en premier lieu, des difficultés politiques : les bourgmestres composant une zone de police sont de sensibilité politique différente, d'expériences différentes, gèrent une population différente etc. Il est donc extrêmement difficile de trouver des accords au sein du conseil de police.

Sa zone de police a une norme KUL accordant 78 hommes. Dans le passé, il y avait une équipe de 100 hommes, ce qu'elle estime indispensable. Il n'y a donc pas eu de licenciements de personnel mais cela signifie aussi que sa commune partait dès le départ avec un handicap financier.

D'autre part, les bourgmestres de sa zone ont décidé, compte tenu de la situation politique, de continuer à travailler avec leur propre commissariat, leurs propres hommes travaillant dans leurs propres quartiers.

Un autre aspect pervers de l'arrêté « Mammouth » est le nombre incalculable de circulaires qui sont adressées aux chefs de zone et aux bourgmestres, souvent rédigées en langage incompréhensible.

Au niveau du personnel, elle estime en outre que le pourcentage d'agents qui doit être détaché vers le niveau fédéral est excessif et que les commissions rogatoires sont trop nombreuses. De plus, la mobilité des agents dans sa zone pose problème. En outre, elle invoque que la lenteur et la lourdeur de la procédure de recrutement de personnel sont également excessives.

De plus, elle n'a pas les moyens de donner une visibilité à la réforme des polices dans la mesure où les véhicules de police n'ont pas encore été marqués par le nouveau sigle, que les nouveaux uniformes ne sont pas arrivés etc.

À terme, conclut-elle, la réforme sera une excellente chose à condition de lui donner le temps et les moyens et d'accepter de revoir certaines directives.

2.1.5. M. Philtgens, bourgmestre de la commune de Kortessem

M. Philtgens souligne qu'en ce qui concerne la zone de police de sa commune, la charge financière deviendra impossible à assumer à partir du mois d'août ou du mois de septembre 2002.

L'important déficit budgétaire (1 200 000 euros) n'a pas été prévu au budget communal qui est basé sur les coûts de l'année 2000. Il se demande de quelle manière ce problème pourra être résolu. Dans sa commune, la pression fiscale s'élève déjà à 9 % de l'impôt des personnes physiques et dans d'autres communes, elle est même déjà plus forte. Les petites communes sont dans l'impossibilité de faire face au surcoût de la réforme des polices et l'autorité fédérale doit donc rapidement trouver des solutions.

2.1.6. M. Deleu, bourgmestre de la commune de Comines-Warneton

La commune de Comines-Warneton a des spécificités locales, comme la proximité de Lille et la délinquance importante propre au Nord de la France, l'impossibilité de l'appui interzonal et l'éloignement par rapport aux centres de formation ou de réunion.

Les accords dits « Octopus » du 23 mai 1998 précisent que la fonction de police de base est assurée uniquement par la police locale et qu'elle doit donc disposer des ressources nécessaires afin de pouvoir assumer ses responsabilités.

Malgré que ces accords prévoient également la conclusion de protocoles d'accord d'appui interzonal de sorte que « les zones ne doivent pas disposer chacune de tous les moyens nécessaires à l'exercice de la fonction de police de base », il constate que la zone ne peut conclure de protocoles avec le zones voisines qui dépendent des arrondissements judiciaires différents.

Si la plupart des normes minimales prévues par l'arrêté royal du 17 septembre 2001 sont plus ou moins respectées pour chacune des 5 premières fonctions, la fonction intervention va visiblement poser quelques problèmes. Cet arrêté prévoit que « la norme minimale de fonctionnement et d'organisation pour l'exécution de cette fonction est la suivante : par zone de police, il faut prévoir l'engagement d'une équipe d'intervention 24/24 heures, avec une équipe supplémentaire 84 heures par semaine ».

L'intervenant estime qu'avec le personnel présent, il est impossible de respecter les normes « Mammouth ». Il signale que, sa commune étant limitrophe de la France, il désire participer à l'effort de collaboration avec les services de police français dans le cadre des patrouilles mixtes.

L'expérience de terrain, même si elle est relativement courte pour l'instant, montre clairement que cette capacité est réellement insuffisante et que la charge financière de la commune deviendrait insupportable si l'on voulait simplement donner aux policiers des conditions de travail décentes.

Il considère dès lors qu'il est indispensable de revoir les normes de fonctionnement qui avaient été fixées dans l'arrêté royal du 5 septembre 2001 à la hausse et parallèlement, de revoir la norme KUL.

Enfin, si la collaboration transfrontalière avec la France est très utile et s'avère possible, celle avec la Flandre est par contre impossible puisque interdite. Ainsi, une collaboration avec la zone de police voisine qu'est Ypres ne peut se faire parce qu'ils s'agit d'une police flamande. En cas d'appels occasionnels de secours, sa zone doit faire appel à la zone de Mouscron qui se trouve à 30 km tandis qu'Ypres se trouve à 12 km. Il n'y a donc aucun contact, aucune structure prévue pour la collaboration de sa zone avec Ypres.

Enfin, le ministère de l'Intérieur menace actuellement sa zone de ne pas lui fournir ses subventions parce qu'il n'y a pas encore de chef de zone ­ situation totalement indépendante de sa volonté vu qu'il n'y a pas de candidats valables.

2.1.7. M. Marchal, bourgmestre de la commune de Gerpinnes

L'orateur souligne qu'en avril 2001, à cette même tribune, il déclarait que la réforme allait manquer son objectif prioritaire à savoir créer une véritable police de proximité et de première ligne, proche des citoyens. Aujourd'hui, les faits corroborent cette vision prospective.

Se référant à la zone dont il assure la présidence, laquelle se compose de quatre entités pour une population de 50 257 habitants et pour une superficie de 18 403 hectares, on dénombre en tout 20 inspecteurs de police affectés à la cellule de proximité, ce qui correspond à 1 unité par tranche de 2 500 habitants alors que la norme minimale légale est d'un agent par tranche de 4 000 habitants.

Un coordinateur local a été désigné dans chaque ancienne commune. La cellule de proximité se compose dès lors de 24 fonctionnaires de police sur un effectif total de 91.

En outre, les inspecteurs locaux se trouvent dans l'impossibilité de consacrer un temps suffisant au travail de proximité. En effet, ils sont littéralement accaparés par les devoirs judiciaires. De plus, leur action est contrariée par des réquisitions du fédéral en ce qui concerne la surveillance des matchs de football non seulement à Charleroi et à La Louvière mais également à Mouscron situé à plus de 100 km de chez de la commune de l'orateur.

L'orateur explique, qu'en avril 2001, il affirmait de façon péremptoire que les agents de police communaux n'étaient pas préparés à assurer des fonctionnalités aussi spécifiques que le SER ou l'assistance aux victimes lesquelles nécessitent une formation de base. Aujourd'hui force est de constater que la formation des anciens policiers communaux est lacunaire, essentiellement dans la façon de mener des enquêtes ou encore dans celle d'effectuer le constat des crimes de sang. Il ne peut que confirmer cette différence de culture ainsi que les difficultés qu'elle génère.

L'orateur évoque également le problème de la circulation de l'information au niveau du service 101. Dans la région de Charleroi, il est courant que l'appelant doive attendre 10 à 15 minutes pour recevoir une réponse. En effet, les appels arrivent à la police de Charleroi qui les transmet à la police fédérale laquelle les transfert vers les équipes d'intervention des zones de police.

En ce qui concerne l'aspect budgétaire, le ministre de l'intérieur s'est engagé à prendre en charge le surcoût de la réforme. Les dépenses « admissibles » n'ont toutefois pas encore été précisées.

2.1.8. M. Denis, bourgmestre de la commune de Malmedy

M. Denis constate que les préoccupations, partagées par le ministre de l'Intérieur, sont manifestement identiques pour toutes les zones.

Mme Nagy constate que le message des bourgmestres est unanime. Il y a de nombreuses interrogations au niveau local sur les délais qui seront respectés, sur l'absence de définition des surcoûts, sur l'application des circulaires et sur la répartition des tâches.

2.2. Les chefs de zones de police

2.2.1. M. Garin, chef de la zone de police de Mons-Quévy

Selon M. Garin se posent des problèmes dans trois domaines particuliers et ce, tant pour les grandes que pour les petites communes.

Il y a d'abord le surcoût statutaire qui représente 85 à 90 % du surcoût pour les zones. Il y a aussi les surcoûts cachés qui n'ont pas encore pu être chiffrés par manque de methodologie pour les évaluer (par exemple le contingement maladie permet de capitaliser 30 jours de « bonus » par an pour un membre de personnel, ce qui représente deux ans complets à la fin de la carrière; ce surcoût n'a pas été évalué encore). Bien qu'on parle principalement du surcoût pour l'année 2002 il se demande qui va prendre en charge le surcoût pour les années 2001, 2003 et les années suivantes.

Certaines zones ont été obligées de recruter du personnel de cadre administratif et logistique. Il se demande si les frais liés à l'engagement de ces personnes seront considérés comme un surcoût dans le cadre de la réforme des polices. Le recrutement de certains spécialistes devrait pouvoir être considéré comme tel, vu la technicité de la réforme.

Un second point important est la charge de travail considérable due à l'exécution des missions fédérales. (grèves en prison, Carrefour d'information, missions aux palais de justice).

M. Garin estime que la circulaire précisant la manière dont on prélève les capacités hypothéquées doit être entièrement revue, d'autant plus qu'elle n'a pas fait l'objet de concertation avec les chefs de zone. En effet, certaines zones, qui mettent du personnel à disposition du pouvoir fédéral pour la surveillance des détenus, ne peuvent pas invoquer la capacité hypothéquée. Il s'agit notamment des zones ayant sur leur territoire une prison ou un club de football, impliquant des missions de maintien de l'ordre. Par contre, les autres zones voisines fournissant une même aide pourront le considérer comme capacité hypothéquée. La circulaire lèse donc certaines zones.

2.2.2. M. Joseph, chef de la zone de police de Mouscron

L'orateur estime que la fusion de la gendarmerie et de la police locale n'a pas engendré des économies à grande échelle.

L'examen de la nouvelle circulaire sur la répartition des tâches entre le niveau fédéral et la police locale mène à la constatation que cette circulaire ne tient nullement compte des remarques des représentants de la police locale, au contraire. Les dossiers économico-financiers se retrouvent à charge du niveau local de même que les dossiers moeurs et jeunesse, occupant un nombre considérable de personnes.

En outre, on est confronté à une explosion de la délinquance alors que la réforme des polices avait précisément pour but de mettre fin aux dysfonctionnements et d'améliorer la sécurité. Ces dysfonctionnements, à l'époque où ils ont été dénoncés, avaient principalement trait aux enquêtes et au travail judiciaire. Cependant, il n'y a à l'heure actuelle aucune amélioration.

2.2.3. M. Bottamedi, chef de la zone de police de Gembloux

L'orateur estime qu'il est important de ne pas confondre la structure créée par la loi sur la réforme des polices, d'une part, et la mise en application concrète de cette réforme, d'autre part. La mise en application pose de grandes difficultés parce que les moyens mis à disposition sont insuffisants et leur mise en oeuvre laisse à désirer.

L'orateur explique qu'il a proposé d'effectuer une analyse sociologique de la police fédérale depuis la réforme. En effet, à part les tâches administratives excessives, le modèle d'organisation se base sur une spécialisation à outrance du fédéral et une direction centralisée très éloignée du terrain.

Le mode de recrutement mène également à une spécialisation exagérée alors que l'organisation de police de base requiert des personnes polyvalentes.

L'orateur signale que la complexité de la mise en oeuvre de la réforme donne lieu à des interprétations divergentes des différents services policiers, même au sein des services compétents.

L'intervenant déplore que l'on ait lié l'opérationnalité à des questions statutaires. Faute de moyens financiers au niveau local, on évite d'organiser des missions de surveillance, surtout pendant le weekend. Bien qu'on recommande au niveau fédéral de prendre des mesures particulières en matière de circulation routière pendant le week-end, période à risque, il faut constater que les zones n'ont pas les moyens pour organiser des contrôles à ce moment.

Bien que les rapports avec la police fédérale se passent très bien dans sa zone, M. Bottamedi se demande qui appuie qui dans cette réforme. Le pouvoir fédéral appuie-t-il l'autorité locale ou bien est-ce le contraire ?

De plus, il se dit consterné de constater la difficulté des missions d'enquête judiciaires confiées au niveau local alors que ce personnel ne dispose pas de l'expérience requise. Même une formation de base serait insuffisante pour pouvoir faire face à la gestion des dossiers financiers et des dossiers de crime organisé.

M. Moureaux estime qu'il faut tenir compte du fait que, dans certaines zones, la police fédérale est chargée quotidiennement d'assister les transports de fonds, mobilisant ainsi en permanence un nombre assez élevé de policiers. Cependant une telle tâche devrait être confiée à des entreprises privées.

Il estime que le problème de personnel disponible est certainement aussi important que la question du financement. Pour sa zone, il doit mettre trop d'hommes à disposition du niveau fédéral pour d'autres missions. Pour l'avenir, il n'y a en outre aucune assurance pour le recrutement de personnel supplémentaire.

Mme Nagy estime que le problème budgétaire doit être tranché mais sans que cela empêche d'aborder les autres problèmes.

Mme Van Riet estime qu'il faut surtout examiner le problème financier, sans l'associer à d'autres questions.

Des études ont révélé que le nombre de policiers en Belgique est plus élevé que dans la plupart des autres pays. Les communes du pays ne souffrent donc probablement pas toutes d'une grave pénurie de personnel. Le problème du personnel doit être abordé dans un chapitre distinct et ne peut pas être présenté comme s'il constituait un problème général, car il concerne une exception.

M. Van Durme partage l'avis de Mme Van Riet selon lequel il est question avant tout d'un problème financier à résoudre rapidement.

M. Malmendier se dit assez dépité devant le bilan manifestement négatif des bourgmestres. Il souhaite que le rapport tienne compte de l'ensemble des aspects concernant les relations et la répartition des tâches entre les niveaux fédéral et local. Il ne faut donc pas scinder le problème mais donner une lecture globale.

M. Moureaux affirme qu'il n'approuvera pas un rapport qui se limite aux seuls aspects financiers. Or, il faut du personnel pour assurer la sécurité des citoyens. On est unanime à penser que l'arrêté « Mammouth » enlève 15 % du personnel en efficacité. On risque de créer des zones de non-droit si on n'autorise pas les zones de police à remplacer le personnel qui sera parti soit à la pension soit à travers la mobilité.

M. Bottamedi estime que, vu la manière dont la réforme a été organisée, à savoir une police intégrée à deux niveaux, il est impossible d'isoler un niveau de l'autre. Il y a un lien irrémédiable entre les deux. Il n'entend pas mettre en cause la police fédérale en tant que telle mais bien la manière de la mise en place de cette police.

2.2.4. Audition du 28 mai 2002 de M. Maillet, chef de la zone de police d'Ath

M. Maillet estime que le problème de recrutement est crucial car sur le cadre KUL de 66 personnes, sa zone ne dispose que de 57 personnes aujourd'hui. Malgré la volonté de recruter et le nombre de candidats importants, sa zone n'y parvient pas à cause du problème de la mobilité.

L'intervenant estime que le fonctionnement du Carrefour d'information d'arrondissement (CIA), prévu par l'article 105bis de la loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux, constitue également une préoccupation pour une petite zone comme la sienne puisqu'il est très simple de comparer la capacité policière avant la réforme et la capacité après la réforme avec toutes les missions qui lui incombent. Ce chiffre est très important.

L'intégration des deux corps de police a toutefois été très positive et des économies d'échelle ont pu être réalisées au niveau interne et notamment au niveau de l'informatisation entre autres.

M. Moureaux confirme que cette intégration positive des gendarmes doit impérativement être soulignée.

M. Maillet estime qu'il convient de résorber les cultures policières du passé en tenant compte du fait que des policiers qui ont assumé des tâches administratives pendant des années ont des difficultés à se remettre sur le terrain.

2.3. Les bourgmestres des grandes villes

2.3.1. M. Demeyer, bourgmestre de Liège

M. Demeyer souligne qu'au départ, il estimait que les efforts consentis par le gouvernement fédéral allaient permettre d'améliorer sensiblement la sécurité dans la ville de Liège. Cela ne s'est pas réalisé.

En mars 2001, les calculs laissaient apparaître pour Liège une marge de manoeuvre de 4 908 291,79 euros. Ce montant était basé sur le montant de la dotation fédérale en y retirant le coût des 234 anciens gendarmes, le coût de l'augmentation barémique des anciens policiers communaux et le coût du CALOG. De ces 4 908 291,79 euros, la ville a retiré un montant de 1 685 675,96 euros, à titre de cotisation de solidarité, ce qui faisait un montant de départ de 3 222 615,82 euros. Cette somme aurait dû être consacrée soit à une augmentation des moyens de la zone, soit à un allégement des charges communales.

Sur cette base, le budget de la zone a été strictement établi. L'effectif est passé de 879 hommes à 1 113 hommes et le budget a évolué de la même manière.

Malgré que la zone ait calculé son budget au plus juste, la réalité fait apparaître un surcoût provisoire de 359 445,61 euros. Bien que cela ne soit pas excessif, si on calcule la différence entre la situation actuelle et ce qui a été promis, le surcoût est beaucoup plus important. De plus, d'autres coûts n'ont pas encore été intégrés à l'heure actuelle parce qu'ils n'ont pas encore été identifiés. Le déficit de la caisse pension pose problème. De même, le surcoût lié à ASTRID est également important.

Le différentiel entre la situation de mars 2001 et la situation actuelle est donc de l'ordre de 6 693 125,16 euros.

Plus grave est le problème des tâches de la police locale. Le but de la réforme est clairement d'avoir une meilleure police de proximité et c'est pour cette raison que 234 ex-gendarmes ont été transférés à Liège. De la sorte, l'équipe est en théorie passée à 1 113 hommes mais est en réalité inférieure de 50 unités.

En outre, une série de nouvelles tâches réduisent l'effectif disponible. Ainsi, la police judiciaire est passée de 44 hommes à 90 hommes avec un problème non encore résolu, à savoir celui de la circulaire COL-6 des procureurs généraux en termes de répartition des tâches de la police économique.

La garde du palais et le transfert des détenus nécessitent 60 hommes. Les tâches d'encodage et d'information nécessitent 10 unités, l'hypothèque fédérale en moyenne 20 unités. Cela fait que sur les 1 063 hommes, il y en 136 qui ne sont pas disponibles parce qu'affectés à ces tâches. De même, les récentes grèves des prisons ont coûté à la ville de Liège une centaine d'hommes et 137 500 euros en heures supplémentaires.

L'effectif théorique est donc de 927 hommes mais les conséquences du nouveau statut le réduisent considérablement : rien que l'augmentation des jours de congé de 24 à 36 jours revient à une perte de 64 unités, soit 863 unités au total.

En gros, le nouveau statut coûte au total 15 % des effectifs, ce qui, reporté en termes budgétaires, revient à la somme de 10 411 528,04 euros.

En conclusion, M. Demeyer estime qu'il est clair que la réforme conduit au contraire de ses principes fondateurs. Il y a une réduction sensible de l'ordre de police. Il y a un mécontentement tant de la part des citoyens que des policiers. Il y a une divergence sensible des dépenses, c'est à dire 10 % de plus, et une divergence sensible des effectifs, c'est-à-dire 15 % de moins. Cela pose un problème grave, d'autant qu'il considérait que la zone de Liège n'avait pas été maltraitée et que la norme KUL favorisait les communes qui avaient beaucoup investi dans la police par le passé.

M. Moureaux conclut de cet exposé que les problèmes sont manifestement identiques partout mais avec des intensités différentes. La zone qu'il préside est sans doute celle qui a reçu le moins de gendarmes. Sur un effectif de 640 personnes, sa zone a 38 gendarmes. De ces 640 policiers, le parquet exige que l'on mette 10 % à disposition pour des tâches judiciaires, soit 64 personnes. Cela crée donc une « perte » d'effectifs bien plus importante par rapport au gain de 38 personnes et il faut puiser sur les anciennes tâches communales pour réaliser ces tâches judiciaires. De même, à Bruxelles, les affaires financières et économiques « non importantes » sont systématiquement envoyées aux polices locales par le parquet alors qu'il s'agit parfois de dossiers extrêmement complexes.

Mme Nagy souhaite savoir de quelle manière se passent les rencontres avec le ministre. Il y a certes l'incertitude financière qui existe toujours mais le premier ministre avait pourtant affirmé que 95 % de cette incertitude était levée. Les auditions font apparaître que c'est plutôt le contraire.

L'oratrice demande aux bourgmestres comment on peut arriver à s'entendre sur la notion de surcoût admissible pris en charge par le fédéral. Mme Nagy estime également qu'une éventuelle fusion future de certaines zones risque de créer une nouvelle incertitude puisqu'en termes d'opérationnalité, cela provoquera, selon différents bourgmestres, de grandes difficultés supplémentaires. Elle demande si cela fait partie des discussions qui ont eu lieu entre le ministre de l'Intérieur et les représentants des villes et communes.

M. Moureaux rappelle que l'idée d'un éventuel redécoupage des zones avait déjà été lancée par le premier ministre lors de discussions entre des bourgmestres et des membres du gouvernement. Les réactions par rapport à cette idée ont été très négatives parce que les bourgmestres estiment que la réforme actuelle a déjà été beaucoup trop rapide. Si l'on redécoupe les zones, cela reviendrait à refaire une réforme des polices avec toutes les difficultés que cela entraîne.

Cependant, l'orateur s'inquiète de la méthode de calcul des surcoûts, qui se base sur la situation en effectifs à l'heure actuelle et qui créera dans de nombreuses zones une surprise désagréable et inattendue. Non seulement elles n'obtiendront pas la compensation du surcoût actuel mais il y aura en sus de cela, un surcoût potentiel inéluctable.

La plupart des bourgmestres auditionnés confirment qu'il y a au moins 15 % de pertes dues à l'arrêté « Mammouth ». Il faudra donc embaucher 15 % de personnel en plus pour assurer simplement le même service qu'auparavant et garantir une police de proximité efficace.

Il ne faut se bercer de l'illusion que la reforle des polices est achevée et ce dossier risque d'exploser dans l'année qui vient. L'ensemble de l'Europe est confronté au problème d'insécurité. Dans sa zone aussi il constate une augmentation importante de la délinquance et une grande difficulté à la juguler. À moins de prendre très rapidement des mesures radicales, les communes risquent donc d'être confrontées à des difficultés financières insurmontables et au mécontentement justifié de la population.

Mme Lizin conclut des auditions que la plupart des communes ne pourront pas assumer les responsabilités financières qui découleront de la réunion des communes avec le gouvernement du 11 juin 2002. Lorsqu'elle examine l'organigramme fédéral calculant le nombre d'hommes inutiles au niveau fédéral, deux techniques lui semblent possibles. Soit l'on décide que les missions imposées par le fédéral au niveau local, dont la capacité hypothéquée et tout ce qui vient en plus, doivent être purement et simplement refusées. Soit le local accepte de les faire mais à condition que le fédéral transvase toute une série de membre des personnes'inutiles'du pouvoir fédéral vers le pouvoir local.

Il faut également signaler que chez les anciens gendarmes et les policiers communaux, le malaise est tout aussi perceptible : ils savent qu'ils gagnent plus alors qu'ils doivent travailler moins parce que la loi Mammouth a créé un cadre qui interdit toute une série de prestations comme le travail répété le week-end.

Il est donc inéluctable de revoir le système dans le sens d'une plus grande souplesse et flexibilité. Cela devra faire l'objet d'une deuxième réforme que le gouvernement actuel ne pourra plus assurer. Le gouvernement actuel devra par contre en tout cas payer correctement les communes pour qu'elles puissent assumer leurs obligations et ce, pour septembre 2002 au plus tard. Ceci vaut tant pour les grandes que les petites villes. La révision de la circulaire sur les capacités hypothéquées et le changement dans la répartition des forces humaines au niveau fédéral constitueront les deux pôles de la prochaine réforme.

2.3.2. Mme L. Detiège, bourgmestre d'Anvers

Mme Detiège donne un aperçu des difficultés et des éléments positifs de la réforme des polices pour la ville d'Anvers.

1. Efforts d'uniformisation de tous les aspects du statut de la police

­ dans le nouveau statut légal, on tend à une grande uniformisation en matière de statut, de régime applicable en cas de maladie, d'horaires et de cadre social; les différences entre l'ancienne gendarmerie et l'ancienne police communale ont été sensiblement réduites;

­ on a réalisé une rupture culturelle avec le passé; la hiérarchie verticale a été remplacée par une organisation linéaire horizontale prenant en compte des positions dirigeantes fonctionnelles et des fonctions à exercer dans le cadre d'un mandat;

­ on a également oeuvré pour un système univoque de rétribution et de rémunération, en éliminant en grande partie des différences financières anormales entre les anciens systèmes; cela favorise en tout cas l'intégration des anciens corps;

­ on a aussi procédé à une sensible revalorisation financière de la profession, qui nous a amenés au même niveau que les pays voisins; c'est un incitant externe important pour la réussite de la réforme;

­ la standardisation de l'instruction et l'élaboration de dispositifs mixtes favorisent la constitution d'un corps unitaire;

­ dans l'organisation de la police, une mobilité tant horizontale que verticale est possible. Cela permet une rotation et un roulement des emplois ainsi qu'un transfert du savoir-faire existant entre les divers niveaux de gestion;

­ l'intégration des anciens corps permet de renforcer l'engagement dans une approche communautaire grâce à une plus grande efficacité; l'intégration des diverses missions locales au sein d'un corps unique permet de mener une politique unique;

­ le régime d'assistance mutuelle entre les niveaux local et fédéral est en principe un bon régime, et il est déjà appliqué, même s'il doit encore être affiné.

­ la structure unitaire permet une « corporate identity » dans laquelle les policiers se reconnaissent sans sombrer dans de nouvelles rivalités et de nouvelles dualités.

2. Dualité résiduelle entre les corps

Anvers a déjà été une zone pilote pour la réforme des polices, plus précisément en ce que concerne la collaboration entre la police et la gendarmerie. Il subsiste toutefois une série de problèmes sur le terrain :

­ l'acquisition d'une « corporate identity » unique est entravée par les différences d'uniformes et de striping des véhicules;

­ le choix maximal des anciens membres de la police communale en faveur d'un ancrage local et des gendarmes pour le niveau fédéral entretiens également la dualité existante;

­ on n'a accordé encore que trop peu d'attention à l'intégration des modus operandi des deux sous-cultures; il convient, en la matière, de faire le bilan de ce qui doit être conservé et de ce qui doit être modifié, et de chercher un consensus sur les normes et les valeurs à appliquer dans le nouveau régime;

­ il y a une nette discordance entre l'ancienne et l'actuelle répartition des tâches et entre l'ancienne et l'actuelle capacité opérationnelle; par suite de la réforme des polices, toute une série de tâches fixes et de domaines échoient désormais à la police locale, comme les transferts en cellule, la surveillance des gares de voyageurs et de marchandises et leurs dépendances, un très grand nombre de devoirs d'instruction, l'examen de délits financiers et de dossiers environnementaux.

3. Régime de pensions

La différence persistante entre le régime de pensions de l'ancienne gendarmerie et celui de la police communale est un élément défavorable parce qu'elle entretient le sentiment d'appartenance à une sous-culture. Cette question relève toutefois de la négociation syndicale.

Le régime de départ à 58 ans constitue par contre un aspect positif, mais son instauration toute récente n'a pas permis de s'y préparer. Au niveau fédéral, cela posera probablement moins de problèmes, vu le nombre élevé d'anciens gendarmes, dont le statut n'a pas changé fondamentalement. Au niveau local, on n'a pas tenu compte de ce régime de départ anticipé, de sorte qu'on pourrait être confronté à un déficit temporaire auquel il n'est pas possible de remédier à l'heure actuelle.

4. Répartition problématique des tâches entre police locale et police fédérale

Il faut que le pouvoir local et le pouvoir fédéral aient une discussion finale sur le transfert des tâches fédérales. Il s'agira inévitablement de discuter de la désignation, au niveau local, du nombre d'équivalents temps plein qui étaient chargés, avant la réforme, de l'ensemble des tâches transférées.

En raison de son caractère subsidiaire, la police fédérale voit sa mission limitée à la fourniture des effectifs qui peuvent éventuellement être réquisitionnés pour des opérations supralocales (services d'ordre), la fourniture d'unités spécialisées (chevaux, escadron spécial d'intervention, ...) et les enquêtes spécialisées de deuxième ligne (grande criminalité et trafic international de drogues). De plus, la police fédérale dispose d'un pouvoir de réquisition relativement étendu. La ville d'Anvers fournit cependant elle-même les moyens financiers nécessaires au maintien de l'ordre et aux tâches spécialisées et ne fait pas très souvent appel à la police fédérale. Elle affecte par exemple quotidiennement cent personnes à la protection de la communauté juive. Souvent, le fédéral exige toutefois la collaboration d'agents de la police locale. Cela a des répercussions considérables sur l'affectation du personnel aux obligations à long terme des unités locales. Comme on ne peut soustraire des membres du personnel aux missions de police de base, cette collaboration se fait au détriment d'actions planifiées destinées à répondre à des demandes émanant d'autorités politiques, de citoyens ou de services aux habitants.

Les multiples tâches supplémentaires imposées par l'autorité fédérale hypothèquent donc sérieusement le planning à long terme de la police locale, qui est en contact étroit avec le citoyen et que celui-ci observe d'un oeil critique.

Le système d'aide réciproque entre le niveau local et le niveau fédéral est un bon principe qui s'applique déjà en règle générale, mais dont il faut poursuivre la mise au point, compte tenu de la réalité esquissée ci-dessus.

5. Capacité opérationnelle de la police locale

Au niveau fédéral, on considère que le fonctionnaire de police a une capacité opérationnelle de 1 500 heures. À Anvers, on a évalué cette norme depuis des années à 1 350 heures et elle est en réalité probablement moins élevée encore par suite des restrictions et des dispositions de l'arrêté Mammouth. Il convient dès lors de trouver d'urgence un consensus permettant d'utiliser un paramètre identique en se basant sur la capacité réellement opérationnelle. Le fait de se baser sur une norme de 1 500 heures pour calculer la capacité de réquisition conduit à une idée fausse de la capacité opérationnelle. De plus, il n'est pas tenu compte des conséquences administratives pour la police locale lorsque les réquisitions sont faites la veille. Il s'ensuit une foule de problèmes : annulation de rendez-nous et d'engagements, discontinuité de service qu'il faut compenser au détriment d'autres missions.

Il est dès lors nécessaire que, dans l'optique de la politique à suivre, le fédéral se fasse une idée des problèmes locaux en procédant à une vaste reconnaissance de terrain dans les diverses zones de police. Cela permettrait d'avoir une meilleure connaissance des besoins fonctionnels en liaison avec la méthodologie suivie au plan local ainsi que des implications de ceux-ci pour l'organisation du personnel.

Il est essentiel de mettre sur pied dès que possible un corps de sécurité qui serait chargé de l'exécution des missions liées à l'arrestation, la présentation et la surveillance des détenus dans le cadre de la procédure pénale. Cela représenterait un allégement considérable pour le niveau local.

6. Nécessité d'une concertation entre la police locale et la police fédérale

Une plate-forme de concertation (in)formelle entre la police fédérale et la police locale permettrait à celles-ci de mieux comprendre leurs missions respectives et d'évaluer au mieux les intérêts fédéraux et les intérêts locaux pour pouvoir les mettre en concordance maximale. Outre le fait que le niveau local connaît mal les missions du niveau fédéral et inversement, il y a le fait qu'il existe une différence fondamentale entre les engagements qui sont pris l'un et à l'autre. Les problèmes signalés par écrit sont toujours sans réponse.

La vision à long terme constitue un élément essentiel de cette concertation. Des groupes de travail pourraient s'attacher à résoudre les difficultés qui résultent inéluctablement des conflits entre les nouvelles dispositions porteuses de la réorganisation, d'une part, et les régimes existants, d'autre part, qui sont l'émanation des diverses structures communales dont l'ancienne police communale était issue.

7. Assistance fédérale à la police locale

Eu égard à l'évolution actuelle, il faudra faire un choix politique tranché entre, d'une part, un réinvestissement dans certaines fonctions de base (à savoir celles de la police chargée du niveau interpersonnel) avec un plus grand degré de sollicitation au niveau fédéral et, d'autre part, un investissement appuyé dans la police chargée de niveau collectif, avec une utilisation maximale de la capacité au plan local et un minimum d'appui fédéral, ce qui correspondait d'ailleurs aux intentions de départ du gouvernement en matière de réforme des polices.

La capacité de 1,5 % à fournir aux fins de missions fédérales dans le cadre d'événements supralocaux et de 10 à 20 % dans des situations exceptionnelles doit être évaluée en temps opportun en fonction de l'impact réel et sur la base de données chiffrées.

Le risque existe que cette assistance fédérale de 1,5 % à 20 %, qui est en fait trop élevé pour le niveau local, soit utilisée dans le cadre de toutes les missions fédérales et de tous les engagements fédéraux.

Il faut dès lors chercher un équilibre raisonnable entre les intérêts locaux et les intérêts fédéraux. L'accomplissement des missions de niveau fédéral a toujours lieu au détriment des missions locales, si bien qu'il faut constamment adapter la planification et les initiatives locales ce qui entraîne un surcroît de travail alors que l'on n'a pas la garantie que le personnel ne sera pas à nouveau réquisitionné. À terme, cela débouchera sur une exploitation à outrance de tous les engagements possibles en matière de travail de proximité visant à viabiliser les quartiers et cela minera la confiance dans la police locale et la politique qu'elle mène, ce qui aggravera le malaise policier, avec toutes les conséquences qui s'ensuivront.

8. Précision du mode de calcul des prestations de la police locale

Le nouveau statut et les conditions secondaires prévues par de l'arrêté-loi Mammouth constituent indubitablement un progrès, notamment sur les plans social et financier. La réglementation est cependant tellement détaillée et complexe que son application pratique s'en trouve gravement hypothéquée et qu'on ne pourra plus répondre aux aspirations sociales avec autant de souplesse. Une réglementation aussi poussée est contre-productive sur le plan social. L'organisation du service prévue par l'arrêté Mammouth ne laisse aucune latitude pour en assurer une application souple tenant compte de la composante sociale de l'individu.

Pour ce qui est de l'applicabilité et du coût pour la commune, on utilisera probablement un qualificatif situé entre « difficilement réalisable » et « désastreux ».

C'est pourquoi il faut examiner d'urgence l'impact des nouvelles dispositions statutaires de l'arrêté Mammouth, à la lumière d'une série d'éléments concernant la capacité de mobiliser le personnel. Du quota prévu d'heures-homme, il faut déduire le nombre d'heures de congé, le nombre moyen de jours de maladie, le nombre moyen d'heures de formation, le nombre d'heures d'assistance fédérale, etc. Le résultat exprimé sous la forme d'une fraction doit donner une idée exacte du nombre d'heures-homme pouvant être consacrées à des missions de base et à des missions de niveau collectif de la police locale sur le territoire anversois. Grâce à cela, on pourra établir une comparaison avec la situation d'avant la réforme des polices, et l'on arrivera sans aucun doute à la conclusion que la capacité de mobiliser le personnel a sensiblement diminué.

9. Prestations de nuit et de week-end

Un des problèmes que l'on rencontre pour ce qui est des grandes villes vient du fait que les critères de référence concernant les prestations nocturnes et les prestations de week-end sont les mêmes dans tout le pays. On ne tient pas compte en l'espèce des réalités spécifiques des grandes villes : maintien de l'ordre lors des rencontres de football, vols à la tire et à l'étalage, toutes sortes de manifestations organisées au cours des week-ends, prostitution, heures de fermeture, etc. L'arrêté Mammouth ne laisse aucune latitude pour ce qui est du régime des prestations.

En ce qui concerne plus spécifiquement la ville d'Anvers, il y a un problème spécifique de maintien de l'ordre durant les matches de football, étant donné qu'elle est la seule ville à abriter deux clubs de première division. Ces clubs rivaux sont tous deux soutenus par une année de supporters dont les noyaux durs ont une solide réputation en matière de hooliganisme. En raison les dispositions de l'arrêté Mammouth, on ne pourra plus, à terme, continuer à respecter l'obligation de mobiliser 4 ou 5 pelotons d'agents de maintien de l'ordre pour chaque rencontre.

10. Police de proximité et assistance aux jeunes ayant des problèmes psychologiques

En matière de police de proximité, on a attiré l'attention du premier ministre, à la suite d'une question du conseil zonal de sécurité sur le problème de l'accueil des jeunes, et notamment des jeunes filles psychologiquement perturbées. Récemment, il a fallu libérer des jeunes parce que les possibilités de placement faisaient défaut. Un problème grave se pose également en ce qui concerne 400 enfants de la rue, de 12 à 13 ans, généralement originaires d'Europe de l'Est, dont environ 80 sont en situation de détresse crainte.

On ne se rend donc pas assez compte de ce qu'une police de proximité nécessite également une justice de proximité. Cette justice de proximité est pourtant indispensable au bon fonctionnement d'un système de police basé sur une vision mûrement réfléchie.

11. Plans de sécurité

La loi organique du 7 décembre 1998 ne place peut-être pas les divers plans de sécurité dans un ordre hiérarchique, mais elle les situe en tout cas dans une structure pyramidale. C'est sans aucun doute entre le plan de sécurité national et le plan de sécurité zonal que le risque de conflit de priorités est le plus grand. La réalité quotidienne dans la rue, la société et ses aspects changeants sont souvent éloignés des objectifs globaux formulés dans une politique fédérale centrale.

Anvers devrait normalement recevoir une trentaine de personnes sur les 158 du corps de sécurité prévu pour l'ensemble du pays. En pratique, il n'y en aura qu'une dizaine.

11. Échange d'informations entre police locale et police fédérale

Il existe une série de problèmes de communication entre le niveau fédéral et le niveau local parce que les applications informatiques ne sont toujours pas harmonisées. Il n'y a donc pas de connexion informatique entre le système RBS de la police fédérale et le système ISLP de la police locale. On ne prévoit pas de créer pareille connexion sous peu, ce qui hypothèque l'échange mutuel d'informations.

On a accordé une prime aux membres du personnel chargés de missions informatiques au sein de certains services publics et de la gendarmerie. La prime vaut actuellement que pour la police fédérale et non pour la police locale. Le montant de cette prime équivaut à 12,50 % du traitement annuel brut.

12. Financement et surcoûts prévus

En ce qui concerne le financement et le surcoût de la police, il est prévu une dotation des villes de 123 946 762,32 euros, une dotation fédérale d'environ 29 747.22,97 euros et d'autres recettes à concurrence de 3 867 138,98 euros, ce qui donne un coût total de 153 693 985,35 euros, sans tenir compte des bâtiments.

Pour expliciter son exposé, Mme Detiège fournit une documentation relative à l'incidence budgétaire de la réforme des polices. Cette documentation figure en annexe 2 du présent rapport (doc. Sénat, nº 2-118/2).

2.3.3. M. Thielemans, bourgmestre de Bruxelles

1. Estimation du coût supplémentaire engendré par la réforme de la police

M. Thielemans estime que la situation, tel que décrite par Mme Detiège, correspond fort aux problèmes rencontrés par la ville de Bruxelles. Pour les grandes villes la réforme des polices pose un problème très particulier dont l'ordre de grandeur n'est toujours pas bien perçu. Afin de pouvoir décortiquer convenablement le surcoût engendré par la réforme des polices, il faut une période budgétaire suffisamment longue pour faire une évaluation. La manière dont étaient calculés les chiffres théoriques de base (normes KUL) était peu fiable parce qu'elle comprenait aussi les forces auxiliaires. Or, les auxiliaires de police ont des missions réduites par rapport à la fonction générale d'un officier de police. S'ils sont inclus dans un chiffre de cadre théorique, on crée évidemment une image peu réaliste puisque cela affaiblit les capacités réelles des corps d'autant que préalablement à ce calcul, on avait autorisé un dépassement de 15 % d'auxiliaires par rapport à la force globale de police pour les municipalités concernées et les grandes villes. Dès lors, les chiffres n'offrent pas de base fiable pour effectuer une comparaison valable.

2. Capacité fonctionnelle et manque d'effectifs au niveau local

Le chiffre de la capacité exprimée en personnel-heures par an, tel qu'il est énoncé dans les exigences fédérales, est impossible à tenir. Les 1 520 heures par an ne sont atteintes par aucun corps de police.

De plus, il n'y avait aucune projection permettant de se faire une idée du nouveau statut du personnel. Il y a non seulement une augmentation conséquente du traitement des policiers, qui s'élève en moyenne à 9 % mais,en plus, les nouvelles conditions horaires rendent quasi impossibles certaines formes de travaux, en particulier les permanences de nuit sauf dans quelques commissariats choisis. En conséquence, il y moins de personnel dans les rues la nuit, ce qui va à l'encontre de l'objectif de la réforme des polices, qui consistait à créer une police de proximité.

M. Thielemans fait également remarquer qu'il y a actuellement une crise profonde de recrutement. Pour la zone de Bruxelles-Capitale-Ixelles, le manque d'effectifs s'élève à 314, ce qui correspond au nombre de policiers mobilisés pour le maintien de l'ordre lors d'une grande manifestation politique.

Le principe de mobilité, introduit par la nouvelle loi sur la réforme des polices, risque en outre d'inciter les agents à quitter la zone de Bruxelles-Capitale pour demander un emploi plus proche de leur domicile. Des 250 gendarmes transférés vers la zone 120 ont déjà demandé la mobilité. Il faudra donc les remplacer alors qu'il faut noter toutefois qu'il n'y a que 7 candidats qui se présentent pour 120 postes vacants d'inspecteur.

Si cette problématique ne trouve pas de solution rapide, la suppression du nombre de services à la population s'impose. Un tel développement va évidemment à l'encontre de l'objectif de la loi sur la réforme des polices.

Les mêmes problèmes se posent d'ailleurs au niveau des cadres administratifs. Il n'y a que trois candidats pour dix-huit postes. Dans ces circonstances, il sera impossible d'assumer les missions administratives, étant donné l'ampleur du corps.

Ces développements pourraient provoquer un découragement profond des policiers et une forme larvée de guerre de police. La tentation d'organiser une police unique à l'instar de l'Allemagne ou de la France est réelle.

Il y a 2 000 événements qui requièrent une présence policière ce qui affaiblit évidemment la capacité de proximité. Annuellement il y a 200 à 300 manifestations sur le territoire de la zone de Bruxelles-Capitale et Ixelles. Afin d'assurer la sécurité des citoyens et des manifestants, une mobilisation importante d'agents s'impose. Cela démontre l'importance des contraintes auxquelles la police est confrontée à l'heure actuelle.

Il faut également affecter une série d'agents à des missions fédérales. En particulier, il faudra mettre 10 % des effectifs à disposition pour les enquêtes, en raison de la disparition de la police judiciaire. En outre, la situation centrale du palais de justice requiert une grande disponibilité du personnel.

L'accompagnement des détenus et la surveillance sur place demandent également une intervention policière.

Cette problématique est doublée de la capacité hypothéquée. Cette dernière signifie que des policiers doivent effectuer des missions, qui ne font pas partie de leurs tâches habituelles. Les policiers de Bruxelles à qui on demande de faire la surveillance d'un match de football dans une autre zone, sont évidemment affrontés à des réalités inconnues.

M. Thielemans conclut que la ville de Bruxelles risque de perdre une partie importante de sa capacité fonctionnelle.

2.3.4. Discussion

M. Verreycken pose une série de questions à Mme Detiège :

­ que veut-elle dire quand elle parle de sous-cultures au sein de la police locale;

­ dans le cadre du projet ASTRID, a-t-on prévu le remplacement du matériel informatique de la police anversoise au budget de la commune;

­ y a-t-il une concertation transfrontalière avec la police néerlandaise concernant le trafic de drogue;

­ la section à cheval de l'ancienne gendarmerie ne pourrait-elle intervenir utilement dans les zones boisées de la rive gauche anversoise pour réprimer les délits d'exhibitionnisme et les faits de moeurs; les journaux néerlandais y appellent d'ailleurs ouvertement, car le contrôle sur place est insuffisant;

­ utilisera-t-on également le centre d'accueil pour réfugiés, situé sur la rive gauche d'Anvers, pour y placer de jeunes criminels;

­ Anvers n'atteindrait-elle pas les normes prévues s'il ne fallait pas engager des effectifs en dehors de la zone;

­ quelles actions la bourgmestre d'Anvers entreprend-elle contre l'obligation, due à l'autorité fédérale, d'enfreindre les lois linguistiques qui sont d'ordre public en engageant des agents francophones dans des missions de maintien de l'ordre ?

M. Malmendier demande si la vision classique d'un agent de proximité, présent dans chaque quartier, reste toujours valable. Il estime qu'il serait préférable de le déployer en priorité dans des quartiers à problèmes.

Mme Nagy demande aux chefs de zone si le plan de sécurité et le coût des prestations horaires ont déjà été discutés au sein des conseils de police.

L'oratrice estime qu'au sein des zones de Bruxelles et d'Anvers les conditions de travail sont plus pénalisantes que dans les zones plus tranquilles. Elle demande comment on pourrait garder les policiers dans les zones urbaines.

M. Dallemagne demande s'il y a consensus au sein du gouvernement sur la réforme actuelle.

Il pose les questions suivantes :

­ pourquoi les bourgmestres estiment-ils que la réforme des polices n'est pas soutenue par le gouvernement;

­ quelle est la vision des bourgmestres sur l'organisation du recrutement;

­ quels sont les dispositifs existants au niveau fédéral pour résoudre le problème préoccupant du recrutement;

­ la police fédérale va-t-elle assumer un nombre de missions qui incombaient préalablement à la gendarmerie (surveillance des prisons).

Mme Thijs pose les questions suivantes :

­ considère-t-on également les heures supplémentaires consacrées à l'exécution des missions locales comme un surcoût acceptable; quel pourcentage du total représentent-elles pour Anvers et Bruxelles;

­ quelle solution les bourgmestres proposent-ils en ce qui concerne le problème des bâtiments;

­ quel pourcentage d'agents de police que les villes d'Anvers et de Bruxelles doivent-elles céder pour les missions fédérales et quelles solutions concrètes propose-t-on;

­ les bourgmestres d'Anvers et de Bruxelles ont-ils déjà pris contact avec le ministre du Budget qui fixe les marges financières pour les négociations en la matière ?

M. Kelchtermans formule les observations suivantes :

­ il faut s'attaquer à la criminalité de manière globale, sinon le phénomène se déplacera des grandes villes vers les petites;

­ la réforme des services de police entame sérieusement la capacité financière des petites entité locales. Les autorités de tutelle ont d'ailleurs admis que les communes recevront moins de moyens financiers;

­ chez les policiers, il y a véritablement une chasse à la prime due aux grandes différences de rémunération entre les prestations du week-end et les activités effectuées durant la semaine ordinaire;

­ certaines grandes zones refusent de répondre aux réquisitions pour des missions fédérales et ce, au détriment des petites communes. Il estime dès lors que si on requiert les services de police de petites communes pour s'occuper de problèmes de sécurité dans d'autres communes, celles-ci devront s'acquitter des coûts supplémentaires;

­ la formation de la gendarmerie a été édulcorée : d'un entraînement opérationnel, on est passé à une formation plus administrative;

­ il y a lieu de définir clairement la relation entre le procureur du Roi et le président du collège de police;

­ on publie trop de circulaires contradictoires concernant la réforme des polices.

M. Carlier, chef de corps de la ville de Gand, attire l'attention sur le fait que l'insuffisance systématique d'effectifs de la police communale dans les petites zones résulte d'investissements trop modestes. Auparavant, on compensait cette insuffisance en ayant recours à la gendarmerie. Aujourd'hui les petites zones comptent sur les grandes pour pallier cette lacune. Toutefois, cela met fortement en péril la capacité d'action, déjà hypothéquée, de la police locale des grandes zones, ainsi que la dotation fédérale.

En ce qui concerne le coût élevé des heures supplémentaires et des prestations du week-end, M. Carlier attire l'attention sur le fait que l'arrêté Mammouth et l'arrêté DINO définissent clairement la notion de jour ouvrable, mais que cette notion est mal appliquée et programmée. Ainsi considère-t-on, à tort, uniquement les jours du lundi au vendredi comme des jours ouvrables ce qui accroit considérablement la masse salariale. Le risque est que l'arrêté royal soit adapté en raison d'une interprétation erronée.

Les systèmes de recrutement et de mobilité, qui entraînent de très graves problèmes d'effectifs dans les différentes zones, doivent être revus d'urgence.

M. Carlier aurait également aimé savoir combien d'hommes seront nécessaires pour former les équipes préposées aux systèmes CIARR (carrefour d'informations de l'arrondissement) et ASTRID. Il faut un effectif de quarante personnes, dont dix-huit ont déjà été détachées par la ville de Gand. Il se demande ce qui est convenu concernant les conditions d'utilisation du système ASTRID.

La capacité d'action de la police communale se trouve encore réduite par un certain nombre de tâches supplémentaires dont l'exécution est prévue en vertu de directives contraignantes, comme la protection des VIP, la protection de la jeunesse, le contrôle du transport des marchandises dangereuses et les enquêtes financières ainsi que par le développement de la bureaucratisation.

M. Wymeersch, de la zone de police de Gand, souligne que cette ville doit mobiliser des moyens financiers considérables pour financer le surcoût engendré par la réforme des polices. Le maximum prévu dans la norme KUL, déterminé en 1999 pour un effectif peu élevé, impose des restrictions. Il faut compenser la perte de capacité induite par la réforme des polices. Le pouvoir fédéral bénéficie d'une importante récupération financière puisque pour un investissement de 1 500 000 francs, la moitié lui revient sous la forme d'impôts. Globalement, l'opération ne lui coûte donc rien.

M. Blue, chef de la zone de Charleroi, estime que le nouveau statut empêchent un travail efficace. Il signale aussi que le versement du traitement qui devrait se faire avant le 1er juin 2002 pose problème.

Il demande que les tâches de la police locale soient précisées, étant donné que l'ensemble des missions risque de s'élargir.

Mme Lizin estime qu'on se trouve devant une alternative : ou bien développer les tâches de la police locale, ou bien élargir les missions fédérales. L'option retenue devrait s'accompagner d'une augmentation des moyens financiers.

Mme Detiège répond ce qui suit aux questions de M. Verreycken :

­ par « sous-culture », elle entend l'esprit de corps particulier qui caractérise les 220 anciens gendarmes qui ont rejoint les 1 820 agents de la police de la ville; ils ont bénéficié d'une autre formation et continuent de porter un uniforme différent; ces différences doivent disparaître après un certain temps; en matière intégration, Anvers a d'ailleurs été une commune-pilote;

­ dès 1997, Anvers a introduit la notion de police de proximité; on a dès lors anticipé sur les recrutements, de sorte qu'après la réforme des polices, des effectifs peuvent y être affectés;

­ pour ce qui est des problèmes de formation et de recrutement, la ville d'Anvers insiste sur une approche décentralisée afin d'arriver rapidement à une solution; à cet égard, il existe d'ailleurs, au sein de la police d'Anvers, une cellule de diversité chargée du suivi de l'affectation de personnes d'origine étrangère au travail de police;

­ le recours à des agents de police allophones ne pose pas de problèmes; pour la surveillance des synagogues, on a demandé des renforts temporaires au fédéral et on travaille avec des effectifs mixtes comportant toujours des néerlandophones; toutefois, on réduira progressivement le recours à ces renforts temporaires;

­ le système ASTRID représente effectivement un coût supplémentaire au niveau des systèmes de télécommunication;

­ concernant le trafic de drogues transfrontalier avec les Pays-Bas, les niveaux local, fédéral et international collaborent;

­ sur la rive gauche, la section à cheval pourra également surveiller la Sint-Annastrand et la zone boisée environnante;

­ en ce qui concerne les projets d'accueil des jeunes, la discussion est toujours en cours entre l'autorité communautaire flamande et le fédéral; l'intervenante attend le résultat de ces discussions;

­ le plan de sécurité zonal a fait l'objet d'une concertation avec les instances compétentes et a été transmis au ministre de l'Intérieur; l'intervenante attend encore la réaction de ce dernier;

­ les heures supplémentaires prestées pour les missions fédérales sont rémunérées par la ville elle-même parce qu'elles sont considérées comme une tâche locale;

­ les négociations sur une formule de transfert pour les bâtiments sont toujours en cours;

­ la rémunération supplémentaire pour le travail de police se limite à la zone de Bruxelles; vu les possibilités qu'offre la mobilité, il n'est pas évident, pour une grande zone comme celle d'Anvers, difficile de surcroît, de conserver les agents de police;

­ pour Anvers, le surcoût total de la réforme des polices s'élève à environ 7,5 millions d'euros, compte non tenu de l'extension de cadre rendu nécessaire par le nouveau statut (voir l'annexe 2).

M. Thielemans précise qu'il n'y pas de zones de non-droit à Bruxelles-Capitale-Ixelles. La police assume sa fonction de manière réfléchie et dès lors elle assure une présence dans tous les quartiers.

Le fonctionnement des conseils de police est fortement calqué sur celui des conseils communaux. En l'occurrence, les mêmes techniques d'interpellation et d'information des membres sont utilisées. Les conseils de police sont dotés d'un secrétariat dont les missions ne sont pas complémentaires à l'ensemble des tâches déjà assumées par les secrétaires communaux. Les membres connaissent bien le fonctionnement policier. On évolue vers une organisation beaucoup plus centralisée et une zone devient une entité propre sauf pour l'autorité des bourgmestres, qui s'exerce exclusivement sur leur territoire géographique.

L'orateur estime qu'il faut traduire en horaires les exigences d'un statut imposé. Par conséquent, le ratio de présence, qui était avant la réforme, d'une personne sur le terrain pour six personnes engagées est à l'heure actuelle, passé de une pour huit.

Le statut identique des policiers a sans doute fortement amélioré leur situation. Toutefois, l'égalité de traitement pour les communes plus sereines et les communes plus exigeantes peut donner lieu à des déséquilibres. Ceux-ci sont occassionnés par des demandes de mobilité vers des postes plus tranquilles.

La problématique de recrutement est plus importante que les problèmes linguistiques. Les agents ont l'occasion de passer les tests linguistiques dans un délai raisonnable qui leur permet de bien se préparer.

M. Thielemans considère qu'il faut également tenir compte d'autres formes de bilinguisme. En effet, on peut faire appel aux policiers, stewards et parents d'origine allochtone pour atténuer les tensions lors de manifestations. Une politique globale s'impose à ce niveau.

Il estime que le torpillage de la réforme des polices relève d'un problème d'identité de la police. Certains groupes de policiers préfèrent l'installation d'une police unique à l'allemande ou à la française afin d'affaiblir l'autorité des bourgmestres.

Il rappelle une fois de plus que les tâches nouvelles non-compensées, dont la surveillance des postes diplomatiques, hypothèquent sérieusement la capacité de la police locale.

En ce qui concerne la mise en service de certains bâtiments, il souligne que c'est souvent une opération très coûteuse. Certains bâtiments doivent par exemple faire l'objet de travaux de désamiantage préalablement à leur mise en service effective.

Mme Demaght, bourgmestre d'Alost, qualifie d'amélioration le fait que la nouvelle police parte de la base. Cela permet de fixer des points d'attention locaux dans les plans zonaux de sécurité. La collaboration avec le niveau fédéral n'empêchera pas de disposer de moyens financiers en suffisance au niveau local pour mettre en ouvre un programme spécifique. Elle rappelle d'ailleurs que la réforme des polices n'est assurément pas la seule source de soucis financiers pour la commune.

En ce qui concerne la zone de police dont fait partie l'entité d'Alost, la collaboration entre le niveau fédéral et le niveau local est excellente : le président du conseil de police et le bourgmestre veillent à ce que les intérêts des niveaux de pouvoir concernés soient défendus d'une manière équilibrée.

Mme De Maght souligne que plusieurs ministres interviennent dans la réforme des polices : il y a notamment le ministre de l'Intérieur, celui du Budget, celui des Bâtiments publics ainsi que le ministre des Affaires sociales pour les pensions. Le niveau local doit faire pression sur ces départements pour pouvoir disposer d'uniformes et de bâtiments convenables.

Mme Bataille, présidente de l'Union des villes et des communes de Wallonie, souligne que 90 % des questions soulevées concernent toutes les communes, quelle que soit leur taille ou appartenance régionale. Dès lors, il est essentiel que les bourgmestres fassent preuve de solidarité lors des négociations du 11 juin 2002.

Elle fait observer qu'en 2001, l'Union des villes et des communes de Wallonie avait estimé le surcoût statutaire par agent à 5 205,76 euros au lieu des 3 470,50 euros initialement prévus. Pour la Wallonie, il manque 14 873 611,48 euros pour compenser le surcoût engendré par le nouveau statut. Toutefois, le gouvernement n'entend dégager que 12 394 676,23 euros. La différence devra être couverte par une autre source de financement.

La capacité de proximité s'est vue réduite de 15 % par rapport à la situation d'avant la réforme. Il convient donc d'opérer un choix entre d'une part la diminution de 15 % des missions de la police locale et d'autre part l'augmentation des moyens financiers à l'intention de la police locale. Les moyens financiers nécessaires pour atteindre l'objectif de la réforme des polices se chiffrent à 50 ou 75 millions d'euros.

3. RÉUNION AVEC M. GUY VERHOFSTADT, PREMIER MINISTRE

3.1. Exposé introductif du premier ministre (1)

L'accord dégagé le 11 juin 2002 est le résultat d'une longue négociation qui a débuté en novembre 2000. Entre ces deux dates, il y a eu une dizaine de réunions avec les associations des villes et des communes. Cette concertation illustre que le gouvernement a toujours eu la volonté de dégager un système de financement en accord avec les villes et les communes.

À la demande des villes et communes les termes de l'accord et du mécanisme de financement seront consacrés dans un projet de loi et ce, afin de le rendre définitif.

Il a en outre été convenu qu'il faudrait évaluer de concert ce mécanisme de financement. Une commission de suivi sera chargée de cette évaluation et elle sera composée de membres du gouvernement et de représentants des associations des villes et communes. Elle pourra, si nécessaire, proposer des changements et des améliorations.

Une première évaluation du mécanisme aura lieu le 1er septembre 2003.

En bref :

­ il y a un accord sur les paramètres et le mécanisme de financement;

­ les chiffres ainsi estimés sont envoyés zone par zone pour vérification;

­ une loi va consolider ce mécanisme de financement;

­ une évaluation de ce mécanisme sera assurée par une commission de suivi qui déposera un premier rapport en septembre 2003; si des changements légitimes s'avèrent nécessaires, des propositions d'adaptation pourront alors être déposées au Parlement.

Le premier ministre passe brièvement en revue les différentes étapes qui ont conduit à l'accord actuel.

1) Le début du mécanisme de financement de la réforme des polices

La première grande étape a été la définition d'un mécanisme de financement basé sur la norme KUL. Comme cette norme tient compte de dizaines de paramètres (la taille et la superficie de la commune, le nombre d'habitants, la composition et l'âge de la population, le revenu cadastral, la capacité financière, la fonction de centre, les statistiques de criminalité), elle repose donc sur une base objective.

Cette norme sera également soumise à évaluation en septembre 2003 afin d'être éventuellement affinée. Certains bourgmestres souhaitent en effet que l'on tienne compte de nouveaux paramètres.

La deuxième grande étape a été la décision de transférer 7 539 ex-gendarmes aux zones de police locale. Les gendarmes restants ont été transférés avec les membres de la police judiciaire, à la police fédérale.

Cette police fédérale se compose aujourd'hui de deux socles principaux :

­ la recherche fédérale, composée de 4 000 personnes, qui fait d'ailleurs du fort bon travail et obtient des résultats appréciables;

­ la police administrative qui constitue, en dehors de la fonction d'administration, une réserve utilisée pour des tâches spécifiques; lors de l'accord du 11 juin 2002, on a d'ailleurs décidé d'augmenter cette réserve au niveau fédéral afin de diminuer les tâches pour lesquelles le fédéral devait faire appel aux zones locales.

La troisième opération a consisté à répartir les zones de polices en six catégories. Sans entrer trop dans les détails, on distingue :

­ les zones en boni (catégories 1 et 3), c'est-à-dire les zones qui ont beaucoup investi dans leur police communale par le passé. Ces communes recevront progressivement plus de moyens à l'avenir en compensation des efforts qu'elles ont fournis dans le passé.

­ les zones déficitaires (catégories 2 et 6) sont des zones qui n'ont pas investi suffisamment dans la fonction de police et dont on attend davantage d'efforts dans le futur.

Certaines zones ont investi par le passé moins de 2 000 francs par habitant et par an dans leur police. Certaines zones dépassent même à peine les 1 000 francs, tandis que d'autres villes ont parfois dû débourser 8 000 à 9 000 francs par habitant. Les différences entre zones sont donc parfois très marquées.

­ les catégories 4 et 5 sont soit des zones qui ont reçu des gendarmes en surnombre (catégorie 4) parce que ces personnes devront encore être transférées dans d'autres zones par le jeu de la mobilité, soit des zones où les moyens transférés sont suffisants compte tenu de la situation sur place (catégorie 5).

Outre cette répartition en catégories, il a aussi été décidé de mettre en place un mécanisme de solidarité. Il n'est en effet pas faisable d'exiger des zones des catégories 2 et 6 qu'elles paient tout et tout de suite.

C'est pourquoi une double solidarité a été prévue. Il y a tout d'abord une solidarité entre les zones de police elles-mêmes, laquelle s'exerce des zones en boni vers les zones nécessiteuses. Cette solidarité sera progressivement supprimée sur une période de douze ans. Concrètement, cela signifie que dans les douze années à venir, les catégories 1 et 3 (souvent des villes-centres) recevront chaque année davantage de moyens supplémentaires, compte tenu de la suppression progressive de la solidarité.

En deuxième lieu, on élabore une solidarité fédérale qui n'était pas prévue initialement. Il a été convenu de mettre en oeuvre un vaste mécanisme fédéral de solidarité qui s'élèvera initialement à 20 300 000 euros et sera porté à 32 500 000 euros à partir de 2004. Cette solidarité fédérale bénéficiera principalement aux zones nécessiteuses.

Déterminer les zones entrant en ligne de compte pour cette solidarité a été la quatrième étape du processus de réflexion basé sur la discussion avec les villes et les communes. L'idée de base est que les catégories 2 et 6 devraient consentir des efforts de plus en plus importants, mais qu'elles ne disposaient pas toujours de la capacité financière requise.

Les communes ont donc été classées non seulement dans l'une des six catégories mais aussi dans quatre « quartiles » (q1-q2-q3-q4) qui reflètent la capacité financière de la commune. Le premier quartile (q1) comprend les communes dont la capacité financière par habitant est la plus faible, tandis que le quatrième quartile (q4) regroupe les communes possèdent la capacité financière la plus élevée.

Il va de soi qu'on peut demander un effort plus grand de la part des communes classées en q4 que des communes classées en q1.

Il s'ensuit que les communes des catégories 2 et 6 qui répondent en outre au paramètre des quartiles 1 et 2 ne devront pas fournir d'effort financier. Pour elles, la solidarité interzonale jouera d'abord, puis la solidarité fédérale.

Dans le cas des communes du quartile 3 (q3), une dérogation spécifique est prévue pour les zones frontalières, parce qu'elles sont souvent confrontées à une criminalité plus forte que les autres communes. Ces communes frontalières pourront elles aussi compter sur une solidarité complète et ne devront pas fournir d'effort financier. Pour les autres communes du q3, il y aura une solidarité dans un premier temps, mais celle-ci disparaîtra à partir de 2004.

Quant aux communes du 4e quartile (q4), à savoir les communes ayant une grande capacité financière, qui n'ont pas consenti d'efforts dans le passé pour la fonction de police, elles ne pourront compter que sur leur effort propre.

Voilà pour les grandes lignes du mécanisme de financement tel qu'il a été élaboré entre novembre 2000 et mars 2001.

Après mars 2001, un grand nombre d'aménagements ont été apportés au mécanisme initial. À titre exemplatif, on peut citer le volet civil des contrats de sécurité qui a été modifié.

2) La deuxième grande opération de la réforme des polices : la renégociation du nouveau statut des policiers

Le début de 2002 situe le deuxième grand exercice qui a été effectué. Dés cette période, le ministre de l'Intérieur a en effet, à la demande des villes et communes, renégocié le statut des policiers puisqu'un grand nombre de difficultés sont apparues au niveau opérationnel et budgétaire. Cela a mené à des modifications du statut, par les protocoles 57 et 57/1, en accord avec les syndicats des villes et communes.

Ces modifications visaient principalement à gommer du statut financier un certain nombre d'exagérations comme les jours d'absence non justifiée, les heures de nuit, les indemnités d'indexation, etc. Plusieurs problèmes ont été résolus également sur le plan opérationnel : nouveau régime pour les heures de nuit, nouvelle définition du week-end, assouplissement des périodes de référence, etc.

3) La troisième grande opération : les dernières négociations avec les Unions des villes et communes

I. Le volet financier

La question de base qui s'est posée était évidemment celle du calcul du surcoût du statut intervenu et des obligations nées tant de la loi à la base de la réforme des polices que des nombreuses circulaires (par exemple, la circulaire du ministère de la Justice chargeant les zones de police locales d'actes de recherche et d'investigation dans des affaires criminelles et donnant l'obligation aux villes et communes de développer un effectif à cet effet).

Il fallait évidemment se mettre d'accord sur les paramètres du surcoût avant de pouvoir l'appliquer concrètement sur le terrain.

Tout ceci a alors donné lieu à une série d'adaptations fondamentales de ce qui est considéré comme un surcoût et cette redéfinition du surcoût a été inscrite dans l'accord. Il s'agit d'un certain nombre de frais qui n'étaient pas prévus dans le mécanisme de financement initial, mais qui ont bien été imposés aux villes et communes.

L'annexe 3 commente en détail les différents paramètres. Les principaux points sont les suivants :

a) Une subvention distincte pour les zones de police du fait qu'elles peuvent être appelées à exécuter un certain nombre de tâches; cette subvention est basée sur six personnes pour les zones comptant plus de 70 000 habitants et sur deux personnes pour les zones de moins de 70 000 habitants.

b) Les inconvénients (heures supplémentaires) : à la demande des zones, on a introduit une plus grande souplesse en ce qui concerne les heures supplémentaires, parce que certaines communes ont des difficultés de recrutement considérables et que les heures supplémentaires peuvent offrir une solution provisoire; les zones éprouvant des difficultés de recrutement pourront donc dépasser les plafonds prévus pour les heures supplémentaires.

c) L'allocation de proximité pour les agents de quartier; précédemment, l'allocation de proximité pour les agents de quartier était fixée à une unité fixe, soit 1 pour 3 000 habitants; dorénavant, cette allocation sera différenciée :

­ dans les grandes villes (plus de 70 000 habitants), la norme est d'1 agent de quartier pour 2 000 habitants;

­ dans les zones de taille moyenne (plus de 25 000 et moins de 70 000 habitants), la norme est d'1 agent de quartier pour 3 000 habitants;

­ dans les petites zones (moins de 25 000 habitants), la norme est d'1 agent de quartier pour 4 000 habitants.

d) La capacité hypothéquée est la capacité à laquelle la police fédérale peut faire appel auprès de la police locale, soit 1,5 % du personnel de police. Il a été convenu que le pouvoir fédéral interviendra définitivement et de manière récurrente à concurrence de 50 % dans l'équipement de la capacité hypothéquée.

e) Missions locales à caractère fédéral. Un certain nombre de missions locales à caractère fédéral sont à présent imputées à la capacité hypothéquée. Il s'agit de divers événements (par exemple des grèves dans les prisons) pour lesquels il est fait appel à la police locale.

f) Réglementation souple pour la participation du local et du fédéral au fonctionnement des services d'appui. Il s'agit principalement de 2 services d'appui : le et le centre d'information et de communication carrefour d'informations de l'arrondissement (CIC), dont principalement ASTRID.

En ce qui concerne le CIARR, les effectifs proviendront pour une large part de la police fédérale : sur 614 membres du personnel, 445 viendront de la police fédérale et 169 des zones locales.

Une réglementation analogue sera élaborée à l'avenir pour le CIC et ASTRID. Il s'agira assurément d'une lourde mission, car elle entraînera encore des coûts supplémentaires. Pour l'instant, il a été décidé, d'un commun accord, de ne pas encore régler définitivement le problème. Mais il est clair que la mise en oeuvre intégrale du système ASTRID ne doit pas être supportée entièrement par les zones locales.

Mais, il est clair qu'il faut poursuivre l'implémentation du programme ASTRID qui est un outil de travail capital. Aux Pays-Bas, un accord gouvernemental vient d'être pris pour l'installation d'ASTRID sur tout le territoire. La Finlande, une partie de l'Allemagne et l'Angleterre sont déjà plus avancés que notre pays dans le lancement du programme ASTRID. Ce programme ne manquera d'ailleurs pas de se généraliser dans l'ensemble des pays européens. Seule la France dispose d'un programme propre, ce qui est navrant puisqu'une uniformisation du système aurait été intéressante. D'autant que le système français est moins performant qu'ASTRID.

g) L'assurance obligatoire responsabilité civile. L'assurance obligatoire responsabilité civile pour les véhicules automobiles des zones locales sera payée par l'autorité fédérale. Un montant a été arrêté pour 2002 mais il a également été convenu que ce montant devrait être confronté à la réalité du marché. S'il devait apparaître que ce montant est insuffisant, les autorités fédérales compenseront la différence.

h) Le paquet comptable. L'autorité fédérale donnera au zones locales un montant forfaitaire à cet effet.

i) L'indemnité pour le comptable spécial. L'autorité fédérale supportera 50 % de l'allocation prévue pour ce comptable.

j) L'indemnité pour le fonctionnement administratif. Un montant supplémentaire de 850 000 euros est prévu pour le fonctionnement administratif des zones et des Conseils de police à charge de l'autorité fédérale.

k) L'appui fédéral devient récurrent. Il représente 65 millions d'euros pour l'aide aux investissements tels l'informatisation qui se fait selon un calendrier par zone. En quelques années, ont peut ainsi réaliser l'informatisation des zones. Ces 65 millions ne sont donc plus limités dans le temps mais deviennent définitifs.

II. Le volet opérationnel

Les discussions avec les villes et les communes ont aussi débouché sur une meilleure répartition des tâches entre le niveau fédéral et le niveau local. Concrètement, cela signifie qu'une série de tâches sont définitivement soustraites au niveau local pour être transférées au niveau fédéral.

a) Davantage de concertation par le biais de la commission permanente d'accompagnement

Il a été convenu que lorsque le gouvernement fédéral souhaite imposer des missions aux zones locales, la question doit d'abord être débattue en commission permanente d'accompagnement, qui doit arriver à un accord.

b) La capacité hypothéquée

c) L'élargissement de la réserve fédérale

Avec le système développé actuellement, cela devrait permettre d'éviter de faire appel à la capacité hypothéquée.

Concrètement, la direction de la Réserve générale (DRG), qui fait partie de l'administration des Services généraux (ASG), voit sa structure élargie et passe d'un petit millier d'hommes à un effectif d'environ 1 300 personnes.

Cette extension est réalisée :

­ en affectant à la DRG 147 ex-gendarmes toujours surnuméraires (car pas encore transférés dans les zones locales);

­ en pratiquant des prix plus élevés pour les transports de fonds dont le coût pour la police fédérale n'est actuellement couvert qu'à hauteur de la moitié, alors que ces opérations exigent beaucoup de temps et de personnel (300 personnes);

­ par des permutations internes au sein de la police fédérale; le personnel administratif surnuméraire au niveau de la police fédérale sera transféré à la DRG.

d) La CAL 6bis

Par cette circulaire, le ministre de la Justice a confié aux zones locales des tâches judiciaires dans une série de dossiers, en particulier des affaires socio-économiques. À l'avenir, cette circulaire ne sera plus d'application et ces tâches seront entièrement assumées par les 4 000 hommes de la recherche fédérale.

Le premier ministre s'est personnellement porté garant pour faire publier une directive contraignante à cet égard avant le 30 juin 2002.

e) Corps de sécurité

Le transfert de prisonniers, lorsqu'il s'agit de cas lourds, sera confié à la direction de la Réserve générale (DRG) (60 unités). Des centaines d'agents de polices locales sont quotidiennement mobilisés pour les autres cas de transfert des prisonniers bien qu'il est clair que ce n'est pas une tâche qui doit relever de la police mais davantage des gardiens de prisons.

Deux modifications vont donc être réalisées :

­ par une de loi on va créer un corps spécifique pour cette fonction, à savoir le corps de sécurité; il sera composé de 158 unités dans un premier temps mais une extension sera envisagée par la suite;

­ à l'avenir, les séances des chambres du conseil devraient se tenir dans les prisons; le ministre de la Justice prépare actuellement un projet de loi allant dans ce sens.

f) La police ferroviaire

Notre pays compte au moins 10 gares à hauts risques (parmi lesquelles Bruxelles-Nord, Bruxelles-Midi, Bruges, Gand et Louvain), qui sont le théâtre de délits relevant de la grande criminalité. Jusqu'il y a peu, ce problème était du ressort des zones de police locale.

Il a maintenant été décidé que le fédéral reprendrait entièrement à son compte la police ferroviaire dans les gares à risques. Quelque 120 agents fédéraux supplémentaires ont été transférés à la police ferroviaire à cet effet.

Cette police des chemins de fer sera seule responsable de la surveillance et de la sécurité totale des gares à risques.

g) Gratuité des avis, des conseils juridiques et comptables. Il a été décidé que les services de l'autorité fédérale donneraient gratuitement les avis et conseils juridiques nécessaires aux zones locales.

h) Dernier paramètre. Les chiffres donnés en novembre 2001 seront un plancher en dessous duquel on ne pourra pas tomber.

Comme dernier élément, le ministre rappelle qu'un accord de coopération est en cours de préparation avec les représentants des six zones de police de Bruxelles en vu du coût supplémentaire qui sera généré par l'organisation, l'année prochaine, de quatre sommets européens dans la capitale. Des arrêtés royaux sont également en cours de préparation pour les bâtiments où doit être installée la nouvelle police.

3.2. Échange de vues

Bien qu'il déclare soutenir la réforme des polices, M. Kelchtermans a de nombreux doutes quant à la concrétisation de celle-ci.

Même pour l'accord qui vient d'être obtenu avec les administrations locales, les gens des zones ont dû consacrer beaucoup de temps à l'interprétation du texte, pour lire entre les lignes ce qu'il signifiait exactement. Ce manque de clarté et de vue d'ensemble est caractéristique de toute la réforme des polices. Il s'ensuit qu'il faut retirer des policiers de la rue, parce qu'ils doivent se pencher sur les diverses circulaires pour les analyser et les comprendre.

L'intervenant a aussi des doutes concernant le nouvel accord. Celui-ci donne, certes, l'impression qu'il y a une intervention du gouvernement fédéral, mais en fait, seule une petite partie du déficit est réduite. Le point essentiel, c'est que les déficits subsistent et, en comptant les contrats de sécurité, ils se chiffreront à 75 000 000 d'euros.

Les associations des villes et communes n'ont pas bien défendu les intérêts des zones et elles se contentent d'une formule qui n'engage à rien, selon laquelle on n'examinera qu'ultérieurement ce que la réforme aura coûté exactement. La façon dont les policiers sont chouchoutés financièrement est absolument scandaleuse. Les autres services locaux (services techniques, services d'incendie, ...) peuvent difficilement accepter de ne pas obtenir les mêmes avantages financiers (heures supplémentaires, prestations de week-end, etc.) que la police.

De ce fait, les chefs de corps s'occupent surtout de répartir consciencieusement le nombre d'heures supplémentaires et de prestations de week-end entre les agents de police, pour ne pas provoquer de conflits ou de jalousies entre eux. Les agents de police sont ainsi en train de devenir de véritables chasseurs de primes.

En ce qui concerne les réquisitions pour des missions judiciaires, l'intervenant ne partage absolument pas le point de vue du premier ministre, selon lequel on a maintenant rectifié les choses. Le temps consacré à l'exécution de missions judiciaires varie par arrondissement judiciaire.

Quant à la capacité hypothéquée, il a cru comprendre que le paiement de ces prestations est encore à charge des zones locales et que le pouvoir fédéral ne prévoit qu'une intervention pour la moitié de l'équipement, mais sans qu'il soit question d'une intervention dans le traitement.

Le premier ministre signale que d'anciens gendarmes ont été transférés dans les zones locales et que c'est le pouvoir fédéral qui les paie intégralement. Il est donc tout à fait faux de continuer à prétendre que les traitements de ces policiers sont à charge des zones locales.

M. Kelchtermans critique également le fait que l'arrêté Mammouth permette aux policiers de prendre une retraite anticipée dès l'âge de 56 ans. Non seulement la zone locale doit financer cette pension anticipée, mais en outre, cette défuse inclut 80 % du montant reçu pour prestations irrégulières. Ce sont des cadeaux empoisonnés pour les zones locales.

En ce qui concerne les bâtiments aussi, il est étonné d'apprendre que les problèmes seraient résolus, car il a entendu au niveau local les récits les plus divers sur l'acquisition des bâtiments.

M. Kelchtermans est donc très sceptique au sujet de l'accord conclu et il est persuadé qu'à la fin de l'année, de nombreuses zones éprouveront de graves difficultés à financer toutes ces nouvelles obligations. Cette réforme des polices sape littéralement les moyens financiers des communes.

M. Dallemagne a cru comprendre de l'exposé du ministre que l'accord qui vient d'être conclu était l'aboutissement, la phase finale ou la négociation finale de la réforme de la police. On disposerait à présent des bons chiffres, des bons comptes etc.

Le premier ministre conteste cette perception des choses : il faut avant tout confronter les chiffres à la réalité des zones locales. On a arrêté un mécanisme de financement mais il n'a jamais été dit que les chiffres ainsi calculés étaient définitifs. Ils doivent être contrôlés zone par zone et si par vérification, on constate qu'un certain nombre de coûts ont été mal calculés, il a simplement été décidé que l'on ne rediscuterait pas le mécanisme et que le surplus de frais sera immédiatement payé.

M. Dallemagne est d'avis que si les 25 000 000 d'euros constituent une bouffée d'air frais importante, il y a déjà, de la part de nombreux bourgmestres, des signaux d'alarme portant sur le caractère insuffisant de cette intervention. L'enveloppe devra donc vraisemblablement être rediscutée.

Le coût total de cette réforme serait de 19,7 milliards de francs. De ce montant sont toutefois exclus les coûts résultant de la dotation sociale, des contrats de sécurité, de l'appui fédéral pour ASTRID ... Bref, le montant de 19,7 milliards est certainement dépassé. Il est temps que l'on fasse une addition complète et correcte de ce qu'aura coûté réellement la réforme des polices. Il constate que l'on a tendance à se perdre dans les chiffres, d'autant plus qu'il y a des coûts que l'on ne peut actuellement pas encore évaluer concrètement (ASTRID par exemple). Il serait intéressant d'avoir une notion plus détaillée du coût total qu'aura représenté cette réforme.

Le premier ministre souligne que s'il est vrai qu'il faut tenir compte d'un certain nombre de coûts supplémentaires pour évaluer le prix global de la réforme mais certains postes doivent aussi venir en déduction : ainsi, le coût que représentent les 7 000 anciens gendarmes n'est pas un coût nouveau puisqu'il existait déjà dans le passé. Toutefois, il est disposé à faire un jour le calcul complet de ce qu'aura effectivement représenté la réforme.

M. Dallemagne souhaite rappeler que le ministre de l'Intérieur avait annoncé voici quelques mois que cette réforme ne coûterait rien aux communes, alors qu'aujourd'hui le premier ministre annonce une situation toute différente puisqu'il fait état de principes tels les zones « bonus » et les zones dans le besoin (catégorie 2 à 6), la solidarité entre les zones etc. Il constate qu'au sein du gouvernement, on annonce donc des contrevérités.

Le premier ministre conteste ce point de vue et rappelle que, dans le passé, de nombreuses communes ont totalement négligé les investissements dans la police sur leur territoire. Un effort, qui aurait été normal dans le passé, doit à présent être consenti par tous. C'est une simple question de justice, d'équité.

M. Dallemagne revient brièvement sur l'évaluation qui aura lieu en septembre 2003. Il n'aura échappé à personne que le gouvernement actuel ne sera peut-être plus en place à cette date. Le gouvernement suivant se trouvera donc confronté à cette lourde mission.

Il peut comprendre qu'une évaluation trop hâtive ne serve à rien parce qu'à l'heure actuelle, il y a une grande différence entre le budget de la zone et les dépenses réelles dans la plupart des communes. Le commissaire en chef d'une des zones bruxelloises, M. Van Reusel, a d'ailleurs exprimé son inquiétude sur l'évolution des dépenses réelles. Il estime que la meilleure date pour faire cette évaluation serait au printemps 2003 pour ne pas reporter ce bilan trop tard. Il aurait pu accepter la date de septembre 2003 à condition qu'on ait alors prévu une évaluation intermédiaire à la fin 2002 ­ surtout parce que des dérapages sérieux sont déjà annoncés.

Le premier ministre fait remarquer que la situation de Bruxelles est particulière puisqu'il y a un double problème de recrutement et de mobilité. Manifestement, peu de policiers souhaitent travailler dans les 6 zones bruxelloises. Il faudra donc prendre des mesures coercitives.

À propos d'évaluation de la réforme, le principe a été adopté qu'une commission évaluera de manière permanente le système développé. Elle ne se mettra pas en action que le 31 août 2003 mais travaillera de manière continue en accord avec les unions des villes et communes.

De plus, le rapport final devra contenir non seulement une évaluation des différents paramètres mais également des propositions de solution pour permettre de mettre en oeuvre très rapidement des dispositifs correctifs. Le but de cette évaluation permanente est donc bien d'apporter d'éventuelles corrections et non pas d'être un simple libre examen du mécanisme.

Il souligne que les unions des villes et communes ont marqué leur accord sur ce calendrier prévu. D'ailleurs, on ne peut évaluer décemment le nouveau système avant la fin de l'année 2002.

Mme Lizin pense que les dernières modifications budgétaires des communes doivent en général être connues pour le mois de septembre de chaque année. C'est donc très bien que cela concorde avec cette évaluation du système de la réforme.

Enfin, M. Dallemagne observe qu'il existe dans de nombreuses zones des difficultés graves. Les plans zonaux de sécurité, par exemple, coûtent extrêmement cher alors que les zones ne disposent pas des outils nécessaires pour piloter efficacement une politique de sécurité. Il conclut que la réforme des polices est donc loin d'être réglé complètement.

M. Moureaux pense que dès lors qu'on se lançait dans cette grande réforme, il était inévitable que l'on rencontre la difficulté qui est en filigrane dans tout ce que l'on entend, à savoir le problème des efforts des uns et des autres pour la sécurité publique.

On aurait pu partir d'un postulat très simple en disant que tous devaient faire le même effort et donc calculer une moyenne, ce qui aurait été irréaliste. Un autre système aurait consisté à geler définitivement une situation où certains payaient beaucoup pour leur sécurité et d'autres rien. Heureusement, aucune de ces deux options n'a été choisie.

Il constate toutefois, à l'instar de M. Dallemagne, que le ministre de l'Intérieur, en prétendant que les zones locales ne devraient rien payer à induit tout le monde en erreur. Ce n'est pas la réalité.

Le système retenu par le gouvernement essaye de limiter les interventions dans certaines communes.

Il constate également que la réforme des polices est poursuivie sur base d'un débat ­ c'est qui est très appréciable. Bien qu'il ne soit pas sorti entièrement satisfait de cette concertation, un effort important vers un rapprochement a été consenti par le premier ministre.

La réforme reste très difficile sur trois plans :

1) Le plan financier. Il y a effectivement des communes pour lesquelles la situation reste extrêmement compliquée mais le mécanisme permettra de mettre en place des « parachutes » pour éviter les accidents. Il faut toutefois couper les ailes à l'idée qui circule selon laquelle il y aura des gagnants et des perdants de cette réforme. Il n'y aura, selon lui, pas de gagnants à terme parce que la politique de sécurité impliquera nécessairement des investissements supplémentaires.

Sa commune, par exemple, a fait ses calculs et paye à peine plus que ce qui avait été prévu au départ de la réforme. Il ne la considère donc pas commune une zone « perdante » mais s'il y a de nouveaux recrutements sur sa zone, ce qu'il espère, il faudra prévoir de nouveaux salaires et il faudra à nouveau demander aux citoyens de faire des efforts financiers. De plus, la sécurité publique dans les grandes villes, présentées erronément comme les « gagnantes », dépasse largement le cadre de ses habitants mais concerne également ceux qui y viennent uniquement pour travailler, sortir, ...

2) Le plan des recrutements. Le recrutement un problème angoissant pour les grandes villes, et Bruxelles en particulier. Suite aux contacts avec le gouvernement fédéral à ce sujet, des moyens supplémentaires devraient en principe être mis en place pour affronter ces difficultés à Bruxelles. Si on ne fait pas un effort important pour résoudre ce problème, l'on court à la catastrophe dans les grandes villes.

La réforme contient des points de réussite et d'ombre. Comme réussite, il cite l'aspect judiciaire : les brigades judiciaires, par rapport au passé, ont été largement étoffées et font un travail remarquable. Un grand point d'ombre dans les grandes zones reste évidemment la police dite de proximité. Au stade actuel, les zones n'en ont pas les moyens en hommes. La réforme Mammouth a en effet diminué la présence policière sur le terrain, ce qui est contraire au but poursuivi. Cette zone d'ombre obligera au recrutement car la population de certains quartiers est très mécontente de cette diminution de la présence policière.

3) Le manque de simplicité de la réforme. Les circulaires sont complexes, contradictoires et difficiles à décortiquer. Il faut arriver à des règles plus simples.

M. Moureaux insiste toutefois sur le fait que les intentions sous-jacentes au dernier accord sont louables, il suivra avec intérêt l'évolution de la situation. Il est évident que les capacités hypothéquées (la garde des prisonniers, etc.) font en sorte qu'il y a moins de policiers sur le terrain et les solutions dégagées à ce sujet dans l'accord sont donc très positives. Mais, il faudrait qu'elles entrent en application très rapidement.

Enfin, M. Moureaux souligne que la politique en matière de sécurité est indissociable de la police mais aussi de la justice. Le sort réservé aux jeunes multirécidivistes pour lesquels il existe peu de solutions nous place devant un problème très grave. Si on veut une politique permettant de regagner du terrain, il faut plus de personnel sur le terrain mais il faut aussi des possibilités d'action concrètes par rapport, entre autres, à la délinquance.

M. Vankrunkelsven a l'impression que quand on aborde la réforme des polices, chacun se plaint et en oublie les avantages. La réforme des polices a créé une dynamique nouvelle, elle vise à résoudre des problèmes fondamentaux et a donc été une bonne décision. Toutefois, il comprend les critiques concernant le nouveau statut des agents de police, qui suscite de nombreux problèmes financiers.

Le financement du système se base sur la norme de la KUL et les dotations qui y sont liées. Même s'il est d'accord pour qu'à côté de la norme de la KUL, on tienne compte d'un certain nombre d'autres éléments, il a l'impression que l'on est occupé à tout peser avec une balance d'apothicaire, ce qui lui semble excessif.

Tout d'abord, on a transféré à un certain moment une série de gendarmes, avec les charges sociales que cela implique. Toutefois, à son grand étonnement, on a réduit la dotation qui y est liée.

En ce qui concerne la répartition en quartiles, la division des zones en fonction de leur capacité financière, M. Vankrunkelsven se demande comment on mesurera cette capacité dans le temps. En effet, la capacité financière des communes évolue. Tiendra-t-on compte d'une éventuelle évolution ?

Sa troisième remarque, qui est la plus fondamentale, concerne le système élaboré pour financer le surcoût réel. On détermine le surcoût réel actuel sur la base de ce que l'on a payé en 1999 ou 2000 en termes de fonction de police. Mais comment procédera-t-on à l'avenir ? Recalculera-t-on le surcoût chaque année, en tenant compte du fait que chaque année, des agents de police ayant une ancienneté élevée partent ou que de nouvelles recrues entrent ? Il lui semble difficile de refaire l'opération chaque année. C'est pourquoi il propose d'augmenter la dotation de base et de chercher des paramètres objectifs et fixes qui permettraient d'adapter objectivement le financement.

Le premier ministre estime qu'il est préférable d'évaluer le système de financement avant d'affirmer qu'il n'est pas bon. Les deux prochaines phases importantes seront le lancement du système zone par zone et l'évaluation convenue en septembre 2003.

Mme Nagy souligne l'utilité des discussions entre les chefs de zone et les membres du gouvernement parce que nombre de questions abordées ont ainsi pu trouver des réponses positives. Cela est particulièrement vrai pour la criminalité financière : il faut spécialiser un certain nombre d'agents, décider des criminalités prioritaires et cela doit se faire par une gestion centralisée plutôt que zone par zone.

L'accord intervenu va donc dans le sens de l'efficacité bien qu'elle est frappée par le caractère compliqué du processus de réforme. De nombreux responsables ont d'ailleurs exprimé la difficulté pour obtenir une aide dans l'interprétation des circulaires et des nouvelles normes.

Mme Nagy soulève également le problème du coût actuel et du coût à l'avenir. L'obligation d'ouverture des commissariats la nuit répond à une demande de sécurisation mais il faut évaluer les coûts que cela entraîne. L'évaluation prévue par l'Union des villes et communes et l'évaluation qui aura lieu en septembre 2003 permettra de faire des réajustements à cet égard.

À propos de la création des corps de sécurité, Mme Nagy rappelle qu'au départ, il avait été question de 400 à 500 hommes alors qu'actuellement on ne parle plus que de 150 hommes.

Le premier ministre réplique que 158 unités sont prévues dans un premier temps mais qu'une extension est être envisagée par la suite. En outre, il ne faut pas oublier qu'il y a également les 60 unités de la direction de la Réserve générale (DRG) qui s'occuperont du transfert des criminels lourds. Cela fait donc un total d'environ 220 unités. Si les chambres du Conseil peuvent avoir lieu dans les prisons, comme il l'envisage, il espère pouvoir s'en tenir à ce nombre.

Mme Nagy rappelle également que de nombreux bourgmestres ont signalé que la grève des gardiens de prison a engendré des frais énormes en termes d'heures supplémentaires. Bien que ce problème semble résolu pour l'avenir, elle demande si l'accord ne prévoit pas que le gouvernement fédéral prendra en charge ces frais supplémentaires déjà payés par les communes.

En ce qui concerne les propositions pour les zones de Bruxelles, Mme Nagy estime que le problème du recrutement et du maintien du personnel reste très pressant et nécessite une solution beaucoup plus rapide. Les difficultés sont telles qu'elle se demande si on a bien mesuré l'ampleur du défi de départ. Les citoyens se demandent ce qui se passe à Bruxelles et ce sentiment d'inquiétude ne cesse de s'accroître. Elle se réjouit d'ailleurs de voir voter un projet de loi relatif à la réorganisation de la magistrature de sorte à garantir non seulement une action policière mais également une action du coté des parquets et du judiciaire.

Le premier ministre signale que les discussions sur les zones de Bruxelles auront lieu très prochainement. Les mesures spécifiques qui pourront être arrêtées tomberont en dehors du montant actuel de l'accord de coopération.

Cet accord de coopération contient douze mesures pour garder les policiers à Bruxelles et cela tant au niveau du maintien qu'au niveau de la compensation des prestations additionnelles et de la limitation de la mobilité. Le premier ministre souligne qu'il se rend parfaitement compte du caractère spécifique de Bruxelles.

Sur un corps de police de 5 000 unités, la moitié de ce personnel désire s'en aller sur base de la mobilité et il n'y a qu'une trentaine de candidats intéressés par une fonction à Bruxelles. Il faut donc prendre des mesures d'urgence.

Une analyse de la première liste de 196 zones de police oblige M. Verreycken à constater que le mécanisme de solidarité, si on l'envisage en fonction des communautés, coûte 46 % à la Flandre, alors qu'elle ne reçoit que 30 %, et qu'il ne coûte que 16 % à la Wallonie, alors qu'elle reçoit 70 %.

Il est curieux de savoir quel incidence aura l'application de la nouvelle prime de solidarité sur ces transferts communautaires. Il demande dès lors à pouvoir disposer aussi rapidement que possible d'une liste adaptée avec des chiffres objectifs par zone.

En deuxième lieu, M. Verreycken souhaite savoir quelle norme on utilisera pour le paiement. S'agit-il de la norme de la KUL ou de celle prévue dans l'arrêté royal de septembre 2001, dont beaucoup de bourgmestres ont parlé ?

Une troisième question de M. Verreycken concerne la motivation du personnel. Existe-t-il, outre l'accord entre le gouvernement fédéral et les autorités locales, un protocole entre la Justice et l'Intérieur ? Comment motivera-t-on le corps de police et existe-t-il des protocoles visant à combattre le sentiment de découragement des agents ?

En ce qui concerne les heures supplémentaires, M. Verreycken demande qui détermine si on a recours à des policiers locaux pour des manifestations nationales ou pour d'autres événements particuliers ? En outre, il souhaite savoir qui décide quels sont les risques particuliers qui rendent nécessaire le recours à du personnel supplémentaire ? Est-ce un spécialiste ?

Bien que M. Verreycken soit acquis au système ASTRID, il souligne qu'à l'heure actuelle, les seuls signaux que ce système de communication peut capter sont ceux de satellites américains. Or, la Belgique est en train d'investir des milliards dans le projet Galileo. Il aimerait savoir qui prendra en charge les frais de conversion le jour où la Belgique changera de système de satellites. Ces coûts seront-ils répercutés sur les zones locales ?

Enfin, M. Verreycken constate que l'on n'est manifestement pas en mesure de lui fournir le moindre élément de réponse à sa question sur le respect de la condition de bilinguisme au stade de l'engagement des policiers. Malgré la demande expresse qui a été faite aux communes, le gouvernement fédéral ne dispose d'aucune information à ce sujet. Faut-il y voir une mauvaise volonté des communes à respecter le bilinguisme, qui est pourtant une obligation légale ?

Le premier ministre précise que la norme appliquée pour le paiement est la norme KUL. L'arrêté royal de septembre 2001 n'est qu'une « norme-plancher ».

Le premier ministre répète qu'il a été convenu de n'entamer la discussion sur ASTRID qu'à un stade ultérieur. Le gouvernement fédéral veut d'abord s'assurer que le projet pilote lancé en Flandre orientale fonctionne bien, après quoi il sera étendu au Hainaut et aux six zones bruxelloises. Le gouvernement fédéral opte donc résolument pour une généralisation du système ASTRID et participera aux frais qui en découlent, dans la mesure du possible bien entendu.

En ce qui concerne la question du bilinguisme, toutes les données sont à présent disponibles. On pourra donc procéder aux vérifications sur cette base.

M. Verreycken déplore qu'à présent qu'il a reçu les données en question, le premier ministre n'ait pas fourni une note adaptée et actualisée aux membres de la commission.

En réponse à une question de Mme Thijs, le premier ministre confirme que les 25 millions d'euros supplémentaires qui seront investis dans la réforme des polices, seront inscrits au budget. Un amendement à cet effet sera déposé à la Chambre.

En réponse à la question de Mme Thijs portant sur le point de savoir si le produit supplémentaire des amendes sera reversé aux communes, le premier ministre rappelle que le projet de loi relatif au nouveau Code de la route sera déposé au Parlement dans les prochains jours. Il est prévu qu'à partir de 2002, le produit supplémentaire des amendes, qui ont été considérablement alourdies, sera reversé aux communes et aux zones qui auront conclu à cette fin un contrat avec le ministère de l'Intérieur. Ce contrat a pour but de s'assurer que la commune investira bien ce revenu supplémentaire dans la sécurité routière. Il ne sera donc certainement pas déduit de la dotation fédérale et le système entrera en application dès que la nouvelle loi aura été votée.

Enfin, Mme Thijs fait remarquer qu'il règne au sein des services de police une certaine préoccupation concernant la formation des agents de police. Les ex-gendarmes avaient une formation approfondie. Les agents de police sont formés dans des écoles de polices qui présentent certaines différences. Selon les services de police, les formations représentent un important danger potentiel du fait qu'elles sont apparemment moins sévères que par le passé. Le gouvernement fédéral compte-t-il évaluer cette formation ?

Le premier ministre souligne que le programme de formation est le même dans toutes les écoles. En outre, l'objectif est clairement de permettre à la commission permanent d'accompagnement d'en assurer également un suivi approfondi, de manière à garantir un niveau de formation analogue dans toutes les écoles.

Enfin, Mme Thijs attire l'attention sur la rémunération excessivement élevée de certains fonctionnaires de police dans plusieurs villes. Certaines villes ont investi, en 1999, de 8 000 à 9 000 anciens francs par habitant dans les services de police. Il s'agit, en soi, d'un montant très impressionnant, mais quand on sait qu'Anvers, par exemple, occupe 146 inspecteurs en chef qui perçoivent une rémunération considérable, on peut s'interroger sur le rendement de l'effort demandé aux Anversois.

Le premier ministre répond qu'il transmettra cette observation aux représentants du pouvoir fédéral au sein de la commission d'accompagnement. Il est bien connu qu'Anvers a un cadre moyen très lourd.

Mme De Schamphelaere constate que l'on a, certes, beaucoup oeuvré à l'accord, mais elle déplore que cet accord ne soit toujours pas définitif. Il n'y a donc pas encore de sécurité juridique définitive pour les budgets communaux, l'emploi communal et les contribuables communaux. Le procès-verbal de l'accord est très clair sur ce point : on parle de corrections, d'imputations, de surcoûts qui doivent être pris en charge. Ce n'est dès lors qu'un accord sur le fait qu'il faudra d'ici peu aboutir à un accord définitif.

C'est pourquoi elle désire savoir quand on aura enfin une sécurité juridique définitive. Une évaluation n'est prévue que pour le 1er septembre 2003, alors que le projet de loi relatif au système de financement élaboré sera déposé dès le début de 2003. Le gouvernement a donc manifestement l'ambition d'encore faire voter le projet de loi durant la présente législature, mais de ne l'évaluer qu'ultérieurement.

Le ministre souligne qu'après la vérification dans les zones locales, qui se fera dans les dix jours, tous les chiffres seront définitifs. Le projet de loi qui sera déposé début 2003 ne concerne que le système de financement, et ce, à la demande expresse des communes : elles souhaitaient que le système et les paramètres soient coulées dans une forme légale, pour que l'on ne puisse plus revenir en arrière. Elles demandent donc une assise légale. Le 11 juin 2002, on a discuté de la possibilité de déposer le projet de loi après l'évaluation de septembre 2003, mais les communes ont refusé. Si des adaptations doivent encore être apportées après septembre 2003, elles le seront pas une nouvelle modification de la loi.

M. Moureaux demande qu'on fasse le calcul du coût total de la réforme des polices pour l'État fédéral ainsi le coût total pour les communes. L'addition refroidira sans doute les adeptes de la police unique.

4. AUDITION DE M. WILLY TAMINIAUX, PRÉSIDENT DE L'UNION DES VILLES ET COMMUNES DE WALLONIE

4.1. Exposé introductif de M. Willy Taminiaux

Bien que l'Union des villes et communes de Wallonie (l'Union) adhère totalement à la philosophie de la réforme de la police, elle veut éviter que la réforme mène à la faillite des communes.

La loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux était basée sur l'accord « Octopus », l'émanation de la volonté de huit partis démocratiques. En effet, une police intégrée à deux niveaux répond à l'exigence démocratique et aux aspirations des citoyens soucieux de disposer d'une sécurité renforcée et d'une vraie police de proximité.

L'orateur rappelle quelques grandes étapes de l'action de l'Union en matière de réforme de la police :

­ L'accord du 6 mars 2001 confirme le principe de la neutralité budgétaire, grâce à la solidarité interzonale dégressive qui vaut pour toutes les zones, à l'exception de celles qui sont considérées comme ayant sous-investi, et qui sont les moins pauvres.

­ La rencontre du 4 juillet 2001 entre l'Union et le ministre de l'Intérieur a permis de démontrer, sur la base de chiffres récoltés par l'Union, que le surcoût moyen d'un policier wallon dépassait de plusieurs centaines d'euro le coût estimé par le gouvernement à 3 470,50 euros. L'Union a donc pu constater que la neutralité budgétaire promise par le gouvernement n'était pas respectée et le gouvernement a admis que l'analyse de l'Union est globalement correcte.

­ Le 21 novembre 2001, le gouvernement a adopté le principe de ce qui deviendra les surcoûts admissibles.

­ Le 11 juin 2002 le gouvernement fédéral a demandé aux Unions des villes et communes de marquer leur accord concernant les surcoûts admissibles en matière de réforme des polices. Le premier ministre avait fait comprendre que, sans accord des Unions sur les paramètres relatifs aux surcoûts admissibles, toute décision sur la reprise des tâches par le niveau fédéral ainsi que l'intervention de l'État pour un montant de 25 millions d'euros resteraient bloquées.

Les Unions des villes et communes se sont donc vues obligées de marquer leur accord sur les paramètres du gouvernement déterminant les surcoûts admissibles. Le financement prévu est 24 789 352,47 euros à la dotation des communes dont environ 14 millions d'euros pour les zones wallonnes.

L'Union wallonne, à l'unanimité des représentants des quatre partis, le MR, le CdH, Ecolo et le PS, a alors donné son aval à l'accord, au respect, notamment des quatre conditions suivantes :

1. Que les chiffres relatifs au financement par le gouvernement soient transmis aux zones dans les meilleurs délais et que celles-ci disposent de dix jours pour y réagir.

2. Que si les montants de la dotation que le gouvernement transmettra aux zones de police font apparaître une situation particulièrement grave dans certaines zones, l'Union pourra encore en 2002 alerter le gouvernement.

3. Que la dotation attribuée constitue un minimum en dessous duquel on ne peut pas aller.

4. Qu'une évaluation prévue en septembre 2003 permette de réorienter les mesures arrêtées.

­ Comme suite à la décision du gouvernement relative à la prise en charge des surcoûts admissibles, l'Union a convoqué les bourgmestres des villes et communes de Wallonie le 11 juillet 2002 après avoir préalablement déterminé une grille des surcoûts réels de la police locale à compléter dans toutes les zones. Toute une série de paramètres ont été arrêtés afin d'avoir un dossier objectif. Il en ressort que le déficit réel des zones wallonnes s'élève à 44 620 834,45 euros en frais de personnel et de fonctionnement.

En outre, les zones investissent pour un montant de 29 747 222,97 euros alors que l'intervention du niveau fédéral ne s'élève qu'à 2 478 935,24 euros.

Les surcoûts réels doivent d'autant plus être pris en considération par le gouvernement fédéral pour la simple raison que les zones le plus en difficulté estiment qu'elles seront tout simplement en cessation de paiement dès le mois d'octobre 2002.

L'Union a dégagé les huit pistes suivantes, qui ont un impact financier fort important et qu'elle va défendre auprès du pouvoir niveau fédéral :

1. Les zones « doublement » déficitaires

La situation des zones déficitaires, c'est-à-dire les catégories 2 et 6, est lourdement aggravée par l'ajout, à leur position déficitaire de départ, de la charge des surcoûts non admis.

L'Union demande que le pouvoir fédéral finance intégralement les montants des surcoûts admissibles qu'il a calculés sur la base de l'effectif présent sur le terrain. Concrètement, 22 zones wallonnes, près d'une zone wallonne sur trois, se retrouvent dans cette situation.

La situation des zones déficitaires en catégorie 6 n'est pas meilleure. En effet, le déficit de plusieurs d'entre-elles est à ce point critique qu'elles vont se retrouver en cessation de paiement. Ici aussi le niveau fédéral doit remédier à son sous-financement structurel.

2. Les anomalies du financement

En dehors des zones en des catégories 2 et 6, il y a plusieurs zones dont les surcoûts non admis sont exceptionnellement élevés parce que leurs spécificités n'ont pas été suffisamment prises en compte dans la dotation fédérale. Il s'agit entre autres d'éléments tels que la présence d'une université, des prisons, la proximité de la frontière, le tourisme, etc. Le pouvoir fédéral doit en conséquence résoudre cette situation.

3. Les agents de proximité

Le renforcement de la police de proximité constitue un des axes essentiels de la réforme de la police. Cet effet ne se fait aucunement sentir dans la plupart des zones.

Le gouvernement doit prioritairement financer, conformément au statut « Mammouth », l'allocation de proximité pour les agents de quartier, d'accueil et d'intervention. L'Union demande dès lors au pouvoir fédéral de prendre une mesure corrective par la suppression du plafond de financement du surcoût à 1 agent pour 2/3/4 000 habitants.

4. Le chef de corps

Le traitement et l'allocation de chef de corps est un surcoût imposé par la réforme, il doit dès lors être financé par le niveau fédéral.

5. Le fonctionnement intégré

Les zones ont perdu le soutien administratif et logistique de 700 personnes, alors qu'elles doivent donner 580 agents pour la coordination; ce coût devra dès lors être assumé par le pouvoir fédéral.

6. Les frais de fonctionnement et d'investissement

L'intervention du pouvoir fédéral à raison d'un forfait de 1 660,88 euros par ex-gendarme, doit être portée au montant moyen des frais de fonctionnement réels des ex-brigades. En outre, la quote-part dans les frais d'investissement de 818,04 euros par ex-gendarme doit être portée à un pourcentage important des investissements réels de chaque zone.

7. Les inconvénients occasionnés par les heures supplémentaires, les prestations de weekend et de nuit

Les plafonds des inconvénients ont été fixés sur une année de référence non pertinente, ce qui leur enlève toute correspondance à la réalité actuelle. Le niveau fédéral doit donc rechercher une nouvelle base valable. Si l'année 2000 a été considérée comme non-pertinente par le pouvoir fédéral, il convient de souligner que 1999 n'était pas non plus pertinent. L'Union propose dès lors que les plafonds des inconvénients soient refixés sur la base de la moyenne des années 1999-2000.

8. L'appui fédéral

Les communes attendent que le niveau fédéral s'engage sans délai sur une clarification de la répartition de l'appui, par type d'aide et par zone et sur un fonctionnement effectif de cet appui au moyen d'un secrétariat social GPI, d'un service d'avis comptable et juridique, des marchés publics de la police fédérale, etc.

Par ailleurs, il est impératif de prévoir une première réunion de la Commission d'accompagnement de la réforme des polices dans les plus brefs délais, et en tout cas avant la fin septembre 2002.

4.2. Échange de vues

M. Wille souligne qu'il existe une grande similitude entre la manière dont la réforme des polices est opérée en Région flamande et en Région wallonne. La réforme doit cependant reposer sur une concertation globale entre le pouvoir fédéral et les administrations locales.

La discussion sur la réforme des polices s'inscrit dans le cadre du débat sur la répartition des tâches essentielles entre l'autorité locale et l'autorité supralocale. Les autorités locales devront assumer un certain nombre de tâches supplémentaires, ce qui nécessite une augmentation de leurs moyens par des recettes fiscales. Cette augmentation n'est possible que si elle s'accompagne d'une diminution des recettes fiscales à d'autres niveaux de pouvoir, de manière que cette opération fiscale soit neutre. L'intervenant souhaiterait savoir si les unions des villes et des communes sont disposées à mener ce débat global.

M. Taminiaux répond qu'il est disposé à participer à cette discussion mais qu'il convient d'assurer un financement approprié des surcoûts au niveau local causés par la réforme des polices.

Mme De Schamphelaere souligne que, le 19 juillet, le gouvernement a dégagé un crédit de 28,3 millions d'euros. Elle demande si le gouvernement a tenu compte pour a faire du surcoût exact tel qu'il a été calculé par l'Union des villes et communes de Wallonie.

M. Taminaux répond qu'une concertation avec le gouvernement fédéral sur les surcoûts et le financement de la réforme se fera ultérieurement.

M. Malmendier souhaite savoir pourquoi la moyenne entre 1999, qui était une année normale en termes de prestations policières et 2000, qui était une année surchargée en termes de missions policières, a été retenue. L'orateur se demande si l'Union a été consultée sur la revalorisation des salaires. Le membre s'inquiète du fait que les différents niveaux de pouvoir mènent une politique de revendication. Cela pourrait saper le moral des policiers et risque de créer une image publique défavorable de la police.

M. Taminiaux répond que l'Union n'a pas été consultée en ce qui concerne la revalorisation des traitements des policiers.

M. Wille souligne qu'il existe de grandes différences de moyens financiers entre les communes. Cela peut être dû non seulement à la politique menée, mais aussi, parfois, à des circonstances fortuites. Cette inégalité est corrigée grâce au caractère redistributif des fonds communaux, en vertu du principe de la solidarité fiscale. On ne peut toutefois se borner à considérer ce problème de financement comme relevant purement du fédéral; on doit le résoudre dans le cadre du débat global sur le financement de tous les pouvoirs locaux.

Les communes revendiquent une augmentation exponentielle de leurs moyens financiers et ne sont disposées à débattre qu'ensuite de la répartition des tâches essentielles entre les communes, les régions et le fédéral.

M. Taminaux répond qu'au niveau institutionnel, la Commission des « 27 », composée de 9 parlementaires, 9 représentants des villes et des communes et 9 représentants du gouvernement wallon, est chargée d'étudier les lignes directrices en ce qui concerne la répartition des tâches entre les différents niveaux de pouvoir en région wallonne.

Il souligne que les moyens financiers qui proviennent de la fiscalité communale varient d'une commune à l'autre à cause de la différence dans les rendements liés aux taux de fiscalité. De plus, le fonds des communes qui assure en grande partie le financement des communes sera réformé en 2004 afin de mieux répondre aux réels besoins de terrain des communes.

5. AUDITION DE M. LEBON, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU SYNDICAT DE LA POLICE BELGE (SYPOL)

5.1. Introduction

M. Lebon explique que son organisation syndicale fait partie du conseil d'administration de la police belge qui est une émanation de l'ancien syndicat belge de la police judiciaire. Elle a été formée dans le cadre de la fusion des polices et compte à l'heure actuelle plus de 2 500 membres.

5.2. Revendications

5.2.1. Au niveau du statut policier

L'intégration des différents corps de police n'est pas toujours assortie de l'adaptation des statuts existants. Cette situation donne lieu à des conflits notamment entre les anciens gendarmes de la BSR et les anciens agents de la police judiciaire au niveau des interactions humaines. Ces problèmes doivent impérativement trouver une solution au niveau statutaire mais sans répercussions budgétaires.

L'orateur explique que, conformément à la nouvelle répartition du personnel policier, les anciens officiers de la police judiciaire, qui appartenaient au niveau 2+ sont à l'heure actuelle incorporés dans le niveau deux. Ceci constitue une dévalorisation considérable aux niveaux financier et humain.

5.2.2. Au niveau de l'efficacité de l'institution policière

L'orateur rappelle que c'est son syndicat qui a révélé l'opération « Othello » qui a mené à la commission d'enquête « Dutroux » en 1996. Cette commission d'enquête, à son tour, a donné lieu à la réforme des polices.

L'intervenant signale qu'il ressort d'une pré-audit effectuée, il y a un an et demi, par son organisation syndicale que des problèmes d'excès de bureaucratie et d'absence de « nouvelle culture policière » perdurent à l'heure actuelle (38 000 fiches doivent être remplies par jour par le personnel répertoriant les actes accomplis). Le travail de terrain en souffre considérablement. Au niveau local, une pénurie aux niveaux financier et opérationnel se fait sentir.

Le « Computer Crime Unit » affiche un manque d'équipage informatique et d'effectifs. Il en ressort qu'un tiers du personnel effectue des missions administratives.

Tous les observateurs estiment que la police scientifique doit assumer des missions de vérification de faits portant sur des actes punissables. Pour établir ces faits, la police fait, à l'heure actuelle, uniquement appel à des informateurs, dont la fiabilité est souvent douteuse.

Il ressort d'une note, émanant du commissaire général et qui date de début juillet 2002, que le suivi des recommandations formulées par le monde politique en matière de sécurité ne peut pas être assumé par la police fédérale, faute de moyens financiers et matériels.

L'orateur souligne l'importance d'une bonne communication entre les différents services policiers d'une part et entre le service policer et les autorités judiciaires d'autre part, afin de garantir des enquêtes efficaces.

Les ministres de l'Intérieur et de la Justice entendent réorganiser les services policiers qui font partie du dispositif de lutte contre le terrorisme.

5.2.3. Au niveau du dispositif de contrôle

Afin de lutter contre l'excès de bureaucratie, il convient de mettre en place un management souple et efficace qui permettrait de réduire le volume du travail administratif. De cette façon, le manque de capacité sur le terrain pourrait être pallié. Il convient notamment d'éviter de réduire les services policiers de garde pendant la nuit et le weekend. Or, il faut renforcer l'effectif afin d'assurer le fonctionnement ininterrompu des services policiers.

L'intervenant souligne qu'à l'heure actuelle, le syndicat prépare un préavis de grève.

5.3. Discussion générale

Mme Thijs se demande si Sypol peut offrir une solution pouvant remplacer la bureaucratie excessive au sein des services de police. Elle demande à pouvoir consulter le préaudit auquel M. Lebon fait référence, pour examiner les recommandations qui y sont faites.

Mme Nyssens voudrait savoir si la réforme est praticable en soi, en dehors de la question des moyens financiers pour la mettre en oeuvre.

L'oratrice demande si, étant donné que les sources internes d'effectifs sont épuisées, le recrutement externe est mis en route.

M. Verreycken demande si M. Lebon peut confirmer qu'il y a beaucoup moins d'agents effectuant des patrouilles dans les rues depuis la réforme des polices.

M. Lozie demande s'il y a des indices d'un problème de communication dus à une « guerre interne » larvée au sein des services de police intégrés. Il demande par ailleurs si on examine formellement la question, parce qu'une éventuelle rétention d'informations pourrait compromettre des enquêtes policières.

Mme Leduc souhaite savoir si l'on développe, au sein des services de police, un esprit de corps qui favorise le bon fonctionnement des services. Elle estime qu'actuellement, les services de police sont beaucoup trop préoccupé par leur propre situation en matière de personnel et de moyens.

Mme Lizin estime qu'il faut effectuer un choix, soit on renforce les prestations policières de terrain, soit on crée un nouveau service administratif. Le membre souhaite connaître le contenu d'une lettre adressée à la direction de la police judiciaire (Dir. Ju) à propos du pourcentage très élevé du personnel affecté à des tâches administratives. Elle demande comment la direction de la police entend insuffler l'esprit de la réforme à leurs services.

M. Lebon répond que la réforme en soi constitue un progrès mais que la mise en pratique d'une nouvelle culture policière pose problème. Bien qu'il ne soit pas question d'une vraie guerre policière, un conflit larvé persiste. L'audit POSC, qui recommande un management décentralisé et la mise en place d'une nouvelle culture, n'a pas été suivi dans les faits.

M. Callens, secrétaire général adjoint de Sypol, estime qu'il y a suffisamment de moyens financiers et de personnel, mais que leur affectation est mauvaise. Un allègement de l'« hyperbureaucratisation » permettrait de faire patrouiller un plus grand nombre d'agents. L'intervenant trouve qu'il foudrait remplacer le slogan « plus de bleu dans la rue par « le bleu doit être plus présent dans la rue ».

Il répond à Mme Leduc que Sypol ne pose aucune exigence financière et qu'on ne peut lui reprocher aucun manque de fierté professionnelle.

Selon l'intervenant, ce son surtout les anciens gendarmes qui éprouvent beaucoup de mal à s'adapter à la nouvelle police intégrée, et ce, en raison de leur esprit de corps très développé. Il souligneque la nouvelle structure complexe des services de police enttrave une véritable intégration.

Mme Leduc souligne que la population attend beaucoup des services de police et que ceux-ci dovient dès lors faire montre de fiérté professionnelle.

Mme Taelman constate qu'au niveau de la police fédérale se pose un problème de management financier. À l'échelon local, on enregistre de bons résultats dans les zones où le personnel et les moyens financiers sont utilisés efficacement. Elle demande à M. Lebon s'il peut souscrire à ces constatations. Elle demande également si les grandes zones, qui disposent de plus de moyens financiers et de plus de personnel, sont favorisés.

M. Lebon répond que l'appréciation de la situation des polices aux niveaux fédérale et locale, faite par Mme Taelman correspond à la réalité. L'orateur affirme que les grandes zones dont l'effectifs et les moyens financiers sont élevés fonctionnent en général moins bien que les zones dotées d'un budget et d'effectifs plus limités. Cependant, les petites zones, à étendu géographique très limité, où le taux de criminalité est bas, fonctionnent de manière efficace.

L'intervenant estime que ce ne sont pas en premier lieu les anciens membres de la police judiciaire et de la gendarmerie qui entrent en conflit mais que les rivalités se situent plutôt au sein des nouvelles structures créées dans le cadre de la réforme des polices.

M. Verreycken demande si les services de police ene devraient pas se borner à accomplir leurs missions essentielles qui consiste notamment à réprimer et à contrôler et s'ils ne devraient pas, si oui, se décharger d'une série de tâches accessoires. Cela permettrait en tout cas de clarifier les choses et de développer un esprit de corps.

M. Lebon précise que le corps d'auxiliaires de police remplit des missions policières préventives sur le terrain dont le contrôle des parcmètres. Il s'agit d'une présence policière dissuasive. L'orateur déplore qu'à l'heure actuelle, la privatisation de leurs tâches soit prise en considération.

M. Callens répond que l'esprit de corps est inculqué dès l'instruction policière. C'est vrai en tout cas pour ce qui est de l'ancien corps de gendarmerie. En ce qui concerne l'ancienne police communale, il n'en était ainsi qu'à l'échelon local. L'intervenant souligne que l'esprit de corps au sein des nouveaux services de police doit se développer progressivement. Il estime qu'il serait préférable que les services de police se bornerait à accomplir leurs tâches essentielles. C'est pourquoi les missions de prévention doivent confiées non pas à la police fédérale ou à la police locale, mais à du personnel civil comme les chômeurs mis au travail, parmi lesquels des stewards urbains.

L'intervenant conclut qu'il conviendrait d'envoyer dans la rue le plus grand nombre possible de policiers plutôt que de charger le personnel d'analyses interminables des nouvelles structures policières.

6. AUDITION DE M. BRICE DE RUYVER, EXPERT AUPRÈS DE LA CHANCELLERIE ET DES SERVICES DU PREMIER MINISTRE (17 DÉCEMBRE 2002)

M. De Ruyver constate qu'une grande partie des recommandations correspondent aux préoccupations du gouvernement. Le Conseil des ministres transformera d'ailleurs cette semaine une série de recommandations en décisions.

6.1. Introduction

La discussion relative aux aspects financiers et opérationnels de la réforme des polices a beaucoup évolué. Un accord a été conclu le 11 juin 2002, depuis celui de mars 2001. Le 6 décembre 2002, le gouvernement a décidé de dégager un crédit supplémentaire pour exécuter cet accord. Ce dernier permet aux zones de soumettre leurs problèmes opérationnels et financiers, sous la forme d'un dossier individuel, à une commission d'évaluation, qui a préparé également la décision du 6 décembre 2002.

135 zones ont introduit pareil dossier. En tout, on prévoit un crédit supplémentaire de 40 millions d'euros.

En outre, on fera un effort supplémentaire en ce qui concerne une série de paramètres : l'intervention pour le corps de sécurité, l'indemnité intégrale destinée au comptable spécial, l'indemnisation pour moitié du chef de corps externe et du secrétaire.

À cet égard, on ne saurait oublier que la modification d'une série de paramètres a donné lieu à une augmentation des moyens de fonctionnement, à l'octroi d'une aide à une série de zones très pauvres et à une intervention concernant les heures supplémentaires.

On a pu effectuer ainsi une évaluation très objective, qui a fourni de nombreuses informations. Les membres de la commission d'évaluation ont dès lors l'impression que la réforme des polices évolue favorablement sur le terrain. Un grand nombre de zones parviennent à assurer une fonction de police convenable avec peu de moyen opérationnels, ce qui plaide en faveur de la qualité des chefs de zone et des bourgmestres.

Il faut donc estimer à leur juste valeur les efforts fournis par les zones. Pourtant, celles qui ont déployé de gros efforts par le passé n'ont pas été autant récompensées qu'on le dit parfois. Il renvoie, à cet égard, aux grandes villes, qui ont toujours considérablement investi dans leur corps de police. Sur la base de la dotation fédérale et de toutes les mesures qui ont été prises, elles reçoivent une aide fédérale non négligeable. Toutefois, force est de relativiser cette aide quand on constate que des zones qui n'ont pas fait suffisamment d'efforts par le passé sont quand même traitées très généreusement.

En raison de la distinction faite en fonction de la capacité financière des zones (Q1 et Q2), les zones pauvres bénéficient d'une aide considérable grâce à de nombreuses mesures. On n'exige pas davantage des zones plus riches (Q3 et Q4) ce qu'on pourrait raisonnablmeent exiger d'elles. La situation est encore telle que certaines zones rurales font des efforts très raisonnables. Dans la zone riche autour de Gand, on consacre entre 2 500 et 2 700 francs par habitant à la fonction de police. Ce montant est toujours substantiellement inférieur à ce qu'investit la zone de Gand, à savoir environ 10 000 francs par habitant.

Cela montre que l'effort demandé aux communes riches est très raisonnable et cela plaide en faveur du mécanisme de solidarité qui figure dans l'accord de mars 2001 conclu avec les villes et communes. Ce mécanisme de solidarité sera démantelé sur une période de douze ans et remplacé par un système de solidarité fédérale. Entre-temps, ce mécanisme a montré son efficacité.

7. LES RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION

M. De Ruyver estime que la formulation des recommandations sur la perception qu'a le citoyen du coût de la réfome des polices est un peu trop vigoureuse. Quand on explique la réforme aux citoyens de notre pays, chacun d'entre eux comprend que pour assurer la sécurité, il faut un investissement. L'effort doit être équivalent pour tous les citoyens en fonction de la zone dans laquelle ils vivent (degré d'urbanisation, capacité financière).

Dans deux ans, on n'utilisera plus la norme de la KUL, mais bien une norme qui variera en fonction du type de zone. Une zone d'un certain type sera censée fournir un certain effort. C'est la seule manière d'organiser un système équitable pour tous.

Les décisions prises cette semaine par le Conseil des ministres devront permettre d'accroître substantiellement les capacités opérationnelles des zones. On permettra même aux petites zones d'engager un maximum de policiers sur le terrain. On a également pris des mesures spécifiques concernant la police de proximité, car celle-ci constituait manifestement un point faible. En raison du statut de la police, la police de quartier est devenue moins intéressante et il est devenu très difficile de faire travailler les agents dans le cadre de celle-ci.

Il faut nuancer le slogan « plus de bleu dans les rues ». On entend surtout assurer un fonctionnement plus ciblé de la police. On a remarqué, à la commission d'évaluation, que même les petites zones concèdent qu'elles disposent à présent de services d'enquête, alors que tel n'était pas le cas par le passé. Les services d'enquête travaillent en civil, ce qui fait qu'il n'y a, certes, pas davantage de bleu dans les rues, mais ils assurent un service de police en faveur de la communauté.

7.1. La norme de la KUL

En ce qui concerne la norme de la KUL, M. De Ruyver rappelle qu'il a été convenu, avec les villes et communes, d'installer un comité d'accompagnement permanent. Celui-ci ne s'est pas encore réuni, car on a accordé, jusqu'à présent, la priorité à la commission d'évaluation. Toutefois, le comité d'accompagnement commencera à travailler à partir de janvier 2003. Une de ses missions principales sera de corriger la norme de la KUL, car il s'est avéré que les paramètres actuels ne répondent pas suffisamment aux besoins opérationnels.

Dans la décision du 6 décembre 2002, on a par exemple modifié deux paramètres : le facteur frontière et le facteur tourisme. Il est clair que ces deux éléments renforcent les besoins opérationnels. À cet égard, il faudra par exemple affiner la notion de « frontière ». Jusqu'à présent, il ne s'agissait que des frontières du pays. Toutefois, il y a des raisons de considérer également comme des régions frontalières celles qui se situent à la limite entre deux régions, car elles subissent les effets de la criminalité « transfrontalière ». Tel est notamment le cas de la région liégeoise, du sud de la Flandre occidentale et du nord d'Anvers. On adaptera donc sous peu la norme de la KUL.

Quand on connaîtra les comptes de l'année 2002, on pourra examiner également si l'opération est un succès au point du vue budgétaire.

7.2. Les aspects financiers

Pour ce qui est de la question de la neutralité budgétaire pour les communes, M. De Ruyver souligne que le gouvernement demande aux zones qui n'ont pas assez investi dans la fonction de police par le passé de fournir des efforts. Il faut toutefois relativiser leur charge financière : l'effort demandé est très relatif par rapport aux normes urbaines. Les zones riches qui n'ont guère déployé d'efforts par le passé (les zones Q4), principalement, devront en tout cas faire des efforts supplémentaires. Il n'est pas acceptable que ces zones investissent quatre fois moins que les grandes zones.

On constatera qu'en raison des efforts considérables consentis, et de l'amélioration de la collaboration entre la police et les parquets dans les grandes zones, les phénomènes criminels se manifesteront dans les zones qui n'auront pas assez investi.

En ce qui concerne le surcoût acceptable, M. De Ruyver regrette que le président de la Vlaamse Vereniging van steden en gemeenten affirme que les 40 millions d'euros supplémentaires promis par le gouvernement le 6 décembre 2002 ne sont en réalité que 12 millions d'euros, parce qu'il faudrait en déduire les moyens supplémentaires qui avaient été promis en mars 2002. M. De Ruyver souligne qu'il s'agit bel et bien de 40 millions supplémentaires. De plus, ces moyens seront récurrents.

Pour une série de postes, ces moyens pourraient encore augmenter. À cet égard, la commission a attiré l'attention à juste titre sur les coûts générés par l'informatisation. Ainsi se demande-t-il si l'aide fédérale, qui s'élève actuellement à 2,6 milliards de francs, suffira à couvrir les besoins en matière d'informatisation. Il craint dès lors qu'il faille augmenter l'aide fédérale dans ce domaine, car cette informatisation est importante pour les capacités opérationnelles de la police.

Actuellement, les frais de personnel de la police sont trop élevés par rapport aux frais de fonctionnement et aux investissements. En tout cas, il faudra s'attacher à modifier le rapport entre ces coûts.

Il doute que cela signifie que le niveau fédéral devra aussi supporter le coût des véhicules. Dans le passé, la police communale devait également prendre en charge son propre parc automobile.

Les moyens matériels qui ont été transférés du niveau fédéral aux zones de police ne sont certes pas considérables, mais il estime que la contribution du pouvoir fédéral doit suffire aux besoins que les zones éprouvent sur ce plan.

M. De Ruyver se retrouve tout à fait dans la recommandation d'élaborer un plan d'investissements pluriannuel, mais il souligne que la réforme des polices a été réalisée, par la force des choses, grâce aux efforts énormes consentis à chaque niveau. Dès qu'on sera fixé sur le coût global, il faudra effectivement établir un plan d'investissements pluriannuel. Il souligne toutefois que la contribution financière fédérale est considérable. Grâce à cet effort, même les zones les moins bien nanties pourront, à terme, compléter leurs effectifs.

7.3. Mesures sociales

Sur le plan tant financier que social, le statut de la police est très attrayant. C'est un fait qui peut se justifier pour autant que la qualité du service est du même niveau.

Il se réjouit de l'engagement des bourgmestres et des parquets dans l'application de la réforme des polices. Si l'on veut qu'elle réussisse, on devra élaborer un plan d'investissements à long terme.

L'intervenant souligne que les pouvoirs publics s'efforcent de compléter les effectifs des petites zones.

Il faut cependant négocier avec les syndicats sur un assouplissement du statut. Une circulaire sera publiée sous peu concernant le renforcement de la collaboration interzonale des petites et des grandes zones de police. Les petites zones bénéficieront de ce fait d'une capacité renforcée sur une base structurelle, ce qui est également avantageux pour les grandes zones.

Le vendredi 20 décembre 2002, le Conseil des ministres examinera un avant-projet d'arrêté royal permettant aux chefs de zone de déroger aux normes minimales s'ils collaborent. De cette manière, on peut en effet réaliser des économies en ce qui concerne les moyens matériels à engager. Les syndicats locaux doivent toutefois donner leur accord à l'assouplissement des horaires.

La capacité hypothéquée sera dorénavant (MFO2bis) fournie uniquement à l'intérieur de la province en question. De plus, pour des événements commerciaux, le coût de l'intervention policière pourra être facturé à la zone concernée. Cela a de l'importance étant donné le coût élevé de rassemblements de masse, comme par exemple les concerts pop.

L'intervenant renvoie au projet de loi portant création de la fonction d'agent de sécurité en vue de l'exécution des missions de police des cours et tribunaux et de transfert des détenus (doc. Chambre, nº 50-2001/006), dont le texte a été adopté par l'assemblée plénière de la Chambre des représentants le 5 décembre 2002. Si le Sénat devait ne pas évoquer le projet de loi, il pourrait rapidement devenir loi et être exécuté sur la base des arrêtés déjà mis au point.

Il a été décidé le 6 décembre 2002 d'octroyer une compensation financière aux zones pour les agents de sécurité qu'elles se veront affectés conformément au projet de loi précité. De cette façon, les zones qui ont des prisons sur leur territoire recevront une intervention financière considérable, ce qui profitera à la capacité opérationnelle.

7.4. Discussion générale

M. Moureaux s'inquiète du fait que le gouvernement veut réaliser l'assouplissement du cadre en imposant une collaboration entre les zones. Il se demande si Bruxelles sera considérée comme une province et si, le cas échéant, sa capacité hypothéquée sera limitée au territoire de la province.

La répartition des moyens financiers n'a finalement n'a finalement pas compensé les efforts pécuniaires déjà réalisés par les grandes zones.

Bien que nombre de zones de police de Bruxelles ont pu réliser des économies à cause du fait que les cadres des services de police ne sont pas remplis, la situation risque de rebondir quand les cadres se rempliront dans les villes.

Le membre estime cependant que l'efficacité des bigrades judiciaires s'est considérablement accrue. De plus, la lutte contre les marchands de sommeil et les auteurs d'infractions en matière d'urbanisme ont produit des résultats intéressants.

En revanche, l'orateur estime que la diminition de la présence de policiers dans les rues donne lieu à une augmentation de la criminalité. Il accentue que la présence d'uniformes bleus, même celle des gardiens de parc, a un effet dissuasif.

M. De Ruyver répond que l'application de la réforme des polices doit chaque fois être adaptée à l'évolution de la société et de la criminalité.

L'intervenant estime qu'il est de la plus grande importance d'améliorer la gestion de la sécurité à Bruxelles. Les zones de police de Bruxelles se chargeront du maintien de l'ordre uniquement à Bruxelles même. Elles collaboreront toutefois avec la police fédérale pour ce qui est du maintien de l'ordre lors des Sommets européens.

L'intervenant s'en réjouit et marque son accord sur la recommandation de réintégrer dans la capacité de réserve les quelque 300 hommes qui sont actuellement chargés d'escorter les transports de fonds.

En général, la réforme a mené à une détérioration préoccupante de la situation du paysage policier. Il faut pallier la perte d'effectifs utilisables par le recrutement.

Mme Nagy estime que la formation et le recrutement des policiers autochtones et allochtones doivent être décentralisés.

M. De Ruyver répond que, dans un premier temps, les allochtones seront affectés au cadre auxiliaire, parce que le pas vers le cadre de base est souvent trop difficile à franchir. Le cadre auxiliaire revalorisé est surtout affecté à la circulation. Dans un délai de trois ans, les agents du cadre auxiliaire peuvent passer au cadre de base. Ainsi, on résout du même coup le problème du manque d'allochtones et de recrutements.

Mme Lizin estime, qu'en ce qui concerne les CALOGS, les zones devraient être plus indépendantes.

Mme Thijs insiste pour la formation des agents de police soit essentiellement la même pour toutes les zones. Elle demande comment l'on réglera en pratique le remboursement de l'assistance qu'une zone a fournie à une autre. Elle craint qu'en raison des lourdes obligations administratives, les agents de police ne puissent plus être si souvent présents dans la rue. En outre, le fait d'avoir porté le nombre de jours de congé de 24 à 36 risque de porter atteinte à l'efficacité du travail de police.

M. De Ruyver répond que, si les comités de négociation locaux sont suffisamment souples, l'on pourra faire face à l'augmentation du nombre de jours de congé. Il faut toutefois exercer un contrôle strict en cas de maladie et en ce qui concerne les personnes qui ne sont pas totalement opérationnelles. Grâce à la collaboration interzonale, il est toutefois possible d'arriver à une capacité supplémentaire sans qu'il faille toucher au concept de la police unitaire. Cette collaboration bénéficie d'ailleurs d'un encadrement de la part des gouverneurs de province.

L'intervenant estime qu'il est nécessaire d'uniformiser la formation.

M. Wille demande si les membres de la commission pourraient disposer du rapport relatif à l'évaluation des zones, de manière à pouvoir procéder à une appréciation annuelle.

M. De Ruyver répond que ce rapport est mis à la disposition des membres (cf. l'annexe).

8. RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION

Les travaux de la commission avaient pour but de vérifier si le financement prévu par l'État fédéral était suffisant pour mener à bien la réforme des polices.

Dès le départ, il était prévisible que, vu son ampleur et sa complexité, cette réforme entraînerait de sérieux problèmes sur le terrain. Et le bref délai imparti pour réaliser cette réforme n'a rien arrangé.

La discussion a porté essentiellement sur le coût financier de la réforme des polices. À cet égard, il s'est agi ­ et il s'agit toujours ­ de tendre vers un équilibre acceptable entre les intérêts locaux et les intérêts fédéraux.

Dans ce débat, il ne faut toutefois pas perdre de vue que la police et la sécurité locales ont toujours fait l'objet, par le passé, d'investissements très irréguliers. Dans le cadre de cet exercice d'équilibriste, un des principes de base est dès lors de ne pas récompenser les mauvais élèves de la classe.

Il est clair que l'État fédéral a fourni de sérieux efforts pour répondre aux objections justifiées des villes et des communes, comme en témoignent, par exemple, l'accroissement considérable des moyens fédéraux, l'allègement du travail de la police locale (libérée d'un certain nombre de tâches telles que le transport des détenus, certaines missions de recherche, etc.) et la renégociation de l'arrêté « Mammouth ». En outre, un accord a été conclu en vue du suivi et de l'évaluation permanente des coûts. Un premier rapport offrant de larges possibilités d'adaptation est prévu pour septembre 2003.

La question de savoir qui prendra en charge quels types de coûts dans le cadre de la réforme des polices est une discussion qui intéresse tous les niveaux de pouvoir concernés. Mais ce qui contrarie surtout le citoyen moyen, c'est qu'il payera de toute façon la facture de cette réforme. Cette irritation est d'autant plus vive que les beaux espoirs suscités par l'accord octopartite, plus particulièrement en ce qui concerne la visibilité et la présence de la police, n'ont pas été rencontrés.

Il est dès lors absolument nécessaire de juger la réforme des polices non pas à l'aune de ses répercussions financières, mais de son contenu. Les auditions ont, en effet, clairement montré que la présence policière en rue n'a pas augmenté, comme elle aurait dû le faire conformément à ce qui était pourtant une priorité évidente de la réforme.

Nous constatons que, récemment, des groupements extrémistes d'allochtones ont estimé nécessaire de contrôler les services de police quant à d'éventuels actes « racistes ». La commission trouve cela inacceptable. Toutefois, il doit être clair que le racisme et la xénophobie n'ont pas leur place dans les corps de police. Dans le passé, diverses villes ont d'ailleurs fourni des efforts marqués dans ce sens. Il nous semble dès lors indiqué que le ministre de l'Intérieur confirme explicitement ce principe et soutienne et encourage, là où c'est nécessaire, les efforts fournis en la matière.

8.1. La norme KUL

1. La norme KUL applicable doit être évaluée et actualisée chaque année sur base de paramètres objectifs. Elle doit être affinée pour la fin de 2003 au plus tard, et il y aurait peut être lieu de tenir compte de nouveaux paramètres.

8.2. Aspects financiers

2. La commission attire l'attention du gouvernement quant à la poursuite de l'examen des problèmes financiers et opérationnels. Il est en effet indispensable de rappeler l'engagement du ministre de l'Intérieur quant au respect du principe de neutralité budgétaire pour les finances des communes.

3. Le surcoût total de la réforme des polices doit être pris en charge par le gouvernement fédéral, non seulement pour 2002 et 2003, mais aussi pour les années suivantes.

4. Il convient de se mettre d'accord sur le sens de la notion de « surcoût acceptable » à charge de l'État fédéral.

5. Les investissements pour les futurs véhicules et autre matériel sont des investissements récurrents alors que le financement prévu actuellement est ponctuel.

La commission recommande que soient dégagés les crédits nécessaires au fonctionnement intégral des services de police et soit établi un plan pluriannuel d'investissement qui permette la planification opérationnelle.

6. La commission de l'Intérieur recommande que soient prises les mesures notamment budgétaires qui permettront de remplir le cadre des zones de police.

8.3. Mesures sociales

7. La divergence dans le régime de pensions des membres des anciens corps doit, dans un premier temps, être atténuée, et, ensuite, éliminée dès que possible.

8. L'incidence des dispositions statutaires de l'arrêté Mammouth doit être examinée et reliée à un certain nombre de réalités sur le plan de la disponibilité opérationnelle annuelle du personnel, compte tenu des jours de maladie, de congé, de formation, etc.

9. La cotisation sociale doit être intégrée dans la dotation de base et un système de répartition nuancé devrait être trouvé qui tienne compte des capacités financières des diverses communes.

8.4. Aspects administratifs

10. La commission attire l'attention du ministre sur le nombre, le style particulièrement obscure et ambigu et les nombreuses erreurs juridiques contenues dans les circulaires adressées aux chefs de zone et aux bourgmestres. La commission demande au ministre de prendre les mesures nécessaires pour qu'à l'avenir, les circulaires soient rédigées de manière claire et compréhensible.

11. Les activités sur le terrain doivent souffrir le moins possible des obligations administratives qui y sont liées. Il n'y a lieu d'envisager la création d'un service administratif local distinct, après évaluation de l'utilisation actuelle des moyens et des heures-homme.

12. Les tâches présentement accomplies par la police mais ne nécessitant pas spécifiquement l'intervention de policiers (comme le contrôle des parcmètres, l'enlèvement et le placement de films dans des caméras), doivent être sous-traitées, en partie au moins, au secteur privé, dans la mesure où l'efficacité des services de police dans l'exercice de leurs missions essentielles s'en trouverait renforcée et où cela n'entraînerait pas ou guère de dépense supplémentaire.

13. La commission recommande également de développer le recours aux agents auxiliaires de police et aux agents de prévention et de sécurité.

14. La commission recommande la simplification des structures administratives des services de police, l'assouplissement des mécanismes de contrôle et l'informatisation accrue des services administratifs des polices locale et fédérale.

8.5. Accords entre la police locale et fédérale

15. La commission constate que l'application concrète de la réforme des polices au niveau local a pour effet de réduire le nombre de policiers dans les rues, ce qui va à l'encontre de l'un des objectifs fondamentaux de la réforme des polices qui est de disposer d'une police de proximité. En effet, les missions et les obligations fédérales que doivent accomplir les services de police locale portent atteinte aux capacités locales. Dès lors, la commission demande au ministre de prévoir un mécanisme de compensation de la charge de travail transférée à la police locale au profit des autorités fédérales.

16. La circulaire relative au calcul de la capacité hypothéquée (grève des établissements pénitentiaires, etc.) doit être revue en profondeur de manière à prévoir, dans tous les cas, le maintien d'effectifs suffisants pour pouvoir garantir la sécurité publique générale.

17. Les zones doivent être dotées de moyens suffisants pour pouvoir assurer le contrôle de la sécurité routière durant les week-ends.

18. La question de la répartition des tâches à la police économique (Office central de lutte contre la délinquance économique et financière organisée de la police judiciaire) doit encore être réglée. Les missions financières et économiques « de moindre importance » ne peuvent pas être confiées par le parquet à la police locale, lorsqu'il s'agit d'affaires particulièrement complexes.

19. Les agents « superflus » au niveau fédéral doivent être transférés au niveau local pour aider aux tâches imposées par la police fédérale à la police locale, lorsque les missions en question sortent du cadre des missions normales.

L'ensemble du système de répartition des tâches doit avoir fait l'objet d'une évaluation pour fin 2003 et la flexibilité doit être améliorée si nécessaire.

20. Il y a lieu de dresser le bilan des divers modes opératoires en usage autrefois à la gendarmerie et à la police, de manière à prendre chaque fois la meilleure comme norme.

21. Une discussion finale s'impose sur la reprise de missions fédérales par le niveau local.

22. Le régime d'assistance mutuelle entre les niveaux local et fédéral doit encore être affiné et, en particulier, le rôle des Dirco.

23. En vue de soulager le niveau local, il convient de mettre sur pied dès que possible un corps de sécurité qui serait chargé des missions de présentation et de surveillance des détenus dans le cadre de la procédure pénale.

24. La commission recommande une simplification hiérarchique des services qui s'occupent de terrorisme et de renforcer considérablement les services anti-terroristes sur le terrain.

8.6. Informatique

25. En ce qui concerne les carrefours d'information d'arrondissement (CIA) et les centres de communication et d'information (CCI) les autorités fédérales doivent définir des règles concernant la protection de la vie privée et de contrôle de celle-ci.

26. Les bases de données et les systèmes informatiques de l'ex-police et de l'ex-gendarmerie doivent être totalement intégrés et rendus compatibles les uns avec les autres le plus rapidement possible.

27. Il faudra évaluer et adapter périodiquement les crédits annuels qui sont affectés aux investissements informatiques pour tenir compte de l'évolution rapide des besoins en la matière, y compris la formation aux nouvelles formes de criminalité et aux nouveaux systèmes informatiques.

8.7. ASTRID

28. ASTRID impose des frais considérables aux communes. Ces frais sont malheureusement imposés en même temps que la réforme.

La commission recommande que les frais de remplacement des ordinateurs seront pris en charge par l'autorité fédérale lorsque la firme SA ASTRID l'estime nécessaire dans quelques années.

29. La commission de l'Intérieur recommande, quant à l'implémentation du système ASTRID, de prévoir une dotation particulière au budget fédéral pour couvrir les frais des villes et communes.

30. Les possibilités du système ASTRID doivent être exploitées pleinement. Il convient d'examiner si une extension à d'autres services de secours est possible et, si oui, quel en serait le coût. Le système devrait être opérationnel sur l'ensemble du territoire vers la fin de l'année 2003.

8.8. Computer Crime Unit

31. Les missions administratives de la « Computer Crime Unit » doivent être réexaminées et cette unité doit être la déchargée du travail purement administratif.

32. Il convient de soumettre les fournitures opérationnelles de la « Computer Crime Unit » à un contrôle spécifique semestriel, de manière à pouvoir tenir compte de l'évolution rapide dans ce secteur. L'unité en question doit disposer des équipements les plus modernes et des plus nouvelles technologies.

33. Des modules de formation spécifiques devront être prévus pour le personnel de la « Computer Crime Unit » et pour les utilisateurs de toutes les banques de données.

8.9. Service à la population

34. Les zones de police doivent être dotées de moyens suffisants pour pouvoir assurer des contrôles de sécurité routière les week-ends.

35. L'augmentation du nombre de jours de congé, qui passe de 24 à 36, ne peut conduire à une perte d'unités sur le terrain.

36. Les effectifs présents la nuit sur le terrain doivent être au moins aussi nombreux qu'avant la réforme, sans quoi on irait à l'encontre de l'objectif assigné qui est de créer une police de proximité.

37. L'insuffisance des effectifs des corps de petite taille ne peut entraîner aucune atteinte à la capacité des grandes zones ni à la capacité des dotations fédérales.

38. Les activités de terrain doivent souffrir le moins possible des obligations administratives liées à ces activités. Il faudra envisager à cet effet la création d'un service administratif distinct, après avoir contrôlé l'affectation actuelle des moyens et des heures-homme.

39. La police doit se présenter comme un corps unique aux citoyens, ce qui rend nécessaire une uniformisation rapide des insignes distinctifs sur les uniformes le matériel et sur les bâtiments.

40. La commission recommande également de réclamer une indemnité de 75 à 100 % du coût réel pour les missions d'escorte des transports de fonds. Les recettes générées par cette activité devront être affectées intégralement au financement du surcoût.

8.10. Formation des policiers

41. Face aux difficultés déjà rencontrées par le passé, en ce qui concerne le recrutement de policiers, la Commission insiste pour que tout soit mis en oeuvre afin de continuer à améliorer les procédures de recrutement.

42. La commission recommande au Gouvernement un véritable effort de recrutement et de promotion des femmes et des allochtones dans la police.

Comme les objectifs de la police doivent allier efficacité et respect des règles démocratiques, comme le citoyen doit pouvoir compter sur une police qui tout en respectant sa vie privée, lui assure une protection discrète mais efficace, la police doit réaffirmer et mettre en pratique comme principes de base de son action les valeurs de justice et d'égalité, ce qui implique, notamment, dans le chef de ses agents et en premier lieu de ses responsables, une vigilance extrême face aux manifestations de discriminations et de racisme, tant en général dans la société, qu'en son propre sein.

La commission recommande dès lors un véritable effort pour favoriser le recrutement et la promotion des femmes et des allochtones dans la police pour assurer que la police répond mieux à l'image de la population.

43. Il conviendra de contrôler la formation des agents de police et de vérifier quels sont les points des anciennes formations de policier et de gendarme qu'il y aurait lieu de conserver dans certains cas. Il faudra aussi uniformiser ces formations sur l'ensemble du territoire belge, dans toutes les écoles provinciales de police.

44. Il convient de continuer à assurer aux agents de police une formation permanente. Celle-ci peut prendre la forme tant d'un perfectionnement que d'un recyclage. La formation permanente doit être axée sur les besoins spécifiques des services de police locale et être organisée dans les écoles de police les plus proches.

45. La commission recommande au ministre de l'Intérieur la poursuite de l'évaluation continue et la formation des agents de terrain par le Secrétariat permanent à la politique de prévention afin de répondre aux besoins grandissants de professionnalisme dans ce secteur.

8.11. Contrats de prévention et de sécurité

46. La commission insiste sur la nécessité d'assurer la poursuite des contrats de sécurité et de prévention, outils indispensables aux villes et communes confrontées à la délinquance et à la criminalité, par la continuation d'une politique pluriannuelle telle qu'initiée par la décision du Conseil des ministres du 21 décembre 2001.

47. La commission recommande, concernant les contrats de sécurité et de prévention, le maintien d'une approche cohérente dans les co-financements fédéraux et régionaux respectueux des compétences des entités concernées.

48. La commission demande au ministre de l'Intérieur l'affectation des moyens indispensables en personnel pour le Secrétariat permanent à la politique de prévention qui doit assurer la préparation des contrats de sécurité et de prévention, le suivi et l'évaluation de ces derniers. Une attention particulière devra être consacrée aux moyens d'analyse des statistiques criminelles intégrées récoltées par la police fédérale et dont le SPP a la charge de produire des analyses en fonction des phénomènes criminels pris en compte dans les 73 contrats de sécurité et de prévention.

49. La commission recommande au ministre de l'Intérieur l'élaboration d'une circulaire visant à articuler l'approche de prévention communale avec l'approche policière zonale. Les nouveaux contrats ne disposant plus du volet « police », la complémentarité doit être prévue en tenant compte des spécificités professionnelles et déontologiques des acteurs concernés.

8.12. Fonctionnement de la police

50. La commission recommande que les interventions policières soutiennent des objectifs proactifs (anticipation et prévention) plutôt qu'une réponse réactive aux événements, notamment en s'attaquant aux causes des problèmes afin d'agir dans la durée.

51. La commission recommande que la lutte contre la grande criminalité, la criminalité organisée et la traite des êtres humains constituent une priorité de la police et de la justice.

52. La commission de l'Intérieur recommande que soient définis avec précision les prérogatives des autorités judiciaires et le cadre d'une collaboration étroite et efficace avec les services de police compétents.

53. La commission demande que le ministre de l'Intérieur exerce réellemnt le contrôle sur les délégations qu'il donne à de hauts fonctionnaires de police.

54. Elle recommande également de valoriser le rôle des inspecteurs de quartier qui doivent être de véritables agents de proximité, formés à cela et des policiers volontaires et motivés. À cet égard il est important d'informer la population du rôle des agents de quartier.

55. Toujours en terme de police de proximité, la commission demande au ministre de veiller au bon fonctionnement des services policiers de garde pendant la nuit et le week-end. Il est en effet indispensable de renforcer les effectifs afin d'assurer le fonctionnement ininterrompu des services policiers.

9. VOTE

Les recommandations ainsi que le présent rapport ont été adoptés à l'unanimité des 9 membres présents.

Les rapporteurs,
Marie NAGY.
Erika THIJS.
Paul WILLE.
La pr‰sidente,
Anne-Marie LIZIN.

(1) Le premier ministre s'en réfère à des documents qui sont repris en annexe 3 du présent rapport (doc Sénat, nº 1188/2) et dans lesquelles est mentionné le système de financement qui a été convenu avec les trois associations de villes et communes, c'est-à-dire les représentants de la Flandre, de la Wallonie et de Bruxelles. Cet annexe comporte également un procès-verbal contenant l'accord sur les paramètres à prendre en compte dans le financement, ainsi qu'une méthode de travail pour les jours et semaines à venir. En effet, sur base de l'accord intervenu, des chiffres ont été calculés zone par zone et le vendredi 21 juin 2002, ces chiffres seront examinés par les zones individuellement. Des différences pourront alors être constatées si, par mégarde, un certain nombre de paramètres n'ont pas été pris en compte (heures supplémentaires, etc.).