2-253

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Belgische Senaat

Handelingen

DONDERDAG 19 DECEMBER 2002 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Vraag om uitleg van de heer Michel Barbeaux aan de minister van Sociale Zaken en Pensioenen en aan de minister van Consumentenzaken, Volksgezondheid en Leefmilieu over «het beroep van verpleegkundige in België en de problemen die ermee verband houden» (nr. 2-927)

M. Michel Barbeaux (CDH). - Je suis heureux que vous soyez venu vous-même répondre aux questions que je voulais vous poser. Des infirmières et infirmiers vont d'ailleurs vous écouter attentivement, soucieux de l'importance du rôle de leur fonction dans notre société.

L'infirmier(ère) est une interface essentielle au chevet du patient, entre les nombreux acteurs qui interviennent auprès de celui-ci, et assure une mission fondamentale et centrale dans notre système de santé.

Cependant, même si vous avez dû remplacer Mme Aelvoet en cours de route, vous savez que, depuis plusieurs années, les infirmier(ère)s sont dans la tourmente. Ils tentent de faire avancer une série de revendications relatives à leur profession mais ils ont l'impression de ramer à contre-courant.

En effet, le Conseil national de l'Art infirmier a élaboré, voici quelques années, un plan d'action pour l'Art infirmier, plan qui balisait la nécessaire évolution du statut de la profession d'infirmier(ère) en tenant compte des exigences de qualité de la formation et des besoins des institutions de soins.

Malheureusement, les diverses mesures prises par le gouvernement fédéral s'écartent de ces recommandations.

En effet, le gouvernement fédéral a pris une série d'initiatives en vue de lutter contre « la pénurie » d'infirmier(ère)s ressentie dans les institutions de soins : hôpitaux, maisons de repos et maisons de repos et de soins, services de soins à domicile, etc.

Les réponses apportées à cette pénurie ne tiennent pas compte de la spécificité et des enjeux de la profession d'infirmier(ère) et il semble important de faire le point sur une série de questions qui restent à l'heure actuelle en suspens.

On peut d'ailleurs s'interroger sur le problème de la pénurie. Il n'y a pas tellement pénurie d'infirmier(ère)s mais il y a beaucoup d'infirmier(ère)s qui quittent leur profession à cause des conditions de travail trop pénibles.

Le rôle et la place de la profession d'infirmier(ère) font régulièrement l'objet de dévalorisations par la création de nouveaux « statuts » qui procèdent, de facto, à un nivellement par le bas du statut infirmier.

Voici un peu plus d'un an, la majorité arc-en-ciel a voté, dans le cadre d'une loi-programme, une disposition permettant aux aides-soignant(e)s d'exercer des fonctions jusqu'ici réservées aux infirmier(ère)s. Je me souviens, à l'époque, avoir beaucoup discuté avec Mme Aelvoet en commission pour essayer de lui démontrer qu'il s'agissait en quelque sorte d'une dévalorisation de la profession d'infirmier.

Je souhaiterais ajouter oralement une question à la question écrite que je vous ai adressée.

L'arrêté royal 78 du 10 août 2001 a créé une nouvelle profession de prestataires de soins, à savoir les aides-soignant(e)s qui peuvent accomplir des actes infirmiers. Un avis a été rendu respectivement par le CTAI et le CNAI sur la mise en application de cette délégation d'actes. J'aimerais savoir quelles suites vous comptez réserver à ces deux avis.

Au lieu de prendre des mesures qui émiettent les compétences des professions de la santé, les infirmier(ère)s demandent que l'on revalorise leur profession et ce, de plusieurs façons. Je répète qu'il n'y a pas pénurie d'infirmier(ère)s mais qu'il en manque effectivement parce que leurs conditions de travail sont trop difficiles.

Il est indispensable de mettre en oeuvre une approche se basant sur l'analyse des besoins. Pour ce faire, il est indispensable de connaître le nombre d'infirmier(ère)s exerçant en Belgique.

Les outils à cet effet ont été votés par le législateur mais n'ont toujours pas été mis en oeuvre par le Gouvernement.

Précisément, où en est la mise en place du Conseil supérieur des Professions de la Santé dont le principe légal a été voté en 1999 ?

Qu'en est-il des procédures d'agrément du titre professionnel qui ont, elles aussi, été votées dans le cadre d'une loi-programme en 2001 mais n'ont toujours pas été concrétisées ?

Aujourd'hui, nous entendons parler de la création de la fonction d'assistant médical qui, après un graduat de trois ans, ou trois premières années de candidature en médecine et un système de passerelle, permettrait de fournir aux hôpitaux des substituts aux stagiaires étudiants en médecine que le numerus clausus rend rares.

Mais cette fonction qui vise notamment à informer, à éduquer le patient et à assurer le suivi postopératoire de ce dernier, n'est-elle pas une nouvelle atteinte à la spécificité de l'infirmier(ère) ? Qu'en est-il de la mise en place de ce nouveau statut d'assistant médical ?

N'est-il pas nécessaire de dégager un budget de crise pour faire face à la situation actuelle de pénurie de recrutement mais aussi pour augmenter le pouvoir d'achat de l'infirmier(ère) en relevant le barème de cette profession et en revalorisant la pratique à domicile ?

La plupart des infirmier(ère)s reconnaissent que la charge de travail justifie qu'ils quittent rapidement la profession, d'où une pénurie. Des mesures doivent être envisagées pour soulager les infirmier(ère)s, notamment l'augmentation de leur nombre par lit et l'intégration de leur présence dans la nouvelle politique de financement des hôpitaux et des programmes de soins.

Il est aussi indispensable de sortir la fonction d'infirmier(ère) en chef des normes actuelles car elle n'assure pas effectivement les prestations au lit du patient et cette charge est reportée sur les personnes en place.

Quelles perspectives peut-on offrir aux infirmier(ère)s pour l'aménagement de ces normes d'encadrement ?

Les infirmier(ère)s exigent d'être présents dans tous les organes de décision et de gestion des institutions de soins. Cela passe notamment par l'exécution de la disposition légale relative à la reconnaissance du Conseil infirmier au sein des hôpitaux. Les arrêtés d'exécution de cette disposition légale vont-ils être appliqués ?

Dans quelle mesure la représentation des infirmier(ère)s pourrait-elle être assurée dans les organes de concertation et de décision du Fédéral ?

Enfin, et de façon plus générale, comment le Gouvernement compte-t-il activer le plan d'action pour l'Art infirmier élaboré voici quelques années par le Conseil national de l'Art infirmier ?

M. Jef Tavernier, ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement. - Vous semblez dire que le rôle et la place de l'infirmier(ère) sont régulièrement dévalorisés en raison de la création de nouveaux statuts qui ont pour effet de vider de sa substance le statut infirmier.

À cet égard, je vous renvoie au statut de l'aide-soignant, créé par la loi du 10 août 2001 portant des mesures en matière de soins de santé.

Depuis 1992, les autorités ont essayé, par le biais d'une modification de l'arrêté royal nº 78 relatif à l'exercice des professions des soins de santé, de trouver une solution concernant les soignants qui exercent l'Art infirmier en l'absence de toute base légale.

Le Plan d'action du Conseil national de l'Art infirmier proposait, lui aussi, de confier l'exercice de l'Art infirmier à un seul type d'infirmier(ère) qui serait assisté(e) par un auxiliaire. De cette manière, l'infirmier(ère) serait déchargé(e) d'un certain nombre de tâches et pourrait se concentrer sur le travail infirmier proprement dit.

La mesure vise à revaloriser la profession d'infirmier. Cette réorganisation de l'exercice de la profession pourrait en outre contribuer à réduire la pénurie d'infirmiers.

Au cours de la présente législature, on s'est efforcé d'accroître le nombre d'infirmiers entrants en menant des actions telles que la campagne axée sur la revalorisation de la profession et le projet de formation des infirmiers. Mon prédécesseur avait pris la décision de demander la réalisation d'une étude scientifique sur l'image que les infirmiers travaillant dans nos hôpitaux ont d'eux-mêmes. Cette étude est presque terminée et les résultats seront communiqués prochainement. Ils permettront d'adapter la politique en matière d'art infirmier.

L'accord social conclu le 1er mars 2000 entre les partenaires sociaux et l'autorité prévoit le maintien de deux filières de formation pour l'infirmier. À cet égard, je précise qu'une nouvelle étude scientifique sera prochainement financée au sujet d'une différenciation de fonction dans l'art infirmier.

En ce qui concerne l'analyse des besoins, il est effectivement indispensable de connaître le nombre d'infirmiers exerçant leur profession. Les instruments nécessaires à cet effet ont en fait déjà été prévus en 1974 dans la loi relative à l'art infirmier. Avant de pouvoir exercer leur profession, les infirmiers doivent faire viser leur titre par la commission médicale du lieu où ils comptent s'établir. Lors de l'octroi du visa, la commission procède à l'enregistrement.

Bien que le cadre légal pour l'enregistrement des infirmiers existe, un projet de loi portant création d'une banque de données fédérale des professionnels des soins de santé a été élaboré. Le 5 décembre 2002, le projet de loi a été adopté en séance plénière de la Chambre des représentants et a été transmis au Sénat.

Le projet de loi prévoit l'extension de l'enregistrement à toutes les professions de santé.

L'arrêté royal nº 78 dispose que le Roi crée, par arrêté délibéré en Conseil des ministres et sur proposition conjointe du ministre de la Santé publique et du ministre des Affaires sociales, un Conseil supérieur des professions de la santé.

Les arrêtés royaux suivants relatifs au Conseil supérieur des professions de la santé ont été publiés au Moniteur Belge :

À ce jour, ces sections du Conseil n'ont pas encore été installées et ne sont donc pas encore opérationnelles.

En ce qui concerne la création d'une nouvelle profession de santé, des propositions ont été avancées par la KUL et l'ULB mais aucune décision n'a encore été prise.

En ce qui concerne votre proposition visant à prévoir un budget de crise, l'accord social pour l'année 2000 a libéré quatorze milliards de francs belges pour le secteur.

Une des mesures était la possibilité de choix ; les infirmiers peuvent, à partir de 45 ans, opter soit pour une réduction du temps de travail, soit pour une prime de 5,26%, opération qui est répétée à 50 ans et à 55 ans. On tente ainsi d'activer une première forme de politique de maintien dans la carrière.

Pour ce qui est du relèvement de la norme, les propositions existantes ne peuvent être exécutées, et cela, en raison des restrictions budgétaires.

La problématique de la présence d'infirmiers au sein des organes décisionnels et de gestion des hôpitaux, par la création d'un « conseil infirmier », a déjà fait l'objet de discussions en 1992 au Conseil national de l'art infirmier. Un avis définitif en la matière a été formulé le 10 mars 1992, mais n'a jamais été transposé dans une loi ni dans une réglementation.

La représentation des infirmiers au sein des organes de concertation et de décision de l'autorité fédérale a été traitée en détail lors de la table ronde relative à l'art infirmier, dans le chapitre « participation ».

La réglementation relative à l'organisation du Conseil national de l'art infirmier et du Conseil national des établissements hospitaliers a été adaptée. La composition du Bureau a été modifiée, pour le Conseil national de l'art infirmier, de façon à ce que l'ensemble des organisations professionnelles et des syndicats y soient représentés ; la composition du Conseil national des établissements hospitaliers a été modifiée, de façon à y faire siéger davantage d'infirmiers.

En conclusion, je peux dire que la réponse à votre question est positive ; les propositions du plan d'action ont été partiellement réalisées. Actuellement, le groupe de travail « avis en matière de politique à mettre en oeuvre » du Conseil national de l'art infirmier prépare un nouveau plan d'action. Vos remarques à ce sujet pourront être prises en compte, ainsi que les résultats de l'étude scientifique financée par l'autorité fédérale.

M. Michel Barbeaux (CDH). - Je remercie le ministre de ses réponses extrêmement précises.

Bien entendu, les demandes ne sont satisfaites - il le reconnaît lui-même - que partiellement et des études sont attendues. J'aimerais à cet égard, monsieur le ministre, que vous me communiquiez les résultats de l'étude que vous avez évoquée.

Il reste des points à régler. Il faut agir de concert avec le Conseil national de l'art infirmier, notamment pour ce qui est du nouveau plan d'action auquel vous venez de faire allusion.

L'essentiel est, sur le plan philosophique, de faire en sorte que la profession d'infirmier ou d'infirmière ne soit pas dévalorisée et qu'ils puissent continuer à remplir leur fonction médicale. On pourrait, par contre, tenter d'alléger leur travail en confiant tout leur travail administratif à des assistants.

Je serais tenté, à cet égard, d'établir un parallèle avec la profession de policier ; on préfère voir celui-ci sur le terrain plutôt que dans son bureau. De même, les infirmiers et infirmières devraient être davantage valorisés pour leur aptitudes médicales. Il faut éviter de confier ces tâches à d'autres personnes, moins qualifiées. Même un acte médical simple en apparence peut se révéler délicat pour la santé du malade.

Confier cet acte à une aide-soignante peut être dangereux, alors que l'infirmière aura une compétence beaucoup plus grande, si elle connaît l'état de santé du malade.

Par contre, une série de tâches administratives et logistiques pourrait être confiée à d'autres intervenants.

En ce qui concerne les assistants médicaux, vous me dites que l'on n'en parle que dans deux études de la KUL et de l'ULB. J'ignore si vous avez l'intention de déposer un projet.

M. Jef Tavernier, ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement. - Pas pour le moment ; nous n'avons plus le temps.

M. Michel Barbeaux (CDH). - Ce sera probablement pour le futur gouvernement, du moins s'il compte utiliser ces études.

En tout cas, le Conseil national de l'art infirmier aura tout le temps d'examiner ce dossier de manière approfondie.

Si j'ai bien compris, il s'agit de personnes qui ont effectué trois candidatures en médecine. Or, on sait qu'à l'issue des candidatures en médecine, on n'a vraiment pas beaucoup de pratique médicale ou infirmière.

Vous excluez une augmentation des normes, en raison de restrictions budgétaires. Or, le budget destiné à la santé augmentera de 6,5% en 2003 ce dont je me réjouis. Une partie de cette augmentation ira aux prestataires de soins, aux médecins. Pourquoi ne pas consacrer une autre part de ces moyens à l'amélioration des conditions de vie et de travail des infirmiers et infirmières ?

-Het incident is gesloten.