2-1388/3

2-1388/3

Sénat de Belgique

SESSION DE 2002-2003

17 DÉCEMBRE 2002


Projet de loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale


Procédure d'évocation


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES ET DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES PAR MME KESTELIJN-SIERENS


Le présent projet de loi a été adopté par la Chambre des représentants et transmis au Sénat le 10 décembre 2002. Le Sénat a évoqué le projet le 11 décembre 2002. Le délai d'examen expire le 5 février 2003.

La commission a discuté le projet au cours de ses réunions des 12 et 17 décembre 2002.

I. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU MINISTRE DES FINANCES

Le projet de loi a pour objet de réduire sensiblement le taux d'imposition de l'ensemble des entreprises. Il s'agit de passer d'un taux d'imposition supérieur à 40 %, cotisation de crise comprise, à 33,99 %, la cotisation de crise étant maintenue. Il s'accompagne de mesures spécifiques en faveur des PME, qui bénéficieront d'une nouvelle réduction des taux d'imposition, de mesures encourageant la constitution de fonds propres par une technique de réserve d'investissement et de la suppression des majorations pour versements anticipés insuffisants les trois premières années d'existence d'une société.

La neutralité budgétaire du projet de loi est assurée à concurrence d'un peu plus de 40 % par une mesure de trèsorerie portant sur les amortissements des grandes entreprises, qui ne concerne donc pas les amortissements des PME. Ceux-ci seront calculés pro rata temporis et non plus fictivement comme ayant eu lieu au 1er janvier de l'année au cours de laquelle l'investissement a été réalisé. L'avantage fiscal est donc maintenu mais il sera étalé sur une période un peu plus longue.

D'autres mesures dites « de compensation » visent à mettre un terme à des abus en matière fiscale, tels que les fausses ASBL. Le projet de loi établit également la non-déductibilité de certains impôts régionaux et il instaure un précompte en matière de bonis de liquidation, limité à 10 %.

Enfin, la neutralité budgétaire fera l'objet d'un examen par la Cour des comptes, qui devrait remettre son premier rapport à la fin de l'année 2005, lorsque le premier exercice d'imposition effectué sous l'empire des nouvelles dispositions aura été entièrement réalisé. Sur la base de ce rapport, il conviendra également de vérifier l'application de récents arrêtés royaux relatifs aux revenus définitivement taxés, que le gouvernement publiera au Moniteur belge peu après l'adoption du présent projet de loi.

Pour le reste, le ministre se réfère à son exposé relaté dans le rapport de la Chambre des représentants (doc. Chambre, nº 50-1918/006).

II. DISCUSSION GÉNÉRALE

Mme Kestelijn-Sierens s'interroge sur le précompte en matière de bonis de liquidation. Bon nombre de gérants de PME et d'indépendants craignent que cette mesure n'érode l'épargne qu'ils ont constituée durant leur carrière activ au sein de leur entreprise. En outre, cette mesure doit être appliquée rétroactivement. Étant donné la situation budgétaire de notre pays, on peut comprendre que la réforme fiscale doive être neutre sur le plan budgétaire; mais, d'un autre côté, cette mesure affecte tout particulièrement des personnes qui ont toujours été soumises à un taux d'impôt des sociétés élevé. Ces contribuables doivent maintenant payer pour ceux qui bénéficieront désormais du taux réduit. Sous peine de commettre une grave injustice, il y a dès lors lieu d'établir une distinction entre les réserves qui ont été constituées dans le passé, et qui sont soumises à un taux élevé d'impôt des sociétés, et celles qui sont constituées aujourd'hui sous le bénéfice d'un taux réduit.

Le principe du précompte sur les bonis de liquidation est d'ailleurs contestable en soi. N'était-il pas possible d'envisager d'autres mesures pour garantir la neutralité budgétaire, comme des mesures de lutte contre les carrousels à la TVA et contre d'autres applications abusives de dispositions fiscales ?

M. Roelants du Vivier se réjouit du projet de loi. Il se réfère, dans le rapport de la Chambre des représentants (doc. Chambre, nº 50-1918/006), aux remarques et suggestions du député rapporteur van Weddingen.

Le ministre estime que le précompte sur les bonis de liquidation constitue une mesure normale, d'autant plus qu'on applique à ces bonis un taux réduit de 10 %, qui est inférieur aux taux en vigueur pour les dividendes et les intérêts. En effet, tous les revenus des entreprises qui sont distribués, tels que les rémunérations, les dividendes, les intérêts, etc. sont soumis à l'impôt. Ce qui est très curieux, c'est que, jusqu'à présent, on n'a pas soumis à l'impôt les réserves en jeu dans le cadre d'une liquidation.

En ce qui concerne la prétendue rétroactivité du précompte sur les bonis de liquidation, le gouvernement n'a fait que publier au Moniteur belge un avis annonçant l'entrée en vigueur de cette mesure, pour éviter qu'elle ne soit contournée.

M. Steverlynck fait tout d'abord remarquer que le taux de l'impôt des sociétés constitue, pour les investisseurs étrangers, un critère de sélection de l'endroit où ils investiront. En ce sens, il ne fait aucune doute que la réduction proposée est positive. Il regrette toutefois que, dans la phase actuelle, il soit question non pas vraiment d'une réduction, mais plutôt d'un glissement. En outre, il se réjouit que la baisse du taux de l'impôt des sociétés s'accompagne d'une diminution spécifique pour les PME. Les diverses mesures portant spécifiquement sur les PME constituent également un élément positif, même si elles restent malheureusement assez limitées. Heureusement, il y a une série de mesures compensation qui ne sont pas applicables aux PME. La possibilité de « ruling » constitue un dernier point positif. Les entreprises pourront conclure des accords avec les pouvoirs publics, ce qui sera bénéfique pour ce qui est de leur planning fiscal.

Malgré ces aspects positifs, l'intervenant ne constate aucune amélioration ni aucune diminution de l'impôt des sociétés, ce qui et dû, selon lui, au fait que le projet de loi à l'examen présente trois grandes lacunes dues à la neutralité budgétaire, à l'absence de simplification administrative et à l'insécurité juridique.

Tout d'abord, le gouvernement aurait dû tenir compte de la situation économique actuelle, comme on l'a fait dans d'autres pays, et il aurait dû prévoir une réelle réduction des impôts. On a opté en l'espèce pour une réforme qui postule la neutralité budgétaire. Toutefois, ce qui est budgétairement neutre pour les pouvoirs publics ne l'est pas nécessairement pour les entreprises prises individuellement. Les mesures de compensation prévues entraînent une augmentation des coûts pour certaines entreprises. D'aucuns considèrent que, dans le cadre de la réforme actuelle, ce qui est donné d'une main est repris de l'autre. Selon le sénateur, les mesures de compensation pèseront en outre en majeure partie sur une série de secteurs et de régions. La suppression de la déductibilité des taxes environnementales, dont 97 % sont perçues en Flandre, aura surtout une incidence sur les secteurs dont l'eau constitue la matière première principale, soit notamment, le secteur du textile et celui de l'entretien du textile et en partie aussi l'industrie agroalimentaire, ce qui aura sans aucun doute des conséquences économiques. Qui plus est, une distorsion de la concurrence est possible, car les entreprises qui ont la possibilité de construire leur propre station d'épuration bénéficieront ultérieurement de la déductibilité fiscale des dépenses faites à cet effet.

M. Steverlynck constate en outre que bien que le gouvernement a donné officiellement son feu vert à la simplification administrative, la réforme actuelle a encore compliqué la législation fiscale. L'intervenant ne retrouve pas davantage dans le projet de loi à l'examen l'amélioration de la qualité du travail législatif, qui constitue néanmoins un élément essentiel de la simplification. À titre d'exemple, il cite la proratisation par jour, en remplaçement de la proratisation par mois, et le problème de la déductibilité des investissements.

En troisième lieu, le sénateur attire l'attention sur le problème de l'insécurité juridique. Les entreprises accordent énormément d'importance à la stabilité de la législation et sont opposées aux mesures à effet rétroactif. Le projet à l'examen contient cependant plusieurs éléments porteurs d'incertitude. C'est ainsi que la Cour des comptes est chargée d'évaluer la neutralité budgétaire des mesures. Cela implique-t-il que des correctifs pourront être apportés ? Il règne en outre une certaine ambiguïté concernant la définition de la notion de PME, qui est essentielle pour savoir si une entreprise peut prétendre au bénéfice du taux réduit. Cette définition sera réexaminée chaque année, ce qui est bien sûr aussi générateur d'insécurité. La rétroactivité prévue en matière de boni de liquidation est également à rejeter pour le même motif.

Par ailleurs, M. Steverlynck évoque acessoirement le problème de la réserve d'investissement qui est destinée à renforcer les fonds propres des PME par la mise en réserve de certains bénéfices. S'agit-il d'une forme d'autofinancement ou veut-on encourager certains investissements ? L'intervenant estime qu'il faudrait en fait pouvoir constituer des capitaux immunisés. Vu le très faible montant qui est pris en considération pour la mesure proposée, il doute des effets positifs qu'elle pourrait avoir. Cette formule ne permettra de remédier que de façon très marginale aux besoins en fonds propres des PME.

En ce qui concerne les boni de liquidation, on peut dire que cette mesure de compensation est un élément logique pour autant que le taux d'imposition a été diminué. Ce qui dérange cependant, c'est que cette mesure soit également applicable aux réserves du passé, qui ont déjà été imposées à un taux plus élevé. Si l'on y ajoute un précompte de 10 %, il en résultera une réelle augmentation des coûts.

Selon l'intervenant, il y a lieu de prévoir des mesures transitoires exonérant les réserves constituées dans le passé. De plus, ce genre de cessation d'activités se produit surtout dans les petites entreprises. Pour nombre de dirigeants d'entreprise, cela représentait une garantie pour leur pension, mais cette opération est désormais plus lourdement taxée. Cette mesure frappe donc de tout son poids les PME. Mais la rétroactivité au 1er janvier 2002 est un élément encore plus lourd. Or, une telle rétroactivité n'est pas juste, elle provoque de l'insécurité juridique et elle soulèvera des problèmes dans la pratique. Le ministre avait d'ailleurs déclaré à plusieurs reprises que cette réforme fiscale ne contiendrait aucune disposition à effet rétroactif. L'intervenant constate qu'elle en contient pourtant bel et bien, quand bien même le Conseil d'État a indiqué dans son avis qu'elle était inconvenante. La Cour d'arbitrage sera éventuellement saisie d'un recours en annulation de cette mesure au motif que l'égalité entre les parties est subordonnée à la réponse à la question de savoir si la liquidation a été clôturée avant ou après la date du 25 mars 2002.

M. Steverlynck a encore quelques questions concrètes à poser. Les éléments d'actif acquis dans le cadre d'une réserve d'investissement peuvent-ils être affectés en partie à la réserve d'investissement et en partie à la déduction pour investissement ? Eu égard aux mesures relatives au boni de liquidation, la date de liquidation revêt une importance essentielle. Quel est le critère qui permet de déterminer la date de clôture de la liquidation ? S'agit-il du jour de la passation de l'acte de liquidation, du jour de dépôt de cet acte au greffe ou du jour de sa publication ?

M. Malcorps fait observer que le gouvernement flamand est conscient du problème qui se pose dans l'industrie textile. C'est la raison pour laquelle les autorités flamandes ont adopté un plan en plusieurs phases pour prévenir les effets secondaires indésirables dans le secteur concerné. Quant au fond de la question, il faut toutefois souligner que les taxes environnementales sont conçues en première instance pour qu'elles exercent un effet régulateur sur l'environnement. Il n'est donc pas très logique d'en faire des charges fiscalement déductibles.

M. Steverlynck estime que, dans ce cas, la Flandre devrait agir beaucoup plus vite. De plus, la redevance environnementale a déjà sorti ses principaux effets dès lors que ce secteur est devenu l'un des plus économes du monde. Il réitère que si une entreprise obtient un permis pour construire sa propre installation d'épuration, la dépense reste déductible, ce qui risque d'entraîner une distorsion de la concurrence par rapport aux entreprises qui ne peuvent pas en construire une. Il estime en outre que le gouvernement fédéral fait preuve d'incohérence du fait qu'il ne supprime la déductibilité fiscale de certaines redevances et rétributions qu'en Flandre.

M. de Clippele fait remarquer que la Flandre n'est pas la seule à être touchée par cette mesure. La non-déductibilité de la taxe sur les bureaux concerne surtout Bruxelles. L'on ne peut donc pas dire que cette mesure compensatoire soit dirigée uniquement contre la Flandre.

Le ministre répond que, sur le plan des mesures de compensation, il y a un équilibre entre les trois régions. Pour les chiffres, il renvoie au rapport de la Chambre (doc. Chambre, nº 50-1918/006).

Pour le reste, le ministre n'a pas l'impression que les entreprises réagissent négativement à l'actuelle réduction d'impôt. Au contraire, elles soutiennent la réforme.

La sécurité juridique est effectivement un élément capital et elle pourra être réalisée grâce à la procédure dite de ruling qui sera applicable à partir du 1er janvier 2003.

Enfin, le premier rapport de suivi de la Cour des comptes sur la neutralité budgétaire devra être présenté en 2005. Il est prématuré d'essayer de définir maintenant les conséquences que cela aura. Le ministre pense que cela pourrait tout aussi bien déboucher sur une réduction d'impôt supplémentaire.

III. DISCUSSION DES ARTICLES

Article 4bis (nouveau)

M. Steverlynck dépose l'amendement nº 1 (doc. Sénat, nº 2-1388/2) visant à adapter le Code des impôts sur les revenus 1992 afin de majorer la déduction pour investissement en cas d'investissements en immobilisations visant à accroître la sécurité des entreprises et de leurs marchandises. Le ministre a déjà déclaré qu'il était favorable à cette mesure, qui permet de soutenir les efforts des entrepreneurs dans ce domaine et profitera à la sécurité publique.

Article 4ter (nouveau)

M. Steverlynck dépose l'amendement nº 2 (doc. Sénat, nº 2-1388/2), qui a le même objectif que l'amendement nº 1.

Article 4quater (nouveau)

M. Steverlynck dépose l'amendement nº 3 (doc. Sénat, nº 2-1388/2), qui a le même objectif que les deux amendements précédents.

Article 6

M. Steverlynck dépose l'amendement nº 4 (doc. Sénat, nº 2-1388/2). L'auteur explique que le capital libéré d'une société n'est pas augmenté ou diminué plusieurs fois par an. Il suffit de constater que le capital libéré n'a pas été diminué depuis la dernière période imposable au cours de laquelle l'avantage de la constitution d'une réserve d'investissement a été obtenu. Pour clarifier les choses, il y aurait lieu d'indiquer dans la loi que le capital libéré doit être pris en considération à la fin de la période imposable. Les créances sur les personnes physiques, en particulier les créances en compte courant, peuvent fluctuer considérablement au cours de la période imposable. Il est souhaitable de calculer la moyenne de ces créances au cours des deux périodes imposables entre lesquelles l'augmentation a été constatée.

L'intervenant propose également d'insérer, à l'article 194quater, § 2, 4º, alinéa 1er, entre les mots « la société, » et les mots « calculée comme », les mots « , à l'exception du capital non entièrement libéré, ». En effet, les sociétés qui augmenteraient leur capital social sans le libérer entièrement verraient leur capacité de constituer une réserve d'investissement se réduire fortement, même si le capital libéré s'accroit. Le capital libéré augmente certes, dans le chef de la société, au minimum d'un cinquième (dans le cas d'une SPRL) ou d'un quart (dans le cas d'une SA). Seule la diminution est cependant prise en considération lors du calcul. La société a une créance sur ses actionnaires à concurrence du capital non entièrement libéré. Celui-ci réduirait par contre la capacité de constituer une réserve.

M. Steverlynck dépose également les amendements nºs 5 et 6 à l'article 6 (doc. Sénat, nº 2-1388/2) afin de faire de l'article 6 en projet une véritable meusre d'autofinancement. Cette mesure ne doit pas être liée à un investissement en immobilisations corporelles ou incorporelles amortissables. On peut utiliser le mécanisme de la déduction pour investissement.

Il convient de lire ces amendements conjointement avec les amendements nºs 7 et 8 déposés respectivement aux articles 11 et 18.

Pour finir, M. Steverlynck dépose encore au présent article un amendement nº 10 (doc. Sénat, nº 2-1388/2) visant à remplacer, dans l'article 194quater, § 3, alinéa 2, proposé, les mots « de l'article 47 » par les mots « des articles 44bis et 47 ». L'article 44bis prévoit une exonération pour les plus-values réalisées sur les véhicules d'entreprise et fixe une condition d'investissement. Par analogie avec ce qui est prévu pour l'article 47, il convient d'exclure l'investissement dans des actifs identiques qui vise à bénéficier à la fois de l'avantage conféré par l'article 44bis et de l'avantage conféré par l'article 194quater.

Article 7

M. Steverlynck dépose un amendement nº 11 (doc. Sénat, nº 2-1388/2). L'auteur explique que la proratisation par jour ne cadre pas avec un allégement de l'administration pour les entreprises. Cette mesure s'adresse aux grandes entreprises. Les synergies entre la TVA et une proratisation mensuelle seront de nature à faciliter les contrôles mixtes à effectuer par l'AFER.

Article 8

M. Steverlynck dépose un amendement nº 12 (doc. Sénat, nº 2-1388/2), qui vise à supprimer le 1º. Cette mesure de compensation est, contrairement aux autres mesures, à charge d'une région et, en particulier, de quelques secteurs d'activité qui paient une taxe d'environnement élevée. La non-déductibilité des taxes régionales et des taxes d'environnement fait obstacle à la mise en oeuvre d'une politique régionale en matière d'environnement. Elle affecte l'autonomie fiscale des régions. Lors du financement des régions, il a été tenu compte des ressources propres de celles-ci, de sorte que cette mesure viole le principe de la loyauté fédérale visée à l'article 143, § 1er, de la Constitution. L'instauration d'une telle mesure ne peut s'inscrire que dans le cadre d'une modification de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions.

M. Steverlynck dépose également un amendement nº 13 (doc. Sénat, nº 2-1388/2), qui vise à remplacer, dans l'article en projet, les mots « taxes et rétributions » par les mots « et taxes ».

L'intervenant déclare que, comme exception au principe de non-déductibilité, l'exposé des motifs cite les redevances exigées par les régions en contrepartie directe et proportionnelle du coût de la prestation de service particulière effectuée par les seuls contribuables bénéficiaires. La redevance que vise l'exposé des motifs correspond à la notion de rétribution, telle qu'elle a été définie par la Cour d'arbitrage dans son arrêt nº 21/97 du 17 avril 1997. « Une rétribution est une rémunération que l'autorité réclame à certains redevables en contrepartie d'une prestation spéciale qu'elle a effectuée à leur profit personnel ou d'un avantage direct qu'elle leur a accordé. » Étant donné qu'un texte clair ne nécessite pas une interprétation téléologique, le mot « retribution » doit être supprimé pour mettre le texte en concordance avec l'exposé des motifs et les déclarations du ministre lui-même.

Article 10

M. Steverlynck dépose un amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 2-1388/2), qui vise à remplacer l'alinéa 5. M. Steverlynck déclare que la fixation du taux correspondant à la pression fiscale réelle dépend des circonstances concrètes qui peuvent être prouvées par l'administration fiscale et les contribuables. Le Roi ne peut fixer, de manière générale, la pression fiscale réelle, comme le prévoit le projet de loi.

Le ministre fait observer que l'article 10 vise à compléter l'article 203, § 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992 par un nouvel alinéa. Selon cette nouvelle disposition, les dispositions de droit commun en matière d'impôts sont présumées être notablement plus avantageuses qu'en Belgique si les conditions énumérées dans la nouvelle disposition sont remplies. On peut toujours, cela étant, apporter la preuve du contraire.

M. Steverlynck demande si une société belge qui investit dans un État membre de l'Union européenne sera traitée de la même manière qu'une société belge qui investit en Belgique.

Le ministre répond qu'aux termes de l'article 203, § 2, alinéa 4, en projet, du CIR 1992, les règles prévues au § 1er, alinéa 1er, 4º, de cet article ne s'appliquent pas lorsque l'impôt effectivement appliqué de manière globale sur les bénéfices provenant de l'établissement étranger atteint au moins 15 % ou lorsque la société et son établissement étranger sont situés dans des États membres de l'Union européenne.

Article 11

M. Steverlynck dépose l'amendement nº 7, qui vise à supprimer, à l'article 207, alinéa 2, proposé, in fine, les mots « et de l'application de l'article 194quater, § 4 ». Cet amendement doit être lu en corrélation avec les amendements nºs 5 et 6 à l'alinéa 6.

M. Steverlynck dépose également l'amendement nº 15 (doc. Sénat, nº 2-1388/2), qui tend remplacer l'alinéa 2 susvisé. L'auteur souligne qu'il ressort de l'exposé des motifs que des systèmes de consolidation fiscale sont appliqués dans la quasi-totalité des pays industrialisés. La consolidation fiscale vise à assurer la neutralité complète des transactions effectuées à l'intérieur du groupe ainsi qu'à permettre l'imputation des pertes subies par certaines entités sur des bénéfices réalisés par d'autres entités du groupe. L'actuel article 207, alinéa 2, du CIR 1992 permet à une société de déduire les pertes de l'exercice courant des avantages anormaux ou bénévoles obtenus par une entreprise à l'égard de laquelle elle se trouve dans un quelconque lien de dépendance mutuelle. Notre droit actuel permet, moyennant transfert d'avoirs, de consolider les pertes de l'exercice courant entre des sociétés résidentes faisant partie d'un groupe. La suppression de cette possibilité n'est pas compatible avec l'intention d'instaurer un régime de consolidation fiscale. Un système formel de consolidation fiscale appliqué en Belgique devrait placer les groupes belges dans la même situation concurrentielle que les groupes étrangers. Dans l'attente d'une telle mesure, les groupes résidents ne doivent pas être placés dans une situation concurrentielle plus défavorable. Il serait préférable de maintenir la possibilité actuelle d'imputer les pertes de l'exercice courant sur des avantages anormaux ou bénévoles jusqu'à ce que la promesse d'instaurer un système de consolidation ait été tenue.

Article 18

L'amendement nº 8 de M. Steverlynck tend à supprimer cet article. Il doit être lu en corrélation avec les amendements nºs 5 et 6 à l'article 6 et avec l'amendement nº 7 à l'article 11.

Article 24

M. Steverlynck dépose l'amendement nº 16 (doc. Sénat, nº 2-1388/2), qui tend à remplacer le mot « anonyme » par le mot « dépersonnalisée ». L'auteur déclare que la publication de manière anonyme ne suffit pas toujours à dissimuler l'identité du demandeur. La publication doit se faire de manière telle que l'identité ne puisse être retrouvée, ni directement grâce au nom, ni indirectement grâce au contexte. Lors de la publication, la décision doit être dépourvue de toute référence à la personnalité du demandeur.

Article 32

M. Steverlynck dépose l'amendement nº 17 (doc. Sénat, nº 2-1388/2) qui vise à compléter l'article 32, § 1er, alinéa 1er. L'auteur rappelle que le législateur a décidé en 1991 de ne pas prélever de précompte mobilier sur les bonis de rachat et de liquidation. Il ne peut être question d'un usage impropre. L'instauration de ce prélèvement sur les réserves déjà imposées constituées avant l'exercice d'imposition 2004 est une majoration d'impôt pure et simple qui ébranle la confiance suscitée. Les indépendants qui exercent leurs activités en empruntant la forme d'une société considèrent que leur société est une tirelire qui leur permettra d'assurer leurs vieux jours. Cette tirelire complète les prestations sociales insuffisantes dont ils bénéficient. La mesure risque d'ailleurs de ne pas passer le cap du contrôle de la Cour d'arbitrage.

En guise de réponse, le ministre renvoie aux déclarations qu'il a faites en commission de la Chambre concernant les amendements identiques qui y ont été déposés (voir doc. Chambre, nº 50-1910/6).

IV. VOTES

Les amendements nºs 1 à 16 sont rejetés par 8 voix contre 3.

L'amendement nº 17 est rejeté par 7 voix contre 3 et 1 abstention.

L'ensemble du projet de loi a été adopté par 8 voix et 3 abstentions.

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 9 membres présents.

La rapporteuse,
Mimi KESTELIJN-SIERENS.
Le président,
Paul DE GRAUWE.

Le texte adopté par la commission
est identique au texte
du projet transmis par la Chambre des représentants
(voir le doc. Chambre, nº 50-1918/8)