2-1259/3

2-1259/3

Sénat de Belgique

SESSION DE 2002-2003

27 NOVEMBRE 2002


Projet de loi portant des dispositions diverses relatives à l'Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire


Procédure d'évocation


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES PAR MME VAN RIET


I. INTRODUCTION

Le présent projet de loi, qui relève de la procédure facultativement bicamérale, a été adopté par la Chambre des représentants le 20 juillet 2002 et a été transmis au Sénat le 23 juillet 2002.

Il a été évoqué le 23 juillet 2002. La commission des Affaires sociales a discuté le projet au cours de sa réunion du 27 novembre 2002 en présence du ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU MINISTRE DE LA PROTECTION DE LA CONSOMMATION, DE LA SANTÉ PUBLIQUE ET DE L'ENVIRONNEMENT

M. Tavernier, ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement, précise que le projet de loi à l'examen vise à financer les missions particulières de contrôle effectuées par l'Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire et à inscrire l'Agence fédérale dans la loi du 22 juillet 1993 portant certaines mesures en matière de fonction publique.

Grâce à la dernière disposition, l'Agence fédérale est ajoutée à la liste des organismes qui relèvent de la fonction publique.

Le ministre note que, pour le fonctionnement de l'Agence fédérale, on a recours, en partie, aux ressources générales. Toutefois, les missions particulières peuvent être financées grâce au produit d'une rétribution ou d'une cotisation de santé acquittée par le secteur.

III. DISCUSSION

Mme Van Riet renvoie à la décision de prélever la cotisation pour les tests systématiques au niveau de l'avant-dernier stade de la chaîne alimentaire. Le ministre pourrait-il donner quelques explications sur les raisons de ce choix ? Pourrait-il aussi expliquer comment le consommateur peut avoir la garantie que la viande vendue en Belgique a effectivement subi les tests de dépistage de l'ESB ?

M. D'Hooghe fait remarquer qu'on a déjà prévu le financement des missions de contrôle qui font partie des missions de base des divers services qui composent l'Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire.

Pour éliminer les problèmes spécifiques qui apparaissent en matière de sécurité de la chaîne alimentaire, on ne dispose pas toujours d'un système de financement bien adapté à la spécificité du problème ou à celle du secteur concerné. C'est ce qu'a révélé notamment l'instauration de l'examen obligatoire en laboratoire en vue du dépistage de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB).

L'article 2 de la proposition de loi à l'examen vise à créer une base légale efficace, permettant, dans certains cas spécifiques, de prévoir un système de financement adapté par la voie d'un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres. L'intervenant fait remarquer que la délégation de pouvoirs proposée est pour le moins très large. On donne l'impression que les dispositions proposées concernent les tests ESB, mais elles sont rédigées en des termes si larges qu'elles pourraient fort bien s'appliquer à d'autres tests qui s'avéreraient indispensables, le cas échéant, à l'avenir. Le ministre pourrait-il apporter quelques précisions sur ce point ?

Il est aussi indiqué de veiller au respect de la décision du Comité de concertation du 26 octobre 2001 par laquelle le gouvernement fédéral et les gouvernements régionaux ont convenu de chercher un mécanisme selon lequel les frais fédéraux et régionaux liés à l'ESB seraient supportés par le consommateur. Cette décision est-elle effectivement respectée ? Le ministre pourrait-il fournir des précisions sur ce point ?

M. D'Hooghe s'étonne aussi du fait que la commission soit confrontée à nouveau aujourd'hui à des dispositions nouvelles, alors que les articles 52 et 54 de la loi-programme du mois de décembre 2001 ont précisément été votés pour résoudre le problème du financement des tests de dépistage de l'ESB. Ces frais devaient être pris en charge par le secteur, à l'exception des agriculteurs. Or, onze mois plus tard, il n'y a toujours pas d'arrêté royal mettant à exécution ces dispositions de la loi-programme de 2001 (voir doc. Sénat, nº 2-989).

À présent, le ministre dépose un nouveau projet, dont la teneur est à peu près identique à celle des articles votés l'an passé. L'intervenant se demande par conséquent ce qu'il est advenu des dispositions votées à l'époque. Pourquoi changer à la légère son fusil d'épaule ?

Cette taxe sur la viande soulève bien sûr plusieurs autres questions :

­ Le consommateur belge finance des tests ESB pour des viandes destinées à l'exportation ! Il s'agit ni plus ni moins d'une subvention au secteur belge de la viande dont on fait supporter le financement par le consommateur belge. Reste à savoir si la Commission européenne sera d'accord.

­ Le consommateur belge peut trouver dans les étals de la viande étrangère dont le prix inclut déjà le coût du test de dépistage de l'ESB. Quelle garantie a-t-on de ne pas payer deux fois la facture ?

­ Dans certains cas, le consommateur paiera une taxe sur une viande qui n'aura pourtant pas été soumise aux tests de dépistage de l'ESB. Cela vient du fait que l'on trouve sur le marché belge d'importantes quantités de viande provenant de jeunes bêtes sur lesquelles il n'est pas effectué de tests ESB.

­ L'on n'a encore aucune garantie quant à la transparence du régime proposé du point de vue du consommateur. Celui-ci pourra-t-il visualiser combien il paie pour les tests de dépistage de l'ESB ? Saura-t-il si la viande a bien subi les tests ? Quid de la viande importée qui n'a pas été soumise aux tests ?

L'intervenant renvoie par ailleurs aux observations du Conseil d'État. Celui-ci remarque que le comité scientifique auprès de l'Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire n'a pas été consulté alors qu'il s'agit pourtant d'une formalité obligatoire.

Le Conseil d'État remarque ensuite qu'il existe un doute quant à la qualification du prélèvement institué dans le texte proposé. Pour pouvoir être qualifié de rétribution, le prélèvement doit constituer la rémunération pécuniaire d'un service accompli par l'autorité en faveur du redevable individuel. Le prélèvement qui ne constitue pas la rémunéraiton d'un service fourni par l'autorité à un redevable en particulier n'est pas une redevance, mais une taxe. La redevance doit avoir un caractère purement rémunératoire. S'il s'agit d'une redevance, le texte même de la loi doit indiquer dans quels cas la redevance est applicable et par qui elle est due.

En l'occurrence, constate le Conseil d'État, vu le caractère vague du texte, il n'est pas exclu que ces prétendues rétributions constituent, dans les faits, un impôt. Dans ce cas, il y aurait lieu de se conformer aux articles 170, 171 et 172 de la Constitution.

Le Conseil d'État rappelle par ailleurs que, s'il s'agit d'un impôt, la délégation de pouvoir faite au Roi n'est pas permise à moins que l'intention soit de lui octroyer des pouvoirs spéciaux. Dans ce cas, il y a lieu d'indiquer les motifs impérieux justifiant le recours à cette délégation.

La haute juridiction relève enfin qu'en imposant ce prélèvement aux seuls exploitants du secteur alimentaire et pas à ceux du secteur agricole, on instaure une différence de traitement. Et pour être conforme aux principes constitutionnels d'égalité et de non-discrimination, cette différence de traitement doit être motivée.

En conclusion, le sénateur fait part d'une série de remarques du secteur concernant les dispositions proposées :

­ Il est difficile de répercuter cette taxe de manière univoque et transparente sur la viande fraîche, la charcuterie et d'autres plats à base de viande.

­ Le risque n'est pas imaginaire que des entreprises ne répercutent pas directement la taxe sur les produits à base de viande et récupèrent ce coût supplémentaire en augmentant leur marge sur la totalité de l'assortiment.

­ Les grands magasins ne répercuteront pas la taxe sur leur marge de vente, mais négocieront des conditions de fourniture moins coûteuses auprès des maillons de la chaîne alimentaire situés en amont; les PME n'ont pas cette possibilité.

­ Selon son importance, la taxe peut également donner lieu à une importation accrue de viande étrangère par les grands magasins.

­ Alourdissement des tracasseries administratives.

­ Le contrôle et les formalités administratives en vue de la perception de cette taxe ne seront pas si faciles, étant donné le grand nombre d'entreprises, surtout de petite taille, qui sont actives dans le secteur.

Réponses du ministre

Le ministre répond que la délégation de pouvoirs que l'on prétend large ne l'est pas, puisqu'elle est limitée dans le temps, qu'elle expire six mois après l'entrée en vigueur de la loi en projet et que les arrêtés royaux pris en exécution de celle-ci devront encore, à peine de nullité avec effet rétroactif, être confirmés par le législateur dans l'année civile qui suit la date de leur entrée en vigueur.

Il n'est donc absolument pas question, dans la disposition proposée, de pleins pouvoirs puisque les délais prévus sont stricts.

Le ministre confirme ensuite que, pour le règlement du paiement en 2002, des dispositions avaient déjà été inscrites dans la loi-programme du 12 novembre 2001. En tentant d'exécuter ces dispositions, on s'est toutefois heurté à des problèmes avec les divers acteurs, si bien que l'on n'a pas pris les arrêtés d'exécution. Après une discussion approfondie avec le secteur, on a dès lors formulé cette nouvelle proposition, qui bénéficie maintenant de l'assentiment du secteur. Ce n'est donc pas parce qu'il y a une loi que n'importe quelle mesure peut être prise.

Le ministre affirme ensuite que le projet d'arrêté d'exécution correspondant a déjà été rédigé. Il doit toutefois encore être soumis pour accord au Conseil des ministres et tant que ce dernier n'a pas donné son accord, il sera difficile de communiquer le projet de texte au Parlement.

Le ministre souligne que la non-approbation de l'arrêté royal qui doit encore être soumis au Conseil des ministres impliquera que les tests de l'ESB continueront à être à charge des ressources générales et que les budgets ne pourront donc pas être affectés à d'autres priorités.

L'un des principes importants concernant la nouvelle cotisation voulait que l'on ne place pas la cotisation trop près du producteur dans la chaîne, mais le plus près possible du consommateur, de manière que ce soit ce dernier qui paie. Ce choix a été opéré de manière tout à fait délibérée et il présente aussi bien des avantages que des inconvénients. En effet, si la cotisation était prélevée à un stade antérieur de la chaîne de production, ce seraient les producteurs nationaux qui paieraient, et non pas les importateurs, si bien que les producteurs nationaux souffriraient comparativement d'un désavantage.

Une cotisation versée à un stade ultérieur de la chaîne de production, par un particulier dans une boucherie ou un grand magasin, ou par un restaurateur à un fournisseur, ne serait possible que si l'on ne fait aucune distinction entre la viande importée et la viande produite dans le pays. On paie. De la sorte, le coût des tests effectués dans le pays est également réparti entre toutes les viandes, qu'elles soient importées ou produites dans le pays.

Dans un pays exportateur net, le consommateur paie un peu plus et le producteur belge bénéficie d'un avantage limité, puisque c'est le consommateur belge qui paie les tests ESB effectués sur les animaux exportés.

Compte tenu de l'obligation européenne, du programme et du calendrier actuels de tests, le consommateur européen a bel et bien la garantie que le test ESB a été effectué sur les bovins européens. Pour les bovins non européens, cette garantie n'existe pas. La quantité de viande importée est toutefois limitée et, de plus, elle provient surtout de pays où l'ESB n'est pas présente et qui sont classés parmi les pays présentant un faible risque géographique. Si le pays est classé parmi ceux qui présentent un risque élevé, la certification à l'exportation garantit que de tels tests ont été effectués.

Le ministre confirme ensuite qu'il existe une distinction claire entre une rétribution et un impôt. En effet, si dans le cas d'une rétribution, il y a un lien entre les recettes et les dépenses, l'impôt lui ne connaît pas ce lien, ou en tout cas moins clairement, puisqu'il alimente les moyens généraux et que ceux-ci sont répartis entre une série d'activités.

La cotisation proposée se situe, selon le ministre, à mi-chemin entre la rétribution et l'impôt, vu qu'on ne vise pas à alimenter la cassette commune, mais bien à participer globalement au financement de tests ESB spécifiques. Ce que paie le consommateur n'est donc pas lié au test spécifique effectué sur l'animal qu'il achète, mais doit permettre de cofinancer globalement les tests ESB.

Étant donné le lien entre les recettes et certaines dépenses spécifiques, non pas uniques mais multiples, le législateur a choisi d'utiliser les termes « rétribution ou cotisation de santé », ce qui permet, selon le ministre, de répondre aux remarques du Consei d'État.

Répliques des commissaires

M. D'Hooghe réplique que les pouvoirs conférés au Roi sont limités dans le temps mais pas sur le plan du contenu. En effet, actuellement, la Chambre des représentants et le Sénat adoptent toutes les dispositions de confirmation, ce qui fait que cette restriction ne signifie pas grand chose en pratique.

IV. DISCUSSION DES AMENDEMENTS ET VOTES

Article 2

M. D'Hooghe dépose deux amendements (doc. Sénat, nº 2-1259/2, amendements nºs 1 et 2) tendant à préciser le texte proposé.

Il renvoie en l'espèce à sa justification écrite.

Le ministre demande de ne pas voter les amendements proposés et renvoie à son exposé antérieur.

Les amendements proposés sont rejetés à l'unanimité des 8 membres présents.

Article 2bis (nouveau)

M. D'Hooghe dépose deux amendements (doc. Sénat, nº 2-1259/2, amendements nºs 3 et 4) tendant à perpétuer la situation actuelle, où les pouvoirs publics financent les tests ESB.

Le ministre renvoie à son exposé préalable et au choix d'opportunité qui a été fait. Il demande le rejet des amendements proposés.

Les amendements proposés sont rejetés par les 8 membres présents.

V. VOTE FINAL

L'ensemble du projet de loi a été adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

Confiance a été faite à la rapporteuse pour la rédaction du présent rapport.

La rapporteuse, Le président,
Iris VAN RIET. Jacques D'HOOGHE.

Le texte adopté par la commission
est identique au texte
du projet de loi transmis
par la Chambre des représentants
(voir le doc. Chambre, nº 50-1907/10)