2-1197/3

2-1197/3

Sénat de Belgique

SESSION DE 2002-2003

3 DÉCEMBRE 2002


Projet de loi portant extension des possibilités de saisie et de confiscation en matière pénale


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR M. ISTASSE


Le présent projet de loi, qui relève de la procédure obligatoirement bicamérale, a été adopté par la Chambre des représentants le 6 juin 2002, par 109 voix et 17 abstentions, et transmis au Sénat le 7 juin 2002.

La commission de la Justice l'a examiné en présence du ministre de la Justice, lors de ses réunions des 2 et 10 juillet, 6 novembre et 3 décembre 2002.

I. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU MINISTRE DE LA JUSTICE

I. Considérations générales

Le projet de loi à l'examen constitue la pierre angulaire des initiatives que le gouvernement a annoncées pour lutter contre la criminalité grave et la criminalité organisée.

L'on se référera à cet égard au Plan fédéral de sécurité et de politique pénitentiaire, et notamment aux projets 40 (« Privation des avantages »), 41 (« Recherche axée sur le butin ») et 85 (« Gel des patrimoines et législation relative à la privation de ceux-ci ») : tous ces projets annoncent l'extension des possibilités de saisie et de confiscation des patrimoines d'origine criminelle.

On part du principe évident, que le crime ne peut pas payer. Dans la pratique, cela signifie qu'il faut agir sur ce qui alimente la grande criminalité et la criminalité organisée. En effet, pour beaucoup de ces criminels, un emprisonnement éventuel n'est qu'un risque calculé et ils peuvent ensuite mener la grande vie grâce au produit de leurs crimes ou réinvestir ensuite ces profits dans d'autres projets criminels.

Divers États membres de l'Union européenne, comme les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l'Irlande, l'Italie, l'Autriche et le Portugal, disposent déjà d'un arsenal législatif ad hoc qui permet, par le biais du mécanisme de la privation des avantages, de réprimer mieux et plus correctement la criminalité grave et la criminalité organisée tout en ayant un effet dissuasif.

Dans la recommandation du 19 septembre 2001, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a d'ailleurs de nouveau exhorté les États membres à prévoir des mesures légales en vue de la confiscation des avantages patrimoniaux considérés comme criminels et, le cas échéant, de la répartition de la charge de la preuve concernant l'origine illicite de tels actifs.

En outre la Cour européenne des droits de l'homme a estimé, dans son arrêt Phillips du 5 juillet 2001, que le mécanisme de confiscation, prévu par le Drug Trafficking Act anglais (1994), est tout à fait conforme aux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Cet arrêt est postérieur à l'avis du Conseil d'État. Au moment où il a émis son avis, le Conseil d'État savait que l'arrêt Phillips devait être rendu, mais la Cour européenne des droits de l'homme venait seulement de déclarer la demande recevable.

Elle a ensuite été déclarée non fondée par l'arrêt du 5 juillet 2001.

Il va de soi que la Belgique ne peut accuser aucun retard par rapport à cette tendance générale, sinon elle risque de devenir un paradis pour les avoirs d'origine criminelle et de ne pas pouvoir participer à l'entraide judiciaire internationale dans un paysage criminel de plus en plus international.

II. Justification et explication des principes du projet

Le présent projet s'appuie essentiellement sur quatre piliers de base à savoir :

1. La nécessité d'une réquisition écrite de la part du ministère public avant qu'il ne puisse être procédé à la confiscation d'avantages patrimoniaux;

2. La répartition de la charge de la preuve entre le ministère public et le prévenu concernant l'origine d'actifs patrimoniaux suspects;

3. La possibilité de saisie par équivalent d'actifs patrimoniaux qui entrent en ligne de compte pour une confiscation, et

4. La possibilité, moyennant l'accord du tribunal, d'instaurer une enquête particulière sur les avantages patrimoniaux ainsi que la possibilité, pour le tribunal, d'imposer séparément la confiscation.

1. La réquisition écrite

D'après la réglementation actuelle, le tribunal peut prononcer la confiscation d'avantages patrimoniaux sans que celle-ci ait été requise par le ministère public. À l'avenir, l'inculpé ne pourra plus être surpris par une confiscation qui n'a pas été requise et sur laquelle il n'a donc pas pu se défendre.

2. La répartition de la charge de la preuve

Le point de départ commun des mécanismes de saisie dans les pays cités plus haut est que le ministère public doit rendre plausible devant le juge que certains actifs acquis par l'inculpé sur une période déterminée sont d'origine criminelle. Dès que le juge en est convaincu, il appartient à l'inculpé de démontrer ou au moins de rendre crédible l'origine licite de ces actifs. Le juge décide alors librement sur la base de la conviction qu'il a acquise si l'origine criminelle de ces actifs est suffisamment établie et, dans l'affirmative, dans quelle mesure il en ordonne la confiscation.

Le projet de loi introduit un tel mécanisme à l'article 43quater nouveau du Code pénal.

Trois catégories d'infractions sont prévues, à savoir :

­ La corruption publique (1) et privée (2), les délits en matière de drogue (3), la traite d'êtres humains (4), le trafic d'hormones (5) et les infractions dans le domaine humanitaire (6). Il s'agit d'infractions qui perturbent particulièrement la société ou qui sont commises dans un but lucratif.

­ Les infractions telles que les vols graves et le trafic d'armes, qui peuvent uniquement donner lieu à la répartition de la charge de la preuve lorsque les condamnés les ont commises dans le cadre d'une organisation criminelle.

­ Les « carrousels à la TVA » et les faits apparentés. Il s'agit d'infractions fiscales extrêmement lucratives qui sont organisées au niveau international et qui, bien que n'étant pas reprises comme telles dans la loi pénale, sont commises au moyen d'infractions relevant du droit fiscal et du droit commun.

Lorsqu'une personne a été condamnée pour de tels faits et que le ministère public peut démontrer que le condamné a, sur une période maximale de cinq ans, bénéficié de revenus, fait des dépenses ou été en possession de biens qui ne peuvent apparemment pas provenir de sources légales et qui peuvent être associés au type d'infraction pour lequel l'intéressé a été condamné, il appartient alors à l'inculpé de rendre crédible qu'il n'a pas tiré la différence entre ses actifs réels et ses actifs licites de pareilles infractions. Le juge décide alors si et dans quelle mesure cette différence entre en ligne de compte pour la confiscation.

Les droits de la défense sont respectés au maximum. Le prévenu ne doit pas prouver ses allégations. Il doit simplement les rendre crédibles. Il ne doit pas non plus rendre crédible l'origine licite de ses biens, mais simplement rendre plausible que ces biens ne proviennent pas du délit pour lequel il a été condamné ni de faits semblables.

En ce qui concerne ces faits identiques, ceux-ci sont des faits qui appartiennent aux mêmes types d'incrimination que ceux pour lesquels l'intéressé s'est vu condamner, ou des faits qui appartiennent à la même sphère que ceux précités (par exemple « infractions liées à la drogue »). Afin de ne pas laisser planer des malentendus, le projet a également expressément défini cette sphère : il ne peut s'agir que de faits tels qu'énumérés dans la première catégorie ci-dessus et ils doivent être repris sous le même numéro qui comprend également l'incrimination pour laquelle une condamnation a eu lieu.

Pour ce faire, l'inspiration a été recherchée dans le Drugs Trafficking Act (1994) anglais, dont le système de la répartition de la charge de la preuve, tel que déjà mentionné, fait l'objet d'une approbation par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'arrêt Phillips du 5 juillet 2001.

Dans cet Act, le « Drugs trafficking » est décrit comme une énumération d'un grand nombre d'infractions liées à la drogue et, lorsqu'une personne est condamnée pour une de ces infractions, le tribunal se voit obligé de confisquer tous les biens dont l'intéressé ne peut démontrer qu'ils ne proviennent pas d'une (peu importe laquelle) des infractions liées à la drogue énumérées dans l'Act.

Dans l'arrêt Phillips précité, la Cour européenne affirme que l'utilisation de présomptions est autorisée dans ce contexte, pour autant que son usage n'implique pas que de nouvelles poursuites, telles que visées à l'article 6.2 de la Convention européenne des droits de l'homme, soient entamées à l'encontre du prévenu. Dans l'affaire soumise, la répartition de la charge de la preuve ne concernait pas une condamnation relative à une nouvelle violation. D'après la Cour, il ne s'agissait donc pas d'une nouvelle poursuite à l'encontre de l'intéressé. Au contraire, il s'agissait d'une procédure légale qui doit permettre au juge national d'établir l'ampleur de la confiscation, qui est imposée comme peine pour l'infraction déclarée prouvée selon les garanties de procédure exigées.

Par conséquent, il ne peut demeurer aucun doute concernant la conformité du projet par rapport à la Convention européenne des Droits de l'Homme, d'autant plus que ce projet va beaucoup moins loin que l'exemple anglais.

3. Saisie par équivalent

Si les avantages patrimoniaux directs ne peuvent plus être retrouvés dans le patrimoine du condamné, le juge peut évaluer leur valeur et l'inculpé peut être condamné au paiement d'une somme équivalente. Il s'agit de la saisie par équivalent, qui est prévue à l'article 43bis du Code pénal.

L'article 35 du Code d'instruction criminelle dispose toutefois que seules les choses qui constituent un avantage patrimonial tiré directement de l'infraction peuvent être saisies. On ne peut donc pas, à ce stade, saisir des biens à titre conservatoire en vue d'une confiscation par équivalent. Lorsqu'un criminel fait disparaître ses revenus illicites et qu'il se rend insolvable en attendant le prononcé de la peine, on ne peut rien lui confisquer en fait.

Cette lacune est due à un oubli du législateur et le monde judiciaire la considère comme fort gênante. Le présent projet entend la combler.

4. Enquête spécifique de recherche d'avantages patrimoniaux

La législation actuelle impose que toutes les peines soient prononcées dans une même décision judiciaire.

À l'avenir, le tribunal pourra, lors du prononcé des peines principales (peine d'emprisonnement, amende, peine de travail) ordonner, sur réquisition du ministère public, une enquête particulière sur les avantages patrimoniaux. Le parquet se voit dès lors attribuer une période de deux ans, à partir du jugement, pour mener pareille enquête et pour renvoyer ensuite l'affaire devant le tribunal. Celui-ci devra alors uniquement se prononcer sur l'éventuelle confiscation d'avantages patrimoniaux.

Il en résulte d'une part que l'instruction préparatoire pénale n'est pas déraisonnablement prolongée ou alourdie d'une enquête approfondie d'avantages patrimoniaux, alors que, d'autre part, une enquête sérieuse sur les profits criminels est cependant possible.

III. CONSIDÉRATION FINALE

Le gouvernement signale que le projet de loi à l'examen sera complété par un deuxième volet, en l'occurrence un avant-projet de loi ­ qui est actuellement au Conseil d'État ­ portant création d'un Office central pour la saisie et la confiscation dans le cadre de l'ordre judiciaire.

Cet Office central fonctionnera comme un centre d'expertise en la matière et sera notamment chargé de définir les orientations de la future réglementation relative à la confiscation, de gérer les actifs saisis et de l'exécution des sanctions patrimoniales.

L'on met ainsi en place les instruments législatifs nécessaires pour pouvoir rendre plus efficace la privation d'avantages patrimoniaux et l'on en garantit la mise en oeuvre concrète.

II. DISCUSSION GÉNÉRALE

Mme Nyssens constate que le projet organise un renversement de la charge de la preuve. Elle rappelle que celui-ci se trouvait déjà mentionné dans le plan de sécurité déposé par le ministre au début de la législature.

Il est vrai qu'en matière de criminalité organisée, on ressent la nécessité de disposer d'instruments dérogeant au droit commun.

Cependant, le renversement de la charge de la preuve suscite des questions quant à la présomption d'innocence et aux droits de la défense.

L'intervenante se demande si le champ d'application du projet est suffisamment bien ciblé, et à quelles infractions il s'applique dans le cadre de la criminalité organisée.

En outre, le Conseil d'État formule des critiques à propos du renversement de la charge de la preuve, par rapport à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

Le projet a été modifié à la suite de ces observations.

À la Chambre, la discussion a porté notamment sur la compatibilité du texte avec la présomption d'innocence et avec les droits de la défense.

Quelles garanties a-t-on que les indices sérieux d'infraction seront examinés par le juge avec une attention particulière pour les droits et libertés individuels, puisque l'on se trouve bien devant une législation d'exception ?

L'intervenante demande si l'on dispose déjà d'un précédent dans d'autres matières, en ce qui concerne le renversement de la charge de la preuve, ou s'il s'agit d'une innovation dans notre droit pénal.

Une autre question concerne la confiscation d'avantages patrimoniaux résultant « de faits identiques commis dans le cadre d'une organisation criminelle ».

L'intervenante demande si les faits identiques en question doivent ou non avoir fait l'objet d'une condamnation.

En outre, le projet concerne les infractions de fraude fiscale et, à cet égard, l'intervenante partage la volonté de renforcer la lutte contre la criminalité organisée.

Elle se demande toutefois si la distinction peut clairement être faite entre des faits de fraude fiscale et le choix de la voie la moins imposée.

Le projet ne va-t-il pas trop loin sur le plan du renversement de la charge de la preuve et des indices d'infraction à la loi fiscale, de sorte qu'il risque d'empiéter sur le choix de la voie la moins imposée ?

Enfin, l'intervenante suggère de se reporter aux recommandations formulées par la commission parlementaire chargée d'enquêter sur la criminalité organisée en Belgique, à propos de la modification de la législation sur les confiscations et les saisies demandée par les magistrats.

Il conviendrait en particulier d'examiner les nuances et correctifs proposés par cette commission en la matière.

M. Mahoux déclare que les travaux du Sénat au cours des dernières législatures ont montré combien il est attentif à la problématique de la criminalité organisée.

L'objectif poursuivi par le projet à l'examen doit donc être soutenu. Il est vrai qu'il faut cependant se garder de faire des lois circonstancielles, et éviter les dérives.

Le renversement de la charge de la preuve dont il est question ici consiste en l'obligation de prouver l'origine licite des biens en cause, mécanisme qui existe déjà sur le plan fiscal et en matière de blanchiment.

L'intervenant ne comprend dès lors pas la portée de la remarque formulée par la précédente intervenante à propos du choix de la voie la moins imposée.

L'orateur a pris connaissance avec attention des motifs de poursuites susceptibles de donner lieu à une saisie conservatoire. Les intentions du texte sont incontestablement excellentes.

L'intervenant rappelle cependant qu'un travailleur social, oeuvrant depuis douze ans dans le secteur de l'accueil des candidats réfugiés politiques, et accusé de traite des êtres humains, est incarcéré depuis trois semaines à la prison de Bruges.

Or, on peut s'interroger sérieusement sur la présence dans son chef de l'une des conditions légales requises pour justifier la détention préventive.

On ne voit pas en quoi l'intéressé présenterait une certaine dangerosité ou risquerait de fuir, ni en quoi il pourrait communiquer des informations à des tiers.

L'intervenant en conclut qu'il sera particulièrement attentif en ce qui concerne les motifs prévus par le projet de loi pour justifier une saisie, à la lumière de l'interprétation que pourraient en faire certains parquets, juges d'instruction et chambres du conseil.

À cet égard, l'orateur se demande ce que l'on entend par le terme « production » [article 4, article 43quater, § 1er, a), 3º], qui pourrait donner lieu à des interprétations extensives de la part de certaines autorités judiciaires.

M. Dubié partage l'indignation du précédent intervenant à propos de l'incarcération du travailleur social dont il vient d'être question.

Il précise qu'en fait, deux travailleurs sociaux sont incarcérés, sur la base d'une dénonciation provenant de personnes qu'ils avaient aidées, dont la demande a été rejetée, et qui, en quelque sorte, se vengent sur eux de cette situation.

Mme De Schamphelaere déclare que son groupe marque son accord de principe sur les objectifs du projet à l'examen. Un élargissement des possibilités en matière de saisies et de confiscations est en effet nécessaire en matière de lutte contre la criminalité organisée.

Toutefois, certains problèmes se posent du point de vue de la protection juridique et d'une certaine insécurité juridique.

Tout d'abord, le concept de « faits identiques » doit être confronté au principe de légalité.

Ce concept risque de mener à une généralisation du système de la confiscation.

Une seconde observation concerne la notion d'« indices sérieux et concrets » que les avantages patrimoniaux découlent de l'infraction pour laquelle l'intéressé a été condamné ou, une fois encore, de faits identiques.

L'exposé des motifs renvoie à l'arrêt Phillips, mais l'intervenante estime que l'argumentation développée ne concorde pas entièrement avec cet arrêt, car dans le cas traité par celui-ci, il s'agissait des mêmes faits.

On constate aussi que le projet est plus strict que l'avant-projet.

En effet, on n'y retrouve plus l'exigence que la personne dans le patrimoine de laquelle les avantages patrimoniaux ont été trouvés soit un membre avéré d'une organisation criminelle.

Il n'est donc pas tenu compte, sur ce point, de la remarque du Conseil d'État selon laquelle le champ d'application du projet doit être limité.

Le projet ne requiert plus non plus de lien direct entre les fait qui ont produit l'avantage patrimonial et ceux pour lesquels l'intéressé a été condamné.

Une confiscation peut être prononcée sur la base d'un fait non établi, ce qui est contraire à la présomption d'innocence.

La confiscation est une peine, et ne se conçoit donc que s'il y a un fait punissable. Dans un État de droit, il faut respecter les principes de légalité et de spécialité.

L'intervenante annonce dès lors le dépôt de plusieurs amendements sur les points précités.

Réponses du ministre

Le ministre précise tout d'abord que, par le projet à l'examen, le gouvernement n'a pas fait oeuvre innovatrice.

Il a en effet étudié la législation des pays voisins, (Royaume-Uni, Allemagne, Irlande, Autriche, Italie, ...) qui connaissent un système comparable, et dont il est question dans l'exposé des motifs.

Le gouvernement s'est intéressé tout particulièrement au système anglais, parce qu'il a été approuvé par la Cour européenne des droits de l'homme.

L'Allemagne dispose elle aussi d'une législation comparable, basée sur les notions d'indices et de crédibilité, comme dans le projet à l'examen.

Il est caractéristique de constater que dans l'arrêt Phillips, la Cour européenne des droits de l'homme déclare explicitement que la personne ­ en l'occurrence condamnée ­ est la mieux placée pour fournir des explications quant à l'origine de son patrimoine.

La Cour considère que, lorsque celui qui comparaît devant le tribunal dispose de certaines garanties quant au caractère contradictoire de la procédure, il n'est pas illogique de le soumettre à un système de répartition de la charge de la preuve.

Selon la Cour, la possibilité de répartir cette charge ou de recourir à un système de présomptions ne constitue pas une incrimination supplémentaire, mais un moyen donné au tribunal de définir l'ampleur du montant de la confiscation.

Dans le projet, une condamnation est prévue pour l'un des faits spécifiques énumérés à l'article 43quater, § 1er, en projet.

Trois catégories de délits sont visés (voir ci-dessus, l'exposé des motifs).

Une première catégorie regroupe les délits suivants : corruption publique et privée, traite des êtres humains, drogue, infractions humanitaires et hormones.

Pour certains d'entre eux, on exige qu'ils aient été commis dans le cadre d'une association de malfaiteurs.

Une deuxième catégorie concerne certains vols graves ou d'autres délits de qualification plus large, qui doivent avoir été commis dans le cadre d'une organisation criminelle.

Enfin, la troisième catégorie vise la fraude fiscale grave.

La terminologie utilisée à ce propos est reprise de la loi du 11 janvier 1993 qui crée la CTIF et de l'arrêté royal relatif à l'OCDEFO. Il s'agit de faits pour lesquels ont été utilisés des mécanismes particulièrement complexes à l'échelle internationale (par exemple : les carrousels TVA), et non des faits commis par le contribuable ordinaire.

En dehors de ces trois catégories, le système de répartition de la charge de la preuve ne s'applique pas.

En ce qui concerne le choix de ces catégories, la première se justifie par le fait qu'il s'agit de délits commis en vue d'un profit financier, ou qui causent un trouble social important.

La mention de la corruption a été insérée dans le texte en réunion intercabinets à la demande expresse du SP.a.

Le ministre de la Justice a quant à lui insisté pour que les délits humanitaires soient visés.

Quant au trafic d'hormones, on sait qu'un nombre important de trafiquants vivent dans notre pays dans des conditions luxueuses grâce au profit qu'ils tirent d'activités qui portent préjudice à la santé publique.

En ce qui concerne la traite des êtres humains, il doit s'agir soit d'un délit d'habitude, soit de faits commis dans le cadre d'une bande.

L'exemple cité du travailleur social récemment incarcéré ne répond sans doute à aucune de ces deux conditions, de sorte que la loi en projet ne trouverait pas à s'appliquer.

Le ministre fait observer que, dans l'exemple en question, il doit trouver un magistrat du parquet pour requérir l'incarcération, un juge d'instruction pour l'ordonner, ainsi qu'une chambre du conseil ­ et peut-être une chambre des mises en accusation ­ pour la confirmer.

Pour le surplus, l'intervenant ne peut se prononcer sur ce cas particulier dont il ne connaît pas tous les éléments.

Le but du projet en discussion n'est pas de créer une législation d'exception, mais de prévoir une sanction adaptée à un certain type de délits.

Lorsqu'une condamnation définitive a eu lieu du chef de faits appartenant à l'une des trois catégories précitées, et que le parquet démontre l'existence d'une disproportion significative entre les revenus légaux de la personne en question et le mode de vie de celle-ci, on examinera, pendant une période de deux ans, les avantages patrimoniaux qu'elle a acquis durant la période commençant cinq ans avant son inculpation et courant jusqu'à la date du prononcé, et l'origine possible de ces avantages.

L'intéressé doit pouvoir fournir des éléments plausibles indiquant que les biens ne découlent pas de l'infraction pour laquelle il a été condamné, ou de faits liés à celle-ci.

L'arrêt Phillips ne parle pas de faits identiques (en l'occurrence, de faits de drogues), mais de faits liés à la drogue.

Ainsi, si la personne a été condamnée pour trafic de drogues, elle devra démontrer de façon plausible que les avantages patrimoniaux visés ne découlent pas de faits de drogue (non seulement le trafic de drogue mais aussi, par exemple, la vente de drogue, la fabrication d'XTC ou de cannabis, c'est-à-dire les autres qualifications énumérées de façon spécifique sous la même rubrique que le délit ayant donné lieu à la condamnation).

Si l'intéressé ne peut fournir ces éléments plausibles, la confiscation est demandée au tribunal pour un montant correspondant aux avantages patrimoniaux excessifs par rapport à ses revenus légaux.

Le tribunal apprécie librement s'il fait droit pour le tout ou en partie à la demande de confiscation, ou s'il la rejette.

Dans certains pays, un emprisonnement subsidiaire est prévu. Le projet ne le prévoit pas.

En réponse à une question de Mme Nyssens, le ministre ajoute que, dans l'avant-projet de loi, on visait seulement « les faits commis dans le cadre d'une organisation criminelle ».

Cependant, cette formulation a semblé peu praticable, car on ne dispose à l'heure actuelle d'aucune décision judiciaire prononçant une condamnation sur cette base.

On a donc extrait certains faits ­ les plus graves ­ du concept d'organisation criminelle, et on les a repris sous le littera a) de l'article 43quater (article 4 du projet), les autres étant repris sous le littera b).

Quant au littera c), il vise le cas de plusieurs infractions poursuivies de manière collective et dont la gravité, la finalité et le rapport mutuel permettent au tribunal de décider certainement et nécessairement que ces faits ont été commis dans le cadre d'une fraude fiscale grave et organisée pour laquelle ont été utilisés des mécanismes ou procédés particulièrement complexes à l'échelle internationale.

En ce qui concerne l'avis du Conseil d'État et l'arrêt Phillips, l'intervenant renvoie à ses précédentes explications.

La loi britannique ne parle pas d'avantage patrimonial excessif, mais présume que, dans les six ans précédant l'inculpation, tous les biens du condamné sont considérés comme liés ­ en l'occurrence ­ à la drogue, à moins qu'il ne puisse établir le contraire de façon plausible.

Le projet fixe quant à lui une période de cinq ans, et ne vise que l'avantage patrimonial excessif.

La Cour européenne estime que, pour autant que la présomption prévue par la loi britannique ne comporte pas un nouveau chef d'accusation, qui n'aurait pas été établi par la procédure ordinaire, elle ne constitue qu'un moyen donné au tribunal pour évaluer le montant exact des avantages patrimoniaux découlant de l'infraction (en l'occurrence, de la drogue).

Le gouvernement a tenu compte des enseignements de cet arrêt dans l'élaboration de la version définitive du projet à l'examen.

Il ne s'agit pas d'une législation d'exception, mais d'une législation proportionnée à la nature des faits visés.

Il n'existe pas d'autre exemple similaire dans la législation belge actuelle, mais bien dans celle des pays voisins déjà cités.

Le Conseil d'État a estimé que le concept d'« indices sérieux » était assez flou. C'est pourquoi on y a ajouté la qualification « concrets » et inséré des définitions au § 3.

La notion de « faits identiques » a donné lieu à une large discussion à la Chambre.

Au § 3 de l'article 43quater, il est précisé que cette notion vise les faits qui relèvent des qualifications visées au § 1er et qui tombent sous la même rubrique que le délit ayant fait l'objet de la condamnation.

Ainsi, par exemple, les délits en matière de drogue figurent au § 1er, a), 3º.

Par conséquent, s'il apparaît qu'une personne condamnée pour des faits de drogue a acquis, par ailleurs, une Ferrari grâce au produit d'un hold-up, ce véhicule ne pourra être confisqué dans le cadre du dossier relatif à la drogue, mais devra faire l'objet de poursuites distinctes.

Certains avocats tirent argument du fait que l'on serait, dans ce cas, obligé de s'incriminer soi-même.

La réponse à cet argument est que l'intéressé a le choix.

Il peut soit se taire, avec le risque que cela comporte d'aboutir à une confiscation dans le cadre du présent projet, soit invoquer la commission d'un autre délit ayant généré le patrimoine en question, ce qui peut donner lieu à l'ouverture d'un autre dossier pénal, distinct du premier.

M. Phillips se trouvait dans un cas semblable, et avait choisi de se taire.

La Cour a considéré qu'il était le mieux placé pour s'expliquer sur l'origine de son patrimoine, qu'il choisissait librement son mode de défense, et qu'il n'y avait pas sur ce point de violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En réponse aux observations de M. Mahoux, le ministre précise que le projet à l'examen est nécessaire pour faire face à une criminalité organisée de nature essentiellement financière et liée au blanchiment.

En effet, les moyens actuels dont on dispose sont tout à fait insuffisants pour apporter une réponse adéquate à ce type de criminalité.

Quant au cas cité par le membre, le ministre suppose qu'il s'agit du travailleur social de Courtrai, soupçonné de traite des êtres humains. Après son arrestation, la chambre du conseil de Courtrai a prolongé la mesure de détention préventive, et il n'y a pas eu appel.

L'affaire est revenue devant la chambre du conseil après un mois, et l'intéressé a été libéré, mais le procureur du Roi a interjeté appel.

Il va de soi que la traite des êtres humains est une matière qui préoccupe le ministre, et qui est susceptible de rentrer dans le champ d'application du projet à l'examen, mais cela suppose que les conditions très strictes fixées par le projet soient remplies.

Une aberration est toujours possible, mais les risques en sont très limités.

Mmes De Schamphelaere et Nyssens se sont interrogées sur la notion de « faits identiques » au regard du principe de légalité des délits et des peines, et du risque de généralisation du système de la confiscation.

Le ministre renvoie à ce sujet aux débats menés à la Chambre.

Il ne s'agit nullement de généraliser la confiscation, mais de l'appliquer dans des cas bien spécifiques, conformes à l'article 17 de la Constitution.

Quant à la notion d'indices sérieux et concrets, l'avis de l'auditeur du Conseil d'État a été rendu avant le prononcé de l'arrêt Phillips.

Le prononcé ultérieur a remis les choses à leur place, et fait un sort à la critique d'une éventuelle contrariété du système à la CEDH.

En ce qui concerne la remarque selon laquelle la liste reprise sous le littera b) de l'article 43quater (article 4 du projet) est plus sévère que celle figurant dans l'avant-projet de loi, le ministre rappelle qu'une correction linguistique a été apportée au texte par voie d'amendement.

Quant à la notion de « faits identiques », et au risque qu'une condamnation puisse être prononcée pour un fait non établi, la présomption d'innocence n'est pas en cause en l'occurrence.

Il s'agit d'une personne qui a déjà fait l'objet d'une condamnation, et dont on peut raisonnablement penser que l'accroissement de son patrimoine pourrait résulter de faits de même nature.

Enfin, en ce qui concerne les travaux de la commission parlementaire du Sénat, chargée d'enquêter sur la criminalité organisée en Belgique, le projet à l'examen traduit l'une des recommandations de cette commission.

Ce projet met aussi notre pays au diapason des autres pays de l'Union européenne en matière de lutte contre la criminalité économique et financière axée sur le butin, et est conforme aux directives européennes, ainsi qu'aux recommandations du Conseil de l'Europe.

Répliques des membres et réponses complémentaires du ministre

M. Istasse confirme que le projet à l'examen concrétise une des recommandations principales de la commission parlementaire du Sénat, chargée d'enquêter sur la criminalité organisée en Belgique.

L'intervenant se réfère ensuite aux observations formulées par l'Ordre des barreaux francophones et germanophone à projet du projet de loi (voir annexe 1).

Il aimerait connaître le point de vue du ministre à ce sujet.

Pour sa part, il en a retenu trois questions qui lui paraissent mériter une attention particulière.

La première concerne la répartition de la charge de la preuve et le risque de devoir s'autoincriminer (note précitée, point 6).

La deuxième est relative aux droits de la partie civile, qui pourraient entrer en concours et être atteints par la confiscation opérée par l'État.

La troisième concerne le fait que, la confiscation étant une peine, elle s'éteint en cas de décès du condamné : n'ayant pas encore été prononcée avant ce décès, elle ne peut venir frapper le patrimoine du défunt. La saisie devrait alors être levée et le patrimoine saisi attribué aux héritiers.

M. Mahoux rappelle qu'un renversement de la charge de la preuve est prévu au civil dans la loi anti-discrimination récemment votée par le Sénat. Lors de la discussion de ce texte, il a été dit qu'un tel mécanisme n'était pas envisageable en droit pénal. L'intervenant aimerait connaître le sentiment du ministre à cet égard.

Il se réfère en outre à sa précédente intervention, où il s'était interrogé sur le contenu de la notion de « production », contenue à l'article 43quater, § 1er, a), 3º (article 4 du projet), et où il avait évoqué une affaire en cours, dans laquelle des travailleurs sociaux avaient été mis en détention préventive, sur base d'une interprétation pour le moins extensive de la notion de traite des êtres humains.

L'intervenant souhaiterait que le ministre confirme que, dans les deux cas, les faits doivent s'inscrire dans un contexte de criminalité organisée pour relever du champ d'application du projet à l'examen, ce qui offrirait une garantie par rapport aux risques de dérives interprétatives de certains parquets ou de certains tribunaux.

Mme de T' Serclaes se rallie aux questions posées par M. Istasse, et inspirées par l'Ordre des barreaux francophones et germanophone.

Le présent projet illustre le difficile équilibre à trouver entre la poursuite des réseaux criminels et le maintien des droits et libertés individuels et des règles normales de la procédure pénale.

La note des barreaux met en évidence une série d'éléments qui touchent aux droits de la défense.

Pour sa part, l'intervenante relève que le lien entre la confiscation et les faits pour lesquels l'intéressé est sanctionné peut être rompu, par le biais de l'appréciation de la notion de « faits identiques ».

Ceci peut avoir des conséquences d'autant plus importantes que c'est à l'intéressé lui-même à fournir des éléments plausibles à propos de l'origine de son patrimoine.

Les barreaux précités s'interrogent à cet égard sur les moyens dont dispose la personne en question pour assurer sa défense si elle est incarcérée.

Même si l'on sait que les sanctions financières sont les plus efficaces pour lutter contre le crime organisé, le système contenu dans le projet doit être appliqué avec prudence, car une erreur pourrait avoir de graves conséquences, notamment sur le plan social, si c'est une entreprise qui a fait l'objet d'une confiscation injustifiée.

Le ministre de la Justice dépose une note répondant point par point aux observations de l'Ordre des barreaux francophones et germanophone (voir annexe 2).

Il souligne en outre que l'article 4 du projet vise trois catégories de faits.

La première concerne des faits répétitifs axés essentiellement sur le butin.

Ceux qui les commettent considèrent une incarcération comme un « accident de parcours » qu'ils acceptent.

Les faits en question sont des faits de corruption publique ou privée, de trafic de drogues, de traite des êtres humains commise de façon organisée et répétée, de trafic d'hormones, et de violations du droit humanitaire.

La seconde catégorie de faits doivent se situer dans le cadre des articles 324bis et 324ter, c'est-à-dire d'une organisation criminelle.

Quant à la troisième catégorie, elle vise notamment les carrousels TVA et la fraude fiscale internationale.

Le ministre souligne en outre que les gens de terrain sont favorables au projet. Il se réfère notamment à l'opinion de M. Damien Van der Meersch, juge d'instruction, qui se réjouit de cette initiative.

III. DISCUSSION DES ARTICLES

Articles 2bis (nouveau)

Amendement nº 1

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-1197/2, amendement nº 1), tendant à insérer un article 2bis nouveau, en vue d'accorder à la partie civile un privilège pour le recouvrement de sa créance, par préférence à toutes créances dues à l'État.

Cet amendement répond à l'une des observations formulées par les barreaux précités.

Le ministre répond que l'argument invoqué est juridiquement incorrect.

L'amendement vise à conférer à la victime certains privilèges sur les sommes confisquées, en partant du point de vue que l'État est également privilégié. Or, tel n'est pas le cas. L'État ne bénéficie lui non plus d'aucun privilège sur les sommes confisquées; il n'est que créancier chirographaire.

On distingue deux hypothèses.

La première concerne l'application de l'article 43bis, alinéas 3 et 4, du Code pénal, qui prévoit un règlement spécial de confiscation avec attribution des choses confisquées à la partie civile. Il s'agit d'un régime direct en vertu duquel la loi elle-même dispose que les biens confisqués ou leur produit reviennent à la partie civile.

La seconde hypothèse concerne l'application du régime général, en vertu duquel l'État, en cas de confiscation, même sans attribution spécifique à la partie civile, n'est que créancier chirographaire. Cela signifie qu'en cas de concours de créanciers, dans le cadre d'une faillite ou non, l'État est classé comme créancier chirographaire et sera payé au marc le franc, au prorata de ses créances, après les créanciers hypothécaires, les créanciers bénéficiant d'un privilège spécial et les créanciers bénéficiant d'un privilège général.

S'il y a en outre concours de créanciers sans qu'une confiscation définitive soit déjà intervenue, le curateur ou, le cas échéant, l'huissier de justice intégrera pour mémoire dans son décompte la part qui pourrait revenir à l'État en conséquence de la confiscation, et réservera éventuellement cette part. À défaut de confiscation par la suite, le montant sera redistribué ultérieurement entre les autres créanciers, suivant la clé de répartition initiale. S'il y a confiscation, ce montant, et celui-là seul, revient à l'État.

En conclusion, le ministre demande le rejet de l'amendement pour les trois raisons suivantes :

1. Les privilèges sont déjà réglés dans la loi sur les hypothèques. En l'espèce, il n'y a pas lieu de perturber le système équilibré de privilèges qui figure dans cette loi.

2. L'article 43bis CP prévoit déjà un règlement qui permet au tribunal de procéder à la confiscation avec l'attribution des biens et des valeurs confisqués directement ou par équivalent, à la partie civile à laquelle ces choses appartiennent. Lesdites choses se trouvent hors de la masse des créanciers (même privilégiés), puisqu'elle sont estimées n'avoir jamais quitté le patrimoine de la partie civile (jugement de confiscation déclaratif) (1)

3. Les auteurs parties civiles, parties lésées et créanciers du condamné peuvent exécuter suivant leurs privilèges propres ou en tant que créancier chirographaire, leurs créances sur les biens et valeurs saisis (hormis ceux qui pourraient servir à la manifestation de la vérité) et confisqués (2), autres que ceux visés au point 2.

Mme Nyssens fait remarquer que la confiscation profite à l'État, bien que l'État n'ait pas de privilège. Comme la partie civile peut-elle être assurée du payement des dommages et intérêts en cas de confiscation ?

Le ministre répond que, dans le cas où une partie civile spécifique aurait subi un dommage du fait de l'infraction à l'origine de la confiscation, le juge prononcera la confiscation et attribuera à la partie civile les biens ou sommes confisqués. Dans la pratique, les juges d'instruction ou les magistrats du parquet procèdent à la saisie afin de réserver les biens en faveur de la partie civile.

M. Vandenberghe souligne que la confiscation concerne des biens qui en fait ne sont pas dans le commerce (drogues, par exemple). On ne peut détenir de privilège sur des biens hors commerce. Le projet à l'examen pose un problème moral à l'intervenant. Dès lors que le produit des biens confisqués (par exemple le produit de la vente de stupéfiants) pourrait être attribué aux victimes, pourquoi ne serait-il pas permis de vendre les drogues ?

Le ministre répond que l'article 42 du Code pénal distingue les cas de confiscation suivants : la confiscation de l'objet de l'infraction, la confiscation du produit de l'infraction et la confiscation des avantages patrimoniaux illégaux tirés directement de l'infraction.

Une saisie de drogue concerne effectivement des biens qui se situent hors commerce. Ces biens seront en principe détruits et ne bénéficieront à personne.

Deuxième hypothèse : la drogue n'est pas saisie matériellement, mais l'argent résultant de sa vente est intercepté. Cet argent constitue dans ce cas un avantage patrimonial illégal ou un objet de l'infraction au sens de la loi « anti-blanchiment ». L'argent n'est pas en soi hors commerce, mais, d'un point de vue technique, il est la propriété du criminel (jusqu'au prononcé définitif du jugement). Par le biais d'un jugement constitutif de confiscation, il est transféré en propriété à l'État. En vertu de l'obligation légale inscrite à l'article 43, alinéas 3 et 4, l'État partagera l'argent, au marc le franc, entre les victimes. À défaut de victime, l'argent restera propriété de l'État.

M. Vandenberghe demande comment se fera cette attribution aux victimes. Pas mal d'infractions différentes peuvent en effet se présenter.

Le ministre répond que l'article 43bis est très général. L'alinéa 1er dispose que la confiscation est facultative et qu'elle est attribuée à la partie civile.

Le préopinant demande ce qui se passera s'il s'agit d'un criminel qui a commis plusieurs infractions et qu'il y a donc différentes parties civiles, alors que l'avantage patrimonial n'est manifestement lié qu'à un seul délit (par exemple un trafic de stupéfiants combiné à une faillite frauduleuse). La victime de l'infraction à laquelle s'applique la confiscation est-elle la seule à pouvoir prétendre à l'attribution de l'avantage patrimonial illégal ? Si cet avantage est également attribué aux créanciers de la faillite, faut-il alors tenir compte de la collocation relative à cette faillite ?

Le ministre répond que l'on applique le règlement suivant. Lorsqu'il y a attribution aux victimes en vertu de l'article 43bis, alinéas 3 et 4, on part du principe qu'il existe un privilège sans collocation légale. Dans un article paru dans APR, on peut lire que l'objectif du législateur est de faire passer la confiscation avec attribution avant toutes les autres. M. Vandenberghe invoque l'adage « pas de privilège sans texte ». L'auteur place toutefois la confiscation avec attribution hors catégorie, parce que le jugement de confiscation est constitutif à l'égard du transfert de propriété et déclaratif en ce qui concerne la confiscation avec attribution.

Les personnes qui ont été directement lésées par les infractions pour lesquelles la confiscation a été prononcée seront payées par attribution. Le solde éventuel sera réparti pro parte entre les autres créanciers à titre de créanciers ordinaires. Il y a confiscation avec attribution aux victimes qui peuvent prouver que le préjudice qu'elles ont subi est la conséquence directe de l'infraction pour laquelle la confiscation a été prononcée. S'il y a un surplus, celui-ci sera réparti entre les autres victimes.

Mme de T' Serclaes cite l'exemple suivant. Dans le trafic des êtres humains, on constate que le condamné a investi dans l'immobilier. Les immeubles sont saisis. Le préjudice subi par les victimes de ce trafic est reconnu.

L'article 43bis ne dit pas clairement que la réalisation de ces biens confisqués peut servir à indemniser les victimes. L'amendement de Mme Nyssens est beaucoup plus clair et semble aller plus loin que l'article 43bis, alinéa 3.

Mme Nyssens cite l'exemple de la prostitution. Il se pourrait que l'État soit un créancier privilégié pour la récupération des cotisations sociales. Les droits de la victime seront-ils suffisamment garantis par rapport au privilège de l'État ? Celui-ci n'aura-t-il pas priorité sur la victime lors de l'attribution ?

L'article 42, 3º, prévoit la confiscation des avantages patrimoniaux directs, c'est-à-dire des biens et valeurs tirés directement de l'infraction. Ces biens et valeurs peuvent être confisqués, avec attribution à la partie civile. C'est la confiscation de l'objet.

L'article 43bis prévoit un système de substitution pour le cas où l'avantage patrimonial direct ne se trouverait plus dans le patrimoine du criminel. Le juge condamnera alors le criminel au paiement de la valeur estimée des avantages patrimoniaux disparus (confiscation de l'équivalent). L'équivalent est alloué à la victime du préjudice. L'article ne peut donc pas être interprété au sens étroit et il concerne non seulement les biens qui appartiennent à la partie civile et lui sont restitués, mais aussi toutes les valeurs qui sont confisquées comme constituant l'équivalent des avantages patrimoniaux directs et qui sont remboursées à la partie préjudiciée.

Le préjudice pour lequel on demande l'attribution doit avoir un lien de causalité avec le fait pour lequel la confiscation est prononcée. Si l'on est préjudicié par suite d'un autre fait pour lequel l'intéressé est poursuivi et condamné simultanément, on ne peut pas revendiquer l'attribution. S'il reste de l'argent après l'attribution, les autres créanciers seront payés au prorata. La réglementation proposée par Mme Nyssens existe donc déjà. Mais l'article est trop peu connu, même des avocats. Beaucoup pensent que la confiscation profite à l'État, et non à la victime. C'est donc inexact.

Mme de T' Serclaes demande pour quelle raison, à l'article 43bis, alinéa 1er, on insère comme condition la réquisition écrite du procureur du Roi.

Le ministre répond que les avocats sont favorables à cette insertion. En effet, dans un certain nombre de cas, la confiscation est une sanction facultative. L'article 43bis, alinéa 1er, dispose que la confiscation d'avantages patrimoniaux est facultative, contrairement à la confiscation de l'objet et du produit de l'infraction. La réglementation existante prévoit que le tribunal peut prononcer d'office la confiscation d'avantages patrimoniaux sans que le parquet l'ait demandée. Cela place l'avocat du prévenu dans une position difficile. Si le parquet ne requiert pas la confiscation, il ne sait que faire. S'il conclut lui-même dans ce sens, il risque de donner des idées au juge. S'il n'en dit mot, le tribunal peut malgré tout prononcer d'office la confiscation et il n'aura pas pu se défendre sur ce plan. Le projet en discussion introduit donc comme condition qu'il y ait une réquisition écrite spécifique du parquet. L'inculpé saura ainsi exactement à quoi s'en tenir lors de sa comparution devant le tribunal.

Article 4

Amendement nº 2

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-1197/2, amendement nº 2) qui découle de l'amendement nº 1. L'auteur renvoie, dès lors, à la discussion de l'amendement nº 1.

Le ministre renvoie à la réponse qu'il a fournie concernant l'amendement nº 1 (article 2bis nouveau).

Amendement nº 9

Mme De Schamphelaere dépose l'amendement nº 9 (doc. Sénat, nº 2-1197/2), qui concerne l'inversion de la charge de la preuve. L'intervenante estime que l'inversion de la charge de la preuve doit toujours être considérée comme une mesure exceptionnelle, qui ne se justifie que dans des circonstances exceptionnelles. Elle souhaite donc en revenir au texte de l'avant-projet, qui limitait cette inversion aux infractions commises dans le cadre d'une organisation criminelle.

Le ministre demande le rejet de l'amendement.

Initialement (dans l'avant-projet), l'inversion de la charge de la preuve n'était applicable qu'à certaines infractions nommément désignées, pour autant qu'elles aient été commises dans le cadre d'une organisation criminelle.

Comme il est particulièrement difficile de prouver l'existence de pareilles organisations criminelles, compte tenu des conditions figurant aux articles 324bis et 324ter du Code pénal (il n'y a aucune condamnation définitive connue à ce jour), on a soustrait à ces conditions un certain nombre d'infractions et on les a classées dans une catégorie à part. Il s'agit des infractions dont on considère qu'elles perturbent le plus la société et qu'elles sont le plus axées sur un butin.

Amendement nº 10

L'amendement nº 10 (doc. Sénat, nº 2-1197/2) de Mme De Schamphelaere concerne lui aussi l'inversion de la charge de la preuve. L'amendement dispose qu'il doit y avoir des indices sérieux, trouvant appui dans d'autres moyens de preuve, à charge du condamné. Il faut au moins définir la notion d'indices sérieux. En droit pénal, les soupçons ne peuvent constituer qu'une preuve indirecte, servant à appuyer d'autres moyens de preuve.

Le ministre estime qu'il faut faire la distinction entre la preuve et l'indice. La notion d'indice vient du droit anglo-saxon, qui connaît une administration de la preuve « on the balance of probabilities » (le degré de preuve civile ­ « civil standard of proof »). Le ministère public doit rapporter des preuves, rendre l'accusation « acceptable » et convaincre le juge. Si celui-ci accueille ces preuves, la partie adverse devra prouver le contraire. On place donc les parties en position d'égalité; le parquet doit rapporter des preuves et l'inculpé doit démontrer de manière crédible que son argent ne provient pas du type d'infraction pour lequel il a été condamné. On a repris ce système aux Pays-Bas, en Autriche, en Italie, en Irlande et au Portugal.

Il faut tenir compte du fait que le Conseil d'État a rendu son avis avant l'arrêt Phillips. On y a quand même donné suite, puisqu'on a remplacé la notion d'« indices sérieux » par celle de « indices sérieux et concrets » dont on a, qui plus est, donné une définition au § 3 de l'article 43quater proposé.

Le parquet doit prouver qu'il s'agit d'une infraction pour laquelle il y a eu condamnation et qu'il y a une disproportion sérieuse entre le patrimoine dont la personne dispose visiblement et ses revenus légaux. Vouloir que les indices trouvent également appui dans d'autres moyens de preuve, c'est mélanger le degré de preuve civil et le degré de preuve pénal. Il faut une certaine crédibilité, une certaine admissibilité, mais pas une preuve irréfutable. La preuve pénale est destinée à faire déclarer la personne coupable des faits; pour la confiscation, des indices sérieux suffisent.

En droit anglais, une fois qu'une personne a été condamnée pour un fait de drogue, on présume que, pour la période de six ans précédant l'inculpation, tous ses biens peuvent être considérés comme des avantages patrimoniaux illégaux.

Mme De Schamphelaere souligne que la confiscation reste une peine. L'intervenante estime qu'il est aisé d'apporter des indices sérieux et concrets et que dans un certain sens, il y a un déséquilibre par rapport à la crédibilité qu'il faut y opposer.

Le ministre répond qu'il appartiendra au juge de déterminer ce qui est crédible et ce qui ne l'est pas. On peut partir du principe que les juges seront suffisamment consciencieux pour ne considérer comme peu crédibles que les affaires sans aucun fondement. Le point de référence est l'arrêt Phillips.

Amendement nº 3

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-1197/2, amendement nº 3), en vue de remplacer, à l'article 43quater, § 2, alinéa 1er, les mots « l'inculpé » par les mots « le condamné ».

Il est renvoyé à la justification écrite de l'amendement.

Le ministre demande le rejet de l'amendement car il s'agit d'une erreur textuelle qui peut être rectifiée par une simple correction de texte.

Dans la version française de l'article 43quater, § 2, alinéa premier, dernière phrase en projet, les mots « l'inculpé » doivent être remplacés par les mots « le condamné », conformément au texte de base néerlandais (« veroordeelde »).

D'autre part, on ne peut pas se rallier à la justification de Mme Nyssens. Référence est faite aux explications précédemment fournies et à l'arrêt Phillips.

L'amendement nº 3 est retiré.

La modification qu'il propose fera l'objet d'une correction formelle.

Amendement nº 4

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-1197/2, amendement nº 4), tendant à insérer, à l'article 43quater, § 3, alinéa premier, les mots « ou la citation par le ministère public » après les mots « l'inculpation ».

En effet, la notion d'inculpation n'est connue qu'en cas d'instruction, ce qui exclut les dossiers traités dans le cadre de l'information.

L'amendement vise à prévoir le même délai par référence à la citation du ministère public.

Le ministre ne peut se rallier à l'amendement.

L'idée générale qui régit le projet est que seuls les criminels d'une envergure assez importante feront l'objet du système de la répartition de la charge de la preuve quant à l'origine du patrimoine estimé illicite.

Dès lors, on peut envisager que les dossiers répressifs qui feront l'objet d'un tel système seront des dossiers susceptibles de mise à l'instruction. Par contre, il est difficile d'imaginer que le procureur du Roi se limiterait à une simple information dans un dossier où la répartition de la charge de la preuve est possible.

Il n'est pas exagéré de demander la part du procureur du Roi qui se propose de requérir l'application de l'article 43quater du Code pénal auprès du juge du fond, de mettre l'affaire à l'instruction pour qu'un juge d'instruction ­ qui opère à charge et à décharge ­ puisse diriger les investigations.

Amendement nº 11

Mme de Schamphelaere dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-1197/2, amendement nº 11) visant à remplacer, au § 2 de l'article 43quater proposé, les mots « ou de faits identiques » par les mots « et de faits connexes dont l'inculpé a été reconnu coupable ».

Cet amendement vise à mieux conformer le texte à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

L'extension de la confiscation ne peut en aucun cas être utilisée pour punir les personnes qui n'ont pas encore été reconnues coupables de faits bien déterminés et bien qualifiés.

Ce serait contraire non seulement au principe de légalité, mais aussi à celui de la présomption d'innocence.

En outre, le Conseil d'État fait remarquer à juste titre que cela équivaudrait à une extension de la notion de confiscation.

La confiscation doit toujours être spéciale et elle ne peut pas s'étendre à la totalité du patrimoine. En rendant la confiscation possible pour des « faits identiques » sans exiger que ceux-ci aient donné lieu à une condamnation, on confère à la confiscation un caractère général, ce qui est interdit par l'article 17 de la Constitution.

Le ministre demande que l'amendement soit rejeté.

Le régime en projet est précisément basé sur la conformité à la CEDH, telle qu'elle a été précisée dans l'arrêt Phillips.

Il ne tend pas à sanctionner des personnes pour des faits pour lesquels elles n'ont pas été condamnées, mais vise à soumettre au tribunal les informations correctes qui lui permettront d'estimer l'ordre de grandeur de la peine de confiscation (voir l'arrêt Phillips).

À cet égard également, l'amendement proposé rendrait le régime en projet totalement inopérant. Il existe en effet déjà une confiscation des avantages patrimoniaux tirés directement de l'infraction (article 42, 3º, du Code pénal) et l'amendement proposé n'y ajouterait rien.

Article 8

Amendement nº 5

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-1197/2, amendement nº 5), tendant à insérer à l'article 35ter, après les mots « la personne soupçonnée », les mots « d'avoir commis une ou plusieurs infractions énumérées à l'article 43quater ».

Cet amendement vise à préciser le texte pour respecter le principe de proportionnalité.

Le ministre demande le rejet de l'amendement.

Référence est faite à la réplique à la note du 6 mai 2002 de l'Ordre des barreaux francophones et germanophone (point 26), où l'on peut lire :

« Là ou les avocats prétendent à juste titre que la saisie par équivalent n'est autre que la rectification d'un oubli à l'occasion des modifications antérieures de l'article 35 (lois du 20 mai 1997 et du 14 janvier 1999), il n'y a actuellement aucune raison de limiter la confiscation par équivalent aux délits énumérés à l'article 43quater du Code pénal. À l'époque, il n'était en effet pas encore question d'un article 43quater du Code pénal.

Il n'y a en outre aucune raison d'alourdir la charge de travail sur le terrain ­ à l'occasion duquel la saisie a lieu ­ en exigeant des magistrats de première ligne (qui doivent souvent décider directement et par téléphone) ou de la police qu'ils qualifient immédiatement et correctement les faits constatés.

Toute qualification à ce moment-là est d'ailleurs provisoire et peut être corrigée par la suite par le magistrat instrumentant, la chambre du conseil et finalement le juge du fond. Ajoutons à cela que d'autres faits peuvent toujours être découverts, suite à quoi les faits constatés apparaissent sous un tout nouveau jour.

Les droits des personnes lésées par la saisie sont en outre suffisamment protégés par les articles 28sexies et 61quater du Code d'instruction criminelle (référé pénal). »

Amendement nº 12

Mme De Schamphelaere dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-1197/2, amendement nº 12) tendant à insérer, au § 1er de l'article 35ter, après les mots « indices sérieux et concrets », les mots « trouvant appui dans d'autres moyens de preuve ».

La justification de cet amendement est la même que celle de l'amendement nº 10 à l'article 4.

Le ministre demande le rejet de l'amendement.

Il renvoie au point de vue qu'il a développé concernant l'amendement nº 10.

Ce qui vaut pour la confiscation, vaut bien sûr aussi pour la saisie.

Pour pouvoir opérer une saisie, il n'est d'ailleurs pas nécessaire d'avoir des preuves. Des indices suffisent.

(Voir l'article 35 du Code pénal : « Le procureur du Roi se saisira de tout ce qui paraîtra constituer une des choses visées à l'article 42 du Code pénal et de tout ce qui pourra servir à la manifestation de la vérité. »).

Article 14

Amendement nº 6

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-1197/2, amendement nº 6) tendant à compléter l'article 524bis, § 3, en vue de permettre au condamné et à la partie civile, conformément au droit commun de la « loi Franchimont », de demander au juge d'instruction l'accomplissement d'un acte d'instruction, dans le cadre de l'enquête particulière sur les avantages patrimoniaux.

Le ministre demande le rejet de l'amendement pour les motifs suivants :

1) la procédure de l'enquête particulière sur les avantages patrimoniaux qui est visée à l'article 524bis du Code d'instruction criminelle est tout à fait distincte de l'instruction ou de l'information. Elle constitue une nouvelle procédure sui generis qui ne vise pas à rechercher les infractions, leurs auteurs ou les preuves, mais bien à déterminer de la façon la plus exacte possible la hauteur, la provenance et le contenu des avantages patrimoniaux que le condamné a retirés des infractions mentionnées aux articles 42 à 43quater du Code pénal;

2) contrairement à l'instruction ou à l'information, l'enquête particulière sur les avantages patrimoniaux est liée à un délai impératif, c'est-à-dire deux ans au maximum. Le respect de certaines garanties procédurales prévues à l'instruction et à l'information mettrait en péril le respect de ce délai et engendrerait des abus de procédure;

3) le juge du fond a en tout cas la liberté d'évaluer tout élément qui lui est soumis (entre autres, le respect des droits de la défense), et même si l'ampleur des avantages patrimoniaux illicites est ou semble être démontrée par le ministère public, il a toujours la faculté de ne pas prononcer la confiscation;

4) au surplus, l'article 524bis, § 2, du Code d'instruction criminelle prévoit explicitement que le procureur du Roi veille à la légalité des moyens de preuve ainsi qu'à la loyauté avec laquelle ils sont rassemblés.

Amendement nº 7

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-1197/2, amendement nº 7), tendant à insérer, aux premier et deuxième alinéas de l'article 524bis, § 7, les mots « ou (de) l'arrêt » après le mot « jugement ».

Cet amendement a pour objet de viser également, outre le jugement, l'arrêt ayant ordonné l'enquête particulière et l'arrêt rendu sur la culpabilité.

Le ministre fait observer que l'amendement concerne une erreur textuelle, qui peut être rectifiée par un simple correction de texte.

Le texte néerlandais mentionne à l'article 524, § 7, alinéa premier, du Code d'instruction criminelle : « een termijn van twee jaar vanaf de dag waarop het bijzonder onderzoek naar de vermogensvoordelen door de rechter werd gelast », ce qui est traduit en français par : « un délai de deux ans qui court à dater du jour du jugement ayant ordonné l'enquête particulière sur les avantages patrimoniaux », alors qu'une meilleure traduction est : « un délai de deux ans qui court à dater du jour où le juge a ordonné l'enquête particulière sur les avantages patrimoniaux ».

L'amendement nº 7 est retiré.

Il sera apporté au texte sous forme de correction matérielle.

M. Steverlynck fait observer, à propos de la notion d'indices sérieux, que si le patrimoine suspect provient, par exemple, d'une fraude à la TVA, on peut difficilement exiger de l'inculpé qu'il s'incrimine lui-même.

Le ministre renvoie aux réponse que donne l'arrêt Phillips à cet égard et qui ont été exposées ci-avant.

Article 16 (nouveau)

Amendement nº 8

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-1197/2, amendement nº 8) en vue d'insérer un article 16 nouveau visant à modifier l'article 1er, alinéa premier, de l'arrêté royal du 9 août 1991 réglant le délai et les modalités du recours des tiers prétendant droit sur une chose confisquée.

L'amendement a pour but, d'une part, de viser non seulement l'article 43bis, mais aussi le nouvel article 43quater du Code pénal (point A) et, d'autre part, de protéger les droits des tiers de bonne foi (point B).

Le ministre ne peut se rallier à l'amendement.

Quant au point A, l'adaptation de l'article 1er ainsi que l'article 2 de l'arrêté royal du 9 août 1991 fera l'objet d'une initiative ultérieure du gouvernement, qui vise la modification globale de cet arrêté royal et de l'arrêté royal du 24 mars 1936 sur la détention au greffe et la procédure en restitution des choses saisies en matière répressive. Dans cette nouvelle initiative, on envisage de viser non seulement l'article 43quater, mais aussi l'article 505, troisième alinéa, du Code pénal.

Quant au point B, d'après l'expérience sur le terrain, le délai de 90 jours est suffisamment large. D'autre part, les exigences pratiques des greffes et des services des domaines requièrent une évacuation assez rapide des biens confisqués.

IV. VOTES

L'article 1er est adopté par 8 voix et 2 abstentions.

L'article 2 est adopté par 7 voix et 3 abstentions.

L'amendement nº 1 visant à insérer un art. 2bis nouveau est rejeté par 7 voix contre 3.

L'article 3 est adopté par 7 voix et 3 abstentions.

Les amendements nºs 2 et 9 sont rejetés par 7 voix contre 3.

L'amendement nº 3 est retiré.

Les amendements nºs 10, 11 et 4 sont rejetés par 7 voix contre 3.

L'article 4 est adopté par 7 voix et 3 abstentions.

Les articles 5 à 7 sont adoptés par 7 voix et 3 abstentions.

Les amendements nºs 5 et 12 sont rejetés par 8 voix contre 3.

L'article 8 est adopté par 8 voix et 3 abstentions.

Les articles 9 à 13 sont adoptés par 8 voix et 3 abstentions.

L'amendement nº 6 est rejeté par 8 voix contre 3.

L'amendement nº 7 (A et B) est retiré.

L'article 14 est adopté par 8 voix et 3 abstentions.

L'article 15 est adopté par 8 voix et 3 abstentions.

L'amendement nº 8 tendant à insérer un article 16 nouveau est rejeté par 8 voix et 3 abstentions.

L'ensemble du projet de loi corrigé est adopté par 8 voix et 3 abstentions.

V. CORRECTIONS FORMELLES

Article 4

À l'article 43quater, § 2, alinéa 1er, les mots « l'inculpé » sont remplacés par les mots « le condamné ».

Article 14

À l'article 524bis, § 7, alinéa premier, les mots « à dater du jour du jugement ayant ordonné l'enquête particulière sur les avantages patrimoniaux » sont remplacés par les mots « à dater du jour où l'enquête particulière sur les avantages patrimoniaux a été ordonnée par le juge ».

À l'article 524bis, § 7, alinéa 2, les mots « le jugement rendu sur la culpabilité n'est pas encore coulé en force de chose jugée » sont remplacés par les mots « la décision rendue sur la culpabilité n'est pas encore coulée en force de chose jugée ».

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 8 membres présents.

Le rapporteur, Le président,
Jean-François ISTASSE. Josy DUBIÉ.

Sous réserve des corrections formelles
susmentionnées, le texte adopté
est identique au texte du projet
transmis par la Chambre
(voir le doc. Chambre nº 50-1601/7 ­ 2000-2001)


(1) SAGAERT, V., De positie van de schuldeisers bij strafrechtelijk beslag en verbeurdverklaring van vermogensvoordelen, TPR, 2000, 55-95.

(2) Même auteur, o.c.