2-247

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Belgische Senaat

Handelingen

DONDERDAG 28 NOVEMBER 2002 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Mondelinge vraag van de heer Olivier de Clippele aan de minister van Economie en Wetenschappelijk Onderzoek, belast met het Grootstedenbeleid, over «het oprichten van een databank van huurders» (nr. 2-1148)

M. Olivier de Clippele (MR). - Monsieur le ministre, à la suite d'une initiative visant à constituer un fichier des locataires qui accusent un retard de trois mois de paiement, vous avez déclaré que vous souhaitiez la création d'un autre fichier, concernant les propriétaires dits irréguliers.

Je constate que vous ne contestez pas le fondement d'un tel fichier, puisque vous proposez un fichier semblable pour équilibrer la situation entre propriétaires et locataires.

Savez-vous qu'il existe déjà de nombreux fichiers concernant les propriétaires, dont certains sont d'ailleurs accessibles sur internet ? La Flandre a, par exemple, partiellement mis en oeuvre un fichier visant à rendre publiques les infractions urbanistiques relevées pour chaque parcelle, chaque bien immeuble situé sur son territoire. Nous allons de plus en plus vers une publicité en la matière.

Il en va de même pour les prêts, hypothécaires et autres : après trois mois de retard de paiement, les intéressés sont fichés à la Banque nationale de Belgique comme mauvais débiteurs.

Comment envisagez-vous le fichier en question, indépendamment de ceux qui existent déjà ?

Par ailleurs, vous êtes également chargé de la politique des grandes villes. Selon moi, le fichier proposé ne vise pas à monter les gens les uns contre les autres mais à rassurer les bailleurs sur la solvabilité des personnes auxquelles ils envisagent de louer leur bien et qui ont l'apparence de mauvais payeurs : ces derniers pourront ainsi invoquer qu'ils ne sont pas fichés pour non-paiement de loyer.

Que comptez-vous faire pour rassurer les bailleurs dont la confiance est parfois perturbée, surtout dans les grandes villes, lorsqu'ils mettent en location des logements modestes ?

M. Charles Picqué, ministre de l'Économie et de la Recherche scientifique, chargé de la Politique des grandes villes. - Avant toute chose, monsieur de Clippele, permettez-moi de procéder à une rectification : je n'ai jamais marqué mon intérêt pour un fichier des mauvais locataires. J'ai dit que si l'on devait en arriver là - et cela ne me paraît pas une bonne formule, je vous dirai pourquoi dans un instant - il serait impératif que l'on dispose également d'un fichier des mauvais propriétaires.

Votre question me permet cependant de situer mon point de vue de manière plus globale. Si des problèmes se posent, et personne ne conteste le droit des propriétaires à exiger le paiement d'un loyer, la méthode utilisée par le Syndicat national des propriétaires n'est pas adéquate.

D'abord, l'effet d'annonce est assez affolant. En effet, il donne aux propriétaires le sentiment qu'il faut être plus qu'attentif, pratiquer une méfiance presque systématique et rechercher le risque minimum - beaucoup le recherchent déjà.

Les locataires, quant à eux, déjà confrontés au problème de la rareté des biens et du prix des loyers, ont le sentiment qu'une difficulté mineure et passagère peut les amener à être fichés, ce qui peut les conduire à demander avec plus d'insistance encore, des logements publics et des logements sociaux.

(Voorzitter: de heer Jean-Marie Happart, ondervoorzitter.)

Vous savez qu'il y a des propriétaires victimes de la pauvreté, qui ne sont peut-être pas payés comme ils le souhaitent, mais je veux surtout dire qu'il y a aussi des propriétaires qui vivent de la pauvreté.

Je pense qu'accepter la logique d'un fichier de cette nature pose d'énormes questions. Je ne parlerai pas ici des aspects vie privée, qui sont certainement des aspects qu'il faut soulever. Cependant, se pose la question de savoir à partir de quel moment on entre dans le fichier. Je me souviens qu'au début de ma carrière, j'aurais pu être dans ce genre de fichier. Quand sort-on de ce fichier ? Comment peut-on sortir de ce fichier, de sorte que l'on ne garde pas une étiquette de mauvais locataire sur le dos pendant plusieurs années ? A-t-on des garanties relatives l'accès à ces informations ?

Tout cela n'a pas été dit et je trouve que le Syndicat national des propriétaires adopte une espèce de posture de « victimisation » permanente qui, à mon avis, n'est pas la bonne méthode et vous, qui en êtes très proche, vous devriez le leur dire.

Quand je vois dans Le Cri un titre tel que « On s'est trompé d'histoire de haine », je me dis que c'est de la « victimisation » excessive. On écrit d'ailleurs dans le même article que les bailleurs font du logement social sans le dire et contribuent à réduire les problèmes sociaux. C'est peut-être vrai dans le chef de certains mais, à ma connaissance, pas chez tout le monde. Je crois aussi que le fait de lancer un message de cette nature est contre-productif - je vous dirai par la suite comment il faut aborder ce problème - alors que, par ailleurs, l'on n'arrête pas de solliciter et d'encourager des investissements. Cependant, un discours du style « nous sommes haïs, nous sommes exploités, nous sommes mal compris et, en plus, nous ne sommes pas payés », n'est pas vraiment un facteur encourageant l'investissement immobilier, qui est pourtant très important pour l'économie et la cohésion sociale.

J'en reviens au fichier des mauvais propriétaires. Dans bon nombre de domaines que je suis amené à gérer, les fédérations professionnelles ont très bien compris que leur crédibilité passe par l'exclusion de ceux qui ont des pratiques qui les discréditent. J'ai remarqué que le Syndicat national des propriétaires - il faut lui rendre justice - ne semble pas être opposé à ce fichier. Sans doute que les plus lucides se rendent en effet compte qu'il y a des conditions d'exploitation parfois tellement scandaleuses qu'elles rejaillissent sur la crédibilité de tout le secteur. Vous savez bien que dans les quartiers défavorisés que nous connaissons, des propriétaires adoptent très souvent avec enthousiasme le principe de la privatisation des profits et de la globalisation des coûts. Les pouvoirs publics rénovent, tentent d'embellir l'espace public. J'ai constaté quelquefois dans ma commune que certains propriétaires faisaient de ce genre de revalorisation un usage tout à fait honorable et d'autres, un usage qui l'était moins en « surdensifiant » les logements.

Il faut être de bon compte. Il y a aujourd'hui un certain nombre de propriétaires qui créent beaucoup de problèmes. À mon avis, il convient de les combattre dans leurs comportements. Cela, le Syndicat national des propriétaires doit le faire. Avant de commencer à stigmatiser le consommateur, il faut d'abord faire le ménage chez les producteurs et les distributeurs. C'est une règle qui a été bien comprise dans d'autres secteurs. Parfois, elle prend la forme d'une autorégulation, d'un code de bonne conduite, etc.

Les journaux du Syndicat national des propriétaires évoquent souvent l'inertie des pouvoirs publics. J'ai repris, rien que pour ma commune, les chiffres en matière d'aide aux loyers impayés, les aides en matière de garanties. Je peux vous dire qu'ils sont assez impressionnants. Je les tiens à votre disposition pour vous démontrer que les pouvoirs publics sont souvent amenés à justement se substituer aux propriétaires, en offrant un logement social ou un logement public, ou aux locataires puisqu'à un moment donné, il faut faire face aux difficultés sociales parfois très qu'ils rencontrent.

Ce fichier, me semble-t-il, exclut plus qu'il n'inclut, alors que le logement est considéré comme un élément incluant. Le logement et l'emploi sont des variables fondamentales de la cohésion sociale.

Il n'empêche que je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous en ce qui concerne les fichiers, monsieur de Clippele. Vous évoquez l'existence d'un fichier, à la Banque nationale, des propriétaires en retard de paiement de leur prêt hypothécaire. Il existe effectivement toutes sortes de fichiers. Je pense notamment au fichier - qui comprend une centrale positive et une centrale négative - relatif au crédit à la consommation.

Il existe aussi un fichier des propriétaires en retard dans le paiement de leurs contributions. D'autres citoyens sont d'ailleurs fichés pour cette même raison.

Vous citez également le fichier des propriétaires qui laissent leurs biens à l'abandon. Abandonner un immeuble constitue effectivement un fait grave. Il existe bien un fichier des automobilistes qui ne sont pas assurés. Lorsque les maisons sont insalubres ou ne bénéficient pas des conditions élémentaires en termes de confort et de sécurité, il est normal que les pouvoirs publics - d'ailleurs responsables, en finale - soient informés de ces situations.

Le fichier des propriétaires qui donnent en location des biens insalubres, par contre, n'existe pas, mais nous avons évidemment repéré de tels biens dans certaines communes.

Ces fichiers - et c'est essentiel - ne sont pas accessibles au public. Il existe une grande différence entre les fichiers gérés par des organes administratifs et les fichiers qui le sont par des organismes privés. Méfions-nous, par conséquent, des comparaisons.

Je répète depuis des années qu'il faut investir dans l'immobilier, qu'il faut encourager de tels investissements, susceptibles d'assurer la cohésion sociale, d'accroître l'offre de logements, etc. Comme vous le savez, l'impôt des sociétés a récemment fait l'objet d'une réforme.

Je vous encourage, monsieur de Clippele, dans le même ordre d'idées, à appuyer un certain nombre de réformes - que j'ai soumises à mon collègue des Finances - visant à créer des aides sous forme de défiscalisation contractuelle, qui encouragent l'accès à la propriété et peuvent donc contribuer à la production de logements.

Le Syndicat national des propriétaires a évidemment le droit d'exprimer des inquiétudes par rapport à certaines situations, mais il faut, tout d'abord, éviter de généraliser, ensuite, être attentif aux aspects induits et pervers de ce genre de déclarations, et, enfin, chercher des solutions, lesquelles ne passent pas, à mon sens, par le fichage des mauvais locataires tel qu'il est présenté. D'ailleurs, les conditions même de ce fichage n'ont pas été précisées.

Je reste un interlocuteur tout à fait ouvert par rapport à la recherche de solutions visant à éviter certains abus dans le chef du locataire, mais je reste tout aussi ouvert aux aides à l'investissement immobilier. La méthode choisie ici n'est toutefois pas la bonne solution. Si l'on devait quand même l'étudier, il conviendrait d'imposer aux propriétaires des devoirs comparables en termes d'assainissement du secteur.

Je pourrais vous citer de nombreux exemples de surdensification de logements et de recherche de taux de rendement incroyablement élevés, recherche dont les effets induits sont particulièrement négatifs. Le marché s'ajuste en effet sur les prix de ces maisons, dont les taux sont excessifs en raison d'une surdensification de locataires.

Ces prix pratiqués influencent le prix de la maison unifamiliale ou bifamiliale classique que voudraient tant acquérir un certain nombre de ménages. Nous devons lutter contre cette surdensification souvent liée à un manque de confort et d'entretien. Tout cela est voulu en raison d'une recherche de rendement maximum qui, à mon sens, dans un certain nombre de cas, est impossible à atteindre sans la surdensification et le non-investissement.

C'est un beau débat auquel je peux participer quand vous voulez.

Je trouve simplement que l'approche du syndicat des propriétaires n'est pas la bonne.

M. Olivier de Clippele (MR). - Vous avez répondu à des questions que je n'avais pas posées, monsieur le ministre, mais les réponses étaient intéressantes.

Je voudrais faire une réflexion. Le marché locatif en Belgique n'est pas un marché professionnel ; c'est une particularité de notre pays, contrairement à ce qui se fait dans les pays voisins. C'est aussi la raison pour laquelle les loyers pratiqués, en général, dans notre pays, sont nettement inférieurs à ceux qui sont en vigueur aux Pays-Bas et certainement en France ou en Allemagne. Pourquoi ? Parce qu'environ 400.000 bailleurs privés donnent leurs biens en location, occasionnellement sans être des professionnels.

Ce que vous cherchez, monsieur le ministre, c'est presque une professionnalisation du secteur, mais je ne crois pas que les loyers s'en trouveront diminués.

Je crois que vous devez trouver des réponses à la question lancinante qui se pose actuellement dans le chef de nombreux bailleurs privés qui sont parfois des personnes relativement modestes. Ils sont bien sûr mieux placés que le locataire puisqu'ils possèdent déjà un bien, mais ils ne sont pas fortunés pour autant.

Question lancinante, disais-je, face à une certaine désinvolture à rembourser et à payer ses dettes. Il me semble que vous restez en défaut d'apporter une réponse à cet égard.