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M. le président. - Je vous propose de joindre la discussion de ces propositions de loi. (Assentiment)
M. de Clippele se réfère à son rapport écrit.
M. Philippe Monfils (MR). - Je commencerai par féliciter le rapporteur de son rapport écrit, qui reflète parfaitement les nuances et l'évolution de la discussion, laquelle a abouti par consensus au texte que nous avons adopté.
Je ne vous livrerai pas un résumé complet du rapport et me bornerai à rappeler les objectifs de la proposition de loi et à indiquer les conclusions que nous avons dégagées.
L'objectif était de remédier pour l'avenir à ce qui s'apparente à une sorte d'impasse juridique constatée dans le système des droits d'auteur en matière de transmission par câble.
On peut dire d'emblée que le système est très simple puisque les auteurs, par le biais des sociétés de gestion collective, reçoivent des droits pour la retransmission télévisée de leurs oeuvres. Il n'y a donc aucun problème de principe.
Cependant, que se passe-t-il en cas de contestation sur les droits versés ? Nous constatons depuis 1996 qu'une partie des redevances est gelée par les télédistributeurs et que le système est faussé puisque ces sommes sont engrangées pendant plusieurs années par les télédistributeurs en attendant une décision de justice.
On a d'ailleurs chiffré à près de 20 millions d'euros par an les montants des droits qui ne sont pas reversés aux sociétés de gestion collective. Il s'avère dès lors qu'environ 120 millions d'euros en six ans ou 5 milliards de francs font l'objet de contestation.
Pourquoi le judiciaire n'intervient-il pas ? C'est ici que les choses se compliquent. L'article 54 de la loi du 30 juin 1994 a essentiellement fondé tout le système sur une relation contractuelle. Un système de médiation est d'ailleurs mis au point, mais il s'agit d'une médiation volontaire et la décision des médiateurs ne s'impose pas aux parties, soit aux auteurs, d'une part, et aux télédistributeurs, d'autre part.
Une première proposition avait envisagé un système de médiation obligatoire. Nous avons dû y renoncer car la directive européenne sur les droits d'auteurs impose le système contractuel et n'accepte pas un système de médiation obligatoire, même si les parties le souhaitent. Nous avons donc dû l'abandonner et envisager un autre système.
Le deuxième élément renforçant la complexité réside dans le fait que les tribunaux ont tendance à considérer que tout doit être fait par les médiateurs et attendent avant de se prononcer.
Certes, il y a une possibilité de sanction pour faire avancer les choses, à savoir le refus de l'autorisation d'émettre qui serait décidé par les sociétés de gestion collective. On voit immédiatement la bombe atomique intellectuelle que représenterait le fait de couper la moitié des émissions de la RTBF ou de RTL-TVI. Ce type de sanction est inscrite dans la loi, mais elle est pratiquement inapplicable. C'est tellement vrai que les tribunaux saisis de la question n'ont jamais accepté ce genre de mesure.
Je crois que les auteurs se rendent parfaitement compte qu'il est pratiquement impossible d'appliquer concrètement ce système de sanction. Les citoyens qui ont payé leur redevance n'accepteraient pas qu'en échange du paiement de cette redevance actuellement bloquée par les télédistributeurs, ils n'aient même plus droit à l'image.
Par ailleurs, nous ne pouvons interférer dans un litige en cours. Cette proposition n'a pas pour objectif de traiter ce litige-ci. Mais nous savons qu'à l'avenir, des contrats seront conclus entre des sociétés de gestion collective et les télévisions. Certains de ces contrats donneront lieu à des litiges. Par conséquent, il convient de trouver une solution permettant qu'un jour, la justice puisse intervenir assez rapidement dans les discussions et les litiges qui naîtront inévitablement de la multiplication des contrats passés ultérieurement. Cette proposition de loi ne change donc rien aux litiges actuels. Mais si ce texte était voté, il indiquerait aux juridictions la voie à suivre dans le cas actuel. Pour le futur, en tout cas, une solution existerait.
Nous ne voulons pas décider qui a tort et qui a raison. Je ne suis d'ailleurs pas intervenu dans l'affaire et je ne sais si les arguments des uns et des autres sont fondés. En tant que législateur, je veux faire en sorte qu'un litige se termine et que les quatre, cinq ou six milliards qui sont actuellement bloqués et qui proviennent de la population aboutissent là où ils doivent aller, éventuellement en fonction d'une décision de justice. Je veux donc mettre fin au litige en élaborant une procédure qui permette d'aboutir à un résultat dans un délai raisonnable. Tel est l'objet de la présente proposition de loi.
Nous avons rencontré une série de personnes. Nous nous sommes penchés sur l'application de la directive européenne. Nous avons analysé l'affaire. Le rapport que vous avez reçu est d'ailleurs fort épais, ce qui démontre l'intensité de nos réflexions. Il s'agit donc d'une loi de procédure qui précise simplement qu'une décision doit pouvoir intervenir dans un délai maximal de 18 mois.
Tout d'abord, en cas de litige, les parties disposent d'un délai de 12 mois pour tenter de s'accorder. En l'absence d'accord, on peut engager une procédure de médiation qui doit, de toute façon, prendre fin après six mois maximum. Si cette médiation aboutit, on n'en parle plus. Elle peut aussi permettre de constater qu'il existe un abus de position de négociation. C'est un rapport intéressant pour le tribunal qui devrait être saisi en référé et rendre sa décision à l'issue du délai. Bref, en 18 mois, une décision doit être prise.
Bien entendu, si, à chaque stade de la procédure, les parties ne font pas usage de l'étape suivante, l'accord, non frappé de recours, est considéré comme ayant été approuvé. Si, par exemple, sur la base de la médiation, une solution est proposée et si ni les auteurs ni les télédistributeurs ne manifestent une quelconque volonté de poursuivre, la décision est entérinée dans un certain délai. Cela permet de progresser. Cependant, si l'une des deux parties veut procéder, il faut lui permettre d'aller jusqu'au bout tout en lui imposant des délais fixes afin que le litige puisse prendre fin un jour.
Je crois que si nous parvenons à mettre au point une procédure, elle offrira des garanties à ceux qui passent un contrat de bonne foi : il sauront qu'en cas de difficulté d'interprétation, de refus de renouvellement ou d'une quelconque difficulté de cet ordre, une procédure existe qui pourra se terminer devant un tribunal qui statuera.
J'espère que cette proposition de loi sera votée par le Sénat et ensuite par la Chambre. Ce sera un signal donné aux uns et autres de notre volonté d'aboutir à résoudre ce problème. Cela évitera que ne perdure la situation actuelle où des milliards sont provisionnés dans l'attente d'une hypothétique décision de justice. La situation actuelle n'est pas satisfaisante dans un État de droit.
Je remercie tous les collègues qui ont participé tant par leurs interventions que par leurs propositions concrètes à la rédaction de ce texte. Cette proposition de loi offre une solution raisonnable au problème soulevé.
-La discussion générale est close.