2-1306/1

2-1306/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2002-2003

14 OCTOBRE 2002


Proposition de loi relative à la sécurité et à l'hygiène du tatouage des personnes

(Déposée par Mme Erika Thijs)


DÉVELOPPEMENTS


Le tatouage est plus qu'un phénomène de mode. Il fait partie de notre environnement culturel. Dans le passé, les décorations corporelles avaient généralement une valeur symbolique. Aujourd'hui, on considère le tatouage comme une expression créative, comme une expérience artistique. Le « tabou du tatouage » n'existe plus, aux yeux surtout des jeunes, mais aussi des autres générations.

On trouve partout des gens capables de pratiquer le tatouage : dans un studio de tatouage, dans la rue, dans les festivals d'été, en voyage, bref n'importe où. Des tatouages mal exécutés peuvent pourtant causer de nombreuses misères. L'utilisation d'aiguilles non stériles ou la non-utilisation de gants en latex peuvent donner lieu à la transmission du virus VIH, responsable du sida, et de l'hépatite. L'hygiène douteuse dans les festivals ou le soleil qui tape sur un tatouage frais ­ ce qui est interdit ­ peuvent provoquer des infections. Le fait d'introduire les aiguilles trop profondément sous la peau peut avoir pour conséquence que les encres servant à faire un dessin bavent.

En principe, un tatouage n'est pas dangereux si on observe les règles de sécurité et d'hygiène. En Belgique, la pratique du tatouage n'est pas réglée légalement, ce qui a pour conséquence que les méthodes de travail et les techniques de stérilisation ne font pas l'objet d'une forme spécifique de contrôle hygiénique par les pouvoirs publics.

Le contact entre le client et le tatoueur est pourtant crucial. Un grand nombre de clients sont généralement traités dans une seule pièce, d'habitude très rapidement l'un après l'autre. Instruments et surfaces en grand nombre dans un cabinet sont difficiles à désinfecter et à stériliser.

Les aiguilles servant à un tatouage ne devraient être utilisées qu'une seule fois et doivent ensuite être jetées immédiatement dans un conteneur à aiguilles spécial. L'ouverture de l'emballage stérile devrait toujours se faire en présence du client. Les matières colorantes que l'on utilise pour un client ne devraient pas être utilisées pour d'autres clients. Un tatoueur devrait disposer d'un autoclave (appareil à stérilisation) parce que, s'il ne fait qu'utiliser des aiguilles stérilisées, le tatouage resterait malgré tout dangereux. Tous les instruments doivent être stérilisés à nouveau après chaque utilisation. Tous les tatoueurs devraient disposer de l'appareillage médical nécessaire pour pouvoir garantir un tatouage parfait.

Les tatoueurs devraient attirer l'attention de leurs clients sur le fait que l'alcool, les drogues et les médicaments (ceux destinés aux voies respiratoires et les analgésiques) sont inadmissibles, puisqu'ils diluent le sang, si bien que l'encre utilisée pour le tatouage peut en partie s'écouler avec le sang.

Un tatouage est comme une blessure ouverte. L'opération doit dès lors être pratiquée avec le plus grand soin. Nous estimons dès lors que le tatouage doit se faire dans un local spécialement aménagé à cet effet. En guise de garantie minimale, il faut prévoir que le tatoueur doit s'inscrire auprès de l'autorité chargée d'exercer le contrôle hygiénique.

Nous pensons enfin que, vu le caractère définitif d'un tatouage, on ne peut l'autoriser que si le client est âgé de dix-huit ans, ou de seize ans si un des parents donne son assentiment. On ne peut prendre de décision, à un jeune âge, sur quelque chose qui est là pour le restant de sa vie.

À ce jour, quiconque s'établit comme indépendant et acquiert l'appareillage nécessaire, peut s'appeler tatoueur.

Commentaire des articles

Article 2

L'inscription obligatoire doit permettre d'effectuer un contrôle sur la qualité du service assuré. Pareil mécanisme est déjà utilisé dans d'autres secteurs sensibles, tant celui des soins de santé que d'autres secteurs d'intérêt public.

Article 3

Cet article concerne essentiellement les normes hygiéniques auxquelles doit se conformer le matériel utilisé, comme les aiguilles stériles, les colorants et l'appareillage approprié d'un point de vue technique. Il faut également que le tatoueur fournisse la preuve qu'il a bénéficié de la formation nécessaire et dispose d'une licence.

Article 4

Un tatouage est définitif; il n'est donc pas souhaitable que les mineurs âgés de moins de seize ans puissent faire exécuter un tatouage qu'ils devront porter le restant de leur vie. Nous estimons souhaitable que les mineurs âgés d'au moins seize ans puissent prendre cette décision, à condition toutefois d'avoir l'autorisation de leurs parents.

Article 5

Cet article prévoit la sanction classique. En cas d'infraction à la loi, l'inscription doit être rayée, soit temporairement, soit définitivement, en fonction de la gravité des faits imputés. Il s'agit d'une décision administrative qui peut faire l'objet d'une contestation devant le Conseil d'État.

Erika THIJS.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Les établissements ayant pour objet social de pratiquer des tatouages sur les personnes doivent être inscrits auprès du ministère des Affaires économiques.

Art. 3

Le Roi détermine les conditions minimales que doit remplir l'appareillage utilisé par l'établissement pour prévenir la dissémination des affections contagieuses et garantir l'exécution correcte du tatouage. Le propriétaire des établissements visés à l'article 2 doit pouvoir produire un certificat de formation reconnu par le ministre qui a la Santé publique dans ses attributions.

Art. 4

Les mineurs qui n'ont pas atteint l'âge de seize ans ne sont pas admis dans les établissements visés à l'article 2.

Un tatouage peut être pratiqué sur la personne d'un mineur âgé de seize ans si ses parents ou son tuteur légal y ont donné leur autorisation.

Art. 5

Le ministre qui a les Affaires économiques dans ses attributions peut rayer temporairement ou définitivement l'inscription des établissements qui ont pratiqué des tatouages en infraction à la présente loi.

22 août 2002.

Erika THIJS.