2-1193/3

2-1193/3

Sénat de Belgique

SESSION DE 2001-2002

17 JUILLET 2002


Proposition de résolution relative à la situation alarmante régnant dans l'est du Congo sur le plan humanitaire et en matière de droit international humanitaire


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES RELATIONS EXTÉRIEURES ET DE LA DÉFENSE PAR MME DE ROECK ET M. MAERTENS


La commission des Relations extérieures et de la Défense a discuté, au cours de ses réunions des 25 juin, 9 juillet et 16 juillet 2002, la proposition de résolution relative à la situation alarmante régnant dans l'est du Congo sur le plan humanitaire et en matière de droit international humanitaire, de Mme Thijs et consorts (voir le doc. Sénat, nº 2-1193/1, 2001-2002).

1. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE L'AUTEUR PRINCIPALE DE LA PROPOSITION

Mme Thijs déclare que la proposition de résolution est motivée par les rapports récents des Nations unies et d'importantes ONG sur la région de l'est du Congo. L'intervenante renvoie plus précisément au dernier rapport de Human Rights Watch, qui est particulièrement bouleversant. Ces publications indiquent que l'on a dénombré près de trois millions de morts et deux millions de personnes déplacées à la suite d'exactions commises par les différentes armées et les rebelles.

Les accords de paix de Lusaka ont été conclus en 1999. Selon les auteurs de la proposition, ces accords restent le fondement de l'avenir de la République démocratique du Congo (RDC).

L'intervenante considère également qu'il est important d'honorer l'accord auquel a abouti le dialogue intercongolais de Sun City.

Elle constate que malgré ces accords, un certain nombre de pays n'ont toujours pas retiré leurs troupes.

Elle renvoie aux auditions qui ont eu lieu au sein de la commission d'enquête des Grands Lacs, où ce problème a été qualifié d'essentiel. Les attaques contre des civils persistant, avec des conséquences néfastes pour la population locale. En outre, il y a un risque que les rebelles s'emparent de toute la région et renforcent leurs positions. Cela ne favorisera assurément pas la stabilité l'ensemble de la RDC. Tout aussi alarmante est la situation sur le plan du droit humanitaire international et des droits de l'homme en général.

Un développement durable requiert une paix durable.

Cela suppose l'arrêt immédiat des hostilités, le retrait inconditionnel des troupes étrangères et la mise en oeuvre du désarmement et de la démobilisation des groupes armés. Il faut également instaurer un embargo total sur les armes et toutes les armes doivent être rassemblées et détruites.

L'intervenante signale que l'exploitation illégale des richesses naturelles est qualifiée de « pillage systématique » de la RDC.

La MONUC joue un grand rôle dans le rétablissement de la paix. Cette mission doit être renforcée sur tous les plans, plus particulièrement en ce qui concerne étrangères.

Enfin, l'intervenante juge qu'il est important de mettre en place des mécanismes opérationnels permettant de constater les violations du droit humanitaire international et des droits humains fondamentaux.

La proposition de résolution demande dès lors que le gouvernement mène une politique congolaise active, puisque c'est le seul moyen de garantir le développement social et économique de la RDC.

En outre, il importe d'intensifier la pression politique sur l'ensemble des parties signataires des accords de Lusaka.

Le gouvernement doit également contribuer à consolider les résultats du dialogue intercongolais de Sun City.

Les pays qui occupent la région doivent également être mis sou pression en vue d'un retrait. C'est important à la lumière des débats de la commission d'enquête « Grands Lacs », au cours desquels il a clairement été dit que le retrait des troupes étrangères constituait un des aspects les plus importants de l'offensive de paix. Cet aspect a une fois de plus été souligné explicitement lors de la rencontre que la commission d'enquête a eue avec des représentants de l'ONU.

Le gouvernement est invité à instaurer un embargo total sur les armes. Il s'avère que des armes transitent par la Chine et d'autres pays avant d'être importées dans la région.

Le gouvernement doit également agir concrètement contre l'exploitation illégale des richesses naturelles de la RDC.

Le mandat de la MONUC doit être renforcé, surtout en ce qui concerne la protection de la population locale.

Les aides économiques accordées aux pays impliqués dans le conflit et la coopération avec des pays doivent être analysées parce que ces fonds sont manifestement utilisés à des fins de guerre.

La communauté internationale et surtout l'Union européenne doivent être incitées à mieux coordonner l'aide humanitaire.

Le gouvernement doit condamner le recours à des actes de violence sexuelle, commis par des soldats, des rebelles et des membres des milices des différent belligérants, comme en fait état le récent rapport de Human Rights Watch. Il doit également condamner les actes d'intimidation et d'oppression dirigés contre les défenseurs des droits de l'homme.

Le gouvernement doit exhorter le président Kabila à mettre en ouvre des réformes démocratique et à respecter les droits de l'homme fondamentaux.

Le gouvernement doit inciter le Conseil de sécurité des Nations unies à envoyer des observateurs de la MONUC dans les régions telles que Kisangani, Shabunda, Minembwe et Ituri puisqu'il y a eu là nombreuses agressions contre la population civile. Il convient également de désigner une commission d'experts chargée d'enquêter sur les violations graves des droits de l'homme et de constater celles-ci.

Pour finir, les auteurs de la résolution demandent que le gouvernement étudie la manière dont la Cour pénale internationale, qui vient d'être instituée, pourrait être associée de façon optimale aux poursuites relatives à des violations graves du droit humanitaire.

La présente proposition de résolution est le résultat d'une série d'amples consultations de quasi toutes les ONG belges qui sont actives dans la RDC.

Le Parlement belge doit se prononcer d'urgence sur cette question, puisqu'on ne peut plus tolérer un génocide de cette ampleur.

2. DISCUSSION DES AMENDEMENTS

Le président constate que, tant dans le considérant E que dans le dispositif, l'on nomme uniquement le Rwanda. Il est vrai qu'un pays comme l'Ouganda est peut-être moins manifestement présent et agit d'une manière plus secrète et plus habile, mais cela ne signifie pas qu'il ne doive pas être cité dans la résolution. C'est la raison pour laquelle les amendements nºs 2 et 4 (doc. Sénat nº s 2-1193/2) ont été déposés.

Mme Thijs répond que de nombreux experts entendus par la commission d'enquête des Grands Lacs ont déclaré que la solution du conflit est aux moins du Rwanda. On ne peut dès lors faire abstraction de ce fait. Il faut d'urgence se débarrasser du complexe qu'évoque en nous le génocide qui a eu lieu au Rwanda.

M. Destexhe fait remarquer qu'il est extrêmement naïf d'attribuer la responsabilité en la matière à un seul pays. C'est pour cette raison qu'il est un des cosignataires de l'amendement nº 2 (voir le doc. Sénat 2-1193/2). L'intervenant ajoute qu'il soutient le principe de la proposition de résolution, alors que sous la législature précédente, on n'a pris en considération aucune proposition de l'opposition de l'époque.

Mme Thijs proteste ce qui vient d'être dit.

Le président constate qu'on propose, au considérant I, un désarmement général, qui aurait pour effet que seules subsiteraient les forces armées officielles de la RDC. L'intervenant se demande si pareille prise de position est opportune, quand on sait que l'intégration éventuelle de l'ensemble des forces armées au sein d'une armée officielle constitue un des points de discorde principaux des négociations.

Mme Thijs répond que ce point s'inspire de l'expérience de l'Amérique centrale, où on a procédé au désarmement avant de parvenir à un accord de paix.

Le président propose qu'on ajoute au considérant I le mot « nouvelles » devant les mots « forces armées congolaises régulières ».

La commission accepte cette proposition en tant qu'amendement oral.

Le président souhaite éviter qu'on considère la résolution à l'examen comme une simple tentative d'ingérence occidentale. C'est pourquoi il dépose les amendements 5 et 6 (voir doc. Sénat 2-1193/2), qui appellent les pays africains à prendre leurs responsabilités.

Le ministre des Affaires étrangères a pris note de la résolution du Sénat relative à la situation alarmante régnant dans l'Est du Congo sur le plan humanitaire et en matière de droit international humanitaire.

Il s'associe à l'initiative d'une résolution sur le sujet qui va substantiellement dans le fil de l'action menée par le gouvernement.

Ces derniers mois la recherche d'une solution à la crise congolaise a été l'une des priorités de l'action diplomatique de la Belgique. De nombreux efforts ont été déployés en direction des protagonistes pour les convaincre de la nécessité de mettre un terme au conflit armé et de s'engager dans la voie d'une paix durable. Le ministre n'a jamais hésité à dénoncer les violations des droits de l'homme qu'il a d'ailleurs pu constater lors de son dernier voyage au Kivu en février de cette année. Il a également condamné les récents événements de Kisangani à l'occasion desquels des exactions graves ont été perpétrées à l'encontre de la population civile.

C'est également pour mettre fin à la crise que la Belgique a contribué à la relance du processus du Dialogue intercongolais prévu par les accords de Lusaka. Dans ce but, en accord avec le facilitateur Masire, la Belgique a organisé la réunion de janvier qui a rassemblé des représentants de la société civile et de l'opposition politique. Elle a été une étape importante qui a permis de relancer la dynamique de paix en préparant les travaux de la session plénière de Sun City.

L'Accord partiel intervenu à Sun City a été salué par la Belgique en tant qu'étape vers un accord global et inclusif. Le ministre a depuis multiplié les contacts visant à d'une part la mise en oeuvre de cet accord partiel et d'autre part à y intégrer les non-signataires. Nos efforts se poursuivent pour y parvenir mais il est clair que les avancées sont liées tant à la volonté des parties concernées de s'engager dans la voie du compromis qu'aux moyens que la communauté internationale est disposée à mettre en oeuvre.

À cet égard, il s'est déjà prononcé en faveur d'un renforcement des effectifs et du mandat de la MONUC. C'est évidemment une décision qui dépend du Conseil de sécurité des Nations unies. La résolution du Conseil de sécurité du 14 juin dernier ne prévoit rien dans ce sens. Le ministre le regrette.

Il s'est rendu dernièrement en République démocratique du Congo (le 28 juin dernier) où il a rencontré d'une part le Président Kabila et d'autre part J.P. Bemba et auprès de qui il a poursuivi les exhortations à la recherche de solutions politiques.

Dans ces conditions, la Belgique continuera à plaider auprès de ses partenaires européens et de la communauté internationale pour plus d'implication dans la recherche d'une solution en RDC. Dénoncer toutes les violations et atteintes aux droits de l'homme tant à l'Est du Congo que sur le reste du territoire congolais fait clairement partie de cette politique.

Le ministre déclare en outre que le gel des aides financières ou des aides au développement dans les pays en question, demandée au point 4 du dispositif, soulève des questions. Ne peut-on pas partir du principe qu'accorder des aides peut parfois aussi contribuer à la résolution des conflits ? En effet, c'est plutôt de la manière dont on octroie ces aides et des moyens d'atteindre, les personnes qui en ont besoin qu'il faut discuter. Le gouvernement dépose par conséquent, l'amendement nº 8 (voir le doc. Sénat 2-1193/2), qui vise à reformuler le passage en question.

Par ailleurs, il faut faire observer que la formule utilisée au point 14 (2), à savoir « à exclure ou à supprimer toute impunité » est assez radicale. Il serait préférable de parler de « combattre ou de réduire » l'impunité. Le ministre propose dès lors de remplacer les mots « à exclure ou à supprimer » par les mots « à combattre vigoureusement ». Tel est l'objet de l'amendement nº 9 (voir le doc. Sénat 2-1193/2).

Enfin, le ministre fait observer que le point 15 (1) du dispositif ne tient pas compte du rôle juridique autonome et spécifique de la Cour pénale internationale. M. Destexhe et consorts déposent à ce propos un amendement nº 7 (voir le doc. Sénat 2-1193/2), qui vise à adapter ce point.

3. VOTES

L'amendement nº 1 est adopté par 6 voix contre 2.

L'amendement nº 2 est adopté par 6 voix contre 2.

Les amendements nºs 3 et 4 sont retirés par leurs auteurs.

L'amendement nº 5 est adopté par 5 voix contre 1 et 3 abstentions.

M. Maertens déclare avoir voté contre cet amendement parce qu'il estime par trop unilatéral, vu la situation dans la région, de confier l'initiative de créer une troupe armée à un seul pays, l'Angola.

L'amendement nº 6 est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

L'amendement nº 7 est adopté par 8 voix contre 1 abstention.

L'amendement nº 8 est adopté par 6 voix contre 3 abstentions.

L'amendement nº 9 est adopté par 9 voix et 1 abstention.

L'amendement nº 10 est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

L'amendement nº 11 est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

La proposition de résolution ainsi amendée a été adoptée à l'unanimité des 10 membres présents.

Confiance a été faite aux rapporteurs pour la rédaction du présent rapport.

Les rapporteurs,
Jacinta DE ROECK.
Michiel MAERTENS.
Le président,
Marcel COLLA.