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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 18 JUILLET 2002 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de Mme Marie Nagy au vice-premier ministre et ministre du Budget, de l'Intégration sociale et de l'Économie sociale et au ministre de l'Intérieur sur «le déroulement des expulsions à partir des centres ouverts» (nº 2-1067)

Mme Marie Nagy (ECOLO). - Ces dernières semaines, la presse et certaines associations ont évoqué la situation des centres ouverts et leurs difficultés, directement liées à la manière dont l'éloignement de candidats déboutés du droit d'asile est effectué.

Monsieur le ministre, je souhaite vous exprimer, au nom de mon groupe, notre inquiétude au sujet du rôle imposé au personnel des centres d'accueil par leur institution de tutelle, l'Agence Fédérale pour l'Accueil des Demandeurs d'Asile - l'AFA.

Des instructions sont reprises dans une note de service de l'AFA datée du 11 juillet 2002 et ont été communiquées aux directeurs de centres lors d'une réunion entre l'AFA et ceux-ci.

Monsieur le ministre, cette note de service fait apparaître une confusion entre l'éthique de travail social et la mise en oeuvre concrète de l'éloignement du territoire.

En effet, les responsables de centres seraient appelés à dresser la liste des personnes remplissant les conditions requises en matière d'éloignement. Des renseignements sont demandés sur leurs habitudes ; une identification de ces personnes au moment de l'éloignement est également requise.

Un autre problème est celui de l'effectivité du recours au Conseil d'État dès lors que l'expulsion du demandeur s'effectue pendant la durée de ce recours. En effet, on peut penser que l'éloignement volontaire est facilité à partir du moment où le demandeur connaît l'issue négative qui a été réservée au recours.

Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu'il convient de distinguer strictement le rôle des centres d'accueil et le dispositif d'expulsion ?

Ne conviendrait-il pas de respecter la spécificité du travail et l'éthique professionnelle du personnel des centres, plus précisément des travailleurs sociaux, en particulier en ce qui concerne les instructions transmises par l'AFA le 11 juillet 2002 ? Selon vous, celles-ci sont-elles toujours applicables aux centres d'accueil ?

N'y aurait-il pas lieu de rendre effectif le recours devant le Conseil d'État et de ne permettre en aucun cas l'expulsion des personnes qui ont un recours pendant ?

M. Johan Vande Lanotte, vice-premier ministre et ministre du Budget, de l'Intégration sociale et de l'Économie sociale. - Il y a eu une certaine confusion entre ce qui a été dit et ce qui a été fait.

La politique générale est la suivante en la matière : les gens sont d'abord accueillis dans des centres ouverts ; en fin de procédure, en principe, après décision du commissaire général, et pendant la procédure devant le conseil d'État, ils sont logés dans des centres spécifiques. Ceux-ci, actuellement au nombre de trois, sont spécialisés dans la gestion des situations difficiles, notamment en cas d'expulsion. Cette ligne de conduite qui a été fixée voici quelques mois, était d'application jusqu'à ce jour.

Une cinquantaine de places sont actuellement disponibles dans les trois centres. Un quatrième centre va cependant être créé, probablement au Petit-Château, pour pallier un éventuel manque de place.

Dans les centres ouverts classiques, le rôle du personnel et notamment des assistants sociaux est très clair. Dans les centres spécifiques, les différentes tâches sont assez bien définies : seul le directeur du centre fait la liaison entre les différents services qui entrent, notamment les services de police, car, à l'instar de n'importe quel citoyen, il ne peut s'opposer à leur entrée.

Le problème est que l'on a décidé de ne pas transférer d'office les gens se trouvant déjà dans des centres ouverts, avant d'avoir commencé à appliquer cette mesure. Actuellement, quinze cents personnes en fin de procédure ont introduit un recours devant le Conseil d'État.

En théorie, ils devaient être logés dans les centres spécialisés. Cependant, ils se trouvent depuis un certain temps déjà dans le centre ouvert dont question et il a été décidé qu'ils y resteraient. Bien entendu, il se peut que le service des étrangers prenne des décisions d'éloignement.

Cette solution s'écarte de notre option de base. Il s'agit d'une mesure transitoire, qui devrait durer jusqu'à ce que toutes les personnes concernées - à l'exception, pour des motifs humanitaires, de celles qui sont ici depuis un certain temps - soient transférées dans un centre spécialisé. Le directeur de l'AFA a parlé de procéder à un rassemblement. À cet égard, je tiens à préciser qu'aucune instruction n'a été donnée. Une note a simplement été communiquée au directeur pour aborder la manière de gérer la situation, ce qui constitue quand même une nuance.

La note stipule clairement que le problème relève de l'Office des étrangers. Je trouve qu'elle ne prête nullement à confusion quant aux responsabilités. La liste évoquée par Mme Nagy a été créée dans un but précis. L'Office des étrangers communique les noms des personnes qui doivent être expulsées. En retour, le centre avertit l'Office de ce qu'éventuellement, ces personnes ne séjournent plus au centre, qu'elles sont gravement malades ou qu'il s'agit de mineurs non accompagnés. Cette procédure s'applique également aux pensionnaires des centres ouverts en attente d'être renvoyés vers le centre spécialisé du Conseil d'État. L'idée est d'éviter des mesures inutiles. Par conséquent, je crois qu'il y a un malentendu à propos de la liste.

Quand une procédure arrive à son terme, le directeur du centre dresse une liste pour justement éviter les relogements intempestifs dans les centres « Conseil d'État ». Bref, cette innovation constitue avant tout une protection pour les intéressés. J'insiste sur le fait que notre politique en matière de centres spécialisés est toujours d'application. Les rôles respectifs, notamment d'accueil, sont bien définis mais nous avons recensé environ 1.500 personnes confrontées à une situation de précarité à laquelle il convenait de remédier.

J'ajoute que diverses propositions de loi visant à régler cette matière sont à l'étude. Mme Pehlivan et M. Cornil y travaillent, je crois. J'espère que cette démarche connaîtra une issue favorable car j'estime qu'une législation est toujours préférable à des règles de conduite.

(M. Armand De Decker, président, prend place au fauteuil présidentiel.)

Mme Marie Nagy (ECOLO). - Il est important que nous nous comprenions bien, monsieur le ministre.

Comme vous le savez, le personnel des différents centres est inquiet, une grève de la faim est en cours à Hastière et des problèmes de santé sont également constatés à Redu. Bref, les demandeurs d'asile, qui ont pris connaissance des dernières directives, sont en proie au désespoir. Ils ont l'impression que l'on encourage une confusion des rôles entre, d'une part, les centres d'accueil et, d'autre part, l'Office des étrangers. Nous nous situons bien ici dans le cadre des centres d'accueil.

Vous nous expliquez que ces mesures sont prises dans le cadre d'une bonne application des mesures d'expulsion, pour créer un climat qui soit favorable aux retours volontaires. Vous devriez toutefois clarifier ces instructions auprès de l'AFA, dont la note demande clairement que ce soit la direction du centre d'accueil qui établisse la liste des personnes concernées. Vous m'avez répondu que l'Office des étrangers disposait de la liste des personnes expulsables et que la demande concernait leur appartenance aux quatre catégories en question. Un glissement s'opère donc vers une collaboration active entre les travailleurs des centres et l'Office des étrangers.

Il faut bien distinguer le rôle de ces personnes, chargées de fournir un accompagnement humanitaire et social, et celui des fonctionnaires de l'Office des étrangers.

M. Johan Vande Lanotte, vice-premier ministre et ministre du Budget, de l'Intégration sociale et de l'Économie sociale. - C'est faux. Je vous lis un extrait de la note : « La direction de la structure d'accueil établit une liste des personnes concernées, à l'exception des personnes faisant l'objet... ». La liste est mise à jour quotidiennement.

Mme Marie Nagy (ECOLO). - C'est donc bien la direction qui établit la liste et non l'Office des étrangers qui la soumet...

M. Johan Vande Lanotte, vice-premier ministre et ministre du Budget, de l'Intégration sociale et de l'Économie sociale. - Vous tentez de créer l'amalgame !

Mme Marie Nagy (ECOLO). - Pas du tout. J'essaie de clarifier la situation. Quelle est la validité des instructions de l'AFA ?

M. Johan Vande Lanotte, vice-premier ministre et ministre du Budget, de l'Intégration sociale et de l'Économie sociale. - Tout d'abord, il n'y a pas d'instructions ! Il s'agissait simplement d'inviter les directeurs à débattre, à leur demande - j'y insiste - et on dit qu'il s'agit d'instructions ! C'est très dangereux ! Cela signifie que le directeur de l'AFA ne doit plus discuter avec les directeurs de centre !

Ensuite, la liste des personnes concernées - plusieurs centaines - est actualisée quotidiennement. L'Office des étrangers communique la confirmation des décisions de quitter le territoire. Le centre doit, à ce moment-là, réagir - et cela évite toute confusion - en désignant les personnes qui peuvent être expulsées et celles qui ne le peuvent pas. C'est la seule méthodologie valable, le but étant notamment d'éviter que la police et l'Office des étrangers doivent, chaque fois, procéder eux-mêmes à des vérifications et à des interpellations dans les centres, ce qui est une source de difficultés.

Dans un souci de bonne gestion, les directeurs ont donc accepté, voici quatre ou cinq mois, de dresser cette liste. Cette décision ressort du consensus auquel nous avions abouti lors de la création des centres d'accueil spécifiques, dans le cadre des recours devant le Conseil d'État.

Mme Marie Nagy (ECOLO). - Oui, mais celle-ci s'adresse aux autres directeurs et pas seulement à ceux-là.

M. Johan Vande Lanotte, vice-premier ministre et ministre du Budget, de l'Intégration sociale et de l'Économie sociale. - Non, il était convenu qu'elle s'adresse aux autres directeurs, pas à ceux qui dirigent des centres « Conseil d'État ». Ces derniers n'ont plus l'obligation de dresser cette liste, car les personnes non expulsables, notamment les malades, ne vont pas dans ce type de centre.

Le but est d'éviter qu'ils changent de centre sans raison.

Mme Marie Nagy (ECOLO). - Concrètement, monsieur le vice-premier ministre, vous confirmez la note du 11 juillet 2002 ?

M. Johan Vande Lanotte, vice-premier ministre et ministre du Budget, de l'Intégration sociale et de l'Économie sociale. - Je ne confirme rien.

D'abord, on a créé une administration, laquelle est en discussion avec les directeurs, et c'est normal. Je crois que la discussion est encore en cours. L'interprétation que vous donnez de cette note ne me semble pas très claire. La liste dont vous parlez n'émane pas de cette directive, mais d'une directive que tous les directeurs ont demandée, il y a cinq mois.

La volonté d'établir une différence entre les centres d'accueil et les centres qui regroupent les personnes en recours devant le Conseil d'État reste inchangée. De plus, on va créer un centre supplémentaire.

Le reste est une question de discussion au sein du centre, de préférence sans arrière-pensées, sur la base d'un texte qui existe depuis des mois. J'avais d'ailleurs constaté le consensus des directeurs sur ce point.