2-218

2-218

Belgische Senaat

Handelingen

WOENSDAG 10 JULI 2002 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Vraag om uitleg van de heer René Thissen aan de vice-eerste minister en minister van Mobiliteit en Vervoer over «de toekomst van de NMBS» (nr. 2-836)

M. René Thissen (CDH). - L'avenir du chemin de fer, et plus particulièrement de la SNCB, s'est trouvé au coeur de l'actualité ces dernières semaines : d'une part, un nouvel administrateur délégué a été choisi pour la SNCB et d'autre part, un certain nombre de déclarations pour le moins contradictoires ont été formulées au sein du gouvernement concernant le maintien du caractère fédéral de la SNCB.

Le choix du nouvel administrateur délégué n'a pas été facile, c'est le moins que l'on puisse dire. Après maintes péripéties, vous avez laissé le gouvernement imposer la candidature de M. Karel Vinck, ancien président du très flamand VEV, à la tête de la SNCB.

Lorsque vous avez été interrogée sur les risques que cette nomination présentait concernant le maintien du caractère fédéral de la SNCB compte tenu des positions très régionalistes de M. Vinck, vous avez répondu que celui-ci s'occuperait de la gestion de la société, le gouvernement étant chargé des questions institutionnelles relatives à la SNCB à laquelle il imposerait ses missions via le contrat de gestion.

Cette réponse me laisse doublement perplexe. D'une part, elle néglige, me semble-t-il, l'influence que peut avoir au jour le jour l'administrateur délégué sur le choix des investissements et surtout, sur leur réalisation. N'est-ce d'ailleurs pas sur cette base que l'on a reproché par le passé à M. Schouppe d'avoir mené une politique trop flamande ? Il me paraît clair que M. Vinck, dont je ne conteste absolument pas les qualités de manager, pourra, s'il le souhaite, préparer la régionalisation de la SNCB et qu'en le choisissant, vous avez manifestement accepté de prendre ce risque.

D'autre part, votre réponse prend un relief tout particulier au regard des déclarations faites, la semaine dernière, par M. Vande Lanotte : celui-ci se prononce en faveur d'une régionalisation rapide, notamment de la SNCB. Étant donné qu'il fait partie du gouvernement où il a un poids que d'aucuns lui envient, je crains que le gouvernement ne puisse jouer le rôle que vous vouliez lui prêter quant au maintien du caractère fédéral de la SNCB.

Entre un administrateur délégué dévoué à la cause flamande et à la régionalisation de la SNCB, soutenu dans ce sens par le premier ministre auquel il doit sa nomination, et un vice-premier ministre qui prend ouvertement position en faveur de la régionalisation de la SNCB, vous comprendrez que nous soyons pour le moins inquiets.

Par ailleurs, je suppose que, quand il prendra ses fonctions, M. Vinck aura, en homme avisé et en vrai manager, fait procéder à un état des lieux. Une démarche a-t-elle été entreprise en ce sens ? Certaines rumeurs laissent en effet entendre que la dette réelle de la SNCB serait beaucoup plus importante que prévu : il est question de plusieurs dizaines de milliards d'euros.

La presse a fait état d'une réévaluation de la situation dans six mois. Est-ce prévu dans l'accord ? J'ai en effet entendu que M. Karel Vinck souhaitait être non seulement l'administrateur délégué, mais aussi le patron du comité de rémunérations et le patron du comité stratégique. Il semblerait toutefois qu'il n'ait pas totalement obtenu gain de cause. Qu'en est-il exactement ? Il me paraît important d'obtenir des informations en la matière.

Il sera peut-être avéré que la dette de la SNCB est beaucoup plus importante que prévu. En ce cas, on peut se demander si M. Vande Lanotte s'est exprimé en tant que ministre du Budget ou en tant que régionaliste. En tant que ministre du Budget, il pourrait envisager de transférer la dette à des instances qui ne relèvent pas de sa compétence. Cependant, on peut parfaitement comprendre sa réaction de régionaliste.

Mme Isabelle Durant, vice-première ministre et ministre de la Mobilité et des Transports. - Je remercie M. Thissen pour sa contribution qui, il en conviendra, relève davantage du commentaire que de l'interrogation spécifique.

Tout d'abord, je pense qu'il convient d'être prudent sur le plan verbal. En effet, à moins que M. Thissen ne dispose d'informations que j'ignore, affirmer que M. Vinck est dévoué à la régionalisation de la SNCB me semble relever quelque peu du procès d'intention. M. Vinck est flamand, cela n'étonnera personne. Nul n'ignore qu'il a effectivement défendu des options confédéralistes à l'époque où il était patron des patrons flamands. Cependant, comme l'a rappelé M. Barbeaux, le précédent patron du rail, M. Schouppe, choisi sous la législature antérieure, était tout aussi flamand. En outre, la loi garantit la parité linguistique président-administrateur délégué. Par ailleurs, nous avons prévu une double signature qui soit du rôle linguistique inverse à celui de l'administrateur délégué.

Lors de sa désignation, M. Vinck a déclaré formellement qu'il s'inscrira dans le cadre fédéral. Je peux en tout cas vous dire qu'aussi longtemps que je m'occuperai de cette fonction, je veillerai scrupuleusement à ce que ce soit le cas, tant en ce qui le concerne que dans le cas de chacun des dirigeants publics placés sous ma responsabilité. À cet égard, je rappelle que la loi adoptée au Sénat contient une série d'éléments visant à garantir le caractère fédéral de la SNCB.

Par conséquent, je pense qu'il est peut être un peu dangereux de crier au loup. Cela ne signifie pas que je ne prends pas au sérieux ou que je n'entends pas les menaces de régionalisation. Elles émanent bien sûr toutes de dirigeants politiques flamands, y compris de mon collègue Vande Lanotte. Je m'étonne d'ailleurs de ceux qui s'étonnent puisque le travail fourni depuis trois ans a aussi consisté à empêcher que certaines choses qui ne sont pas prévues par la déclaration gouvernementale puissent se réaliser peu ou prou ou de façon plus ou moins explicite.

En ce qui me concerne, je prends ces demandes au sérieux puisqu'elles entourent le débat en cours depuis deux ans et demi, trois ans. Je me souviens que lors de l'adoption du texte de loi, le PSC avait attiré l'attention sur le fait que nous ouvrions la voie à la régionalisation, en particulier par le biais de l'accord de coopération relatif au plan d'investissement. Le fait que M. Thissen me pose la question de savoir si la désignation de M. Vinck représente un pas supplémentaire en direction de la régionalisation signifie que les textes adoptés antérieurement n'étaient pas tellement néfastes de ce point de vue.

Pour le surplus, je répète - cela relève surtout du commentaire - ma position et ma préoccupation. Dans un pays aussi petit que la Belgique, de la taille d'un Land allemand ou d'une région française, je pense qu'une régionalisation n'a guère de sens. Elle générerait bien davantage de problèmes qu'elle n'en résoudrait. Elle nous conduirait en outre à poser une question qui ne serait pas forcément à l'avantage des demandeurs. Je m'explique : la clé 60/40 est probablement la moins mauvaise clé qui existe actuellement mais je pense que si nous réalisions un travail de véritable objectivation sur la base de critères objectifs, nous nous apercevrions que l'inversion de la clé pourrait jouer ou que nous pourrions nous retrouver avec une clé tout à fait différente, compte tenu notamment du caractère vallonné du territoire wallon.

Donc, quoi qu'en pense à titre personnel mon collègue Vande Lanotte ou les présidents de partis flamands qui se sont exprimés - c'est leur droit - je pense que si nous voulons redresser l'outil ferroviaire, lui faire jouer un rôle important en matière de mobilité, il faudra surtout arrêter, sachant que ce redressement ne sera pas facile, de se préoccuper de nouvelles usines à gaz institutionnelles mais plutôt des cheminots et des usagers d'aujourd'hui et de demain, au lieu de nous lancer dans un chantier où le rail en tant que tel a plus à perdre qu'à gagner.

Ma position est très claire et je puis vous dire que je n'en changerai pas, tant que j'aurai ce dossier en charge. Je serai particulièrement attentive, entre autres au sein du Comité exécutif des ministres de la Mobilité que nous avons mis en place dans le cadre de l'accord de coopération. Ce comité qui s'est déjà réuni une première fois a en charge le suivi du plan d'investissements et donc tous les aspects peut-être plus larvés ou moins institutionnels qui pourraient démontrer le risque d'une régionalisation de fait. Ce comité est composé des quatre ministres compétents - le fédéral et les trois régionaux - et de ce fait, il ne permet pas à l'administrateur délégué ou à tout autre intervenant de faire, en matière d'infrastructure, des choix qui ne seraient pas conformes au plan d'investissements, au respect de la clé et au travail accompli année après année. Mais nous savons aussi qu'il faut examiner les choses au-delà même de l'exécution du plan d'investissements et en fonction d'une série d'autres décisions qui pourraient avoir un caractère préparatoire.

Pour ma part, à ce stade, je fais confiance aux déclarations de M. Vinck ; il travaillera dans un cadre fédéral. Il est par ailleurs - la loi l'a voulu - encadré par une série de mécanismes que nous avons choisis ainsi que, je le répète, par le Comité exécutif des ministres de la mobilité.

Parmi des questions plus précises, vous m'avez interrogé sur l'état des lieux. Je puis vous dire que ce dernier est en cours ; il est normal qu'un nouveau patron se donne un peu de temps pour faire un inventaire. Il lui revient de proposer au conseil d'administration un plan d'entreprise ; c'est d'ailleurs la condition sine qua non de la reprise partielle de la dette dans le cadre du budget 2003. Cette reprise se fera graduellement ; il n'est pas question de reprendre la dette sans avoir un plan d'entreprise qui met en évidence les efforts consentis pour limiter la dette de gestion, et pas seulement la dette historique qui est d'ailleurs la seule que l'on puisse reprendre au regard des normes européennes. Les déficits sont dramatiques ; la situation est très grave. Le déficit courant pour l'année, celui dont nous avons pris acte en assemblée générale, il y a quinze jours, est de 177 millions d'euros. Par ailleurs, le travail sur la dette est en cours pour identifier précisément son montant. Néanmoins, les chiffres annoncés d'environ 310 milliards de francs belges doivent être validés, mais sont de cet ordre de grandeur. La situation est donc extrêmement préoccupante, ce qui d'ailleurs justifie largement ma position dans la réflexion sur la régionalisation. La priorité des priorités est le redressement financier afin de garantir le fonctionnement de l'outil.

Quant à la réévaluation des demandes de M. Vinck, j'ai toujours considéré qu'il était impossible - et cela n'a rien à voir avec les compétences de M. Vinck -, qu'une loi à peine votée par le Parlement soit retaillée sur mesure, en fonction de l'administrateur délégué. En aucune manière, des adaptations ne doivent aboutir à changer l'esprit et la lettre de la loi.

Comme nous souhaitions tout de même rencontrer les demandes de ce nouveau patron et lui donner la capacité de travailler, nous avons fait le choix de mettre en place un instrument composé à la fois de M. Deneef et de M. Vinck auxquels s'ajoutent quatre experts - deux francophones et deux Flamands -, en corporate governance. Nous les faisons travailler à la fois sur la base de l'expérience quotidienne et en fonction des principes de bonne gestion, mais adaptés à ce qu'est la SNCB aujourd'hui et tenant compte du texte de loi. Nous les chargeons de faire au gouvernement des propositions éventuelles de modification de textes réglementaires, statutaires, voire de textes législatifs et pas nécessairement dans la seule loi du 22 mars 2002, ceci afin de perfectionner l'outil. Le but poursuivi est toujours identique : une meilleure gestion et plus de transparence, ce que la situation financière requiert avant tout, pour l'État, actionnaire ultra majoritaire, s'il souhaite comprendre et agir, et pour l'entreprise, dans ses responsabilités propres. Avant la fin de l'année, ce groupe de travail doit nous fournir des éléments ou des propositions qui tiendront forcément compte de l'avis et des demandes du président et de l'administrateur délégué puisqu'ils font partie de ce groupe, mais qui devront être objectivés - pour éviter de faire simplement du « sur mesure » -, sur la base de l'expérience des trois ou quatre premiers mois, au regard du fonctionnement des différents comités autour du conseil d'administration.

Enfin, un certain nombre de questions qui ne sont pas d'ordre législatif ont été réglées, par exemple la communication interne et externe qui relève de la gestion d'entreprise et qui a été organisée en interne, afin de travailler de manière complémentaire.

Pour le reste, nous verrons bien, en fonction des propositions qui nous seront faites, s'il est nécessaire ou non de modifier des statuts, des règlements ou éventuellement l'un ou l'autre texte législatif, indépendamment bien sûr de la modification d'ordre purement technique qui devrait intervenir en raison de l'âge du capitaine, si vous me permettez l'expression. Il faudrait évidement qu'il puisse remplir ses fonctions dans un cadre légal mais sa date de naissance n'a rien à voir avec l'esprit du texte de loi sur lequel nous reviendrons une fois en possession des dites propositions.

(Voorzitter: mevrouw Sabine de Bethune, eerste ondervoorzitter.)

M. René Thissen (CDH). - Les explications de la ministre montrent bien que nous avions raison de nous préoccuper de la question. La ministre a dit elle-même que lorsqu'il était le patron de la VEV, M. Vinck s'était montré très flamand, ce qui n'est certainement pas une tare mais peut conduire à des orientations qui peuvent ne pas convenir à l'ensemble des francophones. J'acte le fait que M. Vinck s'est engagé à travailler dans le cadre fédéral, avec une vision fédérale de sa mission. Nos craintes étaient d'autant plus justifiées qu'effectivement, ainsi que la ministre l'a rappelé, lors des discussions préparatoires à la loi, nous avons dit à plusieurs reprises que le gouvernement avait fait un certain nombre de concessions allant dans le sens de la régionalisation, ce dont nous ne voulons pas. Nous n'aurions pas accepté en plus un élément central dans la décision qui accentue cette volonté de régionalisation.

La ministre a également indiqué qu'un état des lieux est en cours. Outre le fait qu'une dette absolument énorme a été actée, je crains que les chiffres dont nous disposons aujourd'hui ne soient infirmés à brève échéance et que nous ne trouvions encore des cadavres dans les placards. Si la ministre ne prend pas l'initiative de revenir au parlement pour expliquer la situation telle que perçue par le nouvel administrateur délégué de la SNCB, je ne manquerai pas de lui adresser une nouvelle demande d'explications. On sait que la situation est grave mais elle l'est probablement davantage qu'on ne le pense. Cela posera encore un certain nombre de questions, non seulement quant à la possibilité de reprise de la dette mais aussi quant à la capitalisation future. N'oublions pas que dans son plan, la ministre a indiqué que la SNCB elle-même allait devoir trouver 90 milliards pour boucler l'ensemble de ses efforts d'investissements. Si la dette se révèle nettement plus importante que prévu, il sera difficile de trouver ces 90 milliards. Nous en reparlerons à l'avenir.

-Het incident is gesloten.