2-1111/4

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2001-2002

9 JUILLET 2002


Proposition de résolution relative aux droits humains au Tibet


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES RELATIONS EXTÉRIEURES ET DE LA DÉFENSE PAR M. MAERTENS


La commission des Relations extérieures et de la Défense a examiné la proposition de résolution relative aux droits humains au Tibet (de Mme de Bethune et consorts, voir doc. Sénat, nº 2-1111/1-3) au cours de ses réunions des 11 et 25 juin et 9 juillet 2002.

Cette proposition de résolution a été examinée conjointement avec la proposition de résolution sur le Tibet (de M. Dallemagne, voir doc. Sénat, nº 2-631/1), puisque ces deux propositions ont le même objet.

1. DISCUSSION GÉNÉRALE

M. Dallemagne déclare que sa proposition visait à faire pression pour que la situation dans le domaine des droits de l'homme au Tibet s'amélore. Elle fait suite à une résolution adoptée par le Parlement européene le 7 juillet 2000. L'intervenant est toutefois forcé de constater que cette question n'a pas été mise à l'ordre du jour des derniers Conseils européens.

Mme de Bethune déclare que la proposition, dont elle est l'auteur principale (doc. Sénat, nº 2-1111/1), a été signée par des sénateurs de tous les partis démocratiques. Celle-ci a été rédigée à l'occasion d'une audition qui s'est tenue le 6 février 2002 au Comité d'avis pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes. Deux religieux tibétains, qui avaient fui la Chine en passant par le Népal, sont venus témoigner à cette audition des traitements qu'ils avaient dû subir. Ils ont été enfermés et maltraités. Le Comité d'avis a publié un rapport à ce sujet (voir doc. Sénat, nº 2-1057). Il est vrai que la présente proposition de résolution a un objectif plus restreint que celle de M. Dallemagne, mais elle peut servir de base à un texte plus général dénonçant la situation sur le plan des droits de l'homme au Tibet. L'intervenante ajoute que le règlement du Sénat ne permet pas que le Comité d'avis soumette une proposition de résolution au vote de l'assemblée plénière. Cela doit toujours se faire par le biais d'une des commissions permanentes.

Le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères déclare que le gouvernement belge est très préoccupé du respect des droits de l'homme en Chine, plus particulièrement dans la Région autonome du Tibet. Sur le plan bilatéral et multilatéral, le gouvernement oeuvre activement pour que la situation évolue dans une direction qui soit favorable au respect des droits de l'homme en Chine. Les droits de l'homme couvrent évidemment plusieurs domaines, tels le droit à la sécurité individuelle, le droit à l'accès aux soins médicaux, la liberté de religion et les droits des minorités. À chaque rencontre bilatérale avec les autorités chinoises, la Belgique évoque la question des droits de l'homme, plus particulièrement au Tibet. Au cours de sa visite en Chine en mai 2001, le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères a longuement parlé du Tibet avec le vice-premier ministre chinois, M. Qian Qichen. Lors de sa visite à la République populaire de Chine en mars 2002, le premier ministre a également abordé cette question auprès des autorités chinoises. Par ailleurs, la Belgique appuie bien entendu les efforts européens dans le cadre du dialogue entre la Chine et l'UE sur les droits de l'homme, dans lequel la question du Tibet occupe une place importante.

Mme Robinson, haut commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, s'est rendue plusieurs fois en Chine depuis 1998. Au cours de sa première visite en 1998, elle a, à sa demande, visité le Tibet.

À propos de la détermination du statut du Tibet, le ministre souhaite rappeler aux honorables parlementaires qu'il n'appartient pas à la Belgique ni au gouvernement belge de déterminer le statut du Tibet qui serait négocié entre la République populaire de Chine et le dalaï-lama ou tout autre représentant tibétain. Il appartient aux représentants de la République populaire de Chine et du peuple tibétain de déterminer ensemble le statut du Tibet.

Quant à la question portant sur l'examen de la possibilité de reconnaître le gouvernement tibétain en exil comme légitime représentant du peuple tibétain, la position belge et européenne sur le Tibet est la suivante : nous reconnaissons le dalaï-lama en tant que leader religieux mais pas en tant que leader politique. En outre, nous reconnaissons la politique de la Chine unique, et par cela la souveraineté chinoise sur le Tibet.

Cela ne nous empêche évidemment pas de considérer que la situation des droits de l'homme au Tibet n'est pas acceptable et nous ne manquons aucune occasion de rappeler aux autorités chinoises l'universalité des droits de l'homme et leur obligation de les respecter sur tout leur territoire.

Par ailleurs, comme vous le savez, la question des droits de l'homme en Chine n'a pas été abordée en 2002 à la Commission des droits de l'homme des Nations unies, mis à part la mention de la Chine dans le discours « tour du monde » sur les droits de l'homme de l'Union européenne. Une résolution sur la Chine est habituellement introduite par les États-Unis. Même si les membres de l'UE étaient prêts à voter en faveur de ce texte, ils ne l'ont jamais co-parrainé. L'UE n'a donc pas envisagé d'introduire elle-même une résolution sur la Chine lors de cette session.

Bien que n'étant pas membres de la Commission en 2002, les États-Unis étaient habilités à introduire une telle résolution. Rien ne laissait présager qu'ils ne le feraient pas. La présidence de l'UE a d'ailleurs informé officiellement les États-Unis que les quinze États membres soutiendraient leur résolution éventuelle et qu'ils s'opposeraient à la motion de non-action que la Chine pourrait introduire. Malgré ces assurances, les États-Unis ont finalement décidé de ne pas introduire de résolution. Mais cette information nous est parvenue alors que la session avait déjà débuté.

Ils ont essayé de convaincre l'EU de reprendre également cette initiative mais il était trop tard pour que l'UE envisage de prendre en charge ce texte. Cela ne s'improvise pas. Toute résolution requiert un lourd travail de préparation et de suivi. Et cette session a suffisamment démontré qu'il était difficile d'assurer le succès des initiatives sur les pays. Pour rappel, l'Union européenne a déposé onze résolutions, dont dix concernant un pays donné.

De plus, il est essentiel, non seulement pour assurer le bon fonctionnement de la Commission mais également pour préserver une certaine objectivité, d'assurer un partage du travail à cette Commission. Il n'est pas opportun que seule l'UE introduise des résolutions sur des pays. Les États-Unis et les autres participants doivent assumer leur part.

M. Geens déclare que les intentions des auteurs des résolutions en question sont louables mais qu'il n'est pas d'accord sur le fait que l'on adopte deux résolutions distinctes en la matière. Le dalaï-lama est un chef religieux et non le représentant politique du peuple tibétain. L'intervenant propose que les auteurs des deux propositions complètent le texte de Mme de Bethune et consorts de manière à aboutir à une résolution équilibrée.

M. Galand déclare que la situation au Tibet est très préoccupante. Si elle perdure, les seules traces de la culture tibétaine qui subsisteront seront celles conservées par les Tibétains qui ont fui le pays.

Le président souligne que l'atteinte portée à des droits humains fondamentaux, dont le droit à la liberté religieuse, est inacceptable. Par ailleurs, il convient malgré tout de mentionner que de 1978 à 1987, le Tibet a disposé d'un statut spécial. Cette période s'est caractérisée par une libéralisation dans tous les domaines. Les remous de la fin des années quatre-vingt en ont sonné le glas. Cela n'excuse évidemment pas la politique menée depuis lors par la Chine. Le président partage l'avis de M. Geens à propos de l'octroi d'un statut politique de fait au dalaï-lama comme le prévoit le point 5 du dispositif de la proposition de Mme de Bethune.

M. Dedecker déclare qu'il est partisan, comme les intervenants précédents, d'une séparation totale entre l'Église et l'État. Le dalaï-lama est une autorité religieuse, non une autorité politique.

La commission décide, en concertation avec les auteurs respectifs, de prendre la proposition de résolution relative aux droits humains au Tibet, de Mme de Bethune et consorts (doc. Sénat, nº 2-1111/1), comme base de discussion.

M. Dallemagne se dit prêt à adapter et à étendre cette proposition de résolution par voie d'amendement.

2. DISCUSSION DES AMENDEMENTS

M. Verreycken commente son amendement nº 1 (voir doc. Sénat, nº 2-1111/2). L'intervenant déclare que cet amendement est basé sur un entretien qu'il a eu avec le dalaï-lama en 1995. Le génocide commis au Tibet impose d'adopter la présente résolution pour protester formellement auprès des autorités chinoises contre les violations des droits de l'homme et de prendre la décision de ne plus entretenir de relations économiques ou commerciales avec les pays qui violent les droits de l'homme.

M. Maertens souligne que des génocides sont également commis dans d'autres régions du monde, par exemple en Palestine et dans la région des Grands Lacs. À cet égard, le point 2 du dispositif de cet amendement est beaucoup trop général. L'intervenant souligne par ailleurs que le dalaï-lama incarne un État théocratique. On en a un autre exemple en Europe avec le Vatican.

L'intervenant rappelle en outre que la commission des Finances du Sénat s'est récemment rendue en Chine pour une visite de travail. Les commissaires ont pu y constater que la Chine s'ouvre de plus en plus à la mondialisation de l'économie. Cette évolution a également une incidence sur le respect des droits de l'homme. Cette problématique doit être envisagée dans son contexte historique. Mais c'est là l'objet d'un débat beaucoup plus approfondi. L'intervenant suggère dès lors que l'on présente au gouvernement une résolution réalisable.

L'amendement nº 1 de M. Verreycken est rejeté par 8 voix contre 1.

Mme Willame-Boonen commente les amendements nºs 2 à 6 qui ont été déposés suite à l'échange de vues relaté ci-dessus (voir doc. Sénat, nº 2-1111/2). L'intervenante déclare que ces amendements ont pour but d'étendre la proposition de Mme de Bethune et consorts, comme convenu lors de la réunion précédente.

L'amendement nº 2 est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

L'amendement nº 3 devient sans objet dès lors qu'il porte sur une question purement technique.

L'amendement nº 4 est adopté par 7 voix et 2 abstentions.

À l'issue d'un long échange de vues sur le contenu de l'expression « pleine autonomie », M. Colla dépose un sous-amendement nº 8 à l'amendement nº 5 (voir doc. Sénat, nº 2-1111/3).

Ce sous-amendement est adopté à l'unanimité des 8 membres présents. En conséquence, l'amendement nº 5 devient sans objet.

L'amendement nº 6 est amendé oralement, sur proposition du ministre, de manière à remplacer dans le texte français les mots « afin d'inscrire » par les mots « afin que soit inscrit ». L'amendement, ainsi sous-amendé, est adopté par 8 voix et 1 abstention.

L'amendement nº 7 est retiré par son auteur.

Le président fait remarquer que, dans sa formulation actuelle, le point 5 du dispositif implique la reconnaissance d'un gouvernement et d'un parlement tibétains en exil.

M. Devolder dépose un amendement nº 9 (voir doc. Sénat, nº 2-1111/3) visant à remplacer le point 5 du dispositif. Cet amendement est adopté par 8 voix et 1 abstention.

3. VOTE SUR L'ENSEMBLE

La proposition de résolution, ainsi amendée, a été adoptée par 8 voix et 1 abstention.

En conséquence, la proposition de résolution de M. Dallemagne (doc. Sénat, nº 2-631) devient sans objet.

Confiance a été faite au rapporteur pour la rédaction du présent rapport.

Le rapporteur,
Michiel MAERTENS.
Le président,
Marcel COLLA.