2-1208/3

2-1208/3

Sénat de Belgique

SESSION DE 2001-2002

4 JUILLET 2002


Projet de loi modifiant l'article 86bis du Code judiciaire et la loi du 3 avril 1953 d'organisation judiciaire


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR MME NYSSENS


Le présent projet de loi, qui relève de la procédure bicamérale, a été adopté par la Chambre des représentants le 13 juin 2002 par 87 voix contre 38 et 1 abstention. Il a été transmis au Sénat le 14 juin 2002.

La commission de la Justice a discuté de ce projet de loi en présence du ministre de la Justice lors de sa réunion du 26 juin 2002.

I. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU MINISTRE DE LA JUSTICE

Voir doc. Sénat, nº 2-1207/3.

II. DISCUSSION GÉNÉRALE

Voir doc. Sénat, nº 2-1207/3.

III. DISCUSSION DES ARTICLES

Article 1er

Cet article est adopté par 9 voix contre 3.

Article 2

Mme Staveaux-Van Steenberge dépose l'amendement nº 1 (doc. Sénat, nº 2-1208/2) visant à supprimer l'article 2.

Selon l'auteur, il s'agit de toute façon d'un très mauvais projet de loi dont le seul but est de tourner la loi sur l'emploi des langues et de battre en brèche le bilinguisme du tribunal de Bruxelles. Il convient dès lors de tout mettre en ouvre afin d'empêcher l'adoption de ce projet.

Le ministre demande que l'amendement soit rejeté. Le projet de loi à l'examen ne vise nullement à contourner la loi linguistique ni à vider de sa substance le caractère bilingue du tribunal de Bruxelles. L'intervenant renvoie à son exposé introductif.

L'amendement est rejeté par 9 voix contre 3.

En ce qui concerne le caractère temporaire des mesures, M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent l'amendement nº 6 (doc. Sénat, nº 2-1208/2), libellé comme suit :

Compléter l'alinéa nouveau proposé par ce qui suit :

« Cette possibilité subsiste jusqu'à la fin de la deuxième année qui suit l'entrée en vigueur de la présente disposition. »

Les auteurs estiment que c'est à juste titre que le Conseil d'État a mis l'accent sur le caractère équivoque de la nomination de juges de complément pour résoudre la problématique de l'arriéré dans les tribunaux bruxellois. Voici ce qu'envisageait notamment le Conseil :

« En l'espèce, le législateur peut recourir à l'article 86bis du Code judiciaire en augmentant le nombre de juges de complément pour le ressort de la cour d'appel de Bruxelles à la condition que les mesures envisagées soient de nature temporaire en attendant que soient prises les mesures structurelles permettant de mettre définitivement fin à la situation particulière existante. » (nous soulignons)

Conformément aux nombreuses déclarations de représentants néerlandophones de la majorité, ce caractère provisoire doit être inscrit dans la loi même, et ce, pour éviter que l'instrument que constituent les juges de complément ne soit utilisé d'une manière diamétralement opposée aux objectifs véritables du législateur lorsqu'il a inséré l'article 86bis initial.

Le ministre demande que l'amendement soit rejeté. Il renvoie à la position qu'il a développée à propos de l'amendement nº 2 (voir infra, article 2bis).

L'amendement est rejeté par 10 voix contre 3.

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent l'amendement nº 7 (doc. Sénat, nº 2-1208/2), libellé comme suit :

À cet article, dans l'alinéa nouveau proposé, supprimer les mots « ou de la cour du travail de » ainsi que les mots « et des tribunaux du travail ».

Pour les auteurs, le but du système des juges de complément est de remédier à des situations d'arriéré. Or, tout le monde sait que ce type de problème n'existe pratiquement pas dans les juridictions du travail du ressort de la cour d'appel de Bruxelles. Il ne sert donc absolument à rien d'étendre le régime en question à la cour du travail de Bruxelles.

Le ministre demande que l'amendement soit rejeté. Les juges de complément sont tout aussi indiqués pour la cour du travail.

L'amendement est rejeté par 10 voix contre 3.

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent l'amendement nº 8 (doc. Sénat, nº 2-1208/2), libellé comme suit :

À cet article, compléter l'ajout proposé par l'alinéa suivant :

« L'article 43, § 5, de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire est applicable à ces juges. »

Contrairement aux auteurs du projet de loi, les auteurs du présent amendement pensent qu'il ne suffit pas que la modification proposée ne puisse pas déboucher sur un contournement structurel de la loi; elle ne peut justifier aucun contournement de la loi. Le législateur de 1935 a inscrit les exigences linguistiques dans la loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire afin de donner aux justiciables des garanties quant à la qualité de l'administration de la justice à leur égard. Il l'a fait entre autres en considération du fait que les situations concrètes qui sont soumises à l'appréciation du juge, dans une région bilingue, ne se prêtent pas nécessairement à une répartition rigide entre le français et le néerlandais.

De plus, on n'a aucune garantie que les juges de complément ne seront chargés et, le cas échéant, amenés à connaître uniquement de dossiers (parties, pièces, témoins) rédigés entièrement dans la langue de leur diplôme. Vu que c'est absolument impossible et que la qualité de l'administration de la justice dans la capitale doit être la pierre de touche par excellence du législateur, il n'y a aucune raison de prévoir pour les juges de complément des exigences linguistiques (qualitativement) différentes de celles qui s'appliquent à leurs collègues qui ne sont pas nommés sur la base de l'article 86bis du Code judiciaire.

Le ministre demande que l'amendement soit rejeté. Il renvoie aux travaux préparatoires de la loi du 10 février 1998, qui précisent clairement que la législation linguistique ne s'applique pas aux juges de complément.

L'amendement est rejeté par 10 voix contre 3.

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent l'amendement nº 9 (doc. Sénat, nº 2-1208/2), libellé comme suit :

À cet article, compléter l'ajout proposé par l'alinéa suivant :

« Les juges de complément bénéficient d'un complément de traitement spécial, fixé par le Roi. Ce complément ne peut cependant en aucun cas avoir pour conséquence que les juges de complément perçoivent un traitement plus élevé que les magistrats ayant justifié de la connaissance de l'autre langue nationale. »

Selon les auteurs, compte tenu de la situation spécifique de Bruxelles, l'octroi d'une « prime d'unilinguisme » aux magistrats de complément est un des aspects les plus détestables du projet de loi. En récompensant par une prime de mobilité (mobilité qui est en réalité fort limitée puisque ces magistrats seront tous affectés à Bruxelles) les magistrats qui ne répondent pas aux strictes exigences linguistiques de la législation sur l'emploi des langues en matière administrative, on donne un signal tout à fait contre-productif, qui décourage et ridiculise tout effort visant à acquérir effectivement les connaissances linguistiques utiles.

Le ministre demande que l'amendement soit rejeté. L'intention n'est nullement de créer une prime d'unilinguisme pour les magistrats de complément. La prime qui leur est octroyée est d'un autre ordre. Par ailleurs, un avant-projet de loi relative à la prime de bilinguisme est à l'étude.

L'amendement est rejeté par 10 voix contre 3.

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent l'amendement nº 10 (doc. Sénat, nº 2-1208/2), libellé comme suit :

Dans l'article 86bis, alinéa 2, proposé, remplacer les mots « un quart » par les mots « un sixième ».

Les auteurs constituent que le doublement soudain du nombre de juge de complément dans le ressort de la cour d'appel de Bruxelles témoigne d'un usage trop maximaliste de cet instrument. Un tel doublement, qui a pour conséquence directe que pas moins d'un quart des effectifs bruxellois auront un statut de complément, est un remède trop puissant pour un problème qui n'a même pas fait l'objet d'un diagnostic approfondi. Si on devait malgré tout opter ­ et ce, répétons-le, à tort ­ pour cette solution, il serait opportun de faire preuve d'un minimum de prudence en limitant le nombre des nominations de complément à un sixième du nombre des effectifs.

Le ministre demande le rejet de l'amendement.

L'amendement est rejeté par 10 voix contre 3.

L'article 2 est adopté par 10 voix contre 3.

Article 2bis

Mme Staveaux-Van Steenberge dépose l'amendement nº 2 (doc. Sénat, nº 2-1208/2), libellé comme suit :

À l'article 86bis du Code judiciaire, inséré par la loi du 10 février 1998 et modifié par la loi du 28 mars 2000, alinéa 2, remplacer la phrase « Leur mission prend fin à l'expiration du terme pour lequel ils ont été désignés, sauf prorogation » par les mots : « Leur mission prend fin à l'expiration d'un an ».

Subsidiairement, le présent amendement tend, selon l'auteur, à limiter la désignation de ces juges dans le temps. Ce n'est que dans ces conditions que leur mission sera temporaire, ainsi que le demande le Conseil d'État.

Les amendements nºs 3, 4 et 5 de Mme Staveaux-Van Steenberge sont des sous-amendements à l'amendement nº 2 et remplacent le délai prévu par un délai, respectivement, de deux, trois ou quatre ans.

Le ministre répond que le caractère temporaire de la mesure est inscrit à l'article 86bis de la loi, qui dispose que les juges de complément sont désignés par le Roi pour exercer temporairement leur fonction selon les nécessités du service.

Les amendements déposés par le gouvernement à la Chambre n'étaient qu'une proposition de solution du conflit d'intérêts annoncé, lequel n'a finalement pas eu lieu.

Le ministre demande dès lors que les amendements nºs 2 à 5 soient rejetés.

Ces amendements sont rejetés par 9 voix contre 3.

M. Vandenberghe et Mme de Schamphelaere déposent l'amendement nº 11 (doc. Sénat, nº 2-1208/2), libellé comme suit :

Insérer un article 2bis (nouveau), rédigé comme suit :

« Art. 2bis. ­ Dans le même article, l'alinéa 2 est complété comme suit :

« La prorogation de la mission des juges de complément doit être motivée spécialement au vu de la persistance des circonstances concrètes qui ont justifié leur nomination initiale. »

Pour les auteurs, associés aux motifs énumérés aux alinéas 4 et 5 de l'article 86bis, les mots « sauf prorogation [de la mission pour laquelle ils ont été désignés] » montrent que la désignation d'un juge de complément est étroitement liée à l'existence de circonstances concrètes. La prorogation de cette mission ne peut dès lors devenir, en aucun cas, un quasi automatisme; elle doit au contraire être examinée et motivée expressément. Il va aussi de soi qu'une prorogation ne peut être justifiée que par la persistance des circonstances concrètes qui ont conduit initialement à la nomination du juge de complément. Si ces circonstances venaient à disparaître ou à changer objectivement, il vaudrait mieux procéder à une nouvelle nomination plutôt qu'à une prorogation.

Le ministre estime que les conditions prévues à l'article 86bis suffisent pour permettre l'application de la procédure des juges de complément.

L'amendement est rejeté par 11 voix contre 3.

Article 2ter

M. Vandenberghe et Mme de Schamphelaere déposent l'amendement nº 12 (doc. Sénat, nº 2-1208/2), libellé comme suit :

Insérer un article 2ter (nouveau), rédigé comme suit :

« Art. 2ter. ­ Il est inséré, dans le même article, après l'alinéa 7, un alinéa nouveau, rédigé comme suit :

« Les nominations auxquelles il sera procédé, dans le ressort de la cour d'appel de Bruxelles, une fois que la limite du nombre total de magistrats aura été atteinte, devront être motivées de manière spéciale en fonction des problèmes spécifiques du ressort, et plus particulièrement en fonction de la situation linguistique des tribunaux concernés. Il faudra notamment démontrer que la nomination ne nuira pas à l'équilibre linguistique du tribunal de Bruxelles. »

Pour les auteurs, la possibilité de nommer des juges de complément supplémentaires dans le ressort de la cour d'appel de Bruxelles déroge à la règle générale de l'article 86bis du Code judiciaire; cette exception requiert par conséquent une motivation spéciale. Il va de soi que cette motivation doit avoir un lien avec les raisons particulières qui, selon l'exposé des motifs, sous-tendent à la création de cet instrument.

Le ministre estime qu'il n'est pas nécessaire de motiver spécialement la nomination de juges de complément supplémentaires dans le ressort de la cour d'appel de Bruxelles.

L'amendement est rejeté par 11 voix contre 3.

Article 2quater

M. Vandenberghe et Mme de Schamphelaere déposent l'amendement nº 13 (doc. Sénat, nº 2-1208/2), libellé comme suit :

Insérer un article 2quater (nouveau), rédigé comme suit :

« Art. 2quater. ­ Dans le même article, l'alinéa 7 est complété par la disposition suivante :

« Le Roi recueille en tout cas l'avis motivé des bâtonniers des barreaux des tribunaux du ressort concerné. »

Les auteurs considèrent que les juges de complément sont un instrument destiné à résoudre les problèmes d'arriéré judiciaire. Ces problèmes ne concernent toutefois pas que l'organisation du tribunal lui-même; ils sont également étroitement liés aux relations entre les tribunaux et les justiciables et les représentants de ceux-ci, les membres du barreau. Comme plusieurs exemples concrets ont montré que de bons accords entre les barreaux et le tribunal permettaient de réduire sensiblement l'arriéré, il semble nécessaire d'examiner à tout le moins si ce moyen moins radical n'apporterait pas une réponse suffisante au problème de l'arriéré. À cet effet, il convient de discuter de la question avec les représentants par excellence du barreau que sont les bâtonniers. Ce n'est que si leur avis montre que des nominations supplémentaires sont nécessaires pour résorber l'arriéré existant que le Roi pourra raisonnablement décider que la nomination de magistrats de complément, à laquelle il ne faut recourir qu'au dernier ressort, se justifie.

Le ministre estime que l'avis des bâtonniers n'apporte aucune plus-value. Il demande par conséquent que cet amendement soit rejeté.

L'amendement est rejeté par 11 voix contre 3.

Article 3

M. Vandenberghe et Mme de Schamphelaere déposent l'amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 2-1208/2), libellé comme suit :

« À cet article, remplacer le nombre « 34 » par le nombre « 25 ».

Le présent amendement est le corollaire logique de l'amendement nº 10.

Le ministre renvoie au point de vue qu'il a développé à propos de l'amendement nº 10 et demande dès lors le rejet de l'amendement.

L'amendement est rejeté par 11 voix contre 3.

L'article 3 est adopté par 11 voix contre 3.

IV. VOTE FINAL

L'ensemble du projet de loi a été adopté par 11 voix contre 3.

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 10 membres présents.

La rapporteuse, Le président,
Clotilde NYSSENS. Josy DUBIÉ.

Le texte adopté par la commission
est identique au texte
du projet transmis
(voir le doc. Chambre nº 50-1496/1 ­ 2001-2002)