2-1189/1 | 2-1189/1 |
4 JUIN 2002
(Déclaration du pouvoir législatif,
voir le « Moniteur belge » n º 88
du 5 mai 1999)
La présente proposition de révision de la Constitution vise à encourager le recrutement de non-Belges dans les services publics.
Cette demande de révision de la Constitution n'est pas nouvelle. Déjà en 1995 (Moniteur belge du 12 avril 1995), les Chambres ont déclaré qu'il y avait lieu à révision de l'article 10 de la Constitution pour le mettre en conformité avec le Traité instituant la Communauté européenne. L'article 48, § 4 (actuellement l'article 39.4) de ce traité prévoit certes une exception à l'interdiction de faire une discrimination fondée sur la nationalité entre les travailleurs des États membres en ce qui concerne les emplois dans l'administration publique, mais la Cour de justice des Communautés européennes en donne une interprétation stricte et fonctionnelle. Selon la Cour, l'exception ne s'applique en effet qu'aux emplois « qui comportent une participation, directe ou indirecte, à l'exercice de la puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l'État ou des autres collectivités publiques ».
À la lumière de cette jurisprudence, le Conseil d'État, section de Législation, a recommandé de modifier l'article 10, alinéa 2. La section d'Administration de ce même Conseil a jugé, déjà en 1996, qu'en vertu de la hiérarchie des normes et de l'article 34 de la Constitution, l'interprétation de la Cour de justice avait un effet direct dans l'ordre juridique national et primait donc de ce fait l'article 10, alinéa 2, de la Constitution, qui lui est contraire. La Belgique a déjà été condamnée en juillet 1996 par la Cour européenne de justice en raison de la difficulté qu'ont les ressortissants de l'UE qui ne sont pas Belges d'accéder à la fonction publique. Depuis lors, plusieurs initiatives positives ont été prises, des exceptions ont été faites pour certaines catégories professionnelles, et des adaptations et des précisions ont même été apportées au statut des agents de l'État, mais le principal c'est-à-dire l'adaptation de la Constitution reste à faire.
La sous-représentation manifeste des non-Belges dans la fonction publique, que ce soit comme contractuels ou comme statutaires, témoigne de ce que la situation actuelle crée une confusion considérable tant auprès des services publics que chez les étrangers vivant dans notre pays. En 1996, une enquête a montré que parmi les 58 103 agents des départements et organismes fédéraux, seuls 116 étaient étrangers, et 9 seulement originaires de pays n'appartenant pas à l'Union européenne. Les rapports annuels du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme montrent que, dans l'intervalle, la situation ne s'est améliorée qu'au compte-gouttes. Dans chacun de ses rapports annuels, le centre souligne la nécessité de supprimer l'inégalité entre non-Belges en adaptant l'article 10, alinéa 2, deuxième membre de phrase, de la Constitution. Les Belges d'origine étrangère sont eux aussi assez sous-représentés dans le secteur public.
Il est doublement regrettable que l'autorité publique fasse si piètre figure en tant qu'employeur à l'égard des étrangers. Censée être le champion de l'intégration sociale et l'autorité responsable de tous les habitants, elle manque à l'obligation qui est la sienne de montrer le bon exemple. La sous-représentation continue des non-Belges dans la fonction publique constitue une occasion ratée, alors que le gouvernement veut augmenter la participation des étrangers au marché du travail, qu'il mène une politique globale visant à garder autant et aussi longtemps que possible la partie active de la population dans le circuit du travail, et qu'il éprouve des difficultés à être compétitif par rapport au secteur privé pour ce qui est d'attirer les travailleurs potentiels.
Le fait de préciser les dispositions de la Constitution permettrait à la Belgique de lancer un signal indéniable comme quoi elle entend suivre une autre voie, que les pouvoirs publics de notre propre pays tiennent compte, comme autorité publique et comme employeur, de la présence durable des personnes d'origine étrangère et qu'ils renoncent à la condition de nationalité pour la plupart des fonctions publiques. Pour définir les critères justifiant qu'une fonction reste réservée aux ressortissants nationaux, nous pouvons nous fonder sur les directives de la Cour européenne de justice.
Meryem KAÇAR. Marie NAGY. |
Article 1er
L'article 10, alinéa 2, deuxième membre de phrase, de la Constitution, est remplacé par la disposition suivante :
« Seuls ils sont admissibles aux emplois publics qui comportent une participation directe à l'exercice de la puissance publique et des fonctions ayant pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l'État ou d'autres organes publics, dans la mesure où ils impliquent un pouvoir de décision à l'égard des personnes privées et une participation à la gestion de l'État. »
21 mars 2002.
Meryem KAÇAR. Marie NAGY. |