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M. Jean Cornil (PS). - Suite au drame qui s'est déroulé ce week-end au Centre « 127bis », il appartient aux autorités de justice et aux services d'inspection de l'Office des étrangers d'établir les circonstances et la cause du décès. J'apprécierais que vous puissiez nous donner certaines précisions à ce sujet.
Je souhaite revenir sur la question générale des centres fermés. En effet, comme vous le savez, ces centres étaient régis par l'arrêté royal du 4 mai 1999 qui fut annulé par le Conseil d'État. À ma connaissance, il n'y a donc plus aucune réglementation qui régit clairement les conditions de détention des détenus dans les centres fermés.
Vous savez que lorsque j'exerçais d'autres fonctions, un certain nombre de propositions avaient été préparées avec les services compétents de l'Office des étrangers pour aboutir à un nouveau projet d'arrêté royal qui devait prévoir, notamment, la fixation de toutes les règles concernant l'assistance médicale, psychologique, sociale et juridique des détenus, les mesures permettant un contrôle interne et externe des centres et une commission, présidée par un magistrat, chargée du traitement des plaintes des détenus ainsi qu'une série de propositions concernant le régime disciplinaire et les recours contre les sanctions.
Par ailleurs, il n'y a toujours pas, à ma connaissance, d'arrêté royal qui régisse le centre spécifique pour les « INADS » dans la zone de transit à Zaventem.
Pouvez-vous m'indiquer quelles sont vos intentions en la matière concernant ces deux projets d'arrêtés royaux ?
M. Antoine Duquesne, ministre de l'Intérieur. - Tout d'abord votre question, monsieur Cornil, ne portait pas sur les circonstances du décès du citoyen kosovar au Centre de Steenokkerzeel. Mais vous me donnez cependant l'occasion de dire combien j'ai été scandalisé par les déclarations émanant d'un certain nombre de responsables à cet égard.
Que n'ai-je lu ou entendu ? Il a été question de piqûres calmantes dans le cou de la personne en question afin de faciliter son expulsion manu militari par vol spécial. Mensonge ! - et je pèse le mot ! On a également parlé d'un « acte de désespoir » d'une personne qui allait être renvoyée, sous escorte, alors que celle-ci avait renoncé à former un recours et devait repartir volontairement par un vol de ligne régulière le 3 avril prochain. Autre propos scandaleux ! Le parquet serait intervenu parce que, comme d'habitude, des parlementaires se sont rendus sur place - je me demande si je ne vous ai pas vu, monsieur Cornil. D'autres encore, notamment le Président de la Ligue des droits de l'homme, ont déclaré qu'il était très inquiétant de voir solliciter le parquet. Or, ce sont les services qui l'ont fait, monsieur le sénateur et je les en félicite : cela prouve qu'ils sont favorables à la transparence et qu'ils n'ont rien à se reprocher.
Que n'ai-je lu ou entendu encore ? Un médecin aurait refusé de se présenter la veille alors que les compagnons de chambrée de l'intéressé auraient confirmé que celui-ci avait fait du sport l'après-midi et qu'il avait discuté avec un d'entre eux jusque 22 heures !
Je comprends parfaitement que certains veuillent utiliser les événements dramatiques ou tragiques à l'appui de thèses politiques. Pour ma part, je ne travaille pas de cette manière-là et cela me paraît une conception désastreuse du combat politique.
Votre question me permet de mettre les choses au point car j'ai lu dans la presse, mais peut-être le journaliste vous a-t-il mal compris, que « je me serais endormi en ce qui concerne l'humanisation des conditions de détention dans un centre fermé ». Vous savez, monsieur Cornil, que j'ai proposé au Conseil des ministres, en novembre 2000, un arrêté royal qui a été approuvé, mais a ensuite été bloqué par deux partenaires de la majorité au motif que le problème, par ailleurs différent, des mineurs non accompagnés, n'était pas résolu comme ils le souhaitaient.
La vérité a ses droits et permettez-moi de dire que ces personnes ont commis une grave erreur, empêchant d'améliorer les conditions de détention dans les centres fermés. Vous ne pouvez l'ignorer. La situation est plus embarrassante à présent parce que l'on est confronté, suite à une décision du Conseil d'État, à l'absence d'arrêté royal réglant le fonctionnement des centres fermés.
Nous ne nous trouvons cependant pas dans une situation de non-droit puisque l'on continue à appliquer un règlement d'ordre intérieur, calqué sur le précédent arrêté royal annulé à la suite d'un recours de certaines ONG.
Si vous avez connaissance de faits ou d'agissements contraires à cette réglementation interne inspirée de l'ancien arrêté royal, faites-le moi savoir. En effet, autant je soutiens le personnel de ces centres qui exerce un métier difficile quand il n'a rien à se reprocher, autant je serai sans complaisance et sans faiblesse si je devais relever des manquements. Il faut cependant être précis.
Vous avez pu constater, et je viens de vous le confirmer, qu'après le décès de ce week-end, j'ai agi dans un souci de transparence et qu'il n'était pas question de cacher quoi que ce soit à la délégation de parlementaires reçue par la direction. Comme vous avez pu vous en rendre compte personnellement, et l'autopsie pratiquée depuis lors l'a confirmé, il n'y avait aucune trace de violence, encore moins de trace de piqûre, et il s'agissait simplement, en l'occurrence, d'un cas toxicologique, soit un cas de drogue ; des examens supplémentaires devraient permettre d'en savoir davantage à ce sujet.
Pour ma part, j'ai eu la prudence de me taire, et d'autres qui prétendent vouloir faire oeuvre utile, auraient dû faire preuve de la même sagesse.
Je persiste cependant à ne pas préjuger des résultats des enquêtes en cours.
En ce qui concerne le projet d'arrêté royal, j'espère que nous pourrons le débloquer prochainement et que certains de vos amis comprendront son utilité. Je tiens à rappeler - puisque c'est la liaison politique qui a été faite - qu'il ne saurait être question d'accorder un accès automatique au territoire de mineurs non accompagnés. Cela ne ferait qu'encourager certaines compagnies aériennes à transporter des mineurs non accompagnés sans documents de voyage et favoriser le développement de filières. Il n'est pas question de déresponsabiliser les compagnies aériennes en ne les obligeant plus à prendre à leur charge la reconduite de mineurs non accompagnés dans leurs pays d'origine, dans l'hypothèse où une telle décision s'imposerait dans leur intérêt.
Je plaide par ailleurs depuis longtemps pour la mise en place de centres sécurisés. Dans cette attente, la possibilité de maintien de mineurs non accompagnés doit cependant être préservée, étant entendu que la durée de ce maintien doit être limitée au minimum, le temps de trouver une solution appropriée dans l'intérêt du mineur. Dans de nombreux cas, il importe que ces mineurs soient à la disposition de l'Office des étrangers le temps de retrouver leurs familles dans les pays d'origine ou ailleurs et de permettre, le cas échéant, le retour au pays. Je suis, bien entendu, disposé à ne plus prévoir le maintien de mineurs non accompagnés dans le nouvel arrêté royal dans la mesure où, à terme, les centres sécurisés seront effectivement créés.
J'ai fait une expérience malheureuse. Il m'a été demandé de confier à un centre de la Communauté française un jeune mineur non accompagné. J'avais beaucoup de réticences mais j'ai fini par accepter. Moins de vingt-quatre heures après, il avait disparu. J'espère qu'il n'est pas aujourd'hui aux mains de filières, par exemple de filières de prostitution. C'est n'est pas par plaisir que nous voulons maintenir ces mineurs dans des centres : c'est pour les protéger. Les risques de la rue sont bien supérieurs aux inconvénients qui peuvent résulter de leur présence dans ces centres.
J'ajoute que le ministre de la Justice et moi avons fait adopter par le conseil des ministres un projet organisant la tutelle des mineurs non accompagnés. Il vient d'être transmis au Conseil d'État. Par ailleurs, je ne vous cacherai pas que le ministre de la Justice m'a informé le mois dernier qu'il ne souhaitait plus, sauf exception, maintenir à terme des illégaux en prison bien que la loi l'autorise. Je partage sa conviction que la prison n'est effectivement pas le lieu idéal pour un maintien administratif. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les centres fermés ont été créés. Je réfléchi donc actuellement à la possibilité de prévoir au sein des centres fermés des sections adaptées aux cas les plus difficiles dans la mesure où le régime actuel ne présente pas les garanties de sécurité suffisantes pour le personnel des centres et les occupants eux-mêmes.
Quant au centre INAD, mon administration étudie actuellement la possibilité d'élaborer une réglementation spécifique tenant compte des réglementations en vigueur dans la zone de l'aéroport. Un groupe de travail doit se réunir pour étudier le problème de la détention dans les centres fermés après les vacances. J'espère qu'il va enfin conclure et que j'aurai enfin la possibilité de publier cet arrêté. Si vous avez quelqu'influence, je vous invite à en user.
De voorzitter. - Ik wijs de senator en de minister erop dat voor een mondelinge vraag de spreektijd beperkt is tot drie minuten.
M. Jean Cornil (PS). - Les premières critiques formulées à mon égard par le ministre de l'Intérieur sont injustes. En effet, je ne me suis pas permis le moindre commentaire sur les circonstances du décès du jeune Kosovar. Je ne me suis d'ailleurs pas rendu sur place le samedi, mais seulement le dimanche.
Je me suis entretenu, le dimanche après-midi, avec la directrice du centre. J'ai profité de cette occasion pour poser le problème en des termes strictement politiques, les autres aspects relevant du département de la Justice et de l'administration de l'Office des Étrangers.
C'était certainement une erreur - je vous entends bien - de lier le problème de l'adoption de l'arrêté royal à la question spécifique des mineurs non accompagnés. Vous me répondez que le gouvernement avancera rapidement dans le traitement de ce dossier et je m'en réjouis, car c'est tout ce que je voulais savoir.