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4 OCTOBRE 2001
Le droit à la justice entendons le droit pour chacun de faire valoir ses droits en justice en recourant aux procédures judiciaires appropriées est, dans notre système démocratique, un droit fondamental de l'individu, au même titre que le droit à la santé ou le droit à l'enseignement par exemple.
Force est pourtant de constater que l'exercice de ce droit devient, pour bon nombre de nos concitoyens, de plus en plus difficile à mettre en oeuvre en raison de son coût. Un coût devenu si élevé que la moindre procédure judiciaire devient, pour beaucoup de nos concitoyens, un luxe qu'ils évitent à s'offrir même lorsqu'ils sont assurés de leur bon droit à agir judiciairement.
En invoquant le coût élevé des procédures judiciaires, nous ne faisons pas allusion à des procédures exceptionnelles mais à l'action judiciaire toute simple, telle qu'il s'en intente quotidiennement et banalement devant toutes les juridictions du Royaume : litiges relatifs à des récupérations de créances diverses, des contestations de factures, des demandes de pensions alimentaires, des divorces, des résiliations de baux, etc.
Sans même prendre en compte le moindre honoraire relatif à l'intervention des auxiliaires de justice indispensables que sont les avocats, les notaires ou les experts, on peut estimer que le coût des « frais de justice » qui seront engendés par une procédure judiciaire portant sur un montant de 2 500 euros s'élèvera à environ 125 euros : les coûts de la citation et de la mise au rôle, de l'indemnité de procédure de première instance, de la signification du jugement, de la mise au rôle en degré d'appel, de l'indemnité de procédure d'appel et de la signification de l'arrêt intervenu peuvent en effet totaliser un coût représentant dans le cas d'espèce choisi 45 % du montant du litige.
Ce coût de la procédure judiciaire, appelé « dépens » en langage judiciaire, est bien détaillé par l'article 1018 du Code judiciaire. L'on y constate, que mis à part les indemnités de procédure qui s'apparentent à l'idée d'un remboursement partiel des honoraires d'avocats consentis, ces dépens sont constitués essentiellement de taxes diverses prélevées au profit de l'État : droits de timbres, de greffe, d'enregistrement, d'expédition, ...
L'auteur de la proposition tient à rappeler que la justice est un service public. Elle doit donc, en tant que telle, demeurer accessible au plus grand nombre, sinon à tous. L'importance des dépens à subir en cas de procédure judiciaire compromet cette notion de service public.
Certes, l'article 1017 du Code judiciaire prévoit que « tout jugement définitif prononce, même d'office, la condamnation aux dépens contre la partie qui a succombé ... ». Le problème est évidemment que cette condamnation n'intervient par définition, qu'à la fin du litige et que, pour pouvoir introduire et poursuivre celui-ci, c'est la partie demanderesse qui doit consentir l'avance des frais.
C'est donc bien réellement d'un problème d'accès au prétoire qu'il s'agit tant il est évident que l'idée de devoir faire l'avance de frais importants dont la récupération sera finalement soumise, comme l'enjeu principal, aux aléas d'une procédure judiciaire, risque de rebuter plus d'un justiciable, qui renoncera plutôt, dans ces conditions à faire valoir ses droits en justice. On devine que ce sont évidemment les personnes aux revenus modestes qui renoncent le plus volontiers à ester en justice. Le système actuel est dès lors socialement inéquitable.
Le but de la présente proposition est donc de réduire le coût des procédures judiciaires afin de rendre plus facile pour chacun l'accès au prétoire.
Le coût de la procédure judiciaire résulte de deux composantes : d'une part, les honoraires et rémunérations de tous ceux qui interviennent comme techniciens ou auxiliaires de la justice chargés d'assister le justiciable dans le déroulement du procès : huissiers de justice, avocats, notaires, experts divers ...; d'autre part, les taxes et droits divers prélevés par l'État à l'occasion de l'intentement d'une action judiciaire. Sans nier la nécessité de mener une réflexion approfondie sur le premier aspect de la question, l'auteur de la proposition vise présentement la seconde composante du coût de la justice.
S'agit-il de créer une gratuité totale de la procédure judiciaire ? Certes non ! D'un côté, l'auteur de la proposition n'entend pas priver l'État d'une source de rentrées qui contribue à l'auto-financement du fonctionnement de la justice; d'un autre côté, l'idée d'offrir au public un service moyennant rémunération n'est pas en soi rébarbative et se retrouve évidemment ailleurs que dans le domaine de la justice. Ce qu'il faut par contre éviter, c'est que le coût de la rémunération ne détourne le public de l'utilisation du service proposé.
Dès lors, l'idée retenue par la proposition est non pas de supprimer les divers droits et taxes grevant la procédure judiciaire, mais d'en différer le paiement. Au lieu d'exiger du justiciable, demandeur en justice, qu'il fasse l'avance des dépenses afférentes à la procédure, la règle sera dorénavant que les droits « qui sont maintenus tels quels » sont liquidés en débet et que leur paiement effectif est réclamé par l'État, à la fin du litige judiciaire, et recouvré à charge de la partie qui s'est vue condamnée aux frais et dépens de la procédure selon les dispositions du Code judiciaire.
De la sorte, les recettes théoriques de l'État lui restent acquises mais, en même temps, l'accès à la justice s'en trouve facilité puisque rendu moins coûteux pour le demandeur.
La présente proposition se borne, dans un premier temps, à ne viser que les droits de mise au rôle et droits d'expédition; malgré cet aspect limité, son impact n'est pas négligeable puisque les droits de mise au rôle de première instance et d'appel représentent à eux seuls une dépense de plus de 275 euros. Ultérieurement sans doute, la réflexion devra également être engagée sur les autres dépens visés à l'article 1018 du Code judiciaire.
Enfin, l'auteur de la proposition tient à rencontrer une objection qu'on ne manquera pas de formuler : si les recettes de l'État découlant des droits de mise au rôle et des droits d'expédition ne sont théoriquement pas obérés, elles diminueront en pratique, puisque, inévitablement, un certain nombre de justiciables condamnés aux dépens par les jugements et arrêts prononcés se révéleront insolvables au moment du recouvrement par l'État. On peut se demander en premier lieu si cette situation est en elle-même plus anormale ou plus inéquitable que le fait de laisser subir par le justiciable, demandeur en justice, les effets de l'insolvabilité de celui qui a perdu le procès.
Par ailleurs, dès lors que l'idée fondamentale qui sous-tend la proposition est d'aider les économiquement faibles à faire valoir leurs droits en justice, la solution retenue n'est certainement pas plus coûteuse pour les finances publiques qu'une autre solution qui consisterait à augmenter le nombre des bénéficiaires de l'aide judiciaire légale en relevant les plafonds permettant l'octroi de cette aide.
Philippe MONFILS. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
L'article 283 du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe est remplacé par la disposition suivante :
« Art. 283. Les droits de mise au rôle et les droits d'expédition visés au chapitre Ier, section 1 et 2, sont liquidés en débet.
Les droits sont compris dans les frais de justice et recouvrés à ce titre sur la partie condamnée à les supporter conformément aux dispositions du Code judiciaire. »
Philippe MONFILS. |