2-187 | 2-187 |
Mme Magdeleine Willame-Boonen (PSC), rapporteuse. - Lors de son exposé introductif, le ministre des Affaires étrangères a déclaré qu'il connaissait évidemment les critiques suscitées par les négociations du Traité de Nice.
Il croit, néanmoins, qu'il est important de faire la distinction entre la méthode de négociation et le contenu du Traité. Du point de vue du contenu, le Traité de Nice comporte d'importantes avancées. Le Conseil européen de Laeken a, en effet, pris une initiative importante en convoquant une Convention chargée de préparer la prochaine révision des traités européens. En coopération avec le Parlement, le gouvernement belge mettra tout en oeuvre pour que les imperfections de Nice puissent être corrigées par la Convention. Le ministre a ajouté que la non-ratification du Traité de Nice reviendrait à envoyer un signal négatif aux pays candidats au moment où ceux-ci participent pour la première fois au débat sur l'avenir de l'Union au sein de la Convention.
Le ministre a alors rappelé les principaux éléments du Traité de Nice. Le premier élément est la pondération des votes. Le Traité de Nice ne s'est d'ailleurs pas borné à définir une nouvelle pondération des voix pour une UE à quinze États membres. Il a aussi prévu un système progressif qui tient compte de l'élargissement de l'Union à 27 États membres. En ce qui concerne la Commission, la règle qui attribue deux commissaires aux grands États membres et un seul aux autres menaçait de paralyser le bon fonctionnement de la Commission dans une UE élargie. Le Protocole sur l'élargissement de l'UE adopté à Nice prévoit qu'à partir du 1er janvier 2005, la Commission comprendra un ressortissant de chaque État membre. Les grands États membres perdent donc leur deuxième commissaire. Lorsque l'Union comptera 27 États membres, le nombre des membres de la Commission sera inférieur au nombre d'États membres. Les membres de la Commission seront toutefois choisis sur la base d'une rotation égalitaire entre les États membres. De plus, le président de la Commission sera désormais élu à la majorité qualifiée. Il ne sera donc plus possible d'opposer un veto à la désignation du président.
Le deuxième élément qu'a rappelé le ministre est l'extension de la majorité qualifiée. Le Traité étend le principe de la majorité qualifiée à une trentaine d'articles. Il prévoit, en outre, la codécision du Parlement européen pour une série de dispositions désormais soumises à la majorité qualifiée. Dans certains cas, la décision à la majorité qualifiée est assortie de modalités ou conditions qui en compliquent ou en ralentissent l'application.
C'est le cas pour des questions telles que l'asile et l'immigration, la politique commerciale étrangère, les fonds structurels, etc.
En ce qui concerne la coopération renforcée, les principaux objectifs du Benelux ont été en grande partie atteints par le Traité de Nice, le droit de veto permettant à tout État membre de s'opposer à la mise en place d'une coopération renforcée dans le premier pilier, soit le domaine communautaire, tandis que le troisième pilier, la coopération judiciaire et policière, est supprimé.
Le nombre de pays nécessaires pour mettre en oeuvre un mécanisme de coopération renforcée a été limité à huit et ce type de coopération pourra désormais être introduit dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité. Cet acquis est important même s'il est assorti de deux limites. Un État membre pourra, en effet, dans ce domaine, toujours opposer son veto au déclenchement du mécanisme et la coopération renforcée est, par ailleurs, exclue pour les questions ayant des implications militaires ou de défense.
Le Traité de Nice a, sur base d'une proposition du Benelux et de l'Italie, renforcé l'identité militaire de l'Union. La création du Comité de politique étrangère et de sécurité (COPS), décidée lors du Conseil européen d'Helsinki, est fondée en droit par le Traité. Ce Comité peut recevoir mandat du conseil pour gérer des opérations de crise et prendre les décisions appropriées en vue du contrôle politique et la direction stratégique de ces opérations.
En conclusion, le ministre a souligné que ces résultats n'étaient pas négligeables et a plaidé pour la ratification du Traité de Nice.
M. Geens a relevé le fait que la situation était loin d'être idéale et posait le problème d'une Union de plus de vingt États membres, sans structure adéquate.
Mme Willame-Boonen s'est demandé pourquoi voter le Traité de Nice maintenant et a soulevé le problème du bouleversement causé par les événements du 11 septembre sur la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union.
Mme de Bethune a posé la question du refus de l'Irlande et a estimé que le traité à l'examen était insuffisant, surtout en ce qui concerne le droit de veto, le principe de la subsidiarité et la publicité de l'administration. Elle est revenue sur la manière dont a été envoyée la délégation belge à la Convention.
M. Dubié a souligné combien le Traité était décevant. Il a annoncé qu'il s'abstiendrait lors du vote en commission, ce qui ne préjugerait pas de la position de son groupe en séance plénière.
M. Mahoux a constaté que le Traité de Nice n'était pas ce que les Européens purs et durs espéraient obtenir mais que la Belgique avait l'obligation de donner un signal positif en ratifiant le Traité. L'intervenant considère que la procédure de la coopération renforcée est une avancée et a estimé qu'il était important de noter que le Traité de Nice avait formalisé la reconnaissance de la Charte des Droits fondamentaux. Le retard des pays qui ne sont pas encore techniquement prêts à entrer, comme la Roumanie et la Bulgarie, pose problème.
Le président, M. Colla, a constaté que les petits pas sont également importants et qu'une absence de ratification par la Belgique donnerait, en tout cas, un signal très négatif, plus particulièrement à l'Irlande.
Il est revenu sur la manière dont la délégation belge avait été envoyée à la Convention.
Le président a également demandé s'il ne faudrait pas envisager de réécrire les traités existants et futurs en fonction de la différence entre les règles fondamentales et la « législation ordinaire », pour laquelle une procédure de ratification est chaque fois nécessaire.
Enfin, le président a demandé au ministre quels étaient les pays prioritaires pour l'adhésion. Le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères a répondu que le Sommet de Nice avait été suivi d'un sentiment de déconvenue. C'est précisément pourquoi on a créé, à Laeken, grâce à la Convention, la possibilité de résoudre les problèmes dont on a constaté l'existence.
Le ministre s'est totalement opposé à l'idée de ne pas ratifier le Traité de Nice. Ce serait le plus mauvais signal à envoyer aux Irlandais.
Pour ce qui concerne l'après-11 septembre, le ministre a affirmé que c'était justement dans le domaine de la politique commune de sécurité et de défense qu'il y a eu des avancées substantielles.
La question importante est de savoir si Nice est une avancée ou si, en revanche, Nice a fait reculer l'Europe. Il cite comme exemples la majorité qualifiée et la coopération renforcée.
Le ministre a concédé qu'on n'a pas obtenu des avancées significatives dans les domaines de la fiscalité et de la politique de l'immigration, mais il a répété qu'il fallait parvenir, en fin de compte, à un accord entre les 15 États membres et que Nice avait constitué une des étapes vers une Union à part entière.
L'élargissement se fera donc, a rappelé le ministre, en tenant compte des mérites propres et sur base d'un postulat politique. Ce n'est pas un secret que l'élargissement ne se fera pas avant que la Pologne n'entre dans l'Union.
En réponse au président de la Commission, M. Colla, le ministre déclare prévoir un élargissement à dix.
En réponse à M. Mahoux, le ministre dit que, s'il s'avère que la Roumanie et la Bulgarie ne sont pas prêtes à l'adhésion, l'on pourrait envisager des programmes adaptés de rattrapage, comme l'a récemment proposé M. Védrine.
Mme Willame-Boonen a regretté la carence d'éclaircissements sur le rôle du parlement européen et le déficit démocratique européen dans le Traité de Nice.
Enfin, M. Mahoux a proposé que le gouvernement rappelle au président de la Convention, M. Giscard d'Estaing, que la Belgique tenait éminemment à la coopération renforcée. (M. Mahoux applaudit).
J'ai essayé de faire un rapport le plus complet possible, monsieur Mahoux.
Comme tous les sénateurs ne connaissent pas par coeur le contenu du Traité de Nice, il était peut-être important d'en rappeler les lignes essentielles. Mais, si je me réjouis de la présence d'un ministre, je suis en revanche un peu déçue que nos bancs ne soient pas plus occupés pour entendre ce rapport. En effet, je ne suis pas tout à fait sûre que tous les sénateurs soient vraiment au courant des grandes lignes du Traité. C'était pour eux une occasion de les entendre.
Je voudrais à présent m'exprimer au nom de mon parti, le PSC, qui est fondamentalement contre cette ratification du Traité de Nice.
Aujourd'hui, nous avons à nous prononcer sur le projet de loi portant assentiment au Traité de Nice. En raison de la perspective de l'élargissement, l'adoption ou le rejet de ce texte par notre parlement conditionnera le fonctionnement de l'UE pour au moins les quinze années à venir. C'est dire s'il mérite plus que les 80 minutes de débat qui lui furent consacrées lors de l'examen en commission. Mais, finalement, seule compte l'expression en séance publique, et je regrette une fois encore que les bancs de la majorité surtout soient aussi déserts.
M. Philippe Mahoux (PS). - Les vôtres ne sont pas beaucoup plus fournis.
Mme Magdeleine Willame-Boonen (PSC). - Nous sommes à deux sur cinq, alors que vous représentez seul de nombreux membres, monsieur Mahoux.
En tant qu'Européenne convaincue, j'aurais également voulu dire oui à Nice. J'aurais voulu pouvoir participer modestement, à mon niveau, à une avancée de l'idée de la construction européenne. Cependant, et sans doute précisément parce que je suis une Européenne convaincue, je n'ai pas réussi à me persuader que l'approbation du Traité de Nice constituait un pas, même très petit, dans la bonne direction, au lieu d'un grand pas dans la mauvaise.
Avant d'être un Traité, Nice est un échec patent par rapport à l'objectif qui avait été fixé à Amsterdam, celui de préparer l'élargissement vers l'Est.
Ce Traité ne règle que des points de nature technique. Certes, chaque pays candidat connaît désormais le nombre de ses futurs représentants au parlement européen ou encore le poids qui sera le sien lors des votes au sein du Conseil des ministres. Mais au-delà de ces modestes éclaircissements, l'Europe à laquelle ces pays vont adhérer n'a pas été suffisamment réformée pour les accueillir.
Le parlement européen n'a pas été confirmé comme colégislateur à part entière à côté du Conseil. Le principe paralysant de l'unanimité a été consacré dans des secteurs cruciaux comme les politiques fiscales et sociales, tandis que l'extension des domaines où la prise de décisions se fera à la majorité simple ou qualifiée est clairement insuffisante.
Partant de cet échec largement reconnu, on a élaboré la déclaration de Laeken. Si son contenu est louable à bien des égards, à ce stade, cependant, elle n'est rien de plus qu'une procédure assortie d'un catalogue d'intentions et de questions laissées ouvertes.
La mise sur pied de la Convention a fait naître des espoirs justifiés quant à la perspective d'une refonte du mode de fonctionnement communautaire. Il n'en reste pas moins que son travail est à peine commencé et que les conditions politiques de sa réussite sont loin d'être acquises. De plus, même en cas de résultat satisfaisant, rien ne garantit que la Convention réussisse à compenser les défauts du Traité. Mon collègue et chef de groupe, René Thissen, reviendra sur les aspects contraignants du Traité de Nice, une fois signé et ratifié par les pays européens concernés.
Dans ces conditions, l'alternative s'offrant aux Européens est la suivante : soit les résultats de la Convention sont satisfaisants et, dans ce cas, il pourra être procédé à l'élargissement dans un cadre institutionnel crédible, soit la Convention échoue et il serait alors extrêmement risqué de tenter l'élargissement tant qu'une solution institutionnelle viable n'aura pas été trouvée.
En toute hypothèse, le Traité de Nice ne pourrait servir de cadre à l'adhésion de nouveaux membres, sous peine de réduire pour longtemps l'Union à une simple association de libre échange commerciale dotée d'une monnaie unique.
Tous ces éléments constituent déjà, à eux seuls, un motif de préoccupation sérieux qui justifierait largement le refus de ratifier le Traité. Mais il y a une carence plus rédhibitoire encore qui l'emporte sur toutes les autres par le risque futur qu'elle présente et le manque perspectives absolues qu'elle trahit. Le Traité, c'est le vide, le silence, le gouffre absurde lorsqu'il s'agit d'aborder les grandes questions de l'avenir et les prochains objectifs de l'Union.
À quels chantiers voulons-nous nous atteler au sein des frontières de l'Union - aujourd'hui à 15, demain à 27 - maintenant que le marché et monnaie uniques sont devenus une réalité ? Celui de l'Europe sociale ? Celui de l'harmonisation de la fiscalité ? Celui de la lutte contre les paradis fiscaux ?
Quel rôle l'Europe ambitionne-t-elle de jouer sur la scène internationale maintenant que la menace que faisait peser l'Union soviétique sur sa sécurité a disparu ? Celui d'une alliée obligée des États-Unis, avec tous les problèmes que cela suppose ? Celui d'un partenaire privilégié des pays en développement ? Nul, à Nice, n'a été en mesure d'apporter des réponses satisfaisantes à ces questions essentielles ?
Du reste, à la lecture du texte indigeste du Traité et connaissant les marchandages auxquels son élaboration a donné lieu, on en vient à douter qu'un de ses rédacteurs se soit un seul instant interrogé à ce sujet. Or, seul un accord sur les projets européens permettra de trancher efficacement les problèmes de fonctionnement institutionnel, notamment, le vote à l'unanimité ou à la majorité qualifiée, le rôle de la Commission et les pouvoirs du parlement.
Car, du même coup, les finalités deviendraient plus claires en même temps que les moyens dont il faudrait se doter pour les rejoindre apparaîtraient plus évidents et, surtout, recevables aux yeux des différentes parties.
En l'absence d'un objectif commun, les États membres seront irrémédiablement réduits à voir, dans les institutions existantes, le lieu du marchandage où ils tenteront, au mieux, de défendre leurs intérêts nationaux respectifs.
Plus que les dispositions maladroites et paralysantes qu'il contient, c'est cette absence de perspective qui est à déplorer dans le Traité de Nice. Peut-on former une Union à 27 alors qu'à 15 déjà, on n'a pas les idées claires sur les buts qu'il faut poursuivre ensemble ? C'est inconcevable.
Notre édifice institutionnel européen, une construction sans précédent dans l'histoire à laquelle nous devons une paix et une prospérité inédites, mérite-t-il le sort d'impotent, de cacochyme que lui réserve le Traité ? Pas une seconde me semble-t-il.
C'est pourquoi je voterai non car, à mes yeux, il y a des refus qui réintroduisent l'audace et qui bousculent les inerties. Des refus qui, loin d'être velléitaires, sont fondateurs. Des refus qui obligent à se remettre en question sans concession.
M. François Roelants du Vivier (PRL-FDF-MCC). - Avant de présenter la position du groupe PRL-FDF-MCC sur la ratification du Traité de Nice, je voudrais dire à Mme Willame combien je regrette qu'elle n'ait pas transcendé son rôle de membre de l'opposition au lieu de charger le Traité de Nice de tous les maux : il ne faut pas faire dire à celui-ci plus que ce qu'il prévoit ! Je trouve assez piètre votre refus de ratification, madame Willame, quand je me souviens de l'attitude du PSC à l'époque où il faisait partie du gouvernement, époque où il souhaitait voir ratifier tous les traités adoptés depuis le Traité de Rome, même ceux qui ne constituaient qu'un léger progrès. Je regrette, je le répète, que vous n'ayez pas transcendé votre rôle de membre de l'opposition et que vous ayez privilégié une attitude tactique !
Mme Magdeleine Willame-Boonen (PSC). - Les commentaires ont toujours été très négatifs en ce qui concerne le Traité de Nice, beaucoup plus qu'ils ne l'ont jamais été sur tous les autres traités que nous avons pu ratifier. De grands experts, notamment M. Dehousse, ont reconnu que ce traité était épouvantable, bien plus mauvais que tous les autres précédemment. Vous devriez l'admettre honnêtement, car je crois que vous êtes un homme honnête.
M. François Roelants du Vivier (PRL-FDF-MCC). - Je reconnais en toute honnêteté que ce traité ne répond pas à tous nos souhaits - à la veille d'un traité, on espère toujours beaucoup. Néanmoins, je crois qu'il a apporté un certain nombre de choses à la construction européenne et je vais m'employer à le démontrer.
Il faut se rappeler que le Traité de Nice trouve son origine dans le Protocole sur les institutions, établi dans la perspective de l'élargissement et qui est annexé au Traité d'Amsterdam. Ce protocole prévoyait ceci : « À la date d'entrée en vigueur du premier élargissement de l'Union, la Commission se compose d'un représentant national de chacun des États membres à condition que la pondération des voix au sein du Conseil ait été modifiée ». Il précisait également qu'un an au moins avant que l'Union européenne ne compte plus de vingt États membres, une conférence des représentants des gouvernements des États membres serait convoquée pour procéder à un réexamen complet des dispositions des traités relatives à la composition et au fonctionnement des institutions.
À Amsterdam, nous n'avons été que trois États membres, avec la France et l'Italie, pour considérer qu'une réforme des institutions était un préalable à l'élargissement et pour faire acter cette exigence dans une déclaration annexée au Traité d'Amsterdam. Nous avions pris ainsi l'engagement de rechercher, avant l'élargissement, une solution aux trois questions institutionnelles que la CIG de 1996 n'avait pu résoudre : la composition de la Commission, la pondération des voix et l'extension de la majorité qualifiée.
Sous la présidence portugaise, nous avons oeuvré afin d'introduire dans les négociations l'assouplissement du mécanisme de coopération renforcée, précaution indispensable selon nous, pour l'avenir de l'Union élargie.
Sur certains points, l'Accord de Nice a été injustement critiqué par les commentateurs - la Commission européenne et, surtout, le Parlement européen. En revanche, les gouvernements européens et ceux des pays candidats à l'adhésion ont globalement marqué leur soulagement ou leur satisfaction : tous ont souligné que les racines de la déception suscitée par Nice se trouvaient dans le mandat de négociation du Conseil d'Helsinki où l'on pouvait discerner la prudence issue de l'échec d'Amsterdam, la peur d'une sous-représentation des membres actuels au sein d'une Europe élargie intégrant un grand nombre de petits pays sans grandes ressources, les incertitudes des pays ayant refusé l'euro, la panne du couple franco-allemand et les difficultés engendrées par la mise en place d'une nouvelle commission à la suite de l'affaire Santer, sans parler d'un Parlement européen marqué par une très grande polarisation.
Mais le traité ne peut être apprécié dans l'abstrait. Au total, l'Accord de Nice est le meilleur possible, étant donné les positions des pays européens durant l'année 2001. Il permet à l'Union de dépasser des blocages vieux de dix ans et il ouvre la voie à un élargissement maîtrisé et réussi. La perspective de l'élargissement devient donc de plus en plus concrète. Le Traité de Nice a délivré à l'Europe et au monde un nouveau message clair sur l'irréversibilité de l'élargissement. L'engagement vis-à-vis des pays adhérents a été tenu. C'est bien là le premier mérite du Traité de Nice ; certains diront que c'est le seul. D'autres ajouteront que c'est un traité intéressant pour une Europe à quinze. Peu prétendront qu'il est une réussite pour aborder l'Europe à vingt-cinq ; les limites de la négociation intergouvernementale ont été ainsi atteintes, faisant place à la Convention.
La CIG 2000 ne pouvait qu'être difficile, autour des thèmes du partage du pouvoir dans l'Union, du poids de chaque État dans le processus de prise de décision, de leur influence respective au sein des institutions. Les questions institutionnelles ne pouvaient rester sans réponses, mais les suites d'Amsterdam comme les suites de Nice semblent montrer que de telles négociations suscitent toujours une certaine insatisfaction. Au contraire, l'Acte unique européen et le Traité de Maastricht, porteurs d'un projet pour l'Europe, ont été considérés comme un succès. Il est vrai que dans ces cas, la fierté d'un renforcement significatif de la construction européenne aide les gouvernements à mieux dépasser leurs intérêts nationaux, du reste légitimes, pour faire prévaloir l'intérêt de l'Union. Je crois pouvoir dire que les appréciations se sont rééquilibrées et les critiques nettement atténuées depuis le mois de décembre 2000. Chacun admet que l'Accord de Nice permet de franchir une étape importante dans la construction européenne.
À nos yeux, le Traité de Nice sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer doit être apprécié pour ce qu'il est, à savoir l'accord qui a permis de répondre enfin aux questions laissées en suspens depuis Amsterdam. Il vaut aussi par ce qu'il permet pour l'avenir de l'Union européenne, à travers la déclaration nº 23 sur l'avenir de l'Europe, qui contient les bases de la déclaration de Laeken.
L'Union européenne vit aujourd'hui une crise de ses institutions dont aucune ne fonctionne de façon vraiment satisfaisante. D'abord, parce que certaines réformes, alors même qu'elles avaient été jugées indispensables dès l'élargissement à l'Autriche, à la Suède et à la Finlande, n'ont pu être menées à bien précédemment. Ensuite, parce que l'Union doit faire face à un nouvel élargissement d'une ampleur sans précédent.
La première étape a été le Traité de Nice dont l'objectif est de régler les questions restées en suspens à Amsterdam. De ce point de vue, Nice a été un succès, même si les solutions retenues ne sont pas toutes à la hauteur de nos attentes.
La deuxième étape était le débat sur l'avenir de l'Europe dont le principe a été accepté à Nice dans une déclaration annexée au traité.
La troisième est l'ouverture de la Convention et le travail qui débute en son sein.
La dernière sera la CIG 2003-2004 qui viendra clore ce processus.
Venons-en maintenant aux acquis de Nice qui portent, d'une part, sur les institutions et, d'autre part, sur une série de points qui peuvent paraître épars mais qui apportent tous un plus à l'Union. Le principe d'un plafonnement des membres de la Commission a pour la première fois été introduit dans le traité. Ce sera l'une des clés qui devraient permettre à la Commission de préserver son rôle original d'impulsion. Une Commission resserrée s'est heurtée à l'intransigeance de la quasi-totalité des pays qui veulent conserver « leur » commissaire. C'est un contresens, mais c'est ainsi qu'un grand nombre de pays voyaient les choses. La composition de la Commission sera très déséquilibrée au début. Que penser de l'équilibre démographique, géographique, économique d'un collège comportant, par exemple, pour la période 2005-2010, trois commissaires baltes et un seul allemand ou un seul français ?
Nous avons dû accepter que la décision sur le niveau de ce plafond soit différée. La discussion devra être reprise le moment venu, mais sans attendre. Dès l'entrée en vigueur du traité, les pouvoirs du président de la Commission sur son collège seront accrus et sa nomination, comme celle de tous les commissaires, aura lieu à la majorité qualifiée. Ce sont des facteurs de renforcement et d'efficacité communautaire. Il est cependant à craindre que cela ne suffise pas à empêcher une nationalisation de la Commission, contraire à la lettre et à l'esprit des institutions.
De même, pour éviter la politisation de la Commission, il est important qu'elle conserve une certaine indépendance, vis-à-vis du Parlement notamment, concernant la désignation de son président. L'épisode de l'avertissement donné à l'Allemagne pour la gestion de ses déficits publics et les réactions du chancelier Schröder sont, sur ce point, riches d'enseignements.
La pondération des voix des États membres au Conseil sera modifiée, afin de réduire le déséquilibre entre les État les plus peuplés et les moins peuplés. Cela va dans le sens du renforcement de la légitimité future des décisions dans l'Union élargie mais cela a été particulièrement difficile à négocier. Le ministre des Affaires étrangères en sait quelque chose.
Cette pondération garantit la place de chaque État au Conseil, quelle que soit sa taille, la parité étant maintenue entre les grands États membres.
Le nouveau système de vote à la majorité ne diffère pas beaucoup de l'actuel mais les principales différences se situent dans la manifestation plus explicite de la double légitimité de l'Union. Les décisions reposeront sur une majorité significative de la population et sur la majorité des États.
Cependant, ce vote à trois niveaux, celui des voix des États, celui du nombre d'États et celui de la clause démographique, rendra le système plus complexe et permettra à une minorité de blocage de se constituer plus facilement, à la suite de l'élargissement. Il est important de noter que cette lourdeur procédurale vient contrebalancer les ouvertures faites concernant l'extension de la majorité qualifiée. On est donc ici dans ce que l'on appelle un jeu à somme nulle et même face à un échec dans l'approfondissement de l'Union, puisque ce système byzantin s'appliquera à l'ensemble des domaines régis par la majorité qualifiée.
La clause facultative de vérification démographique a été critiquée par certains. L'inconnue réside en fait dans l'utilisation qu'en feront les grands États. L'Allemagne aura plus de facilités qu'un autre pays à l'invoquer. Quoi qu'il en soit, c'est avec l'Allemagne et non contre elle que nous continuerons à construire l'Europe.
L'avenir montrera les éventuels inconvénients du système de vote. Dans l'immédiat, il présente l'avantage de conférer à la prise de décisions communautaire une plus grande légitimité. Il prend mieux en compte la démographie de chaque État, tout en conservant une surreprésentation relative des pays moins peuplés. Il a donc suscité l'adhésion des petit États qui souhaitaient voir le principe de la double majorité s'imposer, comme des grands États, satisfaits par la repondération des voix.
La majorité qualifiée, quant à elle, a été étendue à 27 nouveaux domaines, dans lesquels les décisions seront plus faciles, tout en protégeant la culture, la santé et l'éducation. Idéalement, nous aurions voulu aller plus loin mais nous ne pouvions que prendre acte du refus inflexible de certains États, par exemple sur certains aspects de la fiscalité, notamment environnementale, une partie des questions sociales ou la libre circulation. Si la nomination du président de la Commission et du secrétaire général du Conseil à la majorité qualifiée est une avancée qu'il faut souligner, on s'aperçoit que des domaines liés au marché unique ou à l'élargissement conservent l'unanimité. La Convention, sur ces différents points, devra se montrer déterminée.
Enfin, le mécanisme des coopérations renforcées sera assoupli. Le veto d'un État membre n'est maintenu que pour la politique étrangère et le nombre minimal d'États membres est ramené à huit. Les coopérations renforcées, plus faciles à mettre en oeuvre, permettront aux pays qui le souhaitent d'avancer à quelques-uns sur des terrains nouveaux, plus particulièrement le troisième pilier.
Je regrette, comme le président du Sénat, qui l'a dit à plusieurs reprises, l'impossibilité d'appliquer ce système pour le domaine de la défense qui se contentera d'une coopération hors du cadre communautaire. Lorsque cette barrière sera effacée, nous pourrons espérer des progrès substantiels pour la coopération en matière d'armements et, d'ici là, le retard s'accumulera inexorablement au détriment de notre industrie, de nos armées et de notre indépendance stratégique.
Par ailleurs, le traité réforme de manière significative d'autres organes de l'Union en prévision de l'élargissement, en particulier le Parlement européen et la Cour de justice. La réforme du système juridictionnel européen apparaissait d'autant plus nécessaire que la Cour est déjà victime du trop grand nombre de recours entraînant un arriéré judiciaire. Il fallait devancer les conséquences de l'extension du troisième pilier.
Nous avons également profité de cette conférence intergouvernementale pour avancer sur d'autres questions importantes. En matière de droits de l'homme, un mécanisme d'alerte a été institué en cas de menace de violation des droits fondamentaux, qui complète l'article 7 du traité et forme un tout cohérent avec la Charte des droits fondamentaux proclamée à Nice également.
Nous avons aussi inscrit dans le traité les adaptations qui reflètent le développement de l'Europe de la défense, avec la mise en place d'un Comité de politique étrangère et de sécurité et l'intégration de l'Union de l'Europe occidentale dans l'Union européenne.
Toutes ces dispositions constituent une avancée dans la réforme des institutions qui, sans être parfaite ni définitive, prépare l'Union à aborder les nouvelles étapes. Les retombées politiques de ce traité, avant même son entrée en vigueur, sont déjà sensibles.
Grâce à la déclaration adoptée à Nice, le débat sur l'avenir de l'Union fut lancé et, à la suite de la déclaration de Laeken, la Convention a commencé ses travaux la semaine dernière. Pour cela, il fallait d'abord que les questions soulevées à Amsterdam fussent réglées, que l'agenda fût ainsi dégagé, pour que les imaginations et les énergies puissent se projeter dans le futur. Une période importante s'est donc ouverte, où la réalité de l'Union et de ses succès spectaculaires, mais aussi l'ampleur des défis encore à relever, apparaissent plus clairement.
Le gouvernement doit se mobiliser pour relever les défis annoncés : réussir l'élargissement, renforcer la coordination des politiques économiques que l'introduction de l'euro entraîne, développer la dimension sociale à travers le processus de Luxembourg, instaurer l'espace de liberté, de sécurité et de justice, accélérer l'échange des idées, des cultures, des langues, des connaissances en Europe, faire aboutir le projet d'Europe de la défense, consolider la politique étrangère européenne, qui s'affirme visiblement, renforcer l'influence de l'Europe dans la régulation mondiale. Dernier défi : mettre en place l'architecture institutionnelle et l'espace politique propres à assurer, dans l'Union élargie, la conduite efficace et démocratique de ces projets et de ces politiques. C'est le travail de la Convention.
Chaque négociation sera importante et difficile. Il ne tient qu'à nous de les nourrir. Nous ne sommes jamais aussi écoutés que lorsque nous sommes imaginatifs et ambitieux pour l'Europe, confiants en nous-mêmes, responsables, respectueux des autres, déterminés à avancer et toujours prêts à dialoguer. La promotion de nos intérêts et de nos valeurs en dépend.
Le Traité de Nice est une étape de cette construction. Si notre ambition européenne est très haute puisqu'elle consiste à construire une Europe forte, consciente de son identité politique et porteuse de ses valeurs de paix, de solidarité et de pluralisme, nous devons d'abord ratifier le Traité de Nice.
Il ne faut pas demander au Traité de Nice autre chose que ce pour quoi il était fait : rendre possible l'élargissement et ouvrir les voies de l'avenir à une construction constitutionnelle originale. Aujourd'hui, nous pouvons répondre honorablement aux pays d'Europe centrale et orientale ainsi qu'à Malte et à Chypre, et nous engager avec eux sur le chemin vers la Constitution européenne.
Ce texte a suscité déceptions et attentes, critiques et interrogations. Mais l'heure n'est plus aux regrets. Le gouvernement belge a fait tout son possible pour parvenir au moins mauvais accord. Nice constitue une étape utile, indispensable. Je n'ose imaginer les conséquences qu'auraient eues un non-accord, ou qu'aurait une non-ratification par le Parlement belge. On assisterait au blocage de la construction européenne, à une crise aux effets destructeurs. Et quelle humiliation pour les douze pays candidats qui ont consenti de lourds sacrifices pour nous rejoindre ! Nous ne pouvions décevoir les pays d'Europe centrale et orientale, d'autant qu'ils éprouvent, eux aussi, le « désir d'Europe », « l'élan et le sens de l'urgence », qui animaient Robert Schuman et les autres pères fondateurs.
Nice a réussi là où Amsterdam avait échoué. La réforme de Nice est intéressante pour une Europe qui resterait composée de 15 membres. La Convention doit désormais réussir là où Nice a échoué : préparer l'Europe des 25.
Par ailleurs, en levant l'obstacle institutionnel à l'élargissement, il permet que s'engage le débat que nous étions nombreux à souhaiter sur l'avenir de l'Union. Des réformes profondes sont en effet nécessaires pour renforcer les institutions européennes, et certains volets techniques comme le financement de l'Union ou l'étendue de certaines politiques communes, mais encore faut-il que nous soyons d'accord sur les objectifs. Quelle Europe voulons-nous ? Quelle est la communauté de valeurs qui nous unit ? De quel message sommes-nous porteurs ?
Ce traité, comme les précédents, est l'expression du point d'équilibre atteint grâce à la négociation et, quoi qu'on dise, il marque de réelles avancées. Surtout, c'est la condition sine qua non d'un élargissement réussi. Il ne pouvait à l'évidence régler toutes les questions institutionnelles. Au contraire, des débats autrement approfondis nous attendent encore. Le vote irlandais est sans doute l'expression d'interrogations sur l'avenir de l'Union, sur son caractère démocratique, sur la répartition des compétences et sur les conditions de l'exercice du pouvoir en Europe, interrogations tout à fait légitimes qui nous ont d'ailleurs conduits à signer, à Nice, une déclaration sur l'avenir de l'Europe prévoyant un très large débat sur ces sujets. Mais c'est précisément le Traité de Nice qui ouvre la voie à une telle démarche. Soyons donc conséquents et commençons par ratifier ce traité si nous voulons que ce débat se déroule dans les meilleures conditions.
M. Philippe Mahoux (PS). - Nous n'étions pas partisans d'une ratification accélérée, que d'aucuns souhaitaient pendant la présidence belge. Nous considérons, comme beaucoup, que le Traité de Nice est largement insuffisant et que, dans la perspective de l'élargissement, les résultats le sont également.
Nous souhaitions qu'au cours de la présidence belge, jusqu'au Sommet de Laeken, on poursuive le processus tendant à une évolution de l'organisation européenne à travers une méthode nouvelle et dans une direction plus fédéraliste et plus démocratique. Il nous semble qu'après la déclaration de Laeken, dont il faut souligner toute l'importance ainsi que le nombre des thèmes abordés, il est temps de discuter du Traité de Nice, tout en répétant que des difficultés subsistent en ce qui concerne les trois left over d'Amsterdam et les perspectives d'élargissement.
Comme cela a déjà été dit, la reconnaissance, à Nice, de la coopération renforcée est un élément tout à fait important.
Je répéterai ce que j'ai dit en commission. Avant même la première réunion de la Convention, le Président Giscard d'Estaing a mis en doute le système de coopération renforcée. Cela ne me semble pas être de très bon augure. C'est en tout cas en totale contradiction avec le Traité de Nice et les thèses que nous défendons.
Quoi qu'il soit, la Charte des droits fondamentaux a été reconnue à Nice. C'est un élément important. Il faut cependant répéter les points que nous désapprouvons et ce qui reste à faire.
Pour ce qui concerne l'approfondissement de cette charte, nous avons dit en commission, qu'une série de droits sociaux n'y figuraient pas et qu'il était nécessaire de continuer le travail de façon à en modifier le contenu.
Nous avons également déclaré que parmi les missions assignées à la Convention il y a l'articulation des traités et la hiérarchisation de ceux-ci. Je pense que le statut de la charte est compris dans ces missions dévolues à la Convention.
Nous estimons que cette charte doit avoir un caractère contraignant. Il y a plusieurs manières de le lui donner. La plus symbolique est la rédaction d'un texte constitutionnel, mais on sait bien que, pour des raisons tout aussi symboliques, la voie constitutionnelle est totalement refusée par certains États membres. Ce caractère contraignant devrait donc être inscrit dans les traités.
Quand cette Charte aura un effet contraignant, les compétences respectives de la Cour européenne de justice de Luxembourg et de la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg devront être rediscutées. En effet, si cette Charte devient communautaire et réellement contraignante, la cour qui doit traiter des affaires européennes devrait devenir compétente également pour les questions relatives à la Charte.
Il est important de rester fidèle à la méthode communautaire et d'étendre le champ d'application. En ce qui concerne la problématique de la sécurité, l'avancée pourrait être rapide.
Il n'en va pas de même de la problématique de la défense dont on a déploré qu'elle ne soit pas incluse dans les matières communautaires. On peut progresser à cet égard. On doit également tenter de réduire le déficit démocratique, notamment dans le contrôle de ces matières qui ne sont pas communautaires mais qui ne dépendent plus de l'UEO. Il faut donc imaginer un contrôle parlementaire démocratique sur ces matières relatives à la défense.
Je dirai enfin quelques mots sur l'élargissement. À plusieurs reprises, les instances européennes ont rappelé qu'on ne tiendrait compte, pour déterminer les admissions des États candidats, que de critères objectifs déterminés par ces mêmes instances européennes.
Or, que constate-t-on ? On tente effectivement de voir remplir par l'ensemble des pays candidats, à un rythme variable, ces critères objectifs. En même temps, ce sont cependant des motivations politiques qui détermineront le rythme d'admission des pays candidats.
J'ai eu l'occasion en commission de poser le problème de la Roumanie et de la Bulgarie. Il semble en effet que les motifs politiques ne soient justement pas suffisamment prégnants, aux yeux des États membres, pour permettre à la Roumanie et à la Bulgarie de faire partie de ce qui sera le presque « big bang ». Vous m'avez répondu que si la Roumanie et la Bulgarie ne devaient pas faire partie du premier train d'admission, des mesures spécifiques seraient prises de façon à ne pas augmenter le différentiel entre, d'une part, les pays admis dans l'UE et, d'autre part, la Bulgarie et la Roumanie, qui ne le seraient pas.
Je terminerai en disant que l'espoir mis dans le travail concret de la Convention est grand. Si la méthode n'est pas nouvelle, puisqu'elle a été appliquée à la rédaction et à l'approbation de la Charte des droits fondamentaux, les matières dont la Convention aura à traiter sont beaucoup plus complexes.
Le risque existe, d'une part, que la complexité des matières abordées ne permette pas d'aboutir à un consensus et, d'autre part, que les États membres qui restent farouches partisans de la méthode intergouvernementale ne reconnaissent pas les résultats que la Convention aura obtenus à la fin de ses travaux.
En tout état de cause, il nous paraît important, au niveau du Parlement et plus spécifiquement dans la Commission d'avis des affaires européennes Chambre-Sénat-Parlement européen, qu'entre les travaux de la Convention et nos propres travaux, il y aie échange d'informations afin que notre parlement et les parlements nationaux en général puissent remplir en toute connaissance de cause le rôle qu'on leur reconnaît au niveau européen.
Mevrouw Mimi Kestelijn-Sierens (VLD). - De Senaat zal het verdrag van Nice straks ratificeren. Ik betreur het dat er zo weinig aandacht is voor dit debat.
Critici, wellicht ook in dit halfrond, beweren dat het resultaat van Nice ver onder de ambities blijft. Verwachtingen en ambities zijn echter één ding, realisme in de mogelijkheden tot vooruitgang is een ander. Europa is een verhaal van een halve eeuw langzame vooruitgang, tot we nu op een punt staan waarvan de founding fathers waarschijnlijk nooit hadden durven dromen.
Nu we het verdrag moeten ratificeren, is de vraag niet hoever de Unie na Nice nog verwijderd is van een echt federaal Europa, maar wel of al een stap vooruit werd gezet op de weg naar dat ideaal nu de historische uitbreiding van de Unie in zicht is. Het antwoord op die tweede vraag is een voorzichtig `Ja'.
De Europese Raad van Helsinki had de IGC uitdrukkelijk opgedragen de Unie in staat te stellen vanaf eind 2002 de kandidaat-lidstaten die klaar waren, op te nemen. Dit verdrag moest dus minstens voor een minimum aan aanpassingen zorgen die noodzakelijk zijn om de uitbreiding te kunnen doorvoeren. Ik wil deze wijzigingen kort overlopen.
Over de stemmenweging in de raad is er een akkoord gevonden dat ook aanvaardbaar is voor de kleinere landen als het onze. Het verdrag voorziet meteen al in de progressieve aanpassing van het systeem als de kandidaat-lidsteden toetreden.
Vanaf 1 januari 2005 verliezen de grote lidstaten hun tweede commissaris. Het aantal commissarissen zal vanaf de toetreding van de 27ste lidstaat worden beperkt en er zal een rotatiesysteem worden ingevoerd waarbij alle lidstaten gelijk behandeld zullen worden.
Over de benoeming van de commissievoorzitter zal met een gekwalificeerde meerderheid kunnen worden beslist.
We verhelen niet dat de uitbreiding van de gekwalificeerde meerderheid niet zover reikt als we hadden gehoopt. Voor asiel en migratie of buitenlands handelsbeleid blijven er belangrijke beperkingen bestaan. Deze kwestie behoorde oorspronkelijk echter niet tot het mandaat van de IGC. Dankzij de inspanningen van ons land en de Benelux is ze evenwel toch op de agenda geplaatst.
We vroegen al lang naar een versoepeling van de voorwaarden om een nauwere samenwerking op te zetten omdat we merkten dat niet alle lidstaten even eurofiel zijn en we toch vooruitgang willen boeken in bepaalde domeinen. Nice betekent in dit opzicht een belangrijke stap vooruit. Het vetorecht wordt opgeheven voor de eerste en de derde pijler en de medewerking van 8 lidstaten zal volstaan om ermee te beginnen. Alleen voor de tweede pijler is er nog werk: het vetorecht blijft bestaan en voor kwesties met militaire implicaties is een nauwere samenwerking nog niet mogelijk.
Nice bevat voorts nog een aantal bepalingen die veel minder in het oog springen, maar daarom niet minder belangrijk zijn, zoals het early warning-systeem ingeval het risico bestaat op ernstige schendingen van de mensenrechten in een lidstaat.
Ook de bekrachtiging van de juridische grondslag van de militaire identiteit van de Unie, via het Comité voor Buitenlands en Veiligheidsbeleid, verdient vermeld te worden. Het Comité zal de politieke controle op de operaties van crisisbeheer en de strategische leiding ervan kunnen opnemen.
Ten slotte is de verbetering van de rechterlijke instellingen zeker niet onbelangrijk. Het Gerecht van Eerste Aanleg en het Hof van Justitie zullen zich nu kunnen uitspreken zonder verlenging van hun termijnen, die nu al erg lang zijn.
Natuurlijk hadden we op meer gehoopt. We hadden liever een minder complexe procedure voor de stemming in de Raad gezien. We hadden ook liever een verdrag geratificeerd dat de stemming met gekwalificeerde meerderheid over veel meer domeinen uitbreidt.
Nice is na moeizame onderhandelingen tot stand gekomen. Het niet ratificeren ervan stopt niet alleen de positieve verwezenlijkingen ervan in de koelkast, maar maakt ook de uitbreiding onmogelijk.
Gelukkig hebben de staats- en regeringsleiders in Nice reeds het debat over de toekomst van de Unie als een noodzaak aangezien.
We zullen dit verdrag goedkeuren omdat het een vooruitgang betekent en omdat Europa op de uitbreiding moet worden voorbereid. Tegelijk steken we al onze energie in een duurzame verdieping van de Europese integratie. Commissaris Barnier stelde in het colloquium dat we precies één jaar geleden organiseerden: "Alles welbeschouwd is dit een nuttig verdrag, maar een verdrag voor de korte termijn".
Laten we hopen dat de Conventie een verdragswijziging kan voorbereiden die nuttig is voor de lange termijn en voor de Raad aanvaardbaar is. Wij zullen daar in ieder geval aan meewerken.
Mevrouw Erika Thijs (CD&V). - Het verdrag van Nice heeft als adagium: "Als het niet kan zoals het moet, dan moet het maar zoals het kan". Dit zegt meteen alles over dit verdrag. Men kan zich niet van de indruk ontdoen dat het de Unie niet echt slagvaardiger, democratischer en transparanter maakt met het oog op de uitbreiding, maar dat een minimumformule is gevonden waarbij het voor sommige lidstaten aanvaardbaar is om voort te gaan met de uitbreiding.
Het verdrag is te fragmentarisch en te ondoorzichtig om er echt door geïnspireerd te geraken. Er werden te veel kansen gemist en de Europese leiders hebben door hun intern gekibbel niet meteen het vertrouwen van de Europese burger versterkt. De verdeeldheid die de leiders tijdens de top van Nice etaleerden, druiste in tegen het ideaal waarvoor de Europese Unie staat. Niet zonder reden zei de Luxemburgse premier achteraf: "Het was oud tegen nieuw, klein tegen groot, Frankrijk tegen Duitsland".
Het Europese bouwwerk is veel fragieler dan velen onder ons denken. Blijkbaar heeft Europa sommige tegenstellingen nog steeds niet overwonnen. We moeten toegeven dat een deel van de mislukking van de top van Nice te wijten was aan het ondeugdelijk voorzitterschap van Frankrijk. Dit neemt echter niet weg dat de top van Nice bij de burgers en de krantencommentatoren heel wat vragen heeft opgeroepen. Europa wordt momenteel overspoeld door grote uitdagingen zoals de uitbreiding naar het Oosten en de integratie van deze nieuwe lidstaten in de Unie, de ontwikkeling van een Europees buitenlands- en veiligheidsbeleid, de mogelijke differentiatie door kernvorming met het oog op verdergaande integratie, de problematiek van het democratisch deficit en een transparant Europa. Toch slaagt men er niet in een afdoend antwoord te formuleren. Hier en daar werden met het verdrag van Nice de scherpe kantjes van deze vraagstukken afgevijld, maar de existentiële vragen werden naar een latere datum verschoven. Is het risico niet groot dat men met een dergelijke manier van werken een opeenstapeling van fundamentele vraagstukken krijgt? Zal de integratiewil van de Europese partners sterk genoeg zijn om onder tijdsdruk op al deze vragen een afdoend antwoord te vinden? Hoeveel complexer en ondoorzichtiger is de structuur van de Europese Unie, ondanks de vele beloften van het tegendeel, niet geworden?
In Nice werden te veel bijzaken voor hoofdzaken gehouden. De meeste regeringsleiders staarden zich blind op getallen à la Nice en toonden zich zo van hun mooiste nationale kant.
De top van Nice heeft zeer zeker tot een noodzakelijke structuurhervorming geleid. Dit is op zich een mooi resultaat, ware het niet dat het ging om een aantal punten die de regeringsleiders in 1997 voor zich uit hadden geschoven.
Wat in Amsterdam niet lukte, lukte wel in de mondaine badplaats Nice. Misschien was het daarom wel...
De herweging van de stemmen in de Raad van Ministers, de omvang en de samenstelling van de Commissie en de uitbreiding van de beslissingsbevoegdheid van stemming met gekwalificeerde meerderheid zorgden voor heel wat beroering tijdens de besprekingen, maar leidden na heel wat geschuif en verhitte discussies, die wellicht hun sporen zullen nalaten, tot het gekende resultaat, dat overigens de toekomstige integratie niet altijd dient. Het leidt onder meer tot een ongelijke behandeling van de oude en de nieuwe lidstaten. De beslissing met betrekking tot het aantal vertegenwoordigers in het Europees Parlement zal het vertrouwen van de toekomstige nieuwe lidstaten, Hongarije en Tsjechië, in de integratiewil van hun partners toch wel enige schade hebben toegebracht. Democratisch gezien is het onaanvaardbaar dat genoemde toekomstige lidstaten minder vertegenwoordigers krijgen dan België, Griekenland en Portugal, met ongeveer evenveel inwoners.
Eens te meer wordt het probleem op de lange baan geschoven aangezien het slechts gaat om een gemeenschappelijk standpunt van de huidige lidstaten. Dat standpunt is juridisch niet bindend en bijgevolg heronderhandelbaar.
Ook de transparantie is de grote verliezer in het debat. Het oorspronkelijke voorstel van de Commissie behelsde een eenvoudige dubbele meerderheid, bestaande uit die van de lidstaten die een meerderheid van de bevolking dienden te vertegenwoordigen. De aangenomen besluitvorming bij gekwalificeerde meerderheid, die moet voldoen aan drie voorwaarden en waarbij de drempel om een gekwalificeerde meerderheid te bereiken op termijn zal worden verhoogd tot 73,4%, zal de besluitvaardigheid en de transparantie van het besluitvormingsproces van de Raad geenszins vergemakkelijken.
Het is een Europa van de rekenmeesters geworden. Hoe kunnen we de burgers duidelijk maken dat het wel overzichtelijk is? Kwantitatief heeft men heel wat bereikt op het vlak van besluitvorming met gekwalificeerde meerderheid, maar kwalitatief stellen de 39 domeinen, met in sommige gevallen restricties en slechts invoerbaar op termijn, niet veel voor.
Essentiële aspecten van sociaal, fiscaal, asiel- en extern handelsbeleid blijven onderworpen aan de slopende en in sommige gevallen verlammende unanimiteitsprocedure. Dat is niet meteen een verbetering voor de slagkracht van de Europese Unie. De Duitsers noemen dat een handelingsbekwame Unie. Voor de CD&V-fractie is dit een gemiste kans. Een Unie met 27 leden zal dit proces in de toekomst zeker niet vergemakkelijken. Enige voortgang op deze terreinen zal daarom zeker traag verlopen, als ze er ooit zal komen.
Nog andere hete hangijzers hebben een dubbelzinnige of helemaal geen oplossing gekregen. Een definitieve beslissing over de samenstelling van de Commissie werd uitgesteld tot de Unie 27 leden zal tellen. De versterking van de macht van de Commissievoorzitter is positief maar een lid van de Commissie tot ontslag dwingen zal wellicht in de praktijk moeilijk haarbaar zijn, aangezien de steun van de meerderheid van het college noodzakelijk blijft.
De medebeslissingsbevoegdheid van het Europees Parlement blijft zeer bescheiden. Het Handvest van de grondrechten werd plechtig afgekondigd op de Top van Nice maar het statuut van het Handvest werd eveneens uitgesteld. Nice heeft dus ook zijn leftovers.
De leftovers van Amsterdam hebben alle aandacht naar zich toe getrokken. Daardoor dreigen we de andere resultaten over het hoofd te zien. Hoewel deze minder spectaculair lijken en hun entertainmentgehalte voor de pers en de politici niet zo hoog is, is hun impact nochtans niet verwaarloosbaar. Een heel belangrijke hervorming, met name die van de Europese rechtsprekende organen, haalde hooguit de gespecialiseerde pers en bleef bijgevolg voor het grote publiek onbekend.
De samenstelling en de organisatie van het Hof van Justitie en van het Gerecht van Eerste Aanleg, de oprichting van gerechtelijke kamers, de verdeling van de bevoegdheden tussen het Hof en het Gerecht van Eerste Aanleg, de verwijzing van prejudiciële vragen naar het Gerecht van Eerste Aanleg en andere hervorming zijn de facto fundamenteel en pro-actief.
Hierdoor zullen deze Europese gerechtelijke instanties aan de toenemende werklast het hoofd kunnen bieden.
Ook inzake een nauwere samenwerking heeft men een bescheiden stap voorwaarts kunnen zetten. Die was reeds voorbereid in het Verdrag van Amsterdam, maar hierin ontbrak een gemeenschappelijk buitenlands en veiligheidsbeleid, de zogenaamde tweede pijler, en er waren een reeks stringente voorwaarden. Die worden thans versoepeld en de uitsluiting op de tweede pijler wordt opgeheven door de bepalingen van het Verdrag van Nice. Een efficiënter functioneren van de instellingen in de toekomstige Unie van 27 zou het gevolg moeten zijn. Bovendien zou die ook meer als een geheel naar buiten kunnen komen. De vraag blijft of deze nauwere samenwerking ook in de praktijk zal te zien zijn. Men kan zich trouwens de vraag stellen of een nauwere samenwerking niet veeleer een intergouvernementeel dan wel een supranationaal karakter heeft. Bovendien is het gevaar groot dat in een Unie met meerdere snelheden vooral de nieuwkomers de dupe worden: zij dreigen immers steevast in het achterschip terecht te komen.
De Belgische delegatie heeft in Nice in een aantal domeinen haar slag thuis gehaald: de rol van de commissievoorzitter werd versterkt; elke lidstaat heeft recht op een commissaris, zij het in een rotatiesysteem; er is de versoepeling van de voorwaarden voor een nauwere samenwerking en er is de hervorming van het Hof van Justitie. Maar is dat allemaal wel zo diepgaand? De toekomst zal wellicht uitwijzen dat het er in de praktijk allemaal veel minder mooi uitziet dan de theorie voorhoudt. Al de voorwaarden en belemmeringen die nog werden toegevoegd staan een efficiënte werking in de weg. Bovendien moest de Belgische regering op verschillende fundamentele eisen inbinden: de overgang van unanimiteit naar gekwalificeerde meerderheid werd niet uitgebreid naar fundamentele domeinen, het plafond van het aantal Europese parlementsleden en de koppeling van medebeslissing en gekwalificeerde meerderheid werden niet gehaald.
De man in de straat zal hier niet wakker van liggen. Bij hem is enkel het nogal simplistische beeld van de wedstrijd België-Nederland over het aantal stemmen in de Raad overgebleven. De eis voor een gelijke behandeling van alle lidstaten was terecht maar werd door de premier onhandig verdedigd. Zoals een Nederlandse commentator achteraf schreef: "België verloor dus niet zozeer de wedstrijd België-Nederland maar veeleer een bredere Europese match."
Ook het Ierse neen aan het Verdrag van Nice heeft zich in het geheugen van de burgers gegrift. Niet eens één miljoen Ieren hebben op dit ogenblik beslist voor circa 500 miljoen Europeanen. De regeringsleiders waren nochtans verwittigd: de pijnlijke verrassingen tijdens de nationale goedkeuringsprocedures van het Verdrag van Maastricht in Denemarken en Frankrijk via een referendum, waren een teken aan de wand. Transparantie en vereenvoudiging werden de boodschap. Dit vormde overigens één van de drie uitgangspunten van het Verdrag van Amsterdam. Waarom hebben de Ieren dan neen gestemd? Heel eenvoudig: "If you don't know, vote no." Dat is het probleem waarmee de hele Unie te maken heeft. De burgers weten niet meer waarmee de Europese politici bezig zijn.
Volgens Europa-kenners is het Verdrag van Nice het moeilijkst leesbare verdrag ooit en bovendien voor meerdere interpretaties vatbaar. Transparant en efficiënt? Blijkbaar waren de Europese regeringsonderhandelaars in Nice deze intenties vergeten. Men moet dan ook niet verwonderd zijn dat de Ieren neen hebben gestemd. Het is een duidelijk signaal dat de Europese kiezer blijkbaar de voortrazende trein van het eenmakingsproces aan zich heeft laten voorbijgaan; volgens ons ten onrechte. Het is dan ook de taak van de machinist om de mensen de kans te geven op die trein te stappen.
Een hervorming is dus het resultaat van de top van Nice maar op essentiële punten is de integratie uitgesteld of is er zelfs op achteruitgegaan.
Formeel gezien is de Europese Unie klaar voor de uitbreiding, maar in de praktijk blijven er nog heel wat vragen. De besluitvorming in de uitgebreide Unie zal moeilijker verlopen aangezien het aantal commissarissen nog zal toenemen en de invoering van de drie drempels voor de gekwalificeerde meerderheid gehandhaafd blijft. Het is daarom zeer twijfelachtig dat de instellingen na de uitbreiding goed genoeg zullen functioneren om een voortgaande integratie te bevorderen. Impliciet erkennen de onderhandelaars dit gegeven reeds door de aankondiging van een nieuwe IGC.
Door Nice is het in ieder geval duidelijk geworden dat het draagvlak en de legitimiteit van voortgaande Europese integratie onder druk staan. Hoe kan dit draagvlak worden verbreed? Dat is meteen de meest urgente vraag voor de Europese regeringsleiders en politici. Het draagvlak en de legitimiteit staan of vallen met de vraag of de doorsnee burger zich herkent in de Europese besluitvorming en de beleidsterreinen waarop die besluitvorming is gericht. Duidelijkheid over het subsidiariteitsbeginsel is van essentieel belang om de herkenbaarheid van de Europese besluitvorming te vergroten.
Ondanks dit somber beeld en de veelal kritische opmerkingen zal de CD&V- Senaatsfractie dit Verdrag toch goedkeuren. Niet alleen omdat het slechts een bescheiden stap is in de verdere integratie naar Europa, maar ook als signaal naar de gewone man in de straat dat de politiek wel degelijk vertrouwen heeft in het Europese project. Per slot van rekening is een minimaal akkoord nog altijd beter dan geen akkoord.
Mme Marie Nagy (ECOLO). - Notre assemblée doit aujourd'hui se prononcer sur la ratification du Traité de Nice. Il ressort de la plupart des commentaires que la conférence intergouvernementale et le Traité de Nice témoignent d'un certain essoufflement de la construction européenne. Pour de nombreux auteurs et spécialistes tels que Franklin Dehousse, Nice fut un échec, « un sommet du nationalisme primaire qui a débouché sur une faillite de la vision collective ». Je reviendrai plus loin sur les aspects négatifs du Traité de Nice.
Il existe plusieurs raisons de ratifier le texte. À elles seules, elles justifient le « oui ».
Tout d'abord, la ratification de Nice était conditionnée par le résultat de Laeken. Or, celui-ci est positif à de nombreux égards. La Convention et son mandat en sont la preuve. Vous me permettrez, à cet égard, de saluer à nouveau le bon travail réalisé par nos ministres durant la présidence de l'Union.
Ensuite, l'élargissement de l'Union est une nécessité historique. L'adhésion des pays candidats rapprochera les nations d'Europe trop longtemps séparées. Elle permettra à ces pays, espérons-le, de sortir d'une situation parfois périphérique, de pays ateliers par rapport au centre de l'économie européenne.
L'adhésion des pays candidats à l'Union européenne renforcera aussi un pôle démocratique à l'échelle d'un continent où des mesures d'un autre âge, telles que la peine de mort, seront proscrites.
Enfin, on considère généralement que le Sommet et le Traité de Nice représentent l'épuisement de la méthode des CIG et la fin de l'opacité des débats entre spécialistes, technocrates et autres sherpas, loin des citoyens et de leurs attentes des parlements et de la société civile.
« Paris vaut bien une messe », s'écria Henri IV. On peut dire que, depuis Laeken, Nice vaut bien une ratification. La démocratisation de l'Union européenne, identifiée comme un enjeu fondamental, et le lancement de la Convention constituent deux aspects particulièrement positifs issus de Nice. Si la ratification de Nice signifie la fin d'une méthode de travail à huis clos désormais révolue, nous devons procéder à la ratification.
Néanmoins, les problèmes soulevés par Nice sont nombreux. Beaucoup parmi vous en ont parlé. J'aimerais donc vous citer ceux qui ont retenu notre attention et qui me paraissent particulièrement préoccupants.
Si le Conseil peut désormais constater l'existence d'un risque clair d'une violation grave des droits fondamentaux par un État membre, et adresser à cet État des recommandations, il reste du chemin à parcourir alors qu'en Europe, au sein même de notre Union, des partis d'extrême droite entrent désormais dans des gouvernements nationaux. La Charte des Droits fondamentaux, proclamée lors du Sommet de Nice, même si elle ne possède actuellement aucune valeur légale, manque en partie à ces objectifs. Certaines des formulations reprises dans la charte inquiètent de nombreux acteurs de la société civile. Le droit à la vie et au mariage y est reconnu mais qu'en est-il du droit à la contraception et à l'avortement ? De même, dans les matières sociales, cette charte est largement en deça de plusieurs législations nationales et des conventions de l'OIT. Les droits des salariés sont vagues et ne sont pas garantis. Si la charte, non contraignante, prévoit une clause de non-recul, il faut cependant craindre, pour reprendre un expression d'Anne-Cécile Robert, que la charte soit un signal de minimum social, ne constituant qu'une faible protection contre la déferlante concurrentielle.
En matière d'asile, d'immigration et de visa, matières fondamentales pour l'avenir européen, la complexité et les ralentissements conséquents dans la prise de décision nous inquiètent plus encore depuis les événements du 11 septembre.
La politique sociale européenne, elle aussi, n'enregistre que de timides avancées. La codécision est désormais applicable à certains domaines comme, par exemple, la protection des travailleurs en cas de résiliation du contrat de travail.
En matière de sécurité sociale, outre le fait que le vote à l'unanimité demeure la règle, les mesures communautaires ne pourront pas porter atteinte à l'équilibre financier au sein des États.
Dans un contexte mondial de concurrence et de flexibilité imposée, nous devons nous inquiéter de la précarité croissante de l'emploi en Europe, alors que la mobilité des travailleurs, qui implique leur déracinement, est encouragée et nous est présentée comme inévitable. La lutte pour des emplois de qualité doit être l'objet d'une attention constante de notre part.
En ce qui concerne la réforme des procédures de décision, une certaine déception est ici aussi au rendez-vous. L'extension du vote à la majorité qualifiée, qui constituait la réforme fondamentale dans le cadre de l'élargissement futur, est insuffisante. Si, à Nice, la majorité qualifiée a été élargie à quelque 30 actes pour lesquels l'unanimité était la règle, les procédures sont plus compliquées pour certaines matières ; le droit de veto subsistera dans le cadre de matières fondamentales comme dans certains aspects de l'environnement, la fiscalité et la sécurité sociale ; peu de progrès ont été réalisés dans le cadre du troisième pilier.
La repondération des voix, qui vise à prendre davantage en considération le poids démographique des États membres dans l'attribution des voix au Conseil, est assortie d'une majorité double. Cela aura pour conséquence d'augmenter la complexité du vote à majorité qualifié puisque celle-ci nécessitera trois majorités différentes. La majorité qualifiée deviendra très difficile à atteindre alors que l'élargissement de l'Union exigeait le contraire !
Les capacités de blocage des grands États ont été renforcées à Nice, qui aura donc été, pour reprendre les termes de Franklin Dehousse, « une défaite stratégique des petits États membres, qui ont été punis de leur incapacité à se coaliser, de la contradiction de leurs objectifs et de leur fixation fétichiste sur la préservation de leur commissaire ».
Le Parlement européen aurait dû voir son rôle législatif réellement renforcé. Il n'en est rien. Dans certains domaines, ces pouvoirs ont même été diminués.
Quant à la Commission, son pouvoir risque de continuer à s'effriter. Une Commission qui comprendrait 27 commissaires aurait bien du mal à ne pas multiplier lenteurs, lourdeurs et dysfonctionnements ; il importe cependant de souligner le renforcement des pouvoirs de son président.
Le poids des gouvernements nationaux augmentera dans l'avenir, ce qui posera un problème à la méthode communautaire.
En ce qui concerne son rayonnement extérieur, l'Europe, « géant économique mais nain politique », doit faire entendre sa voix. Trop souvent, les États membres continuent à mener une politique étrangère nationale qui prend peu en compte l'intérêt européen général. Les suites actuelles des attentats du 11 septembre en constituent une preuve supplémentaire.
Nice consacre par ailleurs l'accueil à Bruxelles des sommets européens. Les autorités locales et fédérales doivent veiller à respecter les engagements pris et les dispositions réglementaires qui assurent un bon aménagement de la ville afin que cette Europe, qui, je n'en doute pas, apportera beaucoup à la Région de Bruxelles-Capitale, soit aussi ressentie comme telle par ses habitants.
Dans les raisons de ratifier Nice que j'ai reprises au début de mon exposé, j'ai cité la Convention. Le rôle de celle-ci, sur laquelle repose de très nombreux espoirs, sera crucial et historique.
Une nouvelle méthode de travail, en liaison avec la société civile, sera mise en place.
La recherche d'un rapprochement des jeunes avec le projet européen et d'une structuration de la vie politique dans une Europe élargie, la question de la place de l'Europe dans le monde, la simplification des traités et l'ébauche d'une Constitution européenne qui n'est plus un sujet tabou : autant de sujets et d'objectifs qui réclameront l'engagement total des membres de la Convention européenne.
La possibilité qu'auront les parlementaires d'influencer une construction européenne qui est, depuis bien longtemps, l'apanage des exécutifs est historique. C'est en effet la première fois, dans l'histoire européenne, que les États membres vont confier à d'autres le soin de réformer leurs institutions communautaires. Jamais auparavant plus grand chantier institutionnel n'a été ouvert en Europe.
Si cette Convention sur l'avenir de l'Europe « travaille bien », le poids politique du document final, même s'il est non contraignant, ne saurait être négligé lors de la prochaine CIG de 2003 ou de 2004.
Le président de la Convention, M. Valéry Giscard d'Estaing, a eu des mots très justes il y a quelques jours : « Si nous échouions, chaque pays retournerait à une logique de libre-échange. Aucun de nous, même les plus grands, n'aurait un poids suffisant vis-à-vis des géants du monde. Nous resterions alors chacun face à nous-mêmes, dans une interrogation morose sur les causes du déclin et de notre situation de dominés. Pour entraîner et convaincre les autres, nous devons ressentir un intérêt passionné pour le succès de notre tâche, une tâche modeste dans sa forme, mais immense dans son contenu car, si elle réussit selon le mandat qui nous est confié, elle illuminera l'avenir de l'Europe ».
Il nous faut donc accepter le passé, malgré nos craintes, et nous concentrer sur l'avenir. La tâche de la Convention est immense, nos espoirs aussi. L'échec ou la réussite de la Convention dépendent de notre investissement et de notre capacité à rêver et à dépasser le réalisme qui prévaut actuellement en matière de construction européenne.
Permettez-moi de formuler le voeu que le Comité d'avis sur les questions européennes organise des réunions fréquentes au cours desquelles les membres belges de la Convention viendront faire le point sur les débats et les travaux, dans le respect de la philosophie de transparence initiée par la Convention.
Pour conclure, et parce que mon groupe votera en faveur de la ratification, j'aimerais vous lire cette déclaration, pleine de bon sens, de M. Vaclav Havel reprise dans un article paru sur le Traité de Nice et qui résume assez bien notre sentiment : « Je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve. Je ne sais pas si l'Europe va bien ou mal tourner. Je ne sais pas comment cette planète va finir. Je n'ai jamais été optimiste, si vous entendez par là avoir la certitude que tout finira bien. Ni pessimiste. L'avenir est ouvert. Il y a des indices dans toutes les directions. Il faut toujours oeuvrer pour encourager l'espoir, même après Nice. Parce que des mesures ont été prises pour mettre un terme aux réticences politiques vis-à-vis de l'élargissement. L'Union européenne sait que l'élargissement est dans son propre intérêt et qu'on ne peut l'ajourner indéfiniment ».
Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Le Sénat tenant à jouer un rôle important en matière de politique étrangère, je voudrais faire quelques remarques par rapport à un traité que, bien entendu, nous ratifierons.
En son temps, j'ai participé à la négociation du Traité de Maastricht et il est vrai que les deux traités ne tiennent pas vraiment la comparaison.
Je puis cependant vous rassurer à cet égard, et peut-être répondre à certains éléments critiques : le marchandage qui a eu lieu à l'occasion de Maastricht était de nature semblable et les conclusions tout aussi pessimistes, voire sordides, en ce qui concerne certaines tractations qui allaient finalement aboutir à la création de l'euro ; le même type d'élément était mis en balance dans la négociation, empêchant de mesurer pleinement que ce traité serait un traité clé qui bouclerait la réussite essentielle de l'Europe en termes monétaires.
Donc, pour ce qui me concerne, j'ai appliqué l'Acte unique pendant quatre ans.
Je voudrais également dire à Mme Nagy que la Convention constituait non pas le moment mais un autre moment dans un cheminement, peut-être enfin plus démocratique et non pas confiné au Parlement européen, un élément parmi d'autres, à l'issue duquel on ne sera pas très heureux de l'ensemble de l'équilibre qui aura dû être trouvé.
L'Europe, c'est cela, une fois pour toutes et depuis le début : un ensemble de moments qu'il faut regarder non pas dans le stress d'un accord qui est toujours un échange nationaliste, mais avec une vision à long terme, qui progresse.
Certes, nombre d'États vont ratifier ce traité de façon quelque peu honteuse. Le moment n'est peut-être pas aussi glorieux que d'autres, mais pour nous, il est très important. Ne négligeons pas l'importance de l'élargissement : celui-ci ne nous permet pas simplement d'intégrer à l'Europe des pays comme la Pologne, la Tchéquie, la Slovaquie, mais également de placer, de façon décisive, l'Europe comme voisin de la Russie. Cet élément de politique étrangère est le véritable acquis de Nice : ce voisin de la Russie sera la clé du début de ce siècle, des enjeux qui existeront après Nice et après les différentes autres étapes, plus ou moins glorieusement qualifiées. Cette relation sera déterminante dans notre politique européenne et dans la construction d'un avenir pacifique ou non dans le territoire qui est le nôtre. L'élargissement n'est certes pas glorieux, mais cela n'a aucun rapport avec le Traité de Nice. La politique en matière d'immigration, qui ne nécessite pas un quelconque supplément à Nice, n'est toujours pas mise en oeuvre.
Je voudrais énumérer un certain nombre de points à traiter dans l'avenir. D'abord, nous devrons travailler sur le volet de la Russie. Ensuite, dans la Charte des droits fondamentaux, nous devrons avancer vers une plus grande capacité de contrainte. En effet, parmi les pays qui vont adhérer à l'Union, certains présentent des signes précurseurs de régression, en particulier en matière d'égalité. Je pense à la Pologne : à New York où nous avons participé à une assemblée sur la mise en oeuvre de Pékin, nous avons rencontré un ministre polonais des Affaires étrangères qui n'avait absolument pas conscience que certaines directives en matière d'égalité hommes-femmes, faisaient partie des éléments contraignants du droit polonais. C'est cela mesurer l'enjeu : reconnaître que pour la Pologne, il y a égalité hommes-femmes, que quoi qu'il se passe au sein de l'Eglise polonaise, il y a un cadre clé de référence civile en matière de droits.
C'est dans la Charte des droits fondamentaux que l'on trouvera ce qui nous différencie par rapport à d'autres zones du monde. Nous ne sommes certes pas des chantres de valeurs qui nous seraient propres, mais celles qui nous paraissent essentielles sont formulées dans cette charte et le fait de leur donner un caractère contraignant est un objectif du futur. C'est en tout cas principalement sur l'égalité hommes-femmes que se différencieront les sociétés qui veulent progresser et celles que certains dirigeants entraînent et entraîneront sans doute encore longtemps vers la régression.
Que manque-t-il à l'Europe aujourd'hui ? Des services publics, une véritable conception du service public. C'est un point sur lequel il faut travailler. Il lui manque aussi une politique fiscale et une politique énergétique.
En 1973, avec M. Simonet qui, à l'époque, appartenait encore à la famille socialiste, nous avons essayé d'élaborer une politique énergétique, au moment où les Anglais sont entrés à la Commission européenne. Je puis vous dire qu'aujourd'hui encore, nous sommes confrontés au même contexte de difficultés pour ce qui est de l'élaboration d'une politique énergétique. Et s'il est tellement important d'être les voisins de la Russie, c'est précisément pour la politique énergétique future. Mesurons bien que l'autre puissance est en train de protéger ses ressources et les ressources des autres en Algérie, en Arabie saoudite, etc. Le pompage des ressources externes aux États-Unis est aujourd'hui encadré dans des conditions qui ne nous apportent aucune garantie pour les dix prochaines années. La carence de l'Europe dans sa réflexion en matière de politique énergétique constitue un élément de faiblesse grave, non pas pour le principe d'une politique énergétique en tant que tel, mais parce que nous devons protéger la valeur de notre monnaie, ce qui implique de mener correctement, à l'égard du dollar, une politique qui nous assure aussi une base énergétique fondamentale.
Le Traité de Nice n'a pas abordé cette question, mais je pense que les traités existants permettraient déjà d'agir dans une certaine mesure qu'il conviendra d'approfondir ultérieurement.
Consolider l'Europe suppose, par exemple, de lire le rapport que le Sénat vient d'élaborer sur le système d'écoute « Échelon ». Certains diront peut-être que nous nous éloignons du sujet, mais ce n'est pas le cas. On touche à une force que l'Europe doit acquérir, en développant sa capacité de réaction face à la seule grande puissance actuelle, qui s'est dotée des moyens techniques de contrôler tout ce qui se passe dans le monde. L'Europe, avec sa monnaie, doit avoir la capacité de mener des politiques de fond pour ses citoyens, mais aussi de savoir ce que l'on fait contre elle. C'est ainsi que se dessinera la nouvelle Europe. Bien sûr, l'Allemagne et la France sont impliquées et le véritable enjeu sera le choix de la Grande-Bretagne.
Nous nous situons à un moment intéressant qui permet de rappeler quelques grandes lignes des options européennes internes, mais aussi de ses futures relations externes, car Nice définit vraiment ce qui sera peut-être notre avenir, et je pense qu'il sera positif.
J'ai participé voici 25 ans au groupe « Crocodile » d'Altiero Spinelli qui avait déjà tout dit en la matière. Je conseille toujours la relecture de ces travaux, car la vision de la Convention ne sera pas plus moderne et plus dynamique que ce qui se trouvait déjà en 1975 et en 1979, dans les réflexions qui ont été finalisées par la première élection du Parlement européen.
L'Europe est la répétition de beaucoup de discours, mais c'est aussi une évolution constructive. Il ne fait aucun doute qu'il faille voter le Traité de Nice, sans en être honteux du tout, mais en espérant que l'on continuera, dans les politiques essentielles, à baser, sur le Traité de Nice et sur les instruments précédents, une véritable politique pour une Europe qui soit un pôle mondial.
M. René Thissen (PSC). - Presque chacun de nous connaît les critiques sévères qu'ont suscitées les négociations en vue de l'élaboration de ce fameux Traité de Nice et les conclusions auxquelles elles ont abouti. Je voudrais dire à M. Roelants du Vivier que je n'apprécie pas le fait qu'il ait ramené l'argumentation que nous avons développée et que nous allons poursuivre à une obstruction simpliste d'un parti d'opposition. Nous avons d'excellents motifs de ne pas voter en faveur du Traité de Nice. Je vais d'ailleurs essayer de les exposer dans mon intervention.
Pour quiconque partage une vision européenne ambitieuse, les résultats obtenus en décembre 2000 sont décevants et de nombreux intervenants à cette tribune, même membres de votre majorité, l'ont d'ailleurs dit.
Ces résultats ont contribué à nourrir l'affliction compréhensible des partisans sincères de l'intégration européenne, de sorte que chez beaucoup d'entre eux, la tentation légitime existe de dire « oublions le traité de Nice, mieux même, renions-le ! C'était une mauvaise pièce, la pire, du reste, jamais jouée sur la scène communautaire. Plutôt que de la maintenir à l'affiche, revoyons la programmation ! » Cela ne met pas en cause les efforts que le gouvernement peut avoir faits, au moment des discussions, pour essayer d'aboutir à quelque chose de mieux. Je tiens à le dire aussi. Bref, ne misons pas sur l'échec de Nice. Plaçons au contraire nos espoirs dans le processus initié par la Déclaration de Laeken et, puisque la Convention fournit une ouverture, exploitons-la et transformons l'essai. N'allons pas plus loin dans la voie actuelle. Remettons tout à plat et, après une discussion qui durera le temps qu'il faudra, repartons sur des bases saines, radicalement différentes.
Du côté des partisans de la mise en oeuvre du traité, on nous dit que Nice ne mènera l'Europe ni à l'impasse, ni à la faillite. En particulier, on nous dit que ne pas ratifier Nice, c'est dangereux car ce serait envoyer un signal désastreux aux Irlandais, dont on sait combien ils sont hostiles au traité. C'est un argument bien surprenant qui, en tout cas, n'est pas fait pour nous rassurer sur les qualités intrinsèques de ce traité. Après tout, peut-être le traité est-il réellement mauvais. Peut-être les Irlandais ont-ils eu raison de le rejeter, qui sait ? Peut-être même devrions-nous également agir de la sorte.
L'argument selon lequel la ratification est nécessaire pour ramener l'Irlande sur le chemin de Nice est loin d'être péremptoire car il ne nous éclaire pas du tout sur les avancées contenues dans le traité qu'il conviendrait absolument d'engranger par le biais d'une ratification.
M. François Roelants du Vivier (PRL-FDF-MCC). - Votre parti frère d'Irlande était en faveur de la ratification.
M. René Thissen (PSC). - Cela ne me dérange pas, monsieur Roelants. Nous ne sommes pas tributaires de ce que pense notre parti frère ailleurs ou ici. Nous avons nos opinions et nous avons le droit de les avoir.
On nous dit ensuite que ratifier Nice, c'est donner toute sa chance à la Convention pour qu'elle corrige dans la sérénité les imperfections du traité. Voilà encore un raisonnement assez étrange ! Dans quelle mesure la Convention sera-t-elle habilitée à corriger Nice ? Où est-il précisé qu'une fois ratifié, le Traité de Nice ne trouvera pas à s'appliquer ? Peut-on nous expliquer par quel stratagème des recommandations juridiquement non contraignantes de la Convention primerait sur les dispositions d'un traité ? La Déclaration de Laeken n'évoque à aucun endroit la réouverture des dossiers conclus à Nice : la composition du Parlement européen et de la Commission, les modalités de vote au Conseil ...
On aborde bien la question de la désignation du président de la Commission dans le titre II de la Déclaration mais que se passera-t-il si la Convention propose, par exemple, son élection au suffrage universel direct, alors que le Traité de Nice a décidé que son choix serait effectué par le Conseil à la majorité qualifiée ?
La vérité, c'est qu'une fois que le Traité sera ratifié, il sera impossible de repartir à zéro, quelle que soit la qualité des recommandations émanant de la Convention. On nous dit encore - le ministre Michel nous dit - que rien ne garantit qu'une négociation du type de celle de Nice aboutirait, aujourd'hui ou demain, à de meilleurs résultats. Pire même, compte tenu de la position rétive de certains de nos partenaires concernant l'approfondissement de l'intégration européenne, c'est plutôt le contraire qui serait à craindre.
Si tel est le cas, à quoi bon mettre tant d'espoirs dans la Convention, étant donné que - je ne me trompe pas, n'est-ce pas ? - pour couler les recommandations de la Convention dans un traité, il faudra obligatoirement passer par le stade de la conférence intergouvernementale. Vous avez bien entendu, une conférence intergouvernementale, exactement comme à Nice.
On nous dit enfin que, même s'il n'est pas parfait, le Traité de Nice a permis d'engranger des progrès indiscutables. Nous touchons ici au coeur de la discussion. Quels sont ces fameux progrès qui justifient la ratification ?
On nous cite d'abord la pondération des votes au sein du Conseil ; ensuite, la réforme de la Commission, l'extension de la majorité qualifiée et, enfin, les coopérations renforcées.
Examinons ces dispositions une à une. Qu'en est-il de la pondération des votes au sein du Conseil ? La pondération a été revue pour tenir compte du poids démographique des différents pays. En vertu de cette réforme et dans le but évident de ne pas simplifier les choses, le vote à la majorité qualifiée nécessitera désormais trois majorités différentes. Ainsi, dans une Europe à 27 États, toute décision devra recueillir 74,7% des voix contre 71,3% actuellement. Ce n'est pas tout. Cette même décision devra recevoir l'aval d'une majorité des États membres et devra pouvoir être approuvée, le cas échéant, par un ensemble de pays représentant 62% au moins de la population totale de l'Union. La conséquence de ces changements est que la majorité qualifiée deviendra plus difficile à atteindre à 27 qu'elle ne l'est à 15, puisque la minorité de blocage passera de 28,7% à 25,3%. On ne saurait donc voir dans cette mesure un progrès, surtout si l'on considère le surcroît de complexité qu'elle comporte.
Peut-être y trouverons-nous plus de matière à satisfaction dans la réforme de la Commission. Deux réformes sont à épingler dans ce domaine. D'abord, après que l'Union aura atteint 27 États membres, le traité énonce que « le nombre des membres de la Commission sera inférieur au nombre d'États membres » et que « les membres de la Commission seront choisis selon une rotation basée sur le principe d'égalité ». Jusque-là, très bien. Mais alors, pourquoi avoir réduit les pouvoirs du président en matière de démission des commissaires ? Dans la pratique actuelle, les commissaires ont pris l'engagement de démissionner si le président le leur demande. Dorénavant, ils ne devront le faire que si une majorité du collège des commissaires en décide ainsi. Or, compte tenu d'un esprit de corps bien connu, il est fort probable que les commissaires ne voteront qu'avec des réticences extrêmes le renvoi d'un des leurs. Cette situation n'est pas sans risques. En effet, une commission élargie ne sera pas capable de fonctionner correctement avec un président affaibli, au moment précis où l'accroissement de sa taille devrait lui commander une coordination plus forte. Cela représente donc une faiblesse indésirable et supplémentaire dans le contexte de l'élargissement.
Examinons aussi, sans encore nous décourager, le problème du vote à la majorité qualifiée. Son extension devait constituer une réforme capitale dans la perspective de l'élargissement.
Il est indéniable que le vote à la majorité qualifiée a été introduit dans plusieurs domaines. À titre d'exemple : la coopération économique, financière et technique avec les pays tiers, les mesures pour soutenir l'action des États membres dans le domaine industriel, le statut des membres du Parlement européen, le statut des partis politiques, etc.
Cependant, on ne peut que déplorer, avec le professeur Franklin Dehousse, que l'extension de ce type de vote ne constitue, en réalité, qu' « une réussite quantitative et un échec qualitatif », dans la mesure où l'unanimité reste de mise pour une série de matières essentielles à la bonne gestion de l'élargissement, à savoir la sécurité sociale des travailleurs migrants, les distorsions de concurrence par la voie fiscale, la politique d'immigration et d'asile, la coopération policière et judiciaire, la politique étrangère. En fait, des domaines cruciaux ont été maintenus hors du champ d'application du vote à la majorité qualifiée. Nous voici déçus, une fois encore.
Reste le domaine des coopérations renforcées, considérées comme le fleuron du traité. Deux changements essentiels y sont intervenus. Le droit de veto des États membres a été abandonné dans le cadre des premier et des troisième piliers, mais pas pour le deuxième. Le nombre de pays nécessaires pour mettre en oeuvre un mécanisme de coopération a été réduit à huit. L'outil est certes séduisant, mais il reste difficile à manier.
À cet égard, il est utile de rappeler que, dans le cas le plus célèbre et le plus abouti des coopérations renforcées, celui de l'euro, la coopération a été rendue possible par la circonstance historique exceptionnelle de la réunification allemande. De telles occasions ne se représentent pas régulièrement. C'est pourquoi il ne faut pas placer d'espoirs démesurés dans ce mécanisme. Tout au plus, les coopérations renforcées pourront-elles être utilisées, ce qui est déjà fort bien, comme un instrument de pression face aux États récalcitrants. Ce fut le cas lorsque la présidence belge eut recours à ce type de menace pour obtenir du gouvernement Berlusconi le ralliement au mandat d'arrêt européen. Les coopérations renforcées constituent par ailleurs un thème politique fortement contradictoire par rapport au projet de l'élargissement. N'est-il pas paradoxal, en effet, d'accepter de nouveaux membres pour ensuite créer de nouvelles structures de coopération dont ils seraient exclus ?
À ce stade, il est possible de tirer les conclusions qui s'imposent. Clairement, le bilan du Traité de Nice, tel que nous venons de l'esquisser, n'est pas lourd. Seules les coopérations renforcées, avec les limites que nous leur connaissons, constituent une avancée réelle. Justifient-elles, à elles seules, que l'on ratifie le traité ? Nous ne le pensons pas et cela pour deux raisons.
D'abord, parce qu'en condamnant le Parlement européen à la portion congrue dans le cadre du processus législatif, le traité n'a pas rétabli l'équilibre institutionnel et démocratique qui s'imposait.
Ensuite et surtout, parce que plusieurs dispositions contenues dans le traité sont dommageables pour l'équilibre institutionnel européen, ce qui est proprement inadmissible.
Ainsi, en alourdissant la procédure du vote à la majorité qualifiée, le Traité de Nice nuira durablement à la méthode communautaire. Un constat semblable s'impose concernant l'affaiblissement de la Commission. Ces alourdissements cumulés engendreront une diminution de la capacité de l'Union européenne à agir dans des situations de crise. C'est là une carence intolérable dans le contexte de l'après-11 septembre.
Je voudrais clôturer mon intervention en partageant avec vous une citation d'Edgard Pisani, ancien ministre de la République française, ancien commissaire européen au Développement, ancien président de l'Institut du monde arabe à Paris. Dans son dernier ouvrage intitulé « Une certaine idée du monde. L'Utopie comme méthode. », paru aux Editions Le Seuil en 2001, Edgard Pisani disait, en parlant de l'Union : « Refusant de se dire ce qu'elle est et ce qu'elle veut être, elle perd chaque jour de son évidence et de son poids. Elle n'est pas encore une personne. Elle est un machin. »
Qui parmi nous, ici, dans cette assemblée, voudrait contribuer à faire de l'Europe un machin ? Personne, je présume ! Pas moi en tout cas, car je tiens trop à cette idée d'ouverture de l'Europe ! C'est la raison pour laquelle, avec mon groupe, je m'opposerai à la ratification du Traité de Nice.
M. Louis Michel, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères. - Puisqu'il est à la mode de faire des citations, je commencerai par reprendre les propos d'un membre éminent du groupe PPE, le président de la convention, M. Valéry Giscard d'Estaing. Il doit tout de même y avoir une parenté entre vous et lui. J'aurais d'ailleurs pu me contenter de cette citation en guise de réponse à ce que j'ai entendu de la part d'une certaine opposition. « L'Europe a avancé pas à pas, de traité en traité. Le chemin est jalonné d'accords partiels, de crises vite surmontées. Le trait le plus frappant est que l'Europe a pu paraître bloquée à certaines époques mais qu'elle n'a jamais reculé. »
Mesdames et Messieurs les sénateurs, vous êtes saisis aujourd'hui d'un projet de loi portant assentiment au Traité de Nice. Votre débat sur cette ratification de Nice coïncide avec le début, le jeudi 28 février, des travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe. Par rapport aux collègues des autres parlements nationaux, nous bénéficions donc de l'avantage de pouvoir juger sur pièces des résultats de la mise en oeuvre de la Déclaration de Nice sur l'avenir de l'Union. Je connais évidemment les critiques suscitées par la négociation de ce traité. Je crois néanmoins qu'il est important de faire la distinction entre la méthode de négociation et le contenu du traité. Au point de vue de la méthode, Nice a clairement montré les limites de la négociation au sein de la traditionnelle conférence intergouvernementale. Au point de vue du contenu, le Traité de Nice comporte des avancées importantes dont la mise en oeuvre est conditionnée par la ratification du traité qui a d'ores et déjà eu lieu dans une dizaine d'États membres.
La méthode de négociation à Nice n'a pas permis la réflexion de fond que l'on était en droit d'attendre. Toutefois, la Déclaration adoptée à Nice a ouvert une perspective dont la présidence belge a par la suite pleinement tiré parti lors du Conseil européen de Laeken pour lancer le débat sur l'avenir de l'Europe. Le Conseil européen de Laeken a en effet pris une initiative importante en convoquant la Convention chargée de préparer la prochaine révision des traités européens. Il s'agit, sur le plan de la méthode, d'une innovation dans le processus de réforme de l'Union. Pour la première fois, l'avenir de la construction européenne sera débattu dans une enceinte ouverte, largement représentative et en relation étroite avec la société civile. En coopération avec le Parlement, le gouvernement belge mettra tout en oeuvre pour que les imperfections de Nice, celles que vous avez dénoncées et qui justifient jusqu'ici votre opposition à la ratification, puissent être corrigées par la Convention. Les travaux de la Convention ne rendent que plus nécessaire encore la ratification du Traité de Nice. En effet, le nouveau traité, qui sera rédigé à la suite des travaux de la Convention et de la prochaine conférence intergouvernementale, n'entrera en vigueur qu'en 2005 au plus tôt. Or, selon les perspectives actuelles, le prochain élargissement pourrait avoir lieu dès 2004.
Monsieur Thissen - j'aurais voulu répondre à Mme Willame si elle avait été là -, ne pas ratifier le Traité de Nice reviendrait à envoyer le plus mauvais signal aux pays candidats au moment où ceux-ci participent pour la toute première fois au débat sur l'avenir de l'Union au sein de la Convention. Nous avons d'ailleurs voulu leur faire une place quasiment égale à celle des pays déjà membres. Ils sont extrêmement attachés à cette Convention. Ils sont également très motivés. La première réunion à laquelle j'ai assisté indique que leur apport en termes de créativité et d'implication peut être déterminant et représenter selon moi une source d'inspiration pour un nouvel élan européen. Ce n'est pas négligeable. En effet, la ratification de ce traité ouvre la voie de l'élargissement. Elle permettra l'entrée en vigueur des changements institutionnels nécessaires à l'adhésion des pays candidats.
Het Verdrag van Nice betekent ondanks enkele onvolmaaktheden, onmiskenbaar een grote vooruitgang die niet op de helling mag worden gezet. Ik herinner aan de bereikte resultaten.
Ten eerste vermeld ik de stemmenweging. In het vooruitzicht van de uitbreiding moest de stemmenweging in de Raad worden gewijzigd. Die wijziging gaf aanleiding tot heel harde onderhandelingen. In die onderhandelingen is België erin geslaagd de herziening van de stemmenweging binnen redelijke perken te houden. Het Verdrag van Nice beperkt zich trouwens niet tot de uitwerking van een nieuwe stemmenweging voor de Europese Unie met vijftien lidstaten. Het voorziet ook al in een progressief systeem dat rekening houdt met een uitbreiding van de Unie tot 27 lidstaten.
Het perspectief van een uitgebreide Unie geeft problemen niet alleen wat grootte betreft, maar ook voor de werking van de Commissie. De regel die twee commissarissen toekent aan de grote lidstaten en één commissaris aan de kleinere lidstaten, dreigde de goede werking van de Commissie in een uitgebreide Europese Unie te belemmeren. Het protocol over de uitbreiding van de Europese Unie dat in Nice is aangenomen, bepaalt dat vanaf 1 januari 2005 één onderdaan van elke lidstaat zitting zal hebben in de Commissie. Dientengevolge verliezen de grote lidstaten hun tweede commissaris.
Zodra de Unie 27 leden telt, zal het aantal commissarissen kleiner zijn dan het aantal lidstaten. De commissarissen zullen echter worden gekozen op basis van een beurtsysteem waarbij de lidstaten op voet van gelijkheid worden gesteld.
Bovendien zal de commissievoorzitter voortaan bij gekwalificeerde meerderheid worden gekozen. Tegen de keuze van de voorzitter zal dus geen veto meer kunnen worden uitgesproken, zoals dat het geval was wanneer de Britten zich verzetten tegen de benoeming van de voormalige Belgische eerste minister, Jean-Luc Dehaene. De gekwalificeerde meerderheid zal ook gelden voor de benoeming van de andere commissarissen.
Bovendien zal over nog meer onderwerpen dan vroeger met een gekwalificeerde meerderheid worden gestemd. Dat was overigens een van de prioriteiten van België. Het Verdrag van Nice breidt de gekwalificeerde meerderheid uit tot ongeveer dertig artikelen. Bovendien bepaalt het verdrag dat de medebeslissing van het Europees Parlement vereist is voor een aantal bepalingen waarover voortaan met gekwalificeerde meerderheid wordt beslist. We moeten ons over deze vooruitgang verheugen, niettegenstaande de beperkingen.
In bepaalde gevallen gaat de besluitvorming bij gekwalificeerde meerderheid gepaard met voorwaarden die het beleid bemoeilijken of vertragen. Ik denk aan het asiel- en immigratiebeleid, het beleid inzake buitenlandse handel, de structuurfondsen. We zijn daar uiteraard niet gelukkig mee.
Ik verwijs ook naar de nauwere samenwerking. In het kader van de IGC pleitte de Benelux voor een versoepeling van de voorwaarden voor de tenuitvoerlegging van de nauwere samenwerking en dat werd ook toegestaan. Het vetorecht dat elke lidstaat de mogelijkheid biedt om zich te verzetten tegen het aangaan van een nauwere samenwerking in het kader van de eerste en de derde pijler werd opgeheven. Het aantal landen dat nodig is om een mechanisme van nauwere samenwerking op gang te brengen, werd beperkt tot acht lidstaten, ook na de uitbreiding. De nauwere samenwerking kan voortaan worden aangegaan op het gebied van het buitenlands- en veiligheidsbeleid. Dat resultaat is belangrijk, ook al zijn er twee beperkingen aan verbonden waarvoor nog een veto mogelijk is. De nauwere samenwerking is bovendien uitgesloten voor problemen die gevolgen hebben op het militaire domein of voor de defensie.
En ce qui concerne la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une nouvelle procédure a été insérée dans le traité en vue de renforcer les mécanismes existants pour veiller au respect des droits fondamentaux par les États membres. L'introduction de cette procédure renforce les dispositions de l'article du traité de l'Union.
Cette amélioration fait d'ailleurs suite à une proposition de la Belgique tendant à mettre en place un système préventif de contrôle démocratique.
Quant à la politique européenne de sécurité et de défense, le Traité de Nice a, sur la base d'une proposition du Benelux et de l'Italie, renforcé l'identité militaire de l'Union.
Maintenant que l'Union européenne s'est déclarée opérationnelle en matière de gestion de crise, il serait paradoxal de ne pas entériner la base juridique sur laquelle sont fondés les nouveaux organes décisionnels.
Je voudrais, en conclusion, dire que ces résultats ne sont pas négligeables et qu'en tout cas, le Traité de Nice fait avancer l'Europe. Il ne la bloque pas ; il ne la fait certainement pas reculer.
Nous aurions aimé, vous le savez, aller beaucoup plus loin à Nice et y gagner des étapes. Cela n'a pu se faire, mais les résultats dont on peut se targuer aujourd'hui ont été obtenus de haute lutte.
Je ne suis pas du tout sûr qu'une négociation du type de celle de Nice aboutirait aujourd'hui à de meilleurs résultats. En réalité, et compte tenu de la position de certains pays partenaires sur le futur de la construction européenne, je suis persuadé du contraire.
Toutes ces raisons m'amènent à plaider pour la ratification du Traité de Nice. Dans le contexte actuel, un vote négatif reviendrait à se dérober face à l'avenir de l'Union.
La ratification par quatorze États membres constitue le moyen le plus efficace de convaincre la population irlandaise de revoir sa position.
Ce que je sais, c'est que si un pays comme le nôtre ne ratifiait pas Nice, si le Parlement vous suivait, monsieur Thissen, il n'y aurait plus aucune chance que l'Irlande se joigne à un moment donné à cette ratification.
Ratifier Nice, c'est engranger des résultats qui ne sont pas parfaits, qui sont incomplets, que l'on aurait voulus plus ambitieux, mais c'est engranger des résultats nécessaires.
Ratifier Nice, c'est aussi donner toute sa chance à la Convention, pour qu'elle corrige, dans la sérénité, les imperfections du traité.
À ceux qui se sont déclarés prêts à voter contre cette ratification, je voudrais demander de bien réfléchir. Je voudrais exhorter les élus PSC à ne pas commettre cette erreur. Par le passé, et tout au long de l'histoire de l'Union européenne, votre parti, monsieur Thissen, a donné de grands noms à la construction européenne. J'oserais même dire que des personnalités importantes de votre parti ont apporté une contribution, sans doute essentielle, au rêve européen dont Giscard d'Estaing parlait lors de la Convention. Je crois que vous avez tort de voter contre le Traité de Nice. Car enfin, vous ne pourrez pas empêcher l'opinion, le citoyen, de penser que vous aurez joint vos voix, en votant contre le Traité de Nice, à tous ceux qui votent contre l'Europe. Vous votez ainsi contre l'élargissement. Vous rendez les choses plus difficiles. Vous envoyez le plus mauvais message à ces gens qui, pleins d'espoir, attendent cet élargissement qui constitue l'une des positions politiques essentielles de l'Union européenne. L'élargissement, ce n'est pas du tout la tradition économique de l'Union européenne, c'est une position politique qui implique une réunification historique, une solidarité au sein de ce grand ensemble des pays les plus riches et les plus pauvres. Comme l'a dit Mme Lizin, cela représente, pour tous ces pays, l'ascenseur politique, une meilleure situation en matière de droits de l'homme, plus de justice, de garanties pour la paix, de force, de pouvoir d'évocation, d'influences positives pour l'Union européenne dans le monde pour l'avenir.
Si j'exhorte, c'est parce que je sens bien que ce refus ne peut pas correspondre à votre conviction profonde. En effet, toute l'histoire de votre parti et de votre mouvement va dans le sens opposé. Je salue des gens comme Pierre Harmel, Fernand Herman ou Charles-Ferdinand Nothomb qui, au travers d'une organisation qu'il préside, continue à porter cette espérance et cette conviction très forte.
Je ne vous comprends donc pas bien. Sous le couvert d'une sorte d'eurofanatisme - ne le prenez pas comme une insulte -, vous êtes occupé à rejoindre ceux qui ne veulent pas de l'Europe. Voter contre le Traité de Nice, c'est voter « non » à l'Europe ! C'est contraire à toute votre tradition.
Il existe d'ailleurs une contradiction très grave dans votre raisonnement. Nous avons nous aussi été très déçus par Nice. Mais la réponse à cette déception est ce que nous avons obtenu à Laeken, à savoir la Convention. Celle-ci peut corriger la déception de Nice. Qui peut imaginer que, si cette Convention travaille bien - avec en plus un vice-président, M. Dehaene, qui est quand même de votre famille politique et dont je connais les convictions, le talent et la force de persuasion - et fournit des conclusions pertinents et fortes, la CIG pourra ignorer celles-ci ? Je ne le pense pas. La responsabilité politique jouera à plein. Je vous en supplie presque : ne commettez pas cette faute ! Vous regretterez alors un jour de vous être placés dans le camp de ceux qui déforcent l'Europe. Voter contre Nice, c'est se mettre en marge de l'histoire.
Quel est l'enjeu ? C'est celui que Valéry Giscard d'Estaing a remarquablement décrit : « Le monde actuel manque d'une Europe forte, unie et pacifique. Le monde se sentirait mieux s'il pouvait compter sur l'Europe, une Europe s'exprimant d'une seule voix, certes pour affirmer le respect de ses alliances mais aussi pour faire entendre, chaque fois que c'est nécessaire, un message de tolérance, de modération, d'ouverture sur les différences et de respect des droits de l'homme. N'oublions pas que notre continent a apporté à l'humanité, depuis l'antiquité gréco-latine jusqu'au siècle des Lumières, les trois apports fondamentaux de la raison, de l'humanisme et de la liberté. Oui, chacun se sentirait mieux sur notre planète s'il pouvait entendre la voix forte de l'Europe. » En ne joignant pas votre voix et en vous mettant dans une position qui est contraire à votre tradition, à ce que vous êtes dans votre intériorité la plus intime, vous allez affaiblir ce merveilleux objectif qu'un de vos amis a exprimé avec tant de talent. Ne faites donc pas cette faute ! Je vous en supplie.
-De algemene bespreking is gesloten.