2-183

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Belgische Senaat

Handelingen

DONDERDAG 28 FEBRUARI 2002 - OCHTENDVERGADERING

(Vervolg)

Vraag om uitleg van mevrouw Magdeleine Willame-Boonen aan de eerste minister over «de uitlatingen van de president van de Verenigde Staten naar aanleiding van zijn recente state of the union» (nr. 2-724)

De voorzitter. - De heer Frank Vandenbroucke, minister van Sociale Zaken en Pensioenen, antwoordt namens de heer Guy Verhofstadt, eerste minister.

Mme Magdeleine Willame-Boonen (PSC). - Je voudrais d'abord dire, malgré toute l'estime que j'ai pour vous, monsieur Vandenbroucke et pour le travail que vous effectuez dans le cadre de vos compétences, ma déception de ne voir ni le premier ministre ni même le ministre des Affaires étrangères répondre à ma demande d'explications. Par les temps qui courent, les problèmes qu'elle soulève me semblaient pourtant relativement importants. Je constate qu'ils n'ont pas été considérés comme tels en haut lieu même si les journaux belges et internationaux en sont remplis.

Le 30 janvier dernier, à l'occasion de son discours sur l'état de l'Union, le président des États-Unis d'Amérique a défini l'existence d'un axe du mal constitué par des pays comme la Corée du Nord, l'Iran et l'Irak. Cette formule, « axe du mal », était d'ailleurs l'expression choisie pour relier Roosevelt et son axe Berlin-Rome-Tokyo lors de la Deuxième guerre mondiale à Reagan et son empire du mal à la fin de la guerre froide. Cette expression assez particulière a également été utilisée par M. Bush qui a pris la décision d'augmenter considérablement les dépenses de son pays en matière militaire.

À notre sens, les déclarations agressives du président américain ainsi que la révision à la hausse des investissements militaires représentent une menace pour la paix. D'ailleurs, beaucoup ne s'y sont pas trompés, d'autant que, dans le même temps, les États-Unis s'opposent à la ratification d'instruments internationaux qui permettraient de mener une lutte juridique plus efficace contre l'action d'États mal intentionnés ou qui, tout simplement, permettraient de faire avancer la cause de la paix. Sans même évoquer la question, qui pourrait être mesquine, des arriérés dus par les États-Unis à l'ONU, je pense notamment :

Quelle signification ces traités auront-ils si les États-Unis refusent de s'y soumettre uniquement dans le but de garder les mains libres et de ménager leur autonomie d'action ? C'est bien simple : aucune. On ne peut en effet pas attendre des États, même faibles, même petits, qu'ils respectent les obligations auxquelles le plus puissant d'entre eux a décidé de se soustraire.

L'attitude « unilatéraliste » américaine est dangereuse en ce qu'elle contribue à miner les fondements juridiques de la société internationale en même temps qu'elle accroît la proportion d'anarchie, d'insécurité et surtout d'injustice inhérentes à l'ordre international.

Cette situation est tout simplement préoccupante pour l'avenir de la paix dans le monde.

Le premier ministre peut-il me dire si le gouvernement que vous représentez, monsieur Vandenbroucke, partage le sentiment d'inquiétude que je viens d'exprimer et s'il estime possible que la Belgique puisse mener une action au sein de l'Union européenne afin d'amener les États-Unis à adopter une position moins unilatéraliste sur la scène internationale ?

M. Frank Vandenbroucke, ministre des Affaires sociales et des Pensions. - Je vais vous lire la réponse que le ministre des Affaires étrangères m'a transmise.

« Chaque année, fin janvier, à la reprise des activités du Congrès américain, le président des États-Unis prononce un discours sur l'état de l'Union.

Comme on s'y attendait, ce discours était placé sous le signe de la lutte contre le terrorisme. En fait, non seulement la politique militaire mais aussi la politique économique et, de manière générale, les propositions en matière de commerce, d'emploi, d'éducation, d'énergie, de fiscalité, et de sécurité sociale, toutes étaient marquées par le thème. Elles étaient formulées de manière à montrer de la détermination et à promouvoir une Amérique forte, exemplaire et capable de faire prévaloir, face à la menace terroriste et de par le monde, les valeurs de liberté et de démocratie. Les propos avaient une forte tonalité patriotique.

À bien des égards, ce discours n'est pas différent de ceux qui l'ont précédé. Il doit être situé dans le contexte d'un président américain se trouvant face au Congrès et cherchant à le convaincre d'épouser son agenda politique.

Ce qui précède n'empêche évidemment pas que je partage votre surprise quant à certains propos. J'ai noté, comme vous et comme nombre d'observateurs étrangers, ceux relatifs à l' « Axe du mal », propos qui rappellent en quelque sorte ceux du Président Reagan en 1981 sur l' « Empire du mal » quand il s'agissait de l'Union soviétique. Nous observons aujourd'hui que le Président Bush et le Président Poutine se voient régulièrement.

Par ailleurs, j'ai aussi noté qu'au moment de faire sa tournée en Asie, le Président Bush se trouvait dans le devoir d'expliquer qu'il n'avait pas l'intention d'envahir la Corée du Nord.

Vous citez quelques dossiers concrets où vous estimez que les États-Unis entravent la cause de la paix.

Je constate avec vous qu'il existe bon nombre de désaccords avec l'Union européenne et ceux que vous citez ne sont pas des moindres. Je pense cependant que vis-à-vis des États-Unis qui sont quand même l'une des plus grandes démocraties de ce monde, il nous faut rester ouverts au dialogue.

Vous admettrez également que les divergences ne sont peut-être pas aussi tranchées que vous le formulez.

Les États-Unis ne soutiennent pas la Cour pénale internationale. Nous le regrettons, nous le leur disons et, sous notre présidence, nous avons protesté au nom de l'Union européenne. Il n'en reste pas moins que leur soutien, y compris financier, a permis de mettre sur pied les tribunaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, les précurseurs en quelque sorte de la Cour internationale.

Les États-Unis refusent de ratifier le Traité d'interdiction des mines antipersonnel. C'est vrai et nous contestons leur position. Toutefois, ils invoquent des raisons précises, n'excluent pas une ratification à terme et accordent leur soutien, y compris financier, aux campagnes de destruction des mines là où elle empêchent la restauration d'une vie normale.

Les États-Unis n'ont pas ratifié le Traité d'interdiction des essais nucléaires. Cependant, contre l'avis du Congrès, le Président en a jusqu'ici respecté l'application de facto et l'Administration finance au moins certaines activités du secrétariat provisoire mis en place à Vienne. Cela n'empêche que nous aimerions un engagement contraignant et utilisons des arguments similaires à ceux que vous invoquez pour les convaincre. Nous ne sommes pas seuls et le débat n'est pas clôturé.

Au sujet du Traité sur les missiles balistiques, nous plaidons pour que soit maintenu un cadre juridique pour accueillir de nouveaux engagements en matière de désarmement. Il n'y a cependant pas de position européenne commune en la matière et les moyens d'action au sujet d'un Traité où nous ne sommes pas parties sont de toute évidence limités.

En ce qui concerne les arriérés à l'ONU, la situation s'est sensiblement améliorée depuis l'accord passé en décembre 2000 et le paiement d'une première tranche de plus de 400 millions de dollars en octobre 2001, peu après les événements du 11 septembre.

Laissez-moi à présent conclure. Malgré tout ce que nous venons de dire et dans un monde qui est encore peu structuré, les États-Unis continuent de représenter pour l'Union européenne le principal partenaire dans la promotion des droits de l'homme et de la démocratie. Sans doute avons-nous des positions, des préférences et des nuances à faire valoir. Il reste que nous serons plus forts si nous recherchons la convergence, les synergies et la complémentarité.

Si l'enjeu est cependant d'influencer et de peser plus sur la conduite de la politique internationale comme vous semblez le souhaiter, il n'y a pas de secret : l'Union européenne doit nous permettre d'exercer cette influence. À ce jour, elle manque encore de poids et d'outils pour jouer un rôle plus déterminant. C'est la raison pour laquelle nous nous efforçons de parfaire la construction de l'Europe, y compris dans les domaines politiques et militaires. Ainsi, nous espérons réaliser un meilleur équilibre dans notre coopération avec les États-Unis et amener ce partenaire essentiel à nous écouter et à nous suivre plus souvent. En fait, construire l'Europe est la manière la plus convaincante d'accroître la qualité de notre coopération avec eux. »

Mme Magdeleine Willame-Boonen (PSC). - Je suis particulièrement satisfaite par les réponses que vous m'avez fournies au sujet de la Cour pénale internationale, de l'interdiction des mines antipersonnel, de l'interdiction des essais nucléaires et des traités anti-missiles. Ce sont des réponses circonstanciées qui apaisent mon inquiétude.

J'entends bien que, dans le domaine de la promotion de la démocratie et des droits de l'hommes, les États-Unis constituent un partenaire de premier plan. Mais votre réponse concernant l'intervention du gouvernement belge en faveur d'une politique européenne commune me laisse un peu sur ma faim. En unissant les partenaires européens, la Convention, qui s'installe aujourd'hui, parviendra peut-être à unir également leurs visions de la politique internationale. C'est mon souhait.

-Het incident is gesloten.