2-179

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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 7 FÉVRIER 2002 - SÉANCE DU MATIN

(Suite)

Prorogation de la durée de fonctionnement des chambres supplémentaires des cours d'appel (Doc. 2-1016)

Discussion

M. Jean-François Istasse (PS), rapporteur. - Les commissions de la Justice du Sénat et de la Chambre des représentants ont pris connaissance des rapports des premiers présidents des cours d'appel qui font état des activités des chambres de leurs arrondissements judiciaires et qui émettent un avis sur le fonctionnement des chambres supplémentaires créées en vue de résorber l'arriéré judiciaire.

Il apparaît que le premier président de la cour d'appel d'Anvers est partisan d'une prorogation de la durée de fonctionnement des chambres supplémentaires dès lors que plus de 3.000 affaires ne peuvent obtenir une fixation avant un délai de 6 mois.

Le premier président de la cour d'appel de Bruxelles sollicite une prorogation au moins jusque en février 2004 en précisant que la résorption ne commencera réellement que dans la deuxième moitié de l'année 2002, c'est-à-dire lorsque les places de conseillers et de conseillers supplémentaires actuellement vacantes auront été pourvues.

Le premier président de la cour d'appel de Gand insiste également pour qu'il y ait une prorogation du fonctionnement des chambres supplémentaires. Dans l'arrondissement judiciaire de Gand, la création de chambres supplémentaires a permis de réduire en grande partie l'arriéré judiciaire et le premier président souhaite ne pas perdre tout le bénéfice de cette tendance positive.

Le premier président de la cour d'appel de Liège attire notre attention sur sa situation particulière parce que plusieurs magistrats ont dû être délégués tout spécialement à la préparation des affaires d'assises Cools et Dutroux, ce qui provoque un arriéré dans la gestion des affaires courantes. Il suggère aussi une prorogation des chambres supplémentaires pour une période de 3 ans.

Enfin, le premier président de la cour d'appel de Mons est également favorable à une prorogation du fonctionnement des chambres supplémentaires d'appel pour une période de deux ans.

En ce qui concerne les conseillers suppléants, les tableaux récapitulatifs de la situation des conseillers suppléants communiqués par le ministre de la Justice font apparaître que, sur un cadre de 160 postes (Anvers, Bruxelles, Gand, Liège et Mons), 70 places sont vacantes et ont fait l'objet d'une publication au Moniteur belge.

Le ministre de la Justice et les premiers présidents des cours d'appel sollicitent donc la prolongation de la durée de fonctionnement des chambres supplémentaires des cours d'appel.

La discussion qui a eu lieu au sein des commissions réunies de la Chambre et du Sénat, après l'examen des rapports, a mis en exergue deux problèmes distincts : d'une part, celui des places vacantes auprès des cours d'appel et, d'autre part, celui de l'arriéré judiciaire spécifique de Bruxelles.

Concernant les places vacantes, certains ont critiqué la longueur de la procédure de nomination génératrice de l'arriéré judiciaire. Pour plusieurs intervenants, il conviendrait de remédier à un réel problème structurel afin de résorber définitivement l'arriéré judiciaire au lieu de prendre de simples mesures provisoires.

Le ministre de la Justice a répondu à ces remarques en rappelant que la loi relative au Conseil supérieur de la Justice contient toutes les solutions au problème des candidats à une place à la Cour d'appel, sauf dans trois cas : la promotion à une autre place ou en tant que chef de corps, après une première nomination, cas où il est effectivement difficile de prendre des mesures anticipatives, les maladies de longue durée et les décès inopinés. Un pool de magistrats serait en voie d'être créé afin de faire face à ce genre de situations.

Certains parlementaires ont soulevé le problème spécifique de l'arriéré judiciaire de Bruxelles qui est plus difficile et plus lent à maîtriser. Ainsi, certains intervenants souhaitent que des mesures structurelles propres au ressort de Bruxelles soient prises. Un intervenant a suggéré de consacrer à ce problème un débat approfondi. Le ministre de la Justice a précisé que, si un problème d'arriéré judiciaire au niveau de la Cour d'appel se posait, le tribunal de première instance de Bruxelles était cependant le moins favorisé des arrondissements judiciaires. Il a rappelé que le gouvernement a déposé un projet de loi à ce sujet ainsi qu'un second projet de loi relatif à l'instance qui doit organiser les examens d'accès à la profession de magistrat en fonction du niveau des connaissances des langues. Ces deux projets étant intimement liés, ils seront analysés ensemble devant le Parlement et ce dès que la procédure de conflit d'intérêts soulevée par le Vlaams Parlement serait achevée.

La création des cours d'appel supplémentaires a eu, de toute évidence, un effet bénéfique sur l'arriéré judiciaire dans la plupart des arrondissements judiciaires.

Les commissions de la Justice de la Chambre et du Sénat ont adopté à l'unanimité la proposition de prorogation de la durée de fonctionnement des chambres supplémentaires des cours d'appel pour une durée de deux ans.

Mme Clotilde Nyssens (PSC). - Le groupe PSC approuve bien entendu la prolongation des mesures que vous proposez, monsieur le ministre, pour soulager les cours d'appel, plus particulièrement celle de Bruxelles qui me tient à coeur.

Vous avez probablement reçu, comme moi, le courrier de Mme Closset-Coppin, daté du 25 janvier, qui a été envoyé à tous les membres de la commission de la Justice du Sénat. À l'occasion de cette interpellation, je voudrais éclaircir un point.

En ce qui concerne l'arriéré judiciaire proprement dit, Mme Closset-Coppin s'insurgerait en conscience contre l'affirmation selon laquelle les magistrats de la cour d'appel fourniraient des prestations insuffisantes. J'ignore la provenance de cette affirmation : de certaines discussions ou de colloques singuliers que vous auriez pu avoir, de vous, en personne, ou de rumeurs véhiculées par d'autres ?

La présidente de la cour d'appel affirme avec vigueur que ces insinuations sont inexactes et estime que le travail ne fait qu'augmenter. Le nombre d'affaires croît ainsi que leur importance. Par ailleurs, le travail administratif et la gestion sont tels que trois magistrats s'y consacrent à temps plein sans y suffire.

Outre elle-même, le président Delvoie et la présidente Jeanne-Françoise Parisis, plusieurs autres magistrats sont chargés de différentes tâches importantes. Vous me répondrez probablement que vous auriez suggéré, depuis un certain temps, de flanquer les chefs de corps, de magistrats coordonateurs ou de managers, selon votre propre expression, pour décharger lesdits chefs de corps de tâches administratives.

Cette idée fera-t-elle l'objet d'un projet de loi ? Dans l'affirmative, quand sera-t-il déposé ? Comment et dans quels délais comptez-vous résoudre le problème du management de la Justice et de la répartition des tâches administratives et judiciaires pour que les chefs de corps ne se cantonnent plus uniquement dans le travail administratif ?

Je me permets de relayer quelques considérations de Mme Closset-Coppin qui ajoute, dans son courrier public. « Tout en regrettant de devoir le faire, qu'il faut relever que dans tous les domaines, c'est la cour d'appel de Bruxelles qui est appelée à traiter les affaires les plus importantes. Elle souligne qu'aux assises, qui siègent sans discontinuer, des affaires très importantes comme celle du Rwanda et l'affaire Pandy, n'ont rien de commun avec des crimes ordinaires et requièrent un personnel judiciaire en grand nombre. Il y a aussi des affaires de concurrence de très grande importance, des affaires commerciales dont certaines ont un caractère international, ainsi que de nombreuses affaires pénales avec nombre de prévenus et de préventions, de même que les affaires dites internationales examinées par la chambre des mises en accusation.

Nous aurons certainement l'occasion de rediscuter de cette loi de compétence universelle qui pose un problème politique et tout à fait pratique dans l'arrondissement de Bruxelles où se concentrent les contentieux qui y sont relatifs. Ces derniers prennent un temps considérable de sorte que la charge de travail des magistrats est effectivement lourde. En outre, la rédaction de projets, précédée de longues recherches en droit et exigeant la réponse aux moyens invoqués dans des dizaines, voire des centaines de pages de conclusions, exige souvent, dans de telles affaires, des semaines de travail pour un seul magistrat. En outre, il faut prendre en compte les délibérés à trois et l'examen du dossier et du projet par les autres membres de la chambre... ».

La prorogation de la durée de fonctionnement des chambres supplémentaires des cours d'appel que nous allons voter aujourd'hui est une bonne mesure, en particulier pour Bruxelles. Les problèmes soulevés par ce courrier portent sur d'autres projets que nous attendons. J'insiste pour que vous nous disiez, dans les prochaines semaines, quelles initiatives seront prises en la matière.

Notre groupe votera sans état d'âme le projet qui nous est soumis aujourd'hui.

M. Marc Verwilghen, ministre de la Justice. - J'interviendrai brièvement parce que nous parlons de la proposition, adoptée par les commissions de la Justice de la Chambre et du Sénat, traitant uniquement du fonctionnement des chambres supplémentaires.

Cette proposition a été votée à l'unanimité. Un excellent rapport a été déposé. Il n'y a donc normalement aucune discussion possible si ce n'est en ce qui concerne la lettre de Mme Closset-Coppin.

Les faits sont ce qu'ils sont. Les dispositions légales sont respectées par tous les chefs de corps des cours d'appel de ce pays, sauf à Bruxelles. Je sais que les termes vigoureux de la lettre de Mme Closset-Coppin cachent le fait qu'elle ne s'est pas tenue au rapport qui devait être délivré. C'est la raison pour laquelle j'ai répondu personnellement à sa lettre. J'ai envoyé copie de ma réponse aux présidents de la Chambre et du Sénat qui la remettront probablement aux présidents des commissions de la Justice. Je dois dire que je n'ai pas été impressionné par la lettre de Mme Closset-Coppin. Au contraire.

Enfin, vous souhaitiez obtenir quelques renseignements. L'arriéré judiciaire est essentiel. Il appartient au ministre de la Justice de le combattre. J'ai pris toutes les mesures nécessaires en ce sens.

Tout d'abord, en prolongeant la loi combattant l'arriéré judiciaire. Ensuite, en répartissant le nouvel arriéré judiciaire dans les chambres qui ont été désignées, ce qui a été très apprécié par tous les premiers présidents de cours d'appel. Par ailleurs, les conseillers en surnombre à la cour d'appel ont été nommés et six des quatorze places vacantes ont été attribuées à Bruxelles. Qu'on ne vienne donc pas me dire que je ne prends pas les mesures nécessaires. Enfin, nous recherchons actuellement une méthode permettant de mesurer la charge de travail, ce qui nous permettra de déterminer si le cadre légal est suffisant. Le cas échéant, nous prendrons les mesures qui s'imposent.

En ce qui concerne le management, à la suite des contacts que nous avons eus au Sénat avec les chefs de corps, j'ai proposé de leur adjoindre des juges de complément pour les aider dans leur tâche. Je pense donc avoir pris toutes les mesures nécessaires.

Je dois avouer que les termes utilisés par Mme Closset-Coppin sont hors propos pour des raisons évidentes puisqu'elle n'a pas fait ce qu'elle devait faire. Elle ne peut le nier et tout le monde peut le constater.

Mme Clotilde Nyssens (PSC). - Je laisse aux deux parties la responsabilité de leurs propos. J'estime néanmoins que quand un président de cour d'appel écrit à des parlementaires, il est de leur devoir de lire et de comprendre le contenu de la correspondance. Quoi qu'il en soit, je ne dispose pas des éléments nécessaires pour répondre aux accusations portées par le ministre à l'égard de Mme Closset-Coppin.

En ce qui me concerne, je me réjouis en tout cas de la prorogation des mesures pour les chambres supplémentaires à Bruxelles. Tout le monde est conscient que la charge de la justice bruxelloise en général et de la cour d'appel de Bruxelles en particulier est considérable. Il sera très difficile d'y remédier, nonobstant les mesures qui seraient déjà prises par le ministre. Nous attendons donc beaucoup d'autres changements.

-La discussion est close.

-Il sera procédé ultérieurement au vote sur la proposition de décision de la commission de la Justice.