2-164

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Belgische Senaat

Handelingen

DONDERDAG 13 DECEMBER 2001 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Vraag om uitleg van de heer Georges Dallemagne aan de vice-eerste minister en minister van Buitenlandse Zaken over «de mensenrechten in Vietnam» (nr. 2-625)

De voorzitter. - Mevrouw Magda Aelvoet, minister van Consumentenzaken, Volksgezondheid en Leefmilieu, antwoordt namens de heer Louis Michel, vice-eerste minister en minister van Buitenlandse Zaken.

M. Georges Dallemagne (PSC). - Ma demande d'explications est une question d'actualité dans le sens où plusieurs associations sont aujourd'hui préoccupées par la situation des droits de l'homme au Vietnam. Celle-ci semble être loin de s'améliorer. Des leaders religieux catholiques, protestants et bouddhistes font de plus en plus l'objet de privation de liberté. On ne compte plus les arrestations arbitraires, les détentions sans procès, les procès expéditifs, les assignations à résidence.

Ainsi, le 19 octobre 2001, lors d'un procès secret qui n'a duré qu'un jour, le père Thaddeus Nguyên Van Ly a été condamné à quinze ans d'emprisonnement et cinq ans de détention probatoire. Il n'a pas bénéficié des droits les plus élémentaires de la défense : il n'a pas pu choisir son avocat ni préparer sa défense dans la mesure où il était au secret depuis cinq mois. Son crime est d'avoir protesté par des actes non violents à de nombreuses reprises contre les persécutions religieuses au Vietnam.

Les pères Nguyên Huu Giai et Pham Van Loi sont eux aussi assignés à résidence et perpétuellement harcelés par la sécurité.

Des membres de l'Église bouddhiste unifiée sont eux aussi inquiétés : les Vénérables Thich Huyên Quang et Thich Quang Dô sont assignés à résidence et trois responsables de la Jeunesse bouddhiste ont récemment été arrêtés par le régime.

En ce qui concerne l'Église bouddhiste Hoa-Hao, son président, M. Lê Quang Liêm, est assigné à résidence ; son vice-président a été arrêté le 21 janvier 2001, tandis que le secrétaire général, M. Ha Hai a également été arrêté et a été condamné le 15 janvier 2001 à cinq ans de prison.

De nombreux fidèles religieux Hoa-Hao ont aussi été arrêtés ces derniers mois et ces dernières semaines.

Enfin, des avocats comme M. Nguyên Van Minh et M. Lê Chi Quang ont été assignés à résidence et harcelés pour avoir écrit et diffusé des articles critiquant les violations des droits de l'Homme au Vietnam.

Par ailleurs, des représentants de certaines minorités ethniques du nord du pays, victimes d'exactions et de brutalités, se sont réfugiés ces derniers mois au Cambodge.

C'est la première fois depuis de très nombreuses années que la situation politique dans un des pays de la péninsule indochinoise provoque un afflux de réfugiés.

Lorsque mes collègues du Sénat - dont M. Monfils, je crois - avaient interpellé le 7 juin dernier, M. Michel avait signalé que les ambassadeurs européens en poste à Hanoi travaillaient à la rédaction d'un projet de plan pour une action européenne dans plusieurs domaines, dont les détentions arbitraires, la situation des minorités ethniques et la liberté religieuse.

M. Michel avait également assuré que, lors de la présidence européenne, il oeuvrerait pour un meilleur respect des droits de l'homme au Vietnam.

Ne trouvez-vous pas que la situation des droits de l'homme dans ce pays, qui s'améliorait ces dernières années, est aujourd'hui en train de se détériorer ?

Pourriez-vous m'indiquer si les travaux des ambassadeurs de l'Union ont abouti et de quelle manière ?

Pourriez-vous également m'indiquer quelles initiatives ont été prises à l'égard du gouvernement vietnamien afin qu'il se conforme aux normes internationales en matière de droits de l'homme ?

N'est-il pas curieux que notre aide au développement se soit intensifiée - je crois qu'elle a doublé - dans ce pays, alors que la situation des droits de l'homme n'y progresse absolument pas ?

M. Paul Galand (ECOLO). - Nous partageons les inquiétudes que M. Dallemagne a exprimées alors que, par ailleurs, les relations économiques se développent positivement. Les coopérants belges sont plus nombreux au Vietnam, de même que dans le cadre des relations au sein de la francophonie.

Je souhaiterais savoir si une concertation avec les communautés et les régions est envisagée dans le cadre des relations extérieures pour avoir une attitude cohérente face à cette situation inquiétante sur le plan des droits humains.

Par ailleurs, de nombreux projets de développement ont été entamés dans une perspective positive depuis un certain temps. Je pense qu'il ne faut pas non plus envisager trop rapidement d'interrompre des projets de coopération au développement qui, au contraire, créent des espaces de liberté. Il faut donc être très prudent. Au moment où il faut essayer de relancer une dynamique plus ouverte et plus ferme par rapport aux droits de l'homme, il ne serait pas opportun de mettre brutalement fin à ce type de projets de développement.

M. Philippe Monfils (PRL-FDF-MCC). - Je constate que le Vietnam fait étrangement partie de ces pays non démocratiques où, pourtant, on ne manifeste guère d'empressement à condamner les différentes atteintes aux droits de l'homme.

C'est vrai que, depuis un certain temps, on dénonce ce fait. C'est vrai que nous sommes fréquemment assaillis de lettres provenant notamment de la diaspora vietnamienne qui nous relatent une série d'événements négatifs comme ceux qui ont été rappelés par notre collègue, M. Dallemagne.

Il n'y a pas que le Vietnam. Je n'ai jamais compris pourquoi la Turquie fait de plus en plus l'objet de sollicitudes alors même que les droits de l'homme y sont bafoués.

J'espère bien que les promesses qui nous ont été faites il y a quelques mois vont se concrétiser et que nous serons plus énergiques à l'égard de ce type de pays.

Quand on me dit que l'augmentation des moyens de la coopération au développement est la seule manière d'aboutir à une meilleure démocratisation, c'est un argument qui, s'il était généralisé, pourrait amener à ce que l'on ne s'occupe plus des droits de l'homme dans aucun pays et à rendre la situation des régimes non démocratiques bien plus confortable puisqu'ils bénéficieraient de l'aide internationale sans rien donner en échange.

Je trouve cet argument de plus en plus insupportable. Dès lors, je ne peux que me joindre à mes collègues. Le Vietnam n'est pas doté d'un gouvernement démocratique. On sait que les membres de la diaspora vietnamienne ne peuvent pas rentrer dans leur pays sinon ils y seraient arrêtés et emprisonnés pour délit d'opinion. Tout cela n'est pas acceptable et, tant au niveau de la coopération au développement que de l'attitude que nous devons avoir à l'égard de ce pays, j'espère que vous me donnerez des réponses satisfaisantes.

Mme Magda Aelvoet, ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement. - Je vous donne lecture de la réponse préparée par M. Louis Michel :

Les informations en ma possession, en particulier en provenance des Chefs de mission de l'Union européenne à Hanoi, ne permettent pas de parler d'une détérioration de la situation des droits de l'homme au Vietnam.

Les observateurs s'accordent à dire que, sur le plan des libertés individuelles, la situation s'est améliorée ces dernières années.

L'Union européenne, comme les États-Unis, tient à jour des listes de prisonniers qui font l'objet de préoccupations particulières. Ces listes sont remises aux autorités vietnamiennes, assorties de demandes d'informations sur le sort des intéressés. Suite aux amnisties successives, la liste de l'Union européenne ne comporte plus que six noms. Initialement, elle en comportait une quarantaine.

Il est vrai que des cas d'assignations à résidence ou encore, très récemment, une très lourde condamnation d'un religieux catholique, retiennent légitimement l'attention des milieux internationaux.

En ce qui concerne la présence au Cambodge de réfugiés vietnamiens en provenance de la région des Hauts plateaux du centre, je suis informé que des contacts à haut niveau sont actuellement en cours entre les responsables du HCR et les autorités vietnamiennes. Ces contacts ont pour objectif d'aboutir à un accord pour assurer, dans des conditions optimales et correspondant aux critères du HCR, un rapatriement volontaire de ces personnes.

En ce qui concerne les travaux des Chefs de mission de l'Union européenne à Hanoi et les initiatives prises à l'égard du gouvernement vietnamien, les questions en relation avec les droits de l'homme sont suivies de manière continue par les Chefs de mission de l'Union européenne à Hanoi. Les chefs de mission s'appuient sur les travaux d'un groupe de travail spécifique « droits de l'homme » regroupant les collaborateurs diplomatiques des ambassades de l'Union européenne. Dans le cadre de la coopération, les chefs de mission ont mis au point un cadre commun qui est régulièrement mis à jour et adapté.

Ce cadre commun guide les dialogues menés avec les autorités vietnamiennes tant au niveau des chefs de poste et de leurs collaborateurs à Hanoi qu'au niveau des responsables politiques européens en visite au Vietnam ou recevant en Europe des visiteurs officiels vietnamiens. Il insiste notamment sur la nécessité de poursuivre les réformes visant la conformité des instruments juridiques nationaux et leur mise en oeuvre effective aux conventions internationales sur les droits de l'homme auxquelles le Vietnam est partie.

De manière concrète et lors de mon séjour au Vietnam en juillet dernier, à la tête de la délégation européenne, la question des droits de l'homme a figuré à l'ordre du jour de mes entretiens avec mon collègue vietnamien. Des cas spécifiques ont été évoqués à cette occasion. Dans un cas précis en relation avec la liberté de la presse, une solution satisfaisante a été trouvée.

Mes collègues de l'Union européenne en visite au Vietnam ou recevant chez eux leur homologue, veillent, eux aussi, systématiquement à mener un dialogue ouvert concernant la situation des droits de l'homme au Vietnam. Ce fut aussi le cas lors de la session de la Commission mixte Commission européenne - Vietnam, le 6 novembre dernier, à Hanoi. L'accord de coopération signé en juillet 1995 entre l'Union européenne et le Vietnam, formant le cadre des relations entre les deux parties, fait en effet du respect des droits de l'homme un préalable à la coopération.

La coopération belge au développement est essentiellement axée au Vietnam sur la lutte contre la pauvreté : elle met en oeuvre des programmes et des projets ayant des retombées directes au niveau du développement socio-économique et des personnes les plus démunies.

Il faut aussi noter que tant les organismes financiers de développement comme la Banque mondiale, la Banque asiatique de développement que nos partenaires européens, loin de réduire leur coopération au développement avec le Vietnam, se rejoignent ces dernières années pour accroître de manière plus ou moins substantielle leur aide au profit des populations du pays et pour soutenir les réformes en cours.

M. Georges Dallemagne (PSC). - Je remercie Mme la ministre de nous avoir donné lecture de la réponse du vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères.

Je me félicite du dialogue qui existe entre l'Union européenne et les autorités vietnamiennes. Toutefois, je suis quelque peu surpris d'entendre que la situation s'est améliorée car cela ne va pas du tout dans le même sens que les rapports émanant des observateurs.

Un élément me paraît particulièrement préoccupant - je me suis régulièrement rendu sur place - à savoir un afflux de réfugiés, que la région n'avait plus connu depuis des années. Les réfugiés en question répondent au statut de la Convention de Genève : ils ont fui le pays en raison de leur appartenance à des minorités ethniques, parce qu'ils ont été chassés de leurs terres, de leur maison, notamment par des personnes soutenues par le gouvernement vietnamien. Le Haut commissariat pour les réfugiés négocie depuis plusieurs mois le retour de ces réfugiés et ne parvient pas à trouver des modalités de retour leur assurant la protection. Selon moi, il faut y être très attentif, mais je suppose que j'aurai l'occasion d'en reparler avec le ministre des Affaires étrangères.

Par ailleurs, le respect des droits de l'homme est un préalable à la coopération au développement. D'après la loi votée par notre assemblée, le respect des droits de l'homme est un des critères retenus en la matière. Cela ne signifie pas que je sois favorable à la suppression de la coopération au développement au Vietnam. Je suis cependant inquiet de voir que dans le domaine de la coopération au développement, d'après mes chiffres, nous sommes passés de 524 millions à 1,675 milliard, aide qui n'est pas uniquement consacrée à la lutte contre la pauvreté. En effet, nous avons également, et dans une mesure appréciable, des aides directes au gouvernement telles que remises de dettes, aides financières, et surtout, chose extrêmement importante, une garantie du Ducroire de l'ordre de 953 millions de francs, aide pour la coopération économique qui ne s'inscrit donc pas du tout dans la lutte contre la pauvreté.

Si une aide au développement est accordée au Vietnam, je souhaiterais qu'elle soit effectivement consacrée aux groupes les plus vulnérables, aux plus pauvres, aux minorités, aux personnes qui ont vraiment besoin de cette coopération. Il ne doit pas simplement s'agir d'une aide structurelle financière au gouvernement vietnamien. Ce dernier n'en a d'ailleurs nul besoin car il suffit de se rendre au Vietnam, notamment à Hochiminhville ou à Hanoï, pour prendre conscience de son extraordinaire essor économique. Par conséquent, notre aide ne devrait pas être de nature budgétaire. Il faut être prudent quand il s'agit de garantir les fonds du ducroire à concurrence d'un milliard.

-Het incident is gesloten.