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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 6 DÉCEMBRE 2001 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de Mme Marie-José Laloy au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères sur «la situation au Moyen-Orient» (n° 2-772)

Question orale de Mme Marie Nagy au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères sur «les démarches du gouvernent belge pour le rétablissement des négociations de paix au Moyen Orient» (n° 2-779)

M. le président. - Je vous propose de joindre ces questions orales. (Assentiment)

M. Didier Reynders, ministre des Finances, répondra au nom de M. Louis Michel, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères.

Mme Marie-José Laloy (PS). - La situation incandescente au Proche-Orient exige plus que jamais de ne pas se laisser gouverner par les émotions mais de recadrer politiquement les termes du conflit qui dépasse largement le cadre belge et même européen. Néanmoins, la Belgique peut et doit faire entendre sa voix, appelant ainsi au respect des traités internationaux et du droit international. Il est par conséquent nécessaire de rappeler que la présence de colonies israéliennes dans les territoires palestiniens est illégale et constitue un facteur d'exacerbation des tensions.

La Commission européenne a publié le 23 novembre, dans le Journal officiel des Communautés, un avis informant que les produits israéliens en provenance des colonies ne bénéficiaient pas de l'exemption de droits de douane prévue par l'accord d'association entre Israël et l'Union européenne, accord entré en application en l'an 2000. Ces produits sont susceptibles d'être frappés de droits de douane. Or, selon le Journal officiel des Communautés, « Il est prouvé qu'Israël émet des certificats d'origine sur des produits venant de territoires placés sous administration israélienne en 1967, qui n'ont pas droit au traitement préférentiel ».

Je demande à M. le ministre ce que peut faire la Belgique pour garantir l'application des restrictions aux importations israéliennes imposées par l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël.

Je demande également au ministre ce que peut et ce que doit faire la Belgique, en tant que présidente de l'Union, pour amener les deux parties à la table des négociations ou ne serait-ce qu'à s'accorder sur un cessez-le-feu. L'urgence est de rigueur vu l'escalade de la violence des derniers jours dans la région.

Mme Marie Nagy (ECOLO). - Une spirale de violence embrase le Proche-Orient.

L'espoir d'une paix juste et équitable s'éloigne de plus en plus. Le règlement pacifique et conforme au droit international de la problématique des territoires occupés, du droit à l'existence et à la sécurité pour deux États qui auraient les mêmes devoirs et les mêmes droits et qui coexisteraient dans la paix et le respect mutuel est compromis, avec toutes les conséquences que cela représente pour l'Europe et le pourtour méditerranéen.

Nous devons bien sûr condamner avec la plus extrême vigueur les agissements terroristes des responsables de partis politiques et religieux palestiniens qui visent délibérément des populations civiles innocentes. Nous devons aussi condamner les actions de représailles disproportionnées qui touchent les populations civiles palestiniennes.

Le contexte des attentats est celui de la désespérance palestinienne face à l'occupation israélienne, avec la destruction de logements, la poursuite des colonies de peuplement et les occupations militaires.

L'état de guerre et sa logique d'escalade sont aujourd'hui la voie vers laquelle ces deux pays sont engagés.

Quant à l'Union européenne qui peine à parler d'une seule voix, elle doit se faire entendre. Elle est, en effet, le principal bailleur de fonds dans la région et sa proximité géographique avec le Proche-Orient fait d'elle un acteur de premier plan. Face à l'unilatéralisme américain, l'Europe et les pays européens doivent indiquer une voie de négociation dans le cadre d'une conférence internationale du type « Madrid-bis », à laquelle serait idéalement associés, outre l'Union européenne, l'ONU, les États-Unis, la Russie, ainsi que des acteurs régionaux majeurs comme la Turquie et l'Égypte.

La Belgique doit plaider auprès de l'ONU, par toutes les voies diplomatiques et institutionnelles existantes, l'envoi d'un contingent d'observateurs internationaux dans les territoires occupés, le retrait rapide de l'armée israélienne des territoires occupés selon un calendrier précis et un appui à l'autorité palestinienne pour lui donner les moyens de lutter contre le terrorisme et de secourir sa propre population.

Le ministre peut-il me dire quelles actions ont été entreprises dans ce sens ? Peut-on attendre une démarche formelle pour essayer d'obtenir une négociation ? À la lumière des derniers événements, le ministre pense-t-il également que l'accord d'association conclu entre Israël et l'Union Européenne doit être réévalué ?

M. Didier Reynders, ministre des Finances. - Comme l'a rappelé Mme Laloy, la Commission européenne a effectivement publié, le 23 novembre dernier, au Journal officiel des Communautés, un avis aux importateurs pour les importations effectuées d'Israël dans la Communauté.

Cet avis invite les importateurs de produits originaires de colonies de peuplement israéliennes implantées en Cisjordanie, dans la bande de Gaza, à Jérusalem-Est ou sur les hauteurs du Golan, à prendre « toutes les précautions qui s'imposent étant donné que la mise en libre pratique de ces marchandises peuvent permettre une dette douanière ».

Nous espérons que cet avis portera ses fruits et permettra d'apporter une solution à cette question. Si tel n'était pas le cas, le Conseil de l'Union européenne pourrait saisir le Conseil d'association afin de considérer d'autres mesures appropriées.

L'Union européenne doit évidemment poursuivre les efforts qu'elle a entrepris depuis plusieurs mois pour apaiser la tension sur le terrain et inciter les parties à relancer un processus politique passant par l'application du plan Tenet de cessez-le-feu ainsi que par la mise en oeuvre des recommandations du rapport Mitchell.

Il est évident que la tension existant aujourd'hui dans la région rend de plus en plus impérieuse la nécessité d'un tel dialogue même si elle complique de plus en plus la mise autour de la table des différents protagonistes.

Le processus de paix au Proche-Orient repose sur des bases claires et reconnues par la communauté internationale. Une paix juste et durable dans la région doit se baser sur les résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité ainsi que les principes de Madrid et d'Oslo. Dans ce cadre et si possible dans le cadre d'une concertation étroite visant à conserver des approches convergentes, l'Union européenne doit encourager les États-Unis à maintenir leur engagement actif au Proche-Orient. L'Union européenne et la Belgique ont adopté des positions très claires en vue d'une solution politique du conflit ; elles conservent toute leur valeur malgré l'aggravation de la situation sur le terrain à la suite des récents attentats terroristes et de la riposte qui s'en est suivie.

Enfin, en ce qui concerne la réaction personnelle du ministre des Affaires étrangères quant à ce dossier, je puis affirmer qu'il n'a cessé à tout moment y compris dans les phases critiques, de renouveler son appel au dialogue et à la discussion autour d'un nouveau processus de paix dans la région, nonobstant les tensions dramatiques actuelles.

Mme Marie-José Laloy (PS). - Je me réjouis de la démarche politique générale adoptée par le vice-premier ministre. Toutefois, je m'interroge quant à l'application des règles de droit international et les textes relatifs à l'accord d'association.

Le gouvernement a-t-il l'intention de demander la réunion du comité qui a été mis en place ? En effet, il convient de ne pas perdre de vue qu'en 1999, lorsque le Sénat a voté l'accord de coopération avec Israël, il avait conditionné son approbation à une évaluation régulière et rigoureuse, qui fait aujourd'hui défaut. Je considère qu'il est important, pour la Belgique en tout cas, de faire en sorte que les textes soient respectés. Le fait de manifester une volonté politique en vue d'obtenir que ces textes soient appliqués contribue bien sûr à l'apaisement des tensions mais il faut aussi répéter sans cesse que certains actes commis au Moyen-Orient sont illégaux même s'ils s'installent dans la durée. Je pense donc que, dans le cadre de la présidence belge, ce serait faire oeuvre utile que de s'imposer et d'exiger, au nom de l'Union européenne, la réunion de la commission d'évaluation.

Mme Marie Nagy (ECOLO). - Je remercie le ministre de ses réponses. Il faut toujours rappeler que la violence trouve son origine dans l'occupation des territoires palestiniens et dans le non-respect des engagements internationaux, ce qui ne justifie bien entendu aucun type d'attentat contre des populations civiles. Je crois donc que la position du ministre, qui s'est engagé personnellement en faveur d'une diplomatie éthique et qui a toujours exprimé son point de vue de manière très claire, doit à présent déboucher sur des actes, étant donné la situation sur place et le choix qui semble être celui du gouvernement israélien, appuyé par le gouvernement américain, d'aller vers un affrontement et vers l'affaiblissement de l'autorité palestinienne.

Je songe en particulier à l'acte précis demandé par Mme Laloy, auquel je peux adhérer, à savoir que la Belgique fasse ce que nous avons décidé dans une résolution votée à une large majorité, c'est-à-dire que nous réévaluions l'accord d'association avec Israël, de façon à vérifier si les conditions mises à cet accord quant au respect des droits de l'homme et du droit international sont garanties pour pouvoir poursuivre dans le cadre de cet accord d'association. Cela, la Belgique le peut, et je pense qu'il est important qu'elle le fasse pour que l'action diplomatique du ministre Michel se traduise par des actes clairs et un message assez fort à l'adresse de ses collègues européens et de l'État d'Israël.

M. Didier Reynders, ministre des Finances. - J'entends bien les réactions de Mmes Laloy et Nagy. Je répète simplement que l'avis en question a été publié le 23 novembre au Journal officiel des Communautés. Comme je l'ai indiqué, le Conseil de l'Union européenne pourrait envisager de saisir le Conseil d'association si cet avis ne portait pas ses fruits.