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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 29 NOVEMBRE 2001 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Projet de loi portant assentiment à la Charte sociale européenne révisée et à l'Annexe, faites à Strasbourg le 3 mai 1996 (Doc. 2-838)

Discussion générale

M. François Roelants du Vivier (PRL-FDF-MCC), rapporteur. - Je me réfère à mon rapport écrit.

M. Philippe Monfils (PRL-FDF-MCC). - Je suis plongé dans le désarroi. Je suis partagé entre mon envie d'applaudir purement et simplement au projet gouvernemental et mon souci social qui m'amène à formuler quelques remarques concernant la manière dont on nous invite à ratifier cette Charte sociale européenne !

En effet, plusieurs articles sont fort intéressants. J'ai toutefois constaté que l'on propose de réserver quatre ou cinq articles parce que la réalité belge ne permet pas nécessairement d'en traduire dans notre droit les éléments essentiels. Je comprends parfaitement cette optique pour deux des éléments : d'une part, le problème linguistique puisque cette matière relève de la compétence des communautés et, d'autre part, l'obligation de motiver les licenciements, prévue par la Charte sociale ; pour des raisons bien connues, notre droit social ne permet l'indication du motif de licenciement, ce qui peut parfois être bien meilleur pour les travailleurs.

Je m'interroge en revanche sur trois points sur lesquels je voudrais attirer l'attention du ministre. On propose de réserver trois articles et de ne pas les soumettre à la ratification, le premier concerne le harcèlement moral, le second, les possibilités d'accueil des enfants et le troisième, le droit au logement. Je ne comprends pas bien pourquoi.

Concernant le harcèlement moral, l'exposé des motifs précise que les exemples donnés par le rapport explicatif du Conseil de l'Europe, notamment l'exclusion systématique d'un travailleur de toute discussion, amène à considérer que nous ne sommes pas encore suffisamment avancés pour accepter ce type de législation. Je voudrais rappeler à M. le ministre qu'il existe une directive européenne sur ce sujet, qu'un arrêté royal du 13 mai 1999 règle le problème dans les services publics, que le Code pénal comprend un article 442bis intitulé « Du harcèlement » et enfin, que la ministre Onkelinx - ce point a d'ailleurs été abordé tout à l'heure lors des questions orales - a élaboré un avant-projet de loi relatif au harcèlement moral et sexuel et à l'amélioration de la qualité du travail, dont elle a présenté quelques éléments et qui est actuellement soumis au Conseil d'État. Je ne vois donc pas pourquoi nous ne pourrions tout simplement adopter l'article de la Charte sociale consacré au harcèlement.

L'article 27 de la Charte considère qu'il faudrait développer ou promouvoir des services publics ou privés, en particulier les services de garde de jour d'enfants et d'autres modes de garde. Là aussi, je m'étonne puisque la justification apportée pour réserver cet article est que l'on peut se demander si les possibilités d'accueil des enfants sont suffisamment développées en Belgique pour répondre aux critères du premier paragraphe. Je crois que notre pays est développé et dispose de services de gardiennes encadrées ou non et de divers services d'accueil. Notre pays compte certainement parmi les plus évolués dans ce domaine.

Quant au problème du logement, la Charte sociale estime qu'il faut favoriser l'accès au logement d'un niveau suffisant, prévenir et réduire l'état de sans-abri en vue de son élimination progressive et rendre le coût du logement accessible aux personnes qui ne disposent pas de ressources suffisantes. C'est déjà ce que l'on fait en Belgique. Je rappelle d'ailleurs que l'article 23, 3°, de la Constitution établit un droit à un logement décent.

Toutes les réserves formulées à propos de ces trois articles sont manifestement des réserves administratives n'ayant aucune réalité dans la pratique. J'oserais dire en plaisantant à peine que s'il ne fallait voter et approuver que des traités européens n'allant pas au-delà de notre législation, il serait tout à fait inutile de le faire. En effet, une législation comme la Charte sociale européenne donne des indications aux divers États et, dans la mesure où un État ne remplit pas complètement ces indications, il est invité à poursuivre son effort.

En tenant un tel raisonnement, notamment pour les pays de l'Est, sachant que les trois quarts des obligations imposées par la convention ne sont certainement pas remplies par ces pays au niveau où nous les remplissons nous-mêmes, on pourrait imaginer que ces pays ne ratifieraient que quelques rares articles de la Charte sociale.

Je pense que ces réserves n'avaient pas de raison d'être. Il sera opportun, dans les prochains mois, de régler ce problème. Nous sommes parfaitement dans la ligne de la Charte sociale. Si d'aventure nous avions un quelconque retard dans un des ces trois articles, ce serait pour nous une invitation à poursuivre et à aller plus loin, notamment dans la voie de l'accueil, de l'organisation du logement et de la lutte contre le phénomène des sans-abri.

Je voterai bien sûr ce projet de loi, monsieur le ministre, mais je tenais à attirer votre attention sur ces réserves qui sont peut être un peu trop frileuses. Nous connaissons votre volonté de défendre une diplomatie éthique et de prendre en compte, en général, l'ensemble de la problématique des droits de l'homme. Aussi, je pense que vous serez sensible aux remarques que j'ai proférées.

Mme Magdeleine Willame-Boonen (PSC). - Je voudrais ajouter, en complément des propos de M. Monfils, que je déplore personnellement la brève discussion générale consacrée à un sujet aussi important.

Je n'ai toujours pas obtenu de réponse concernant l'article 17 qui définit les droits des enfants et des adolescents à une protection sociale, juridique et économique mais qui ne mentionne en aucune façon les réseaux de pédophilie.

Je tiens à faire remarquer à mes collègues que pour les seize projets que nous allons ratifier aujourd'hui, en général, la discussion et les rapports se résument à une demi-page. La première phrase de cette demi-page précise que le représentant du ministre renvoie à l'exposé des motifs. Je vous rappelle, par exemple, que l'exposé des motifs concernant le projet relatif à l'exploitation de l'Installation européenne de rayonnement synchrotron comprend quinze pages. Dans ces conditions, il me semble difficile de renvoyer à cet exposé.

De heer Marcel Colla (SP.A). - Mevrouw Willame, de medewerker van de minister verdient alle lof. Hij heeft er zich nog nooit vanaf gemaakt met gewoon naar de memorie van toelichting te verwijzen in plaats van te antwoorden. Hij geeft altijd een correcte inleiding. Uw verklaring strookt absoluut niet met de werkelijkheid.

Mme Magdeleine Willame-Boonen (PSC). - Je ne faisais pas allusion à vous, monsieur Colla. Ne le prenez pas comme cela. Je dis simplement que le Sénat s'est fait une spécialité des affaires internationales, que nous allons voter aujourd'hui seize traités et que sur ces seize traités, il y en a quinze dont le rapport correspond à une demi page. Je le regrette.

La première phrase renvoie à l'exposé des motifs, la deuxième constate que tout le monde est d'accord et la troisième mentionne le nombre de votes et précise que l'on fait confiance au rapporteur.

Je n'exige pas que le ministre soit présent en commission. Je ne demande pas la présence du chef ou de membres du cabinet du ministre. Sans vouloir jouer les anciens combattants, je souligne qu'au cours de la législature précédente, nous disposions chaque fois d'un résumé des exposés des motifs. Nous savions donc de quoi il s'agissait et de quoi nous parlions.

Nous avons déjà discuté de cette méthode en commission, monsieur Colla. Je me suis chaque fois fait éconduire. Si vous me le permettez, j'exprime pour une fois mon désaccord en séance plénière et, jusqu'à nouvel ordre, j'ai le droit de le faire.

M. Louis Michel, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères. - J'ai pris bonne note des réflexions fort justes et fort sensées de M. Monfils, mais il faut maintenant avancer. J'insiste dès lors pour que l'on ratifie le plus rapidement possible. Le système utilisé dans notre pays est extrêmement complexe et nous éprouvons des difficultés à tenir à jour notre tableau de ratifications par rapport aux autres pays européens. Nous sommes souvent parmi les derniers et j'insiste pour que l'on avance.

Mme Magdeleine Willame-Boonen (PSC). - Je suis d'accord avec vous, monsieur le ministre. Je ne tiens nullement à ne pas adopter tous ces traités et à ralentir le travail en commission, mais il faut réaliser que la Chambre et les assemblées régionales et communautaires font confiance au Sénat parce qu'elles vont discuter de ce type de projets. Si le Sénat en discute aussi peu, il y a tromperie par rapport à nos collègues des autres assemblées.

M. Philippe Monfils (PRL-FDF-MCC). - Qui critiquez-vous, madame ? Est-ce vos collègues ?

M. Louis Michel, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères. - J'ai cru comprendre que ce n'était pas moi.

Mme Magdeleine Willame-Boonen (PSC). - J'ai encore le droit d'avoir un avis, monsieur Monfils.

-La discussion générale est close.